jeudi 3 juin 2021

La France va mal.




Il fut un temps, et il y a encore des gens qui le pensent, où les Français.es (surtout les médecins et les médecines) prétendaient que notre pays avait le meilleur système de santé du monde.

Prenons un angle particulier, celui des conduites à risque.

Restons en Europe.

Nous, les Français sommes des champions.

Numéro 1 pour le cannabis.

Numéro 2 pour la consommation d'alcool et de benzodiazépines.

Numéro 3 pour le tabac.

On voit donc que la politique de répression contre le cannabis ne fonctionne pas.

Et les addictologues, les politiciens, les sociologues, en majorité désormais, prônent la libéralisation du cannabis comme solution au fait que les Français sont ses premiers consommateurs tout en promouvant le cannabis thérapeutique dont le niveau de preuve des essais cliniques est celui de l'homéopathie.

On voit qu'en France on est tout aussi capable d'être dans le peloton de tête en réprimant (cannabis), en favorisant (alcool), en faisant semblant d'agir (tabagisme) et en remboursant (benzodiazépines).

(il est vrai que j'aurais pu étendre mon propos en parlant du taux de suicide en général, du taux de suicide des adolescents en particulier, de l'utilisation des antidépresseurs...)

J'oubliais : 16,2 % des femmes françaises enceintes fumaient au troisième trimestre.

Rajoutons ceci : la France est le premier pays européen pour le nombre d'accidents du travail mortels (3,5 pour 100 000 travailleurs), ce qui est le double de la moyenne européenne (1,7).




Quelles conclusions en tirer ?

La France va mal.

La France va mal.

La France va mal.

Et, comme dit l'autre, ce n'est pas faute de dépenser un pognon de dingue.

La France est encore sur le podium : nous sommes les numéros 1 en termes de pourcentage du PIB consacré à la santé (11,3 %), devant l'Allemagne (11,25), la Suède (11), l'Autriche (10,4), la Belgique (10,3), le Danemark et les Pays-Bas (10,1).

Tout ça pour ça ?

En cette exceptionnelle période de Covid où le seul point de vue pertinent actuel est celui du degré d'engorgement des services de réanimation (et il est clair que ce sont les services de réanimation qui "sauvent des vies", mais il n'y a pas que les personnels des services de réanimation qui souffrent), accessoirement le nombre de morts, mais les médecins, les syndicalistes, les politiques, exigent, demandent encore plus de moyens pour l'hôpital.

Or, là encore, la France est en pointe : un rapport de la Drees (ICI) indique : "La France est le pays de l’OCDE qui dépense la part la plus importante de son PIB pour les soins courants à l’hôpital (3,5%)" Il faut néanmoins relativiser cette notion et la mettre en parallèle avec le niveau de vie par habitant et les "performances" des indicateurs de santé publique. Par exemple le Luxembourg, très riche, consacre une faible part de son PIB aux soins courants à l'hôpital.

Plus d'argent pour l'hôpital.

Plus d'argent pour l'hôpital.

Plus d'argent pour l'hôpital.

Les dépenses hospitalières continuent d'augmenter en France plus que le PIB.

Les dépenses allouées à la ville représentent 25 % des dépenses de santé en France (LA). Ce qui est faible comparé à d'autres pays.

Quelques conclusions simples :

  1. La France est à la traîne pour la prévention et pour l'éducation sur les conduites à risques. Pourquoi ? Faute de moyens ? Sans doute. Manque de volonté politique ? Sans doute. Poids historique et culturel des lobbyes ? Pas faux. Que faire ?
  2. La France dépense plus que ses voisins pour l'hôpital. Les médecins demandent plus d'argent. Mais refusent toute réforme. Les hospitaliers demandent plus d'argent et affirment : faites-nous confiance. Les médecins libéraux de ville demandent plus d'argent et affirment : faites-nous confiance.
  3. La France, se voilant la face derrière l'excellence supposée de son système de santé où l'on peut croiser Didier Raoult ou Christian Perronne, où l'université promeut ici ou là l'homéopathie, où des pratiques non fondées sur les preuves comme l'ostéopathie, la psychanalyse, les cures thermales ou les dépistages organisés des cancers (c'est pour provoquer !) sont non seulement tolérées mais promues, oublie que les conditions de vie en général, le niveau socio-économique, le type de profession, sont des facteurs déterminants de la santé. L'exemple du Covid est incroyable : plus les personnes sont nées à l'étranger et plus elles meurent du Covid !
  4. N'oublions pas cependant que la France, par certains côtés, est un pays de cocagne, vous pouvez aller voir plusieurs médecins dans la même journée, vous pouvez vous faire tester gratuitement pour le Covid tous les jours sans aucun contrôle, vous pouvez fréquenter les urgences pour une angine, vous pouvez, sans facteurs de risque, être remboursés pour un PSA annuel, un frottis du col utérin annuel, une mammographie dès 40 ans, et cetera.

La tolérance française à l'égard de la prévention des morts évitables est surprenante.

Pourquoi ne pas s'interroger ?

La suite ICI


1 commentaire:

Anonyme a dit…

Réaction, peut-être hors sujet, à votre point 3 : les étrangers qui meurent du Covid.

Je ne suis jamais allé au Japon ni en Inde, je ne connais le phénomène de castes que par témoignages et articles interposés, mais en France nous avons eu il n'y a pas si longtemps nos castes d'intouchables aussi, les Cagots dans le sud-ouest, dont des traces sont encore visibles dans les villages concernés (maisons avec linteaux en bois plutôt qu'en pierre, etc.).

Actuellement il y a toute une communauté, majoritairement composée de gens d'ascendance récente étrangère mais pas que, pauvre économiquement, qui souffre du Covid comme de tout le reste plus que les autres.

La situation sociale évoque les Burakumin, ces parias du Japon.

Il me semble que cette communauté éparse en France est beaucoup plus souvent en séjours hospitaliers que le reste de la population, ce qui s'explique par les conditions de vie et de travail.

Bref nous avons eu et avons aussi nos castes. En termes médicaux : souvent les gens plus pauvres, avec plus de petits boulots et de galères diverses, sont plus médicamentés que les autres. Ou du moins il n'y a pas ce recul de se dire en gros : le médecin me prescrit tels remèdes, je fais le choix de ne prendre que ceux qui m'ont convaincu.

Pour plusieurs maladies comme pour le covid, je suis étonné que cette piste n'ait pas été plus explorée. Il y a bien eu une recherche en Corée qui montrait que les IPP étaient associés à des formes graves de covid. Ca avait été relaté aussi par Prescrire. Mais en France, alors que les bases de données Sécu sont immenses, aucune recherche en ce sens ? Il y avait urgence, toutes les explications que l'on veut, et peut-être aussi beaucoup de difficultés conceptuelles à chercher du côté des maladies iatrogéniques.

Mais quand même .. Et combien de praticiens ont réellement stoppé ou diminué les prescriptions d'IPP ? Le principal coupable reste bien sûr le Virus, les situations sociales avec contacts fréquents, etc. Mais l'exemple net des IPP montre que cette recherche devrait être plus largement poussée. Cela ne l'a pas été, à ma connaissance en tout cas, par fatalisme ? Mépris de caste ? Absence d'équipes dédiées à ce type de recherche en France ? manque de moyens ? Autre ?