lundi 14 août 2023

Un congrès à Chicago (ASCO ou American Society of Clinical Oncology) : Norbert Milstein pète les plombs. 54

 

Un congrès à Chicago (ASCO 2023)

54

Norbert Milstein pète les plombs.


Le scandale est total. La session animée par Perez est sur le point d’exploser. Ce qui ne fait plaisir ni à la firme commercialisant le guéritouzimab puisque la présentation ne sera jamais reprise ni aux intervenants suivants car il va être très difficile de retrouver le calme.

Milstein est dans une fureur noire. Contre toute attente il a saisi son Mac et vient de le fracasser par terre. Il pousse des cris, il hurle (et tous les smartphones de la salle sont en train de le filmer), on entend des « salope », « putain de saloperie de chienne », « elle me le paiera ». Mais pour l’instant c’est Milstein qui paye. Son invraisemblable réaction donne raison à sa femme : non seulement c’est un mari ignoble mais il parle comme un voyou.

Gers et Berson tentent de le raisonner mais il faudrait déjà le contenir, tenter de l’empêcher de donner des coups de pieds dans les sièges et d’essayer de les désosser. 

Et tout d’un coup, alors que les agents de sécurité se pressent dans les allées pour s’emparer de lui, il se calme, il s’assoit par terre et se met à pleurer, la tête enfouie dans ses mains. La communauté oncologique assiste à cet effondrement et, bien qu’aucun sondage scientifiquement validé n’ait été fait, il semble qu’une majorité des collègues français aient du mal à éprouver de l’empathie, de la solidarité ou de la compassion pour ce qui fut le terrorisant Milstein.

Il accepte de sortir de la salle accompagné par des gardes dont le physique rend compte de l’épidémie d’obésité aux Etats-Unis d’Amérique et du fait qu’il ne faut pas plaisanter avec des agents de sécurité, le coupable fût-il blanc de chez blanc et les agents afro-américains de chez Afro-américains. Gers, Berson et Marie DeFrance suivent le mouvement et le président US de la firme a déjà appelé un avocat.

Au fond de l’immense salle Cora Milstein et son fils Jonathan ont assisté aux événements, cachés discrètement derrière des lunettes noires et leurs programmes. Ils n’imaginaient pas, même en rêve, que cela prenne une telle tournure. Ils jubilent. Pas une once de regret. Il fallait qu’il paye. Fred Kubistki n’est pas loin : il leur fait un signe de tête et les accompagne vers la sortie juste après que le professeur a évacué la salle.

Il est minuit passé à Paris et les téléphones portables sonnent quand même. Tous les congressistes qui ont assisté à ce cirque annoncent la nouvelle à leurs familles et à leurs collègues et parfois amis. Les salles de rédaction sont prêtes à réagir. Les journalistes présents dans la salle n’ont pas d’hésitations déontologiques mais des réflexions sur les conséquences que cela pourrait avoir pour les premiers dénonciateurs. Faut-il assassiner l’oncologie française qui nous fait vivre ? Est-ce que l’opinion française ne va pas plus rire que s’indigner ? Après tout, c’est un bon oncologue, on se moque de sa vie privée… Quant au mari d’Ursula, il sera la première victime collatérale… 



(Pour reprendre Un Congrès à Chicago depuis le début : ICI)


 


dimanche 13 août 2023

Un congrès à Chicago (ASCO ou American Society of Clinical Oncology) : Norbert Milstein trompe sa femme en public. 53

 

Un congrès à Chicago (ASCO 2023)

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Norbert Milstein trompe sa femme en public.


Norbert Milstein monte à la tribune. Il est habillé comme un professeur européen qui veut ressembler à un professeur états-unien avec tout l’attirail du bon élève : le costume bleu nuit, la chemise avec de fines rayures bleu pâle, la pochette blanche, la cravate club, les mocassins marron sans pompons et le sourire carnassier de ceux qui aimeraient vous montrer la dernière ligne de leur compte en banque mais qui ne le font pas par sublime élégance. 

Il a étalé quelques notes sur le lutrin à côté du Mac mais il connaît la présentation par cœur, les blagues à faire et à ne pas faire, les clins d’œil à l’auditoire, profiter du fait qu’il est français et que les Français sont des séducteurs et de joyeux bons-vivants qu’on ne doit pas trop prendre au sérieux.

La présentation sur deux écrans va être parfaite, du PowerPoint amélioré, des couleurs connotées, un nombre de lignes normé, et la taille des caractères adaptée à la salle.

Premier écran (gauche): Efficacy and safety of guéritouzimab in *** cancer: The European multicenter TKP TrialAvec en arrière-plan la photographie de l’hôpital parisien. Premier écran (droite) : Milstein N et le nom des six autres auteurs. Plus bas : les Competing interests qui ont l’épaisseur d’une tranche de jambon coupée au microtome.

Deuxième écran gauche : Background et droit : Methods

Milstein assure. Il est bon. Même Brébant le trouve bon.

Troisième écran gauche : Trial design and oversight et droit : End points, adverse effects, pharmacokinetics.

Il faut qu’il accélère un peu pense Berson.

Quatrième écran gauche : Milstein allongé nu dans un lit face l'objectif avec à côté de lui une femme dans le même appareil qui pourrait bien être Ursula et droit : Milstein de profil en train de faire l’amour avec une femme qui pourrait bien être Ursula.

Les écrans sont nets. Il n’y a pas de doutes sur les personnes.

Et les écrans continuent de défiler à toute allure comme un diaporama et à chaque fois Milstein est identifiable et d’autant plus qu’un bandeau traverse les écrans « Milstein is a fucking husband ! » 

La salle a poussé des cris et des rires après une ou deux secondes de sidération et quand Milstein s’est retourné vers l’écran il s’est demandé s’il était bien réveillé et si le cauchemar qu’il vivait allait bientôt se terminer.

Brébant a la présence d’esprit de se ruer vers le lutrin et de débrancher l’ordinateur alors que douze écrans suggestifs sont déjà passés mais le mal est fait, tout le monde a vu. Comment un tel truc a-t-il pu se produire ? Qui avait des copies de la clé USB ? Il est toujours surprenant que l’on pense à des détails pareils alors que des faits aussi extravagants viennent de se produire. Perez, le modérateur philippin, pris de court lance un « What else ? » qui met la salle en furie. Les congressistes tapent même dans leurs mains en criant et en se trémoussant. 



(Si vous voulez reprendre Un congrès à Chicago depuis le début, c'est ICI


vendredi 11 août 2023

Un congrès à Chicago (ASCO ou American Society of Clinical Oncology) : Cora Milstein réapparaît. 52

 

Un congrès à Chicago (ASCO 2023)

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Cora Milstein réapparaît.


Elle ne se rappelle plus à quel moment elle s’est dit qu’elle n’en pouvait plus, que la comédie qu’elle jouait avec son mari ne pouvait plus durer, qu’il fallait qu’elle agisse. Elle avait pesé le pour et le contre et elle avait décidé, en accord avec son grand fils qui avait initié la révolte tant la conduite de son père le dégoutait, qu’il devenait difficile de continuer de séparer le grand professeur du mari et du père. La réputation sulfureuse de Norbert Milstein, le collectionneur, Cora Milstein la ressentait dans le regard de toutes les personnes qu’elle croisait, même chez ses meilleures amies. Non seulement elle en avait assez d’être considérée avec pitié comme une femme trompée mais, plus encore, qu’on lui reproche de l’accepter. Sa carrière universitaire s’était arrêtée brutalement, elle était sociologue, pour se consacrer au futur grand professeur puis à ses enfants, et elle avait tenté de se persuader, où avait-elle lu de pareilles bêtises ? (Cora Milstein ne disait jamais de gros mots comme « conneries », c’était sa bonne éducation), qu’il n’y avait rien de plus beau et excitant que de se charger de l’éducation de ses enfants, mais elle avait craqué. 

Hier soir, elle a contacté Ursula et l’a menacée, preuves à l’appui, de tout révéler au mari de la maîtresse de son mari et Ursula a pris peur. Après tout elle se moque de Norbert Milstein, elle n’en est surtout pas amoureuse, et elle ne se voit pas en train de finir sa vie avec lui entre congrès, viagra et portes dérobées. Le rôle de la femme fatale qu’elle a joué à Chicago l’a beaucoup amusée mais il est temps de revenir aux affaires courantes.

Cora Milstein a donc pris l’avion pour Chicago avec son fils pour suivre son mari et elle l’a suivi de loin pour ne pas se faire remarquer et de près pour obtenir des éléments qui pourraient faire réfléchir Ursula et déboulonner le grand professeur. Car elle se moque désormais de sa carrière, de sa réputation, de ses relations, de son entregent, de sa position de notable, non seulement à l’Assistance Publique de Paris mais aussi dans les différentes assemblées communautaires où il tient des positions fortes tant politiques que sociales.

Elle est, comme l’ont dit ses deux filles qui ne sont pas au courant du voyage parce qu’elles ont pris le parti de leur père pour des raisons que Cora Milstein a décidé d’oublier, en mode vengeance. Et elle s’est rendu compte qu’elle était capable de tout pour défendre sa vertu outragée.

Quant à Milstein, contrairement à toute attente, il n’est même pas perturbé par le fait qu’il s’est fâché hier soir avec Ursula, il est tout à sa présentation qui sera l’achèvement de sa gloire de professeur de médecine. Auréolé de ce succès chicagoan, il pourra continuer à souffler le chaud et le froid dans son hôpital et auprès de la communauté oncologique française et des sociétés savantes, sans oublier ses entrées dans les ministères, ses accointances avec les Directeurs généraux de la santé successifs ou les présidents de l’INCa… Une sorte d’aboutissement qui ne le prend même pas par surprise. 



(pour lire Un Congrès à Chicago depuis le début, c'est LA)



jeudi 10 août 2023

Un congrès à Chicago (ASCO ou American Society of Clinical Oncology) : Ursula disparaît. 51

 

Un congrès à Chicago (ASCO 2023)

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Ursula disparaît.


La fine fleur de l’oncologie française est prête pour la présentation de Milstein de 3:00 pm. Les sentiments sont partagés entre ceux qui aimeraient que la France de la cancérologie soit reconnue à sa juste valeur pour que tout le monde en profite, le fameux ruissellement, et il n’est pas inutile de préciser, tant les mauvaises langues sont nombreuses, qu’il existe des gens sincères, des collègues oncologues qui pensent que Milstein n’est pas le plus mauvais d’entre eux et qu’il vaudrait mieux que sa gloire rejaillisse sur tous. Il y a aussi les envieux qui se croient aussi capables que lui, il y en a peu qui sont de ce niveau, et des méchants qui aimeraient bien qu’il se casse la gueule, les plus nombreux, il y a des curieux, des traîne-patins de l’oncologie, des revanchards ou des ennemis déclarés… L’humanité en quelque sorte. Mais l’enjeu de cette présentation est aussi industriel, boursier et, scientifique (la survie des malades atteints d’une affection très tueuse) et, accessoirement, c’est pourquoi il n’y a pas que des Français qui attendent cette présentation dont l’abstract a déjà résumé les points forts et les centres d’intérêt, il y a la division US de la firme, les experts de la FDA et d’ailleurs, les commentateurs et leurs blogs ou podcasts assassins, mais surtout les journalistes qui vont pouvoir faire de la copie sur une molécule, on cite, « innovante », « pleine d’espoir », « changeuse de jeu » ou, comme le proposent les Canadiens, « bouleversante », « introduisant un nouveau paradigme », « révolutionnaire »… Les journalistes français embarqués ont tous prévu, il sera une heure du matin en France le jour d’après, des commentaires dithyrambiques pour les éditions en ligne de leurs journaux respectifs et pour l’édition papier, pour Télé Matin ou pour Le journal de la santé, sans oublier Doctissimoentre deux pubs pour les ceintures chauffantes.

Le professeur Norbert Milstein est, malgré le trac, dans son élément. Il est bien entouré : Gers le rassure, mais ce n’est pas pour cela qu’il sera son poulain pour les prochaines nominations, Berson est aux petits soins, Marie DeFrance fait la mouche du coche, le marketing prend des photos, et tout le menu fretin s’agite autour du professeur de cancérologie qui est assis tranquillement au premier rang tout à droite de la salle où se déroule la session. Il n’arrive pas à écouter les intervenants, il se concentre, il tente de se concentrer et tout le monde remarque quand même que l’égérie du patron n’est pas là. Ursula est ailleurs. Le modérateur de séance est un Philippin qui parle un anglais de compétition avec un vague accent mélange d’espagnol et de tagalog. Il a l’air gentil comme tout et la consultation en ligne, mais qui ferait cela à cet instant sinon de méchants gauchistes, de ses competing interests indique qu’il n’est pas possible qu’il se rappelle qui le nourrit tant le nombre de firmes qui lui ont versé de l’argent depuis cinq ans est important. 

Qui donc pourrait penser qu’Ursula est déjà dans un avion qui vole vers Paris ?



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mercredi 9 août 2023

Un congrès à Chicago (ASCO ou American Society of Clinical Oncology) : James McFarlane fait l'ange. 50

 

Un congrès à Chicago (ASCO 2023)

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James McFarlane fait l'ange.


Les intellectuels du musée et Cora Milstein ont raté en cette fin de matinée une performance exceptionnelle de Jamie McFarlane, un oncologue de UCLA qui fait partie avec David Semiov, le pourfendeur des essais cliniques truqués, et Brent Marshall, le combattant inlassable et déstructurant de la dépistologie, des ennemis attitrés des oncologues mainstream de l’ASCO. Le problème vient de ce que McFarlane raconte toujours la même chose et que son discours se perd dans le vide sidéral d’un système qui tourne autour de lui-même. McFarlane accumule les preuves qui finissent par lasser ses partisans et renforcer l’idée chez ses adversaires qu’il est un illuminé. 

McFarlane a malheureusement beaucoup de qualités qui le rendent insupportable : il est beau gosse, il parle avec aisance, ses exposés sont d’une limpidité décoiffante, ses écrans sont lumineux, son sens de la repartie est légendaire, ses essais cliniques sont presque parfaits et ses commentaires d’essais cliniques sont toujours appropriés. Que faut-il de plus pour mettre mal à l’aise un public averti ? Un public averti qui ne supporte pas que la devise de notre héros soit « Follow the money and you should find the science ».

Quoi qu’il en soit McFarlane est têtu comme une mule, il répète toujours les mêmes phrases : « Quand un anticancéreux améliore l’espérance de vie totale de trois mois par rapport à un placebo ou à un traitement de référence, si vous n’avez pas fait en même temps une étude de qualité de vie montrant que le patient va mieux pendant ces putains de trois mois avec le nouveau traitement, ne l’administrez pas et attendez de voir. » McFarlane insiste : « Bien entendu, dans un monde parfait la FDA et aucune agence dans le monde n’auraient dû donner son accord pour la commercialisation d’une telle molécule. » Il prend sa respiration : « Mais quand vous voyez le prix de vente des molécules qui font vivre une patiente trois mois de plus sans améliorer sa qualité de vie, vous comprenez pourquoi la FDA a donné son autorisation et pourquoi des médecins, les fameux Key Opinion Leaders, vantent leurs effets et pourquoi nos collègues cancérologues dans leurs hôpitaux douillets, dans leurs cliniques luxueuses et dans leurs cabinets étincelants, les prescrivent. » 

La salle est parcourue de mouvements divers. McFarlane, avec sa gueule d’ange et ses statistiques ravageuses, est en train de traiter la foule des congressistes présents de corrompus. Sur l’écran de droite : la liste des molécules qui n’auraient pas dû être commercialisées avec le nom des firmes. Sur l’écran de gauche : la liste des études avec le nom des cancérologues qui en sont les responsables.

Certains quittent la salle bruyamment mais d’autres attendent les questions pour profiter du spectacle, quand les ténors de la spécialité, les tsars de l’oncologie, les faiseurs d’opinion vont monter au créneau pour détruire définitivement McFarlane.

La crainte de l’effet Streisand fait que seules des petites mains se manifestent. McFarlane a encore perdu : ses adversaires abandonnent avant d’avoir combattu.



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mardi 8 août 2023

Un congrès à Chicago (ASCO ou American Society of Clinical Oncology) : Art Institute of Chicago et une (grosse) surprise. 49

 

Un congrès à Chicago (ASCO 2023)

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Art Institute de Chicago et une (grosse) surprise.


Visiter ce musée en une heure et demie est sans doute l’expérience la plus douloureuse qui puisse arriver à des visiteurs qui ont un certain penchant pour l’art et qui souhaiteraient que les autres s’en rendent compte pour ajouter à leur réputation. Ils n’ont pas beaucoup plus de temps. Particulièrement Pierre Gers qui ne voudrait pas rendre Milstein fou d’inquiétude et de rage (il manie les émotions avec aisance) en arrivant au dernier moment avant sa présentation.

« Les stratégies de visites de musées sont sans doute un résumé métaphorique de l’état de la culture touristique mondialisée. » Voilà la phrase que vient de prononcer Hélène Benzolft dans le taxi qui les emmène à L’Art Institute.

« Hu hu hu. » répond Brébant qui, depuis le temps qu’il fréquente l’ASCO ne manque jamais d’aller y faire un tour pour assouvir un plaisir réel et pour se montrer à la hauteur de ses prétentions intellectuelles dans un milieu qui lui paraît, à tort parce qu’il l’a peu exploré, totalement dépourvu d’intelligence et de culture. Florence Maraval surajoute : « On a du mal à comprendre comment quelqu’un qui ne sait pas lire un protocole dans la spécialité qu’il pratique tous les jours pourrait comprendre le conflit entre Bonnard et Picasso… »

Il y a tellement d’œuvres, tellement de sections, tellement de salles que l’on pourrait rester trois jours entiers dans cette immense bâtisse sans épuiser le sujet. Hélène Benzolft a préparé une petite liste de quinze œuvres qu’elle n’a pas encore sortie de sa poche.

« On procède comment ? » Ils décident de partir en groupe, de ne pas se lâcher, il faut qu’ils prennent un taxi à midi et demi maximum… Si on se perd, on se retrouve à la sortie. La psychiatre avait plus que préparé son affaire et elle leur demande, sa petite liste dans la main, de lui faire confiance. Et ainsi, en cette belle matinée chicagoane, ils se baladent et voient, presque dans l’ordre, Night Hawks d’Edward Hopper, le fameux American Gothic de Grant Wood, quelques toiles classiques de Caillebotte, Monet, Degas, Cézanne, Braque ou Van Gogh (« On n’est quand mêmes pas là pour voir des Français… ») puis Pollock, de Kooning, Rothko (Brébant, pour une fois cela énerve Gers, ne peut s’empêcher de parler de la chapelle Rothko à Houston), Jeff Wall, Warhol, Lichtenstein et d’autres.

« Il serait temps de nous arrêter, nous avons trop vu de belles choses. » Ils conviennent aux paroles de Benzolft et elle ajoute : « Notre ami Brébant devrait faire un compte-rendu de cette visite dans Allo ASCO, il ferait certainement un tabac. Tout le monde rit quand, tout d’un coup, Pierre Gers pousse un cri. On se retourne sur lui. « Non, rien, je crois que je viens d’avoir une hallucination. » Qu’est-ce qui pourrait bien se passer ? « Il faut me croire : je viens d’apercevoir Cora Milstein… - Cora Milstein ? Qu’est-ce que c’est que cette connerie ? » Florence Maraval regarde Gers dont le visage est décomposé : est-il possible qu’il fasse un malaise ? 



(Pour reprendre Un congrès à Chicago depuis le début, c'est LA)

 


lundi 7 août 2023

Un congrès à Chicago (ASCO ou American Society of Clinical Oncology) : Posters, Milstein, FDA, Benzolft, Art Institute. 48

 

Un congrès à Chicago (ASCO 2023)

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Posters, Milstein, FDA, Benzolft, Art Institute.


Après que chacun a rangé son matériel et ravalé sa morgue pour le peu de succès qu’autant d’efforts ont suscité, mais il restera une affiche, des photos et une légende de plus dans « Titres et travaux », chacun s’en retourne au quotidien du congrès qui déroule son ennui avec compétence. 

Gers et Brébant ont décidé de s’éclipser et de prendre le large avant la fameuse présentation de Milstein cet après-midi. Ils ont réservé des places pour 11 heures au musée et l’affiche qu’ils ont placée sur le stand du laboratoire pour informer d’éventuels suiveurs n’a rencontré que peu de succès.

Gers a eu droit à un nouvel appel de Milstein qui, tout patron de droit divin qu’il soit, pète de trouille à l’idée que sa présentation pourrait ne pas se passer comme il faut, c’est-à-dire pour entretenir sa propre gloire et non celle de la molécule qui doit sauver le monde. Il a donc convoqué une dernière fois son collaborateur, on ne dit pas esclave à l’AP-HP, pour une ultime répétition et ils refont le binz dans sa suite pour la énième fois pendant qu’Ursula fait beaucoup de bruit dans la baignoire et ne daigne pas se montrer.

Brébant est appelé par sa femme au milieu d’une réunion. Elle se plaint qu’il ne l’appelle pas assez souvent et elle lui parle, elle n’est pas médecin, de la rhinopharyngite de l’aînée pour laquelle un rendez-vous chez le pédiatre est prévue cet après-midi. Ladite réunion à laquelle Brébant participe avec des membres du staff franco-états-unien lui fait regretter d’être un humain tant la bêtise des uns se dispute à l’arrogance des autres mais il se persuade que ce n’est quand même pas pire que de pousser des wagonnets dans une mine de fer ouïghoure… La comparaison est nulle mais il est clair que tout le monde sait dans cette pièce que la FDA va se mettre en quatre pour permettre à la molécule Frick-Gers, il simplifie, d’obtenir une Emergency Use Authorization parce que la branche US a mis un paquet de dollars dans la poche des futurs votants…

Hélène Benzolft s’est jointe à leur escapade intellectuelle, une psychiatre membre de l’ASCO dont la double spécialité est de parler de la mort des malades aux oncologues et de leur propre mort aux malades traités par les oncologues. Dans les deux cas elle se heurte à un mur car les malades n’ont pas envie de mourir et les oncologues n’ont pas envie qu’on dise qu’il arrive que leurs malades meurent. Benzolft a énormément de succès : ses conférences abordent avec beaucoup de tact et d’humour des sujets qui ne font plaisir à personne et les thérapies de groupe qu’elle anime avec les patients dans le cadre strict de l’hôpital public sont réputées. Il lui arrive également, dans son cabinet du seizième arrondissement de Paris, immeuble haussmannien typique, parquet d’époque et boiseries dans le même métal, de recevoir des oncologues en thérapie avec une discrétion légendaire qui va jusqu’à ne pas prévenir les femmes des consultants et encore moins le Conseil de l’Ordre qu’elle couche souvent avec eux. Mais cela mérite un chapitre de plus.



(Pour lire depuis le début Un Congrès à Chicago : LA)