Non parce que je suis insensible à l'assassinat de 17 humains par des khons psychopathes.
Non parce que des hommes d'Etat dont je ne partage pas les idées ont manifesté.
Non parce que des citoyens dont je ne partage pas les idées ont manifesté.
Mais, comme ça, par philosophie.
Je me suis toujours méfié des mouvements de foule et de mon attitude dans les mouvements de foule (cf. infra mai 68). J'ai toujours eu peur de l'uniformité des rassemblements, des gens qui "communient". L'épisode black, blanc, beur (où je ne suis pas allé) m'a immunisé. Mais il y en eut d'autres avant. Les Comités Vietnam, Pierre Overnay, les Premier Mai de l'Ultra Gauche, Malik Oussekine, et compagnie.
Mais je n'ai rien à dire contre ceux qui ont défilé et avec lesquels, demain matin, je serai toujours aussi peu d'accord et autant d'accord. Si ça les a ressourcés, si ça les a rendus plus forts, si ça les a rendus plus solidaires, s'ils ont eu le sentiment d'avoir participé à un mouvement historique ("J'y étais")... Tant mieux.
Et je n'ai pas regardé ni ne regarderai pas les images sur BFM (on me dit dans l'oreillette que les gens qui y sont allés ont regardé les images sur BFM).
J'ai mal à mon athéisme.
Je me suis toujours méfié des mouvements de foule et de mon attitude dans les mouvements de foule (cf. infra mai 68). J'ai toujours eu peur de l'uniformité des rassemblements, des gens qui "communient". L'épisode black, blanc, beur (où je ne suis pas allé) m'a immunisé. Mais il y en eut d'autres avant. Les Comités Vietnam, Pierre Overnay, les Premier Mai de l'Ultra Gauche, Malik Oussekine, et compagnie.
Mais je n'ai rien à dire contre ceux qui ont défilé et avec lesquels, demain matin, je serai toujours aussi peu d'accord et autant d'accord. Si ça les a ressourcés, si ça les a rendus plus forts, si ça les a rendus plus solidaires, s'ils ont eu le sentiment d'avoir participé à un mouvement historique ("J'y étais")... Tant mieux.
Et je n'ai pas regardé ni ne regarderai pas les images sur BFM (on me dit dans l'oreillette que les gens qui y sont allés ont regardé les images sur BFM).
J'ai mal à mon athéisme.
Je suis parfois Charlie ou Je suis ou j'ai été Charlie.
Je fais partie de la génération qui avait 16 ans en mai 68.
A l'époque il y avait L'enragé, le prédécesseur de Hara-Kiri puis de Charlie qui montrait De Gaulle avec des béquilles SS (le dessinateur était Willem). C'était ma période mystico-lyrique. J'ai honte encore.
Hara-Kiri a été interdit pour une "Une" bien banale.
J'avais ri à l'époque et je n'en ai toujours pas honte.
Et Charlie a été créé.
Et je me rappelle, entre Hara-Kiri et Charlie, que Reiser me faisait vraiment très rire.
Donc, j'ai été, je suis, je pourrais être parfois Charlie.
Parce que, dans le privé, je suis capable de parler comme les dessinateurs de Charlie dessinent. Mais cela dépend avec qui. Et pas en public.
A un moment j'ai cessé de rire avec Charlie et j'ai cessé d'avoir envie de l'acheter. Mais j'ai des explications : j'ai vieilli, j'ai compris que cela ne servait à rien, je me suis sans doute aigri, je me suis senti visé, je ne sais quoi encore. N'oublions pas non plus que la diffusion de Charlie était tombée à 48 000 exemplaires avant les assassinats. il n'y avait pas que moi qui avais cessé de rire ou du moins d'avoir envie de rire.
Je suis quand même Charlie car il m'arrive encore (cf. twitter @docdu16) de faire des vannes de potache mais aussi entre amis, entre copains, entre connaissances, entre collègues, et ces vannes de potache sont en général condamnées vigoureusement par les gens qui ont défilé cet après-midi, parce qu'elles sont légèrement sexistes, légèrement homophobes, légèrement racistes (je raconte des histoires juives aux juifs, des histoires blacks aux blacks, des histoires rebeu aux rebeu mais raconter des histoires juives à des rebeu, est-ce bien raisonnable ?) et que ce n'est pas sociétalement correct. Ainsi ne peut-on pas se moquer d'une blonde sans se faire traiter de sexiste et / ou d'anti genriste et peut-on dire que Mahomet c'est de la merdre au nom de la liberté d'expression... Comprenne qui pourra.
Mais Je ne suis pas toujours Charlie.
D'abord, et sans faire de démagogie, les morts de Charlie sont une partie du massacre. Il n'y avait pas que des dessinateurs, il y avait d'autres victimes. Détail sans doute mais les flics, ils n'avaient rien dessiné, ni les consommateurs casher, ni l'employé de maintenance de Charlie... Mais n'allons pas faire de la concurrence victimaire.
Et je ne dis pas non plus, comme certains, qu'ils l'ont bien mérité (mais ne croyez pas qu'il n'y ait que des anencéphales qui le disent, il y a aussi des cortiqués, mais ils se planquent, ils se cachent). Enfin, ils ne se cachent pas tant que cela. Vous pouvez voir ici de quel bois ils se chauffent (LA), ces khonnards finis.
Et les trois assassins ne sont pas des crétins, des abrutis, des khons, ce sont simplement des assassins, car j'en connais des crétins, des abrutis, des khons qui ne feront jamais cela. Ce sont des psychopathes et ils ont un cerveau, ce sont des êtres humains, et ce n'est pas seulement une affaire de bonne éducation car il y a des assassins qui sont allés à Harvard, à Cambridge ou à la Sorbonne et qui trouvent que tuer des gens c'est très bien. Mais c'est aussi affaire d'éducation. Cela va sans dire. Mais ce n'est pas suffisant.
Non, Je ne suis pas toujours Charlie car, bien qu'athée, libre-penseur, peut-être agnostique à la fin de ma vie, on ne sait jamais (le fameux pari), tout ce que vous voulez, et bien que je pense que les Vedas, les sutra Mâhâyâna, la Torah, la Bible, le Coran (pardon pour les oublis) sont à la fois de magnifiques objets d'études et des contes de fées merveilleux (imagine-t-on la Une de Charlie avec comme accroche "Les contes d'Andersen, c'est de la merdre." ?) et rien de plus, je ne me sens pas supérieur en étant athée, et les expériences d'athéisme militant d'Etat ont été des catastrophes meurtrières absolues (sans parler de leurs textes sacrés qui ont fait l'objet de commentaires innombrables, ce qui, donc, ne veut rien dire sur le plan culturel). J'ajoute que si je me marre en privé des dessins anti cléricaux et autres, je pense que dans la sphère publique il n'est pas besoin de choquer pour choquer, d'agresser pour agresser, de déconstruire pour déconstruire. Ce qui ne veut pas dire interdire.
Je ne suis pas toujours Charlie bien que je sois contre les religions par principe (et ce qu'elles représentent) mais, en bon lecteur de l'anthropologie, je ne peux nier le fait religieux qui a existé et existe (et existera ?) dans toutes les parties du monde. La croyance touche toutes les cultures, tous les pays et le mysticisme ne se résume pas au fait religieux. Et la culture liée à la religion est un pan majeur et incontournable de l'histoire de l'humanité. Malraux disait : "Que serait l'histoire de la peinture sans la Nativité ?". Eh bien, on peut être athée et contempler et apprécier des Vierges à l'Enfant ou être un amateur de la peinture primitive.
Non. Je ne suis pas toujours Charlie car dire à un catholique que le pape est un enculé ou à un musulman que le prophète est un pédophile, qu'est-ce que cela m'apporte et qu'est-ce que cela nous apporte ? Vous le dites en privé à vos amis et / ou relations musulmans ou catholiques ? Vous pourriez certes leur dire car ils savent, cela va sans dire, que vous n'êtes ni raciste ni religionophobe, mais les autres, ceux qui ne comprennent pas le second ou le troisième degré, ceux qui ne vous connaissent pas, vous allez leur délivrer des vannes racistes et blasphématoires et vous pensez qu'ils vont vous sourire et vous dire "Je suis Charlie." ?
"T'es khon" me disent les grands esprits, tu confonds blasphème et racisme. Je ne confonds pas mais dans le cas de Mahomet, il est clair que les deux sont mélangés pour certains. Non ?
N'oublions pas non plus que la France est une terre anti cléricale. Que l'on a depuis l'époque des Lumières (je pourrais développer le rejet des Lumières encore maintenant par des catholiques ou d'ores et déjà par des musulmans ou des juifs mais surtout par des intellectuels de "gauche" qui pensent en toute sincérité sans doute que la philosophie des Lumières est une idéologie coloniale et occidentale qui ne serait pas universelle... je pourrais également parler de ceux qui se revendiquent des Lumières comme d'un ostensoir sans en tirer les conséquences sur Notre société) bouffé du curé. Après la loi de 1905, on expulse les religieuses et les religieux et on fait l'inventaire (des tabernacles notamment) dans les églises et ce n'est pas doux, on voit des religieuses dans la rue sorties de leurs couvents....
Apprenons l'histoire à nos concitoyens, racontons leur la vie d'Emile Combes (dont je ne suis pas un thuriféraire) et disons leur que les religionophobes se moquent de savoir qui est qui et quoi est quoi. Relisons à haute voix les textes anti cléricaux, ils tomberont de leurs chaises, les ignorants, et les moines soldats (je n'ai pas le temps ici de vous parler du mysticisme politique chez les militants d'extrême-gauche) vous traîneront devant les tribunaux de la bonne conscience. La violence physique qui a été exercée à l'époque à l'égard des catholiques était sans commune mesure avec celle, plus symbolique, exercée aujourd'hui en France à l'égard de certains musulmans. Mais nous ne nions pas non plus l'impact sérieux de la violence symbolique, surtout quand elle est ignorée de part et d'autre, de droite, du centre comme de gauche.
Dirions-nous aujourd'hui, pour lutter contre une hypothétique christianophobie, que l'on ne peut rattacher les croisades au christianisme, pas plus que les guerres de religion, pas plus que l'Inquisition au catholicisme au nom d'une idée que nous nous ferions, tels des Saint Jean Bouche d'Or, de ce qu'est vraiment le christianisme ? Eût-il fallu interdire la série Borgia parce qu'elle montre un pape licencieux, voire plus ? Sommes-nous donc obligés de dire que la charia ce n'est pas l'islam, que Boko Haram ce n'est pas l'islam ? C'est aussi l'islam.
Ne rien dire permet à certains, je ne parle pas des faurissonniens, des nazillons et des détailleux de l'histoire, je parle des stalinillons qui, négationnistes des crimes du communisme en Europe et ailleurs, ne veulent pas parler, sinon en l'exusant, du passé meurtrier de leurs "coreligionnaires".
Nous sommes à la croisée des chemins. La société française s'est sécularisée à toute vitesse comme en atteste la diminution continue de la fréquentation des églises et autres lieux de culte par rapport aux Français qui se revendiquent catholiques, protestants, juifs ou je ne sais quoi, et, par un mouvement inverse, elle est traversée par un renouveau du sentiment religieux issu d'une autre religion plus ... exotique et, qui plus est, pratiquée par des immigrés ou Français issus de. Rappelons que le taux des Français qui se revendiquent catholiques est passé de 81 à 64 % entre 1952 et 2010 et que la fréquentation de la messe chez les catholiques est passée dans le même temps de 27 % à 4,5 %.
Et les anciens laïcards, ceux dont les ancêtres idéologiques bouffaient du curé, agitaient des drapeaux rouges devant les églises, crachaient sur les processions, certains d'entre eux, deviennent islamophiles pour des raisons sociales (les travailleurs exploités musulmans et / ou issus de musulmans), des raisons politiques (le conflit israélo-palestinien) et des raisons anticoloniales (les indigènes de la république) oubliant le "vieux" principe marxien de la religion opium du peuple venant en sus des exploitations précitées. Et surtout, en oubliant cet aspect majeur, souligné ICI par Ahmed Benchensi (Le 'musulman modéré', une version actualisée du 'bon nègre'), que les Je suis Charlie et les Je ne suis pas Charlie assignent aux musulmans de France un choix entre islamisme et islam modéré et ne leur accordent ni le droit à l'indifférence à la religion, ni le droit à l'athéisme.
Je ne suis pas toujours Charlie pour les mêmes raisons que je suis parfois Charlie.
Donc, malgré le nombre imposant des citoyens républicains qui ont défilé, et, on l'a remarqué, en majorité des blancs, des "vieux" et des non issus des "quartiers", je ne me sens ni attardé, ni réactionnaire, ni extrémiste, et il me semble que je peux comprendre le sens de l'histoire, Je ne suis ni Charlie ni pas Charlie, je suis aussi un citoyen engagé.
A ceux qui penseraient que ce billet n'est pas de la médecine générale, il est nécessaire que je dévoile un lien d'intérêt qui pourrait être un conflit d'intérêt, il est nécessaire que je dise qu'une large majorité de ma patientèle (je n'ai pas fait de comptes détaillés et c'est d'ailleurs interdit par la loi), est musulmane ou se revendique comme telle. Je ne parle pas hors sol, je ne parle pas depuis ma tour d'ivoire, je parle comme je parle avec des patients musulmans qui ne me parlent pas seulement pour certains de Charlie qui est allé trop loin, qui me parlent aussi pour certains du Mariage pour tous qui leur a paru aller trop loin, qui me parlent aussi des Juifs, qui leur paraissent être, malgré Merah et Coulibaly, des chouchous supposés de la République, mais surtout pour certains qui me parlent comme des partisans avérés de la théorie du complot (les services secrets français, le mossad, et cetera) et du fait, pour d'autres, que le numéro d'après de Charlie était une insulte. Mais c'est une autre affaire.
Nous reviendrons à la médecine générale pure et dure dans de prochains billets.
Hara-Kiri a été interdit pour une "Une" bien banale.
J'avais ri à l'époque et je n'en ai toujours pas honte.
Et Charlie a été créé.
Et je me rappelle, entre Hara-Kiri et Charlie, que Reiser me faisait vraiment très rire.
Donc, j'ai été, je suis, je pourrais être parfois Charlie.
Parce que, dans le privé, je suis capable de parler comme les dessinateurs de Charlie dessinent. Mais cela dépend avec qui. Et pas en public.
A un moment j'ai cessé de rire avec Charlie et j'ai cessé d'avoir envie de l'acheter. Mais j'ai des explications : j'ai vieilli, j'ai compris que cela ne servait à rien, je me suis sans doute aigri, je me suis senti visé, je ne sais quoi encore. N'oublions pas non plus que la diffusion de Charlie était tombée à 48 000 exemplaires avant les assassinats. il n'y avait pas que moi qui avais cessé de rire ou du moins d'avoir envie de rire.
Je suis quand même Charlie car il m'arrive encore (cf. twitter @docdu16) de faire des vannes de potache mais aussi entre amis, entre copains, entre connaissances, entre collègues, et ces vannes de potache sont en général condamnées vigoureusement par les gens qui ont défilé cet après-midi, parce qu'elles sont légèrement sexistes, légèrement homophobes, légèrement racistes (je raconte des histoires juives aux juifs, des histoires blacks aux blacks, des histoires rebeu aux rebeu mais raconter des histoires juives à des rebeu, est-ce bien raisonnable ?) et que ce n'est pas sociétalement correct. Ainsi ne peut-on pas se moquer d'une blonde sans se faire traiter de sexiste et / ou d'anti genriste et peut-on dire que Mahomet c'est de la merdre au nom de la liberté d'expression... Comprenne qui pourra.
Mais Je ne suis pas toujours Charlie.
D'abord, et sans faire de démagogie, les morts de Charlie sont une partie du massacre. Il n'y avait pas que des dessinateurs, il y avait d'autres victimes. Détail sans doute mais les flics, ils n'avaient rien dessiné, ni les consommateurs casher, ni l'employé de maintenance de Charlie... Mais n'allons pas faire de la concurrence victimaire.
Et je ne dis pas non plus, comme certains, qu'ils l'ont bien mérité (mais ne croyez pas qu'il n'y ait que des anencéphales qui le disent, il y a aussi des cortiqués, mais ils se planquent, ils se cachent). Enfin, ils ne se cachent pas tant que cela. Vous pouvez voir ici de quel bois ils se chauffent (LA), ces khonnards finis.
Et les trois assassins ne sont pas des crétins, des abrutis, des khons, ce sont simplement des assassins, car j'en connais des crétins, des abrutis, des khons qui ne feront jamais cela. Ce sont des psychopathes et ils ont un cerveau, ce sont des êtres humains, et ce n'est pas seulement une affaire de bonne éducation car il y a des assassins qui sont allés à Harvard, à Cambridge ou à la Sorbonne et qui trouvent que tuer des gens c'est très bien. Mais c'est aussi affaire d'éducation. Cela va sans dire. Mais ce n'est pas suffisant.
Non, Je ne suis pas toujours Charlie car, bien qu'athée, libre-penseur, peut-être agnostique à la fin de ma vie, on ne sait jamais (le fameux pari), tout ce que vous voulez, et bien que je pense que les Vedas, les sutra Mâhâyâna, la Torah, la Bible, le Coran (pardon pour les oublis) sont à la fois de magnifiques objets d'études et des contes de fées merveilleux (imagine-t-on la Une de Charlie avec comme accroche "Les contes d'Andersen, c'est de la merdre." ?) et rien de plus, je ne me sens pas supérieur en étant athée, et les expériences d'athéisme militant d'Etat ont été des catastrophes meurtrières absolues (sans parler de leurs textes sacrés qui ont fait l'objet de commentaires innombrables, ce qui, donc, ne veut rien dire sur le plan culturel). J'ajoute que si je me marre en privé des dessins anti cléricaux et autres, je pense que dans la sphère publique il n'est pas besoin de choquer pour choquer, d'agresser pour agresser, de déconstruire pour déconstruire. Ce qui ne veut pas dire interdire.
Je ne suis pas toujours Charlie bien que je sois contre les religions par principe (et ce qu'elles représentent) mais, en bon lecteur de l'anthropologie, je ne peux nier le fait religieux qui a existé et existe (et existera ?) dans toutes les parties du monde. La croyance touche toutes les cultures, tous les pays et le mysticisme ne se résume pas au fait religieux. Et la culture liée à la religion est un pan majeur et incontournable de l'histoire de l'humanité. Malraux disait : "Que serait l'histoire de la peinture sans la Nativité ?". Eh bien, on peut être athée et contempler et apprécier des Vierges à l'Enfant ou être un amateur de la peinture primitive.
Non. Je ne suis pas toujours Charlie car dire à un catholique que le pape est un enculé ou à un musulman que le prophète est un pédophile, qu'est-ce que cela m'apporte et qu'est-ce que cela nous apporte ? Vous le dites en privé à vos amis et / ou relations musulmans ou catholiques ? Vous pourriez certes leur dire car ils savent, cela va sans dire, que vous n'êtes ni raciste ni religionophobe, mais les autres, ceux qui ne comprennent pas le second ou le troisième degré, ceux qui ne vous connaissent pas, vous allez leur délivrer des vannes racistes et blasphématoires et vous pensez qu'ils vont vous sourire et vous dire "Je suis Charlie." ?
"T'es khon" me disent les grands esprits, tu confonds blasphème et racisme. Je ne confonds pas mais dans le cas de Mahomet, il est clair que les deux sont mélangés pour certains. Non ?
N'oublions pas non plus que la France est une terre anti cléricale. Que l'on a depuis l'époque des Lumières (je pourrais développer le rejet des Lumières encore maintenant par des catholiques ou d'ores et déjà par des musulmans ou des juifs mais surtout par des intellectuels de "gauche" qui pensent en toute sincérité sans doute que la philosophie des Lumières est une idéologie coloniale et occidentale qui ne serait pas universelle... je pourrais également parler de ceux qui se revendiquent des Lumières comme d'un ostensoir sans en tirer les conséquences sur Notre société) bouffé du curé. Après la loi de 1905, on expulse les religieuses et les religieux et on fait l'inventaire (des tabernacles notamment) dans les églises et ce n'est pas doux, on voit des religieuses dans la rue sorties de leurs couvents....
Expulsion du Grand séminaire de Quimper en 1906 |
Apprenons l'histoire à nos concitoyens, racontons leur la vie d'Emile Combes (dont je ne suis pas un thuriféraire) et disons leur que les religionophobes se moquent de savoir qui est qui et quoi est quoi. Relisons à haute voix les textes anti cléricaux, ils tomberont de leurs chaises, les ignorants, et les moines soldats (je n'ai pas le temps ici de vous parler du mysticisme politique chez les militants d'extrême-gauche) vous traîneront devant les tribunaux de la bonne conscience. La violence physique qui a été exercée à l'époque à l'égard des catholiques était sans commune mesure avec celle, plus symbolique, exercée aujourd'hui en France à l'égard de certains musulmans. Mais nous ne nions pas non plus l'impact sérieux de la violence symbolique, surtout quand elle est ignorée de part et d'autre, de droite, du centre comme de gauche.
Semaine sainte à Madrid |
Dirions-nous aujourd'hui, pour lutter contre une hypothétique christianophobie, que l'on ne peut rattacher les croisades au christianisme, pas plus que les guerres de religion, pas plus que l'Inquisition au catholicisme au nom d'une idée que nous nous ferions, tels des Saint Jean Bouche d'Or, de ce qu'est vraiment le christianisme ? Eût-il fallu interdire la série Borgia parce qu'elle montre un pape licencieux, voire plus ? Sommes-nous donc obligés de dire que la charia ce n'est pas l'islam, que Boko Haram ce n'est pas l'islam ? C'est aussi l'islam.
Ne rien dire permet à certains, je ne parle pas des faurissonniens, des nazillons et des détailleux de l'histoire, je parle des stalinillons qui, négationnistes des crimes du communisme en Europe et ailleurs, ne veulent pas parler, sinon en l'exusant, du passé meurtrier de leurs "coreligionnaires".
Nous sommes à la croisée des chemins. La société française s'est sécularisée à toute vitesse comme en atteste la diminution continue de la fréquentation des églises et autres lieux de culte par rapport aux Français qui se revendiquent catholiques, protestants, juifs ou je ne sais quoi, et, par un mouvement inverse, elle est traversée par un renouveau du sentiment religieux issu d'une autre religion plus ... exotique et, qui plus est, pratiquée par des immigrés ou Français issus de. Rappelons que le taux des Français qui se revendiquent catholiques est passé de 81 à 64 % entre 1952 et 2010 et que la fréquentation de la messe chez les catholiques est passée dans le même temps de 27 % à 4,5 %.
Et les anciens laïcards, ceux dont les ancêtres idéologiques bouffaient du curé, agitaient des drapeaux rouges devant les églises, crachaient sur les processions, certains d'entre eux, deviennent islamophiles pour des raisons sociales (les travailleurs exploités musulmans et / ou issus de musulmans), des raisons politiques (le conflit israélo-palestinien) et des raisons anticoloniales (les indigènes de la république) oubliant le "vieux" principe marxien de la religion opium du peuple venant en sus des exploitations précitées. Et surtout, en oubliant cet aspect majeur, souligné ICI par Ahmed Benchensi (Le 'musulman modéré', une version actualisée du 'bon nègre'), que les Je suis Charlie et les Je ne suis pas Charlie assignent aux musulmans de France un choix entre islamisme et islam modéré et ne leur accordent ni le droit à l'indifférence à la religion, ni le droit à l'athéisme.
Je ne suis pas toujours Charlie pour les mêmes raisons que je suis parfois Charlie.
Donc, malgré le nombre imposant des citoyens républicains qui ont défilé, et, on l'a remarqué, en majorité des blancs, des "vieux" et des non issus des "quartiers", je ne me sens ni attardé, ni réactionnaire, ni extrémiste, et il me semble que je peux comprendre le sens de l'histoire, Je ne suis ni Charlie ni pas Charlie, je suis aussi un citoyen engagé.
A ceux qui penseraient que ce billet n'est pas de la médecine générale, il est nécessaire que je dévoile un lien d'intérêt qui pourrait être un conflit d'intérêt, il est nécessaire que je dise qu'une large majorité de ma patientèle (je n'ai pas fait de comptes détaillés et c'est d'ailleurs interdit par la loi), est musulmane ou se revendique comme telle. Je ne parle pas hors sol, je ne parle pas depuis ma tour d'ivoire, je parle comme je parle avec des patients musulmans qui ne me parlent pas seulement pour certains de Charlie qui est allé trop loin, qui me parlent aussi pour certains du Mariage pour tous qui leur a paru aller trop loin, qui me parlent aussi des Juifs, qui leur paraissent être, malgré Merah et Coulibaly, des chouchous supposés de la République, mais surtout pour certains qui me parlent comme des partisans avérés de la théorie du complot (les services secrets français, le mossad, et cetera) et du fait, pour d'autres, que le numéro d'après de Charlie était une insulte. Mais c'est une autre affaire.
Nous reviendrons à la médecine générale pure et dure dans de prochains billets.
9 commentaires:
superbe texte
et c'est aussi de la médecine générale
Être ou ne pas être Charlie, telle est la question !
Très sincèrement admiratif, au moins pour le boulot qu'il y a derrière un tel texte.
Merci pour ce texte.
Pour ma part , je résumerai la problématique d'un mot : tolérance.
Ce n'est pas un hasard si l'ouvrage de Voltaire est en tête des ventes.
http://www.esculape.com/2015/charlotte05-sans-nom.jpg
Bravo pour ce travail. Je crois qu’il était difficile de passer à côté du sujet. Et je pense que c’est aussi de la médecine générale.
Moi aussi, je suis à la fois Charlie, et je ne suis pas Charlie, mais je crois que je suis tout de même plus Charlie que le contraire.
Je suis aussi d’accord et pas d’accord avec toi.
Pour mon cas particulier, je ne suis pas allée manifester. Pour des raisons pratiques, un manque de motivation, sans doute, et parce que je n’ai pas « l’âme manifestante ».
Mais je remercie ceux qui sont allés manifester et je suis heureuse qu’ils l’aient fait.
Pourquoi ? Parce que je me dis que si cette manifestation n’avait pas eu lieu, n’avait pas rempli l’espace symbolique et réduit les politiques à suivre le mouvement, en leur imposant le silence, que ce serait-il passé ? D’abord les politiques auraient occupé le terrain avec une surenchère de déclarations aussi fracassantes que mesquines et futiles, cherchant à deviner les attentes du « peuple » et à grappiller des voix au passage. Et au tout premier rang des partis politiques, le Front National, aurait fait entendre sa petite musique sur tous les medias, avec son : « je vous l’avais bien dit ». Parce que, aussi, s’il n’y avait pas eu ce mouvement spontané, il ne serait resté qu’un grand vide, où les Français de diverses origines se seraient regardés avec sidération et effroi, chacun se repliant sur sa propre communauté et attendant le coup à venir.
Ensuite, aussi, parce que j’ai assez critiqué l’aliénation provoquée par les groupes d’appartenance, pour ne pas reconnaître en ce mouvement, l’opposé de ce que je dénonce, la promotion de valeurs communes au-delà des différences.
Je pense aussi, que, pour les jeunes, et les très jeunes, il fallait que le vide sidéral des idéaux et des valeurs soit comblé, pour qu’ils ne soient pas laissés seuls face à la terreur et à la haine.
Enfin, je pense aussi , que la bienveillance, l’ aspiration au respect mutuel, et à la paix sont des sentiments bienfaisants en eux-mêmes, qui ne nécessitent aucune autre justification pour gagner le droit de cité. Je le constate dans mon travail quotidiennement, à quel point cette bienveillance est indispensable pour éviter que le pire ne se produise. Et je ne parle pas de sentiments religieux ou militants, juste de la vie quotidienne, qui nécessite d’être adoucie pour rester supportable.
Sur les questions plus concrètes, je ne suis pas une grande fan du type d’humour de Charlie, même s’il peut me faire sourire, ça dépend des dessins. Peut-être un peu trop potache, et trop salle de garde, pour moi. Mais, en même temps, on peut y voir aussi, dans la persévérance dans le style pipi-caca, c'est-à-dire choquer pour choquer, une forme d’auto-dérision parfois, voire de pudeur, alors qu’on peut penser que les artistes étaient plus fins que ce qu’ils voulaient bien montrer dans certaines de leurs productions.
...
...Comme tu l’as laissé entendre, Charlie est l’héritier, peut-être unique au monde dans son style, d’une certaine irrévérence à la française, de cette vieille tradition de casser du curé. En fait, on peut dire, plus exactement, de casser du sacré. Avec Charlie, tout le monde en a pris pour son grade. Tous ceux qui ont voulu qu’on les prenne au sérieux ont eu droit à leur caricature. Ce que les extrémistes, terroristes fondamentalistes ne voulaient pas savoir ni entendre : puisque l’ humour de Charlie visait tout le monde il ne visait personne en particulier.
Est-ce mieux ou plus mal que la pudibonderie à l’américaine, où les religions et la spiritualité ont connu un regain d’audience ces dernières décennies, depuis que tout le peuple américain ne jure que par une seule religion, très matérialiste, celle-là : l’argent ? Il est donc tabou de moquer publiquement les religions en général aux Etats Unis, mais il est courant de réduire la religion à un grand show télévisuel destiné à stimuler la générosité des fidèles.
Parmi la profusion de documents et d’interviews produits à la suite de l’attentat j’ai pu apprendre que la supposée interdiction de représenter Mahomet était issue d’une interprétation bancale de l’histoire et des textes, interprétation que les vrais érudits réfutent. Est-ce qu’il faut s’en préoccuper ? Est-ce qu’il faut à tout prix respecter cette interdiction dans l’espace public ?
A mon avis, non, parce que, d’une part, pour les extrémistes, tout prétexte est bon pour imposer leur loi par la violence et la terreur, et, si l’on prend en compte telle revendication, il en viendra d’autres, de plus en plus arbitraires. Il s’agit bien de domination et non de religion. Boko Haram (littéralement : livres interdits, donc, connaissance interdite, une sorte de devise qui rend parfaitement compte de ce que une telle vision de la religion ne peut prospérer que sur le terreau d’une ignorance volontairement entretenue) massacre des innocents à la pelle pour établir cette domination. Les combattants de Daech, pour leur part, n’ont pas la patience d’attendre qu’Allah leur offre des vierges au paradis, et ils séquestrent donc des femmes qu’ils peuvent torturer et utiliser comme esclaves domestiques et sexuelles. Quelle religion commande cela ?
Pour ceux qui, musulmans, justifient les actes des terroristes, je pense qu’il faut chercher la raison de leur hargne et de leur amertume dans d’autres sujets que la religion. Car quelqu’un qui se sent humilié ou rejeté retient sa colère, qui ressurgit à la moindre occasion. Et les terroristes ont fourni cette occasion. Un père se plaignait l’autre jour à moi de ce que la directrice d’école ne lui avait pas dit bonjour, et de ce qu’elle avait pris son fils de quatre ans de telle façon par le bras, comme s’il était un délinquant. Parfois, mon travail, ça peut être de dire à ce père que je le comprends, et peut-être de faire une remarque subtile et diplomatique à la directrice, pour éviter que des strates successives de colère et de vexation s’accumulent et rendent toute empathie impossible quand un attentat se produit. Par exemple.
...
...L’éducation nationale a donc aussi quelque chose à voir dans cette affaire, parce qu’on ne peut pas faire comme si 150 000 échecs scolaires par an étaient « un détail de l’histoire ». Et les cours d’éducation civique n’y changeront rien parce que c’est comme si on donnait des cours sur la non violence à un enfant tandis qu’on le frappe.
Alors pourquoi l’Islam, pourquoi maintenant ? Alors que, tu le rappelles, la religion catholique a su se montrer tout aussi barbare dans l’histoire et est, j’insiste, tout aussi misogyne en tous cas dans l’interprétation qu’en font les théologiens fondamentalistes ? Comme je suis un peu marxisante j’aurais tendance à dire que c’est parce que l’Islam est la religion des pauvres, des laissés pour compte. Parce que l’espérance de vie, en Afrique subsaharienne tourne autour de 50, 60 ans, et que c’est la région du monde où se concentrent les pays les plus pauvres . Et parce que les pays arabes se sont enrichis trop vite, et que les mœurs n’ont pas eu le temps de suivre l’évolution du niveau de vie. Car en occident l’évolution des mœurs et une interprétation plus souple de la religion n’ont pu se faire jour que lorsque le niveau de vie s’est élevé durablement et, avec lui, le niveau d’éducation.
Je pense donc qu’il faut protéger l’espace commun de l’invasion du religieux, parce que les Droits de l’Homme, qui incluent les Droits des femmes, doivent prévaloir sur la religion, et que leur espace naturel est l’espace commun. Il est simplement plus important, dans l’échelle des valeurs universelles, de respecter les droits des femmes et l’interdiction d’attenter à la vie d’autrui que de respecter des préceptes ou des rites religieux.
L’humour, c’est l’arme absolue contre le totalitarisme, et la marque authentique de la démocratie. Aucun dictateur ne pourrait survivre à une caricature qui ferait rire son peuple. Mais dans les dictatures les gens ont souvent oublié qu’on pouvait rire de tout. On le leur a fait oublier.
Un médecin suisse, cité par JY Nau, a écrit le meilleur texte sur le sujet que j’ai pu lire après les attentats http://rms.medhyg.ch/numero-456-457-page-164.htm .
Est-ce que scander, porter, montrer, énoncer le slogan " je suis Charlie" fait de nous des gens libres d'exprimer notre libre pensée ou nous oblige t- il à accepter une pensée dominante?
Ce journal s'intéresse t- il à dénoncer toutes les situations totalitaires ?
L'humour est une manière de se libérer du joug d'un état de domination à condition qu'il suscite chez son interlocuteur une élévation de l'esprit et non un ébranlement tel qu'en retour sont entrainées agressivité, rejet,haine et humiliation.
Représenter des êtres "guides" sacralisés du fait de leur statut, leur fonction, leur incarnation (hommes politiques, hommes religieux, Père religieux) se faisant sodomiser ( acte de domination) entraine t-il chez l'Autre un questionnement ou touche t-il au plus profond de la constitution de cet Autre?
La liberté d'expression oui dans le respect de l'Autre sous-tendue par la volonté de connaissance de l'Autre afin de permettre l'acculturation.
« la promotion de valeurs communes au-delà des différences » propose CMT. Nous sommes tous des êtres humains, voilà une valeur commune évidente. Trop évidente, trop commune et donc inopérante ? Le problème justement est que nous ne parvenons pas à être des êtres humains, cela est seulement en devenir. Nous sommes d'abord homme ou femme et cette première distinction est une grosse carapace enfermant l'être humain qui sommeille en chacun de nous. Nous sommes contraints par les autres, la société, l'environnement humain, d'épouser les stéréotypes associés à cette distinction.
Puis une autre carapace apparait, nous sommes juifs, musulmans, cathos, athées, libre penseurs ...Mais sommes-nous des penseurs libres ? Une autre carapace encore, la profession, être de gauche, de droite ou voter FN. Et puis bien d'autres encore qui, avant de nous séparer des autres nous séparent de nous-mêmes. Alors, engoncés sous toutes ces carapaces nous avons du mal à avancer et à nous reconnaître.
Charlie "casse" du sacré et caricature les religions. Pourtant elles ont construit, en France tout particulièrement, d'extraordinaires édifices, cathédrales gothiques et églises romanes, développé l'art sacré avec ses peintures, sculptures, la musique sacrée et le merveilleux chant grégorien. Ailleurs la religion musulmane s'est manifestée aussi par des ensembles d'édifices exceptionnels comme à Samarcande et Boukhara. J'ai eu la chance de pouvoir y aller en 1966, voyage post-congrès de 4 jours, un grand congrès de mathématiques se déroulant à Moscou. Je n'ai pas laissé passer une telle occasion. Tapez Samarcande ou Boukhara sur google... C'est une autre inspiration que celle de Charlie.
Cette inspiration sacrée s'est manifestée partout dans le monde, en Inde, en Asie, y compris chez les Amérindiens. Même s'ils n'ont pas laissé d'édifices* il reste au moins des peintures sur peau de daim et des danses rituelles.
Bien sûr il ne suffit pas de se réclamer d'une religion pour être à la hauteur de ceux qui créèrent de telles choses. En 98 nous étions tous champions du monde de foot !
* Il existe cependant l'église construite vers 1909 en Oklahoma par le chef comanche Quanah Parker de mère blanche (Cyntia Parker). Il édifia cette église pour tenter de résister à la pression des missionnaires qui voulaient faire abandonner leurs coutumes aux Indiens. Pour contenir cette pression il créa ainsi un syncrétisme entre le christianisme et les pratiques indiennes. L’Église des Amérindiens deviendra officielle en 1918 et compte aujourd'hui 250000 adeptes.
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