jeudi 15 mars 2012

Haro sur Servier : l'arbre qui cache la forêt.


En ces périodes de suspicion généralisée, de nécessité de transparence comme outil unique de réflexion, de plus pur que moi y a pas et d'éthique de la dénonciation, tirer sur Servier est un exercice facile, un défouloir hardi, une façon élégante de se mettre en avant, une manière d'être à la mode sans trop se mouiller. Ce que l'on appelait jadis se comporter comme un résistant de la dernière heure.

Ma pente naturelle est de me méfier des accusations toutes faites, des certitudes uniques, des condamnations unanimes, de l'effet de meute.
Il ne s'agit pourtant pas d'un plaidoyer pour défendre Servier, le laboratoire Servier, Monsieur Jacques Servier, je ne le connais pas personnellement, il s'agit de démêler ce qui revient à Servier, les pratiques frauduleuses, la concussion, la corruption, la malhonnêteté, que sais-je encore ?, et ce qui revient à un système qui existe depuis de fort nombreuses années, qui continue d'exister et qui, au delà de ses caractéristiques internationales qui seraient le capitalisme mondialisé, s'est développé en France avec l'assentiment de tous et sans que personne, jamais, n'ait eu le courage ou l'envie de collecter des faits et de les étaler au grand jour. Ce que je ne vais pas faire ce jour.

On dira qu'il y a eu des lanceurs d'alerte, des gens qui ont, depuis longtemps, averti, informé, et qu'il a fallu un scandale de trop, le livre d'Irène Frachon dont le titre avait été censuré par Servier, pour que tout éclate. Mais les lanceurs d'alerte précédents, La Revue Prescrire et certains de ses collaborateurs, ont certes dénoncé, mais sotto voce et ils n'ont rien fait pour perdre leurs postes.
Il est aussi amusant de constater que les accusateurs français, si prompts à dénoncer Servier, sont d'une extrême candeur quand il s'agit de dénoncer les scandales mondiaux de la pharmacie, alias Big Pharma, tout en affirmant qu'ailleurs tout est mieux... Et de citer le Sunshine Act comme outil indépassable pour la lutte contre la corruption alors que c'est aux Etats-Unis d'Amérique que les plus gros scandales sont apparus.
Balivernes.
Donc, partout, dans la presse, sur Facebook, sur Twitter, sur des blogs, sur des sites, les purs de la dernière heure, se déchaînent contre l'entreprise Servier (et j'aurai la délicatesse, contrairement à mon habitude, de ne pas citer tout ce que j'ai lu... tellement désastreux). Et, tels des inquisiteurs, ces purs se déchaînent sur tout ce qui bouge, les "faux" journalistes payés par Servier, les vrais salariés téléguidés ou pas qui expriment leur désarroi, les professeurs de médecine à la retraite qui n'ont pas l'heur de croire à la qualité des bases de données de la CNAMTS, et cetera, et cetera.

Je vais donc dire pourquoi Servier n'est qu'un symptôme et pas une maladie.
Qui pourra d'abord nous faire croire que tous les salariés de l'entreprise Servier, filiales comprises, sont des pourris, des malhonnêtes, des corrupteurs, des tricheurs, des modificateurs de chiffres, des broyeurs de documents ? A moins bien sûr qu'il ne faille considérer que Servier est une secte entrepreneuriale et qu'il est si difficile d'y entrer qu'il est impossible d'en sortir. Mais c'est faux.
Qui pourra nous faire croire que les salariés de Servier, aux différents échelons, sont différents de ceux de Sanofi ou de Pierre Fabre, qu'ils n'ont pas le même cerveau, pas les mêmes membres, pas les mêmes corps, pas les mêmes tripes ?
Qui pourra nous faire croire que seul Jacques Servier recevait chez lui les ministres de la Santé ou de l'industrie, recevait chez lui les présidents de commissions d'AMM, les directeurs de comités économiques, les responsables de la pharmacovigilance tout comme les directeurs généraux de la santé ou les députés des circonscriptions où étaient implantées leurs usines et leurs bureaux ?
Qui pourra nous faire croire que seul Servier donnait de l'argent aux partis politiques ?
Qui pourra nous faire croire que les autres directeurs de groupes pharmaceutiques, qu'ils soient français ou étrangers, n'entretenaient pas des relations d'affaire avec le lobby administrativo-politique qui décide et des politiques de santé et des prix des médicaments et de leurs niveaux de remboursement ? 
Qui pourra nous faire croire qu'il n'y a que Servier qui envoie des patrons dans les congrès, qui leur paie leurs frais d'inscription, leurs chambres d'hôtel, leurs repas et leurs sorties ? Qu'il n'y a que Servier qui permette à des patrons de signer des articles qu'ils n'ont pas écrits, de signer des articles dont ils n'ont vu aucune donnée de base, des articles dont ils ne connaissent pas les protocoles, les façons de randomiser ou les tests statistiques qui ont été appliqués ?
Qui pourra nous faire croire que les fameux leaders d'opinion, les Key Opinion Leaders, ne sont entretenus que par Servier, ne sont formés que par Servier, ne sont payés que par Servier ?
Qui pourra nous faire croire que seul Servier implante des études bidons, des études qui ne seront jamais publiées, des études qui ne seront jamais analysées, dans des services stratégiques en permettant l'acquisition de nouveaux matériels ou l'octroi de primes à des médecins méritants et si mal payés ?
Qui pourra nous faire croire que seul Servier corrompt des revues pour qu'elles publient des articles de merdre en faisant de la publicité et en achetant des tirés-à-part et des abonnements ?
Qui pourra nous faire croire que seul Servier finance les associations de patients ?
Qui pourra nous faire croire que seul Servier entretient une écurie de jeunes internes, chefs de clinique, PU-PH, afin d'en faire des experts des domaines dans lesquels les produits Servier auront besoin d'un coup de main et dans lesquels ins deviendront des experts, locaux, loco-régionaus, nationaux, voire internationaux ?
Qui pourra nous faire croire que seuls les visiteurs médicaux de Servier mentent sur les résultats des études, présentent des résultats enjolivés, cachent les effets indésirables des médicaments, invitent au restaurant ou à des week-ends et ont des moyens détournés de faire des cadeaux ?
Qui pourra nous faire croire que Servier oeuvre dans un monde pur où les fonctionnaires sont intègres, ne sont soumis à aucune pression, où les hommes politiques ne pensent qu'au bien public et non à leur réélection ?
Qui pourra nous faire croire que la politique des prix des médicaments à l'hôpital n'est pervertie que par Servier et que les autres laboratoires ne vendent pas à perte pour implanter leurs produits dans des hôpitaux prestigieux grâce à la pharmacie centrale qui ne voit que le prix du comprimé ?
Qui pourra nous faire croire que seul Servier utilise certains médecins qui font le va et vient entre l'industrie et l'administration, un jour directeur médical, un autre jour sous-directeur à l'AFSSAPS, un jour représentant de l'AFSSAPS à l'agence européenne ?

Personne ne peut croire à de pareilles sornettes.
Je comprends donc que les salariés de Servier expriment, parfois maladroitement, leur désarroi devant ce qui peut paraître être une chasse aux sorcières.

Car les résistants de la dernière heure n'y vont pas avec le dos de la cuillère.
Les mêmes qui ne se manifestaient pas, les mêmes qui protestaient mollement, les mêmes qui participaient sans broncher aux agapes officielles, les mêmes qui n'ont jamais payé un ticket de vestiaire dans un déplacement à l'étranger, les mêmes qui étaient des chefs de service adulés et payés, les mêmes qui dirigeaient des commissions, les mêmes qui siégeaient dans les instances, de la Direction Générale de la santé à la Commission Nationale de Pharmacovigilance, eh bien, ils ruent dans les brancards contre Servier mais ils se limitent à Servier. Servier est le bouc-émissaire à la mode.
Et si des fonctionnaires ont été virés de l'AFSSAPS, et ont d'ailleurs été reclassés immédiatement, ne croyez pas que c'était pour des raisons punitives, non, c'était pour les éloigner, c'était pour les faire taire, c'était pour que la mémoire de l'institution à laquelle ils appartenaient se dissolve, qu'on efface les preuves, qu'on broie les preuves au sens propre et au sens figuré. Et on a même payé des hauts fonctionnaires pour qu'ils se taisent, on a même nommé à des postes prestigieux des lanceurs d'alerte qui avaient lancé mais qui se sont tus juste après pour obtenir des honneurs.
Ne croyez pas qu'il n'y a que chez Servier que les broyeuses ont fonctionné, elles ont aussi fonctionné à l'AFSSAPS pour détruire des dossiers compromettants, à la DGS pour détruire des dossiers et des contrats louches, dans les Centres régionaux de Pharmaco Vigilance où l'imputation des dossiers est faite à la lumière de ce qu'il faut croire ou ne pas croire... notamment quand il s'agit de vaccins...
Et j'entends aussi qu'il faut protéger les lanceurs d'alerte.
Mais qu'est-ce que risque un lanceur d'alerte ? A part le docteur Alain Braillon qui a perdu son poste pour de nombreuses raisons qu'il a longuement expliquées sur son blog, les autres, que craignent-ils ?
La peur du lanceur d'alerte au moment du penalty est une vaste rigolade. Les grands lanceurs d'alerte devant l'Eternel (les milliers de morts de la grippe), ils sont toujours en poste et écrivent toujours des posts qui font autorité, président toujours des instances officielles, font toujours des tournées avec les laboratoires, mentent toujours sur leurs DPI..., recueillent toujours des déclarations d'effets indésirables... Des lanceurs d'alerte membres à vie de leurs commissions, qu'est-ce qu'ils risquent au juste ?
Et qu'est-ce qu'un vrai lanceur d'alerte qui, malgré le poids de ses dizaines de milliers d'abonnés, n'arrive pas à se faire entendre ?
Mais il est vrai que l'on a peu entendu de cadres dirigeants de Servier dénoncer et balancer. Mais dans les autres laboratoires, est-ce si différent ? A-t-on jamais vu des directeurs de recherche dire que les analyses statistiques sont parfois faites au cas par cas pour atteindre la fameuse, et ouvreuse de droits éternels, significativité ? A-t-on jamais entendu des moniteurs d'essai dire que le double-aveugle avait été levé avant la fin de l'essai ? Mais ces gens là, contrairement aux fonctionnaires des Agences, risquent effectivement leurs places et leurs salaires. Il faudrait les aider.
Enfin, qui pourra nous faire croire que les prescripteurs de base n'ont pas une part de responsabilité ? Qui pourra nous faire croire que les corrompus sont à plaindre et que les corrupteurs sont à condamner ? Qui pourra nous faire croire qu'aucun médecin au courant des risques du Mediator ne l'a pas prescrit, et a fortiori hors AMM ? Qui pourra nous faire croire qu'aucun abonné de Prescrire n'a jamais prescrit de Mediator ?  Les pauvres obèsologues, les pauvres diabètologues, les pauvres diététologues, les pauvres mésosologues ou aiguillogues ou homéoologues à orientation gros poids, les pauvres généralistes, soit reproducteurs d'ordonnances des précédents, soit initiateurs d'ordonnances pour faire comme des grands, comme ils sont à plaindre d'avoir été abusés par Servier... Abusés, mais pas plus que les grands chefs qui ont touché de l'argent. Pas plus mais pas moins...

Servier va être découpé en appartement dès la mort de son fondateur.
Qui va en profiter ?
Les dossiers d'AMM sont toujours aussi indigents et, surtout, sont peu lus avec un esprit critique.
Contrairement à ce qui est affirmé ici ou là, dans la majorité des cas, les effets indésirables graves constatés post commercialisation sont déjà, en filigrane, dans le dossier d'AMM. Et pas seulement pour Mediator. Pour les glitazones, pour les vaccins anti grippe, pour les coxibs... Ce n'est donc pas seulement Servier ou Pasteur ou Pfizer qui ont menti sur leurs données, ce sont aussi les évaluateurs qui n'ont pas vu ou à qui on a dit de ne pas voir...
Mais les industriels, je dirais même plus, les financiers, dans le cas bien improbable où des soupçons sont possibles, font de vagues promesses à des Agences qui savent que les décisions sont politiques et les produits sont commercialisés jusqu'à ce que le fameux point d'équilibre (balance zéro investissements / profits) soit atteint. Les études post-marketing, Prescription Event Monitoring ou autres, sont mises en place avec lenteur, sont suivies avec lenteur, les dead-lines sont constamment repoussées jusqu'à ce que les bénéfices deviennent palpables...
Et c'est là que les influences sont importantes pour ne pas imposer d'études complémentaires ou pour accepter qu'elles ne soient jamais rendues..
Voici les arguments : la balance des paiements, l'emploi, l'économie. Cela fait du chiffre.

Nous ne ferons pas l'économie, en ciblant seulement Servier, d'une réforme des procédures et des hommes qui ne devront pas seulement être transparents mais compétents. N'oublions pas que la transparence ne rend pas intelligent et que la compétence ne s'acquiert pas forcément à l'intérieur des agences gouvernementales comme on le croit trop souvent mais à force de travail, d'abnégation et de publications.

La maison Servier n'est certainement pas un exemple mais se contenter d'en faire la responsable de toutes nos insuffisances, de toutes nos lâchetés, de toutes nos incompétences et de mettre au pilori tous ses salariés, permet de faire l'économie d'une réforme qui commence dès la première année de médecine.

A suivre.

9 commentaires:

Anonyme a dit…

"Personne ne peut croire à de pareilles sornettes". Certes non, mais personne n'a dit ni écrit cela. Et la nouvelle loi médicament ne s'applique pas, que je sache, à Servier seulement mais à tous les labos. Bref, je ne comprends pas où vous voulez en venir. Et il ne faudrait pas que ce refrain "tous les mêmes" aboutisse à exonérer Servier de ses responsabilités dans l'affaire Mediator, pour lesquelles il est difficile d'incriminer les autres labos. Donc il faut s'occuper, sans haine ni crainte, d'une part du cas Servier dans l'affaire Mediator, d'autre part et à cette occasion venir à bout de tous les travers des relations labos-praticiens et labos-institutions. Que les responsabilités de tous soient examinées sans faiblesse et sans haine : labos (tous, big, medium ou small), institutions publiques (toutes, pas seulement l'Afssaps), mais aussi les prescripteurs, si vous le permettez) soient étudiées. Et qu'on en améliore à cette occasion la qualité des médicaments disponibles, en sachant refuser l'arrivée de produits potentiellement néfastes, en sachant réévaluer rapidement et se débarasser vite de produits dont le rapport bénéfice/risque s'avérerait moins bon que prévu, etc... Et que d'une façon générale prescripteurs et malades sachent que la prescription médicamenteuse n'est jamais anodine et doit être limitée au strict nécessaire.

JC GRANGE a dit…

@ Anonyme. Pour le coup, je ne sais pas où vous voulez en venir... Vous n'avez pas dû me lire... Il y a une nouvelle loi médicament ? Première nouvelle !Je n'ai pas parlé des prescripteurs ? Vous galégez ! Si, je n'ai pas parlé des consommateurs qui veulent maigrir tout en mangeant. Retirer les médicaments anciens ? Là, c'est une ruse de Big Pharma, ne vous y trompez pas, c'est pour remplacer des médicaments éprouvés, pas chers, avec des effets indésirables, certes, par des médicaments nouveaux, peu étudiés et hors de prix.
Je n'ai pas dit tous les mêmes, J'ai dit Servier comme les autres... Et qu'on n'oublie pas les responsabilités non Servier dans cette affaire...
Bonne journée.

BG a dit…

Il y a longtemps que la forêt a commencé à pousser et en faisant de gros arbres, si énormes qu'on pourrait se demander comment on a pu ne pas les voir puis les oublier. Les vaccins et les générations changent mais les comportements de l'expertise ne changent pas, aujourd'hui comme il y a 150 ans. Des exemples :
1- Le BCG fut reconnu dès 1925 comme incapable d'apporter une contribution efficace à la lutte contre la tuberculose après les expérimentations menées par Lignière et Moussu, 2 vétérinaires de l'Académie de Médecine. Mais l'échec du BCG dans la lutte contre la tuberculose sera utilisé pour justifier son maintien en raison de la persistance de la maladie... Pourtant, des experts ont reconnu et écrit que le BCG inhibe la lutte contre la maladie par la fausse sécurité qu'il inspire et les moyens qu'il détourne (BEH n° 10-11 du 18 mars 2003 sur la tuberculose ; http://www.invs.sante.fr/beh/2003/10_11/beh_10_11_2003.pdf) .
2- Pour la variole, la vaccination inopportune des vrais contacts de l'an 1800 jusqu'à l'éradication en 1977, en exacerbant les épidémies de variole, a ''justifié'' ainsi la généralisation de la vaccination et son obligation. Ainsi, ce fut sans doute une utilisation inadéquate et très dangereuse de la vaccination qui a favorisé son développement puis son extension à d'autres maladies avec des mœurs vaccinaux hérités d'une vaccination anti-variolique complètement folle. Bien sûr, vous ne trouverez pas cette explication en lisant PubMed !!! Non, il faut faire l'étude soi-même en rassemblant les éléments. Par contre vous pourrez trouver le fil conducteur et les liens nécessaires sur mon blog ainsi que sur les expérimentations animales qui commencent à confirmer cette propriété (déclencher la variole chez les vrais contacts )

3- Il y aurait aussi Pasteur, la rage et la falsification du médecin légiste Brouardel à propos de 2 lapins inoculés pour tester si un enfant traité par Pasteur était mort de la rage. Depuis sa narration par Philippe Decourt dans ''Les vérités indésirables'' l'histoire commence à être connue. Pour se justifier, Brouardel soutiendra que sans son ''mensonge'' la science aurait reculé de 50 ans.

Avec le renouvellement des générations et les vaccins qui se succèdent, si on oublie l'histoire on lui permet de bégayer. Les nouvelles affaires vaccinales ne sont que le renouvellement des premières à travers d'autres vaccins mais les comportements sont exactement les mêmes. Ces nouvelles affaires ont été rendues possibles parce qu'on n'a pas été capable de régler correctement les précédentes. Dans l'affaire de la vaccination hépatite B le ministre n'a fait que jeter des graines. Si elles ont germé c'est parce que la terre avait été labourée auparavant par les vaccinations précédentes et surtout par des slogans constamment martelés.

Anonyme a dit…

Merci BG pour cette relecture très orientée de l'histoire vaccinale. Quand vous viendrez dans ma réanimation pour votre tétanos, je vous promets, afin de ne pas vous exposer aux risques liés aux médicaments de ne pas vous sédater ou vous curariser en particulier lors de l'intubation. Comme cela, nous ne prendrons aucun risque avec des médicaments potentiellement dangereux et générateurs d'effets indésirables.

Je suis sûr que vous garderez un grand souvenir de votre passage chez nous...

CMT a dit…

Il serait vraiment très naïf de croire que l’affaire Mediator est l’ébauche d’un assainissement de la politique sanitaire.
Si le souci des autorités était de veiller à la santé des citoyens et d’indemniser ceux qui ont subi des dommages du fait des tromperies caractérisées de la part de multinationales pharmaceutiques il eut été logique de commencer par se préoccuper des victimes du Vioxx.
La FDA, quoique un peu contrainte par les révélations d’un de ses cadres, le Dr Graham, et la justice américaine avaient pourtant mâché le travail, en enquêtant sur les mensonges du laboratoire fabriquant, Merck. Les mensonges de ce laboratoire qui ont conduit à la mort de dizaines de milliers d’américains (40 000 selon les estimations récentes) et qu’il a reconnu devant la justice américaine, où le laboraotire a accepté de payer 950 millions de dollars en plaidant coupable. http://online.wsj.com/article/SB10001424052970204531404577054472253737682.html
Des estimations raisonnables, tenant compte du nombre de prescriptions, des doses, et de leur durée évaluent, en regard des études menées aux USA à partir des relevés des assurances, qu’en France, en quelques années, le Vioxx aurait été responsable de plusieurs milliers de morts.
Mais rien. Pas d’empressement des caisses pour établir les chiffres et faire des rapprochements. L’AFSSAPS n’a rien vu, rien entendu.
Comme le nuage de Tchernobyl le Vioxx a épargné la France et les français. Les Français doivent être bénis des dieux.
Et pour récompenser son excellente conduite (le laboratoire a dit qu’i’l ne le ferait plus, alors on ne va pas s’acharner), en 2006, Xavier Bertrand donne carte blanche au vaccin Gardasil du même laboratoire en autorisant une procédure accélérée de mise sur le marché français.
Ou alors, n’est-ce pas plutôt que les conditions n’étaient pas réunies pour que le scandale éclate ? Qu’il n’y avait pas assez d’intérêts dominants en jeu ?
Le fait est que les élites évoluant dans les hautes sphères politico-fiancières sont patientes mais qu’il ne faut pas abuser. Un patron à l’ancienne qui se permet de ne pas jouer le jeu de cette nomenclature qui évolue avec aisance et passe des hautes fonctions politiques aux hautes fonctions dans les conseils d’administration des multinationales, où un éminent dignitaire du parti communiste chinois (Liu Hon Ru) peut côtoyer un ancien président de la Bundesbank (Karl Otto Pöhl) et un ancien président des Etats Unis (G Bush) dans le même groupe financier stratégique (le groupe Carlyle). Et où un ancien vice-président Europe d’une grande banque américaine très impliquée dans une crise mondiale, Goldman Sachs, peut, sans coup férir, devenir directeur de la Banque Centrale Européenne. http://www.lemonde.fr/europe/article/2011/11/14/goldman-sachs-le-trait-d-union-entre-mario-draghi-mario-monti-et-lucas-papademos_1603675_3214.html
On comprend que ces gens ont du pouvoir, qu’ils sont membre du même club que des Bernard Arnaud et autres Bolloré et qu’il ne faut pas trop les énerver.
Or, Jacques Servier, patron, à l’ancienne, patron unique d’une société pharmaceutique ni plus ni moins vertueuse que d’autres a fini par les agacer à refuser de lâcher le pouvoir et de jouer le jeu en acceptant de coter sa société en Bourse pour qu’elle puisse prendre part à la grande curée financière et spéculative. http://www.lepoint.fr/economie/la-cour-du-roi-servier-20-01-2011-1286509_28.php .
Cela me paraît une explication plus plausible qu’une brusque ferveur morale qui aurait saisi les autorités sanitaires.
Voilà sans doute pourquoi le nuage Mediator s’est arrêté, lui, sur la France, contrairement à tant d’autres.

BG a dit…

Pour vous, médecin hospitalier anonyme, je vais préciser un peu en étant le plus court possible et puisque votre réaction quelque peu décalée m'en donne l'opportunité sinon le devoir.
J'avais simplement rappelé 3 mythes vaccinaux particulièrement forts et actifs, ce qui n'a pas grand chose à voir avec le tétanos et son traitement. D'ailleurs les effets secondaires des vaccins m'intéressent assez peu. Ce qui me passionne davantage ce sont les effets primaires, c'est à dire l'action épidémiologique de la vaccination sur la maladie visée.
Pour le BCG je faisais donc allusion à son absence d'action sur la propagation de la tuberculose, ce qui est aujourd'hui parfaitement reconnu y compris par le CSHPF dans son avis du 25 septembre 2005. L'action du BCG est pratiquement limitée aux enfants et pour réduire la fréquence de certaines complications de la tuberculose (méningite tuberculeuse et miliaire) et non la maladie elle-même, un peu comme l'antibiotique qui limite les complications de la grippe mais pas la grippe.

Mais dans notre pays le BCG est un monument historique à préserver... J'ai pu m'en rendre compte en assistant pendant 2 jours pleins à l'audition publique qui a précédé la suspension de son obligation pour les enfants. Les faits et même l'intérêt de la santé publique et individuelle sont alors de peu de poids. Les USA qui n'ont jamais utilisé le BCG ont un taux de tuberculose de 5/100000 alors que la France dépassait 10 quand elle utilisait massivement le BCG.
Avez-vous lu l'éditorial d'Elisabeth Bouvet dans le BEH que j'avais mis en lien ? Il est très court mais résume bien le problème. E.Bouvet avait présidé un groupe de travail sur la tuberculose au CSHPF (Conseil supérieur d'hygiène publique de France) et c'est pour cette raison qu'elle avait écrit l'éditorial.
En tant que bacille (et non en tant que vaccin) le BCG a un remarquable intérêt : par son mode de fabrication en culture sur bile de boeuf il démontre que la bile a le pouvoir d'atténuer la virulence du BK. Si on voulait chercher un peu dans cette direction ...

La confrontation avec la réalité de la tuberculose oblige à des révisions déchirantes. Il en va de même avec la variole quand la confrontation se fait sur le mode expérimental.

BG a dit…

Pour la variole je peux faire court en vous suggérant d'aller lire sur mon blog les articles que j'ai écrit sur le sujet [1]. Vérifiez les citations et l'usage que j'en fait. Si vous découvrez une quelconque manipulation de ma part venez le dire ici. Je vous attends, c'est un défi !!! J'ai pu faire des erreurs, le sujet est vaste et complexe, mais je n'ai nul besoin de faire de la manipulation : les arguments sont si forts qu'il n'est pas nécessaire d'en rajouter.

Pour résumer, le problème majeur n'est pas la vaccination pratiquée assez longtemps avant le contage et qui a sans doute une bonne efficacité, d'ailleurs retrouvée dans les expérimentations animales récentes. Le problème c'est la vaccination des contacts. Que se passe-t-il quand le virus de la variole et de la vaccine se rencontrent ? La réponse la plus vraisemblable est que ça se passe très, très mal et ce, même si la personne aurait pu résister à la variole sans cette vaccination supplémentaire très inopportune.

Toutes les expérimentations animales ont montré l'échec de la vaccination en post exposition, ce qui a conduit le comité consultatif OMS sur le sujet à remettre en cause l'affirmation pourtant fortement martelée pendant toute la durée de la campagne d'éradication, que cette vaccination était efficace dans les 3-4 jours qui suivent le contage. L'une de ces expérimentations, avec des doses épreuves non mortelles, contrairement aux autres, a même mis en évidence un effet aggravant de cette vaccination ''à chaud'' par rapport aux témoins non vaccinés, ce qui correspond à de multiples observations faites au cours des épidémies de variole.

Compte tenu de l'importance accordée à cette vaccination des contacts dans la victoire sur la variole, cette remise en cause est aussi énorme qu'inattendue (et inespérée!). Le mythe de la variole vaincue par la seule vaccination est pour le moins très ébranlé. Mais aussi le mythe de l'expert infaillible et ici il s'agit d'Henderson qui a dirigé le programme d'éradication lancé par l'OMS.

Le problème sera alors de voir jusqu'à quel point chacun et le système seront capables de l'accepter. Commençons par nous-mêmes ! C'est déjà pas facile sur ce blog ! Mais ça permet de se roder pour plus difficile...

Je suis d'ailleurs déjà rodé car le 4 novembre dernier j'avais fait un exposé de 10 minutes sur ce thème (Distorsion entre discours publique et expertise : l'exemple de la variole) au congrès de la Sfsp à Lille (société française de santé publique) en présence, entre-autres, de Lévy-Bruhl le Monsieur vaccins de l'InVS. Il a confirmé que la variole n'aurait pas pu être vaincue par la seule vaccination. Alors, ne soyez pas plus vaccinaliste que les experts provaccins !

[1] Les dates des articles suffisent pour les retrouver (ou aller sur catégorie Variole).
Expérimentations animales : 3/01/2012 ;
La vaccination des contacts pendant la campagne d'éradication : 26/09/2011
L'épidémie de variole au Bihar (ou quand une maladie endémique se transforme en épidémie explosive) : 3/02/2012
Que dit le rapport de la commission mondiale pour la certification de l'éradication : 21/06/2007 avec un texte pdf en lien.

Anonyme a dit…

à BG : quelle diarrhée verbale, ne vous fatiguez pas, je n'ai rien lu.

BG a dit…

La réaction de notre médecin hospitalier anonyme soulève un problème assez général, qui commence à être d'actualité pour le rester longtemps et qui est la participation du non médecin à la réflexion sur la santé, qu'elle soit individuelle ou publique.
C'était d'ailleurs l'un des thèmes du congrès de la Sfsp des 2-4 novembre 2011 où, si certains participants reconnaissaient l'intérêt et la nécessité de cette participation, du moins celle des malades et associations de malades à la gestion et la compréhension de leur maladie, d'autres ne voulaient pas ''qu'on mélange les genres'' et brocardaient ''l'expertise des écolos barbus'' avec dessin caricatural à l'appui.
C'est d'ailleurs ce que je ressens ici depuis ma première intervention. Je viens sur un blog de médecins pour des médecins où le non médecin peut éprouver le besoin de s'excuser comme cette enseignante l'avait fait ou avoir l'impression que ses propos dérangent ou ne peuvent avoir d'intérêt pour le médecin. Vous avez été ''éduqué'' ainsi par les études médicales et tout un conditionnement. Je vous le dit simplement et sans aucune agressivité. C'est une réalité commune mais qu'il faudra que la médecine et les médecins, qu'ils soient de santé publique ou généralistes, apprennent à dépasser.
La plupart des médecins que j'ai pu rencontrer cherchent seulement à classer les propos de leur patient dans les cases de leur armoire. Ils projettent sur lui ce qu'ils ont appris sans jamais se demander si leur patient pourrait leur apprendre quelque chose qui briserait le bel agencement de leur armoire. Difficile de faire autrement avec des consultations brèves, j'en suis bien conscient. Cette déformation professionnelle s'étend presque inévitablement au non patient quand celui-ci devient un interlocuteur, c'est bien normal. Mais la ''normalité'' est faite pour être dépassée …
Je n'ai rencontré que 2 médecins qui avaient dépassé cela. Tous les 2 avaient eu un grave accident de vaccinations. Pour l'un ce fut avec la vaccination antivariolique, pour l'autre avec la répétition des BCG et tests tuberculiniques au cours de ses études de médecine : on voulait absolument lui faire virer le test. Il ne savait plus combien on lui en avait fait, il est resté négatif mais ça c'est très mal terminé. Tous les 2 ont alors regardé la vie autrement et cela leur a permis d'en faire autant avec leurs patients et leurs interlocuteurs.