Oskar Kokoshka (1886-1980) Autoportrait 1937 |
1.
Je reçois un mail d'un de mes anciens patients, inquiet, après qu'il a reçu le compte-rendu de la coloscopie qu'il a passée pour des douleurs abdominales persistantes, il a cinquante cinq ans, et pour lequel le gastro-entérologue lui a dit qu'il n'y avait rien de grave mais qu'il fallait qu'il consulte un chirurgien.
Je lui renvoie un mail rassurant lui demandant de m'appeler ce soir (et après que j'ai lu le compte rendu de ladite coloscopie).
J'appelle le gastro-entérologue qui me rassure lui-aussi mais je n'ose pas lui dire que le patient s'est fait un sang d'encre (pas de sang dans les selles cependant) entre le moment où il a lu le compte-rendu, le moment où le gastro-entérologue lui a conseillé d'aller consulter un chirurgien et le moment où je lui ai envoyé un mail plutôt rassurant.
Le patient m'appelle.
Nous réglons entre guillemets le problème médical : tout est bénin a priori.
Un seul souci : le chirurgien à qui le gastro-entérologue l'a adressé n'est pas celui à qui je l'aurais adressé (mais je ferme ma goule).
Je ne m'étends pas sur ce point précis.
Qui pourrait faire l'objet de développements multiples.
Bref.
2.
Personne ne m' jamais demandé ce qui a le plus contribué à améliorer ma pratique de médecin généraliste.
Il est difficile de répondre à cette question car les facteurs d'amélioration ont été multiples (je partais de bas) et ils se sont succédé dans le temps.
Un associé sympa et bon médecin. L'appropriation de médecins spécialistes rehaussant mon niveau de connaissances avec pédagogie et sans mépris. La curiosité. La revue Prescrire. La lecture des livres fondamentaux de la médecine. La Formation médicale continue. La pratique du groupe de pairs. La conversation libre avec des amis médecins partageant les mêmes valeurs médico-sociales. Le twitter médical. La HAS.
3.
Si je vous parle de cela c'est parce que le patient qui m'a adressé un mail, appelons-le Monsieur A, est comptable. Et qu'à une époque où il se posait des questions existentielles sur son métier, sur ses compétences, sur son avenir, sur des possibilités de progression, je lui ai parlé de la pratique des groupes de pairs en médecine (dont par ailleurs j'entends de moins ne moins parler).
Il avait été intéressé, il avait réfléchi et il avait mis au point un système presque identique avec des collègues travaillant à La Défense. Je lui avais conseillé, entre autres, de ne pas en parler à sa hiérarchie.
Il m'avait tenu au courant de ses aventures en groupe et, selon lui, cela avait très bien marché : il avait entendu des propos différents, des idées managériales diverses, des façons de procéder dont il n'avait jamais eu connaissance, et cela lui avait permis de nouer des amitiés solides.
Jusqu'au jour où la hiérarchie en avait eu vent et avait demandé d'y mettre fin. La circulation horizontale des informations ne plaît pas aux chefs (surtout les mauvais).
4.
5.
Le patient m'a adressé un mail il y a deux jours pour m'informer que tout s'était bien passé.
Il a ajouté ceci, avec malice : "Dans votre groupe de pairs, auriez-vous conseillé ce gastro-entérologue et ce chirurgien ?"
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