Un congrès à Chicago (ASCO 2023)
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David Semiov enfonce le clou.
David Semiov est persuadé qu’il ne lui arrivera pas, comme s’il enquêtait sur les trafics d’armes ou sur la corruption à Malte, d’être renversé par une voiture, de tomber d’un balcon ou de prendre une balle dans la tête, mais il se méfie quand même. Ce n’est jamais arrivé à sa connaissance dans le domaine de la santé mais il suffit d’une première fois et il préfèrerait que cela ne commence pas par lui.
« … il est probable qu’environ cinq mille articles pourraient être rétractés dès aujourd’hui des grandes revues qui donnent envie à tout chercheur d’être publié. Ce qui devrait vraiment nous inquiéter, mais j’enfonce des portes ouvertes, c’est la facilité avec laquelle de nombreux prescripteurs de la planète, influencés par les commerciaux des industriels et des éditeurs, adoptent de nouvelles thérapeutiques sur la foi, si j’ose dire encore, d’études trompeuses, truquées, manipulées, et dont les critiques sont rarement publiées dans ces mêmes revues. Insistons sur le rôle des réseaux sociaux qui sont à la fois un relai pour les firmes vantant leurs produits, des études, je l’espère non flouées, l’ont démontré, mais aussi, parfois, le seul moyen pour les commentaires d’être vus et mieux vus que dans des revues protégées par des murs payants… Ce qui est encore plus inquiétant c’est le temps qu’il faut, parfois infini, pour qu’après rétractation d’un article, les prescripteurs cessent de prescrire des produits prétendument innovants… Ce qui incite les chercheurs et les industriels à continuer de publier… Enfin, mon inquiétude vient aussi d’un double processus concernant les essais cliniques. D’abord, les protocoles d’essais sont de plus en plus compliqués à mettre en œuvre, en raison de directives tatillonnes, parfois absurdes et souvent contradictoires, ce que les firmes ne cessent de dénoncer au nom de la simplification de l’accès à l’innovation, mais elles ne disent pas que cela les protège des petites start-ups qui n’ont pas les moyens de les appliquer. Ensuite, les critères d’efficacité des produits tels qu’imposés par les mêmes agences d’enregistrement, ne cessent d’être moins pertinents et exigeants, ce qui conduit à des approbations plus rapides, moins contrôlées et plus douteuses… » (la salle prend sa respiration)
« Puisque je suis devant un public d’oncologues, je pourrais multiplier les exemples où la baisse d’exigence des critères aboutit à des aberrations thérapeutiques et peu de profit pour les malades. (murmures). Voulez-vous, encore une fois que nous parlions des rapports non causaux entre la survie sans progression et l’espérance de vie globale ? Il me paraît nécessaire d’allier deux principes : la prévention quaternaire, c’est-à-dire renoncer à prescrire quand on n’est pas certain que cela sera bénéfique pour le patient et le conservatisme médical qui procède de la même logique, c’est-à-dire continuer de prescrire des thérapeutiques éprouvées tant qu’un nouveau traitement ne s’est pas montré supérieur… »
Une question dans la salle : « Merci pour cet exposé brillant. Pourriez-vous nous dire pourquoi votre activité est sponsorisée par la Fondation J and A Cheers ? »
(Pour reprendre depuis le début : c'est ICI)