jeudi 19 décembre 2024

Masques, données de santé, procédures holter. Histoire de santé publique sans consultation : 26.

Keith Richards 81 ans le 19 décembre dernier
Bis repetita : encore un défi à la Santé publique !


Ce matin, j'accompagne un voisin dans un hôpital privé situé non loin de Versailles. Non loin : très près.

Il vient rendre son matériel de Holter rythmique qu'on lui a prescrit pour 3 semaines.

Compte-rendu succinct de ma visite (je ne suis pas entré dans le bureau de la technicienne qui recueille les appareils : 

  • Je refuse de me garer dans le parking de l'hôpital pour des raisons éthiques (par radinerie ?) et trouve une place à 200 mètres.
  • Le hall d'entrée est bien rempli.
  • Pas un masque à l'horizon. Sauf le mien (le voisin que j'accompagne me dit qu'il ne "supporte" pas d'en porter. J'ai failli lui dire au dernier moment d'appeler un Uber (c'est quand même ma voiture). Pas un masque, sauf l'employé de la cafétéria (un masque chirurgical presque replié en deux et qui a connu des jours meilleurs).
  • Nous descendons au rez-de-chaussée où la salle d'attente est toujours en attente de patients et de visiteurs masqués mais où les fenêtres sont grandes ouvertes. Tout le monde tousse.
  • Le patient est reçu à l'heure.
  • Voici ce qu'il me raconte (dans le désordre) :
    • j'ai payé 300 euros.
    • 97 % de mes données ont été enregistrées (la technicienne me donne un bon point)
    • je n'aurai pas de résultats avant 3 à 6 semaines, sauf si le/la cardiologue rythmologue trouvait quelque chose avant.
    • je ne reverrai pas le/la cardiologue rythmologue
    • il/elle va m'envoyer le compte-rendu par mail ainsi qu'à mon/ma cardiologue qui me recontactera si nécessaire
    • je ne suis pas content : on me fait un holter pendant 3 semaines, il n'y a pas de contrôle en direct et il faut encore 3 à 6 semaines pour interpréter (si je ne suis pas mort avant d'un arrêt cardiaque)
    • à quoi servent les médecins qui ne "voient" pas les patients ?
La chose qui m'a surtout intrigué : le compte-rendu sera envoyé par mail simple sans utilisation d'un réseau sécurisé. Quant au DMP ? Mystère.

Il est vrai que les données brutes ne sont pas adressées par mail... 

mardi 10 décembre 2024

Un centre de référence pour une maladie non rare : pour qui est-il destiné ? La science ou le patient ? Histoire de santé publique sans consultation 25.

Petr Válek


Je rencontre un collègue dont la fille, 37 ans, est prise en charge dans un centre de référence pour une maladie aiguë/chronique et potentiellement invalidante, très invalidante et au pronostic très incertain.

Il me raconte l'histoire, son inquiétude, le fait qu'il soit médecin n'arrangeant pas les choses. Et accessoirement : les difficultés qu'il a toujours eues à communiquer avec sa fille.

Sa fille est terrorisée. Elle est terrorisée par la maladie qui la frappe, elle est terrorisée parce qu'elle ne sait pas comment elle va pouvoir élever ses enfants, sa carrière professionnelle, comment son mari, bla-bla.

Elle est suivie dans un centre de référence (référencé) d'un hôpital parisien (prestigieux).

Ce n'est pas une maladie rare. La maladie est fréquente et elle caractérisée par des tableaux cliniques très différents, des modalités évolutives prévisibles/imprévisibles, la possibilité de poussées aiguës, des traitements éprouvés qui ne "marchent" pas tout le temps, qu'il faut changer, adapter, et cetera. Bref. Je n'en dis pas trop. 

Sa fille est aussi terrorisée parce que les médecins, sans doute en fonction de l'évolution propre de la maladie, lui tiennent des discours différents : le médecin optimiste et le médecin pessimiste. Avec toutes les variantes. La maladie évoluant par cycles de rémission et d'aggravation, les propos peuvent être justes au moment où ils sont tenus.

Elle a besoin d'un soutien psychologique qui lui a été proposé mais elle le refuse. Elle en a assez d'être trimbalée entre soignants... Sans oublier que lors de sa longue première hospitalisation puis lors des hospitalisations de jour, elle a entendu tout et n'importe quoi, pour résumer, des médecins, des kinésithérapeutes, des internes, des externes, des infirmières, des aides-soignantes, des agents d'entretien, des propos qui lui étaient adressés ou qu'elle a volés dans sa chambre, entre sa chambre et le couloir, dans les couloirs. 

Elle est terrorisée par son avenir parce que, ouvrez vos oreilles, retenez votre souffle, accrochez-vous aux branches, dans le centre de référence où se rend régulièrement cette jeune femme, elle n'a pas de médecin référent. Elle voit à chaque fois un médecin différent !

Un médecin différent qui regarde le dossier, bien entendu, mais qui ne sait pas comment les autres confrères ou consoeurs ont parlé à la patiente la consultation précédente, l'hospitalisation de jour précédente et cetera.

Ce n'est pas comme cela partout.

Heureusement.

Mon collègue me demande à quoi sert ce centre de référence s'il n'est pas surtout destiné à prendre soin des patients, si la réflexion scientifique sur les relations soignants/soignés n'est pas étudiée avec le même sérieux scientifique que la maladie dont le centre est la référence...

Je lui dis avec prudence qu'il est possible que sa fille soit mal tombée, qu'un concours de circonstances ait fait que les plannings étaient serrés, que le médecin référent désigné a changé d'hôpital, que le personnel n'est pas assez nombreux, pas assez formé ou fatigué...

Il n'est pas convaincu car il est inquiet, qu'il souffre pour sa fille, qu'il se dit qu'il n'a pas assez communiqué avec elle quand elle était en bonne santé... et que ce ne sera plus jamais la même chose.

Il est désemparé. 

Désemparé par le malheur.

Je pense ne moi-même qu'il n'existe pas un centre de référence pour le malheur.


lundi 2 décembre 2024

Aphorismes Médicaux #24 : 20, 19, 18, 17, 16, 15, 14, 13, 12, 11, 10, 9, 8, 7, 6, 5, 4, 3, 2 et 1

#20 Prise de décision partagée en santé.

La prise de décision partagée en santé est une ruse juridique mise en place par les soignants pour les innocenter en cas d'échec et pour les glorifier en cas de succès.




#19 Les économistes de la santé sont à la santé ce que les professionnels de santé sont à l'économie.

Pseudonyme, 2024.



#18 Big Data en médecine

"Le Big Data prétend se jouer de la complexité des données... alors que la pierre d'achoppement est la complexité des phénomènes." 

"Le Big Data signifie prendre la corrélation pour la causalité."

Jean-Pierre Dupuy (2024)

#17 L'hospitalocentrisme est la maladie infantile de la Santé publique



#16 Les vaccins sont des médicaments comme les autres.

Il est possible de tester leur efficacité sur des critères cliniques (prévention des formes graves, transmission, par exemple) et pas seulement sur des critères de substitution (les taux d'anticorps) en menant des essais contrôlés. Il est aussi nécessaire d'en déterminer les effets indésirables sévères et inattendus. 

#15 La médecine a fait tellement de progrès que plus personne n'est en bonne santé.

Aldous Huxley (1894 - 1963).




"Medical science has made such tremendous progress that there is hardly a healthy human left."

#14 La médecine préventive est 3 fois arrogante :

La médecine préventive est trois fois arrogante : Premièrement, elle est agressivement affirmative traquant les individus sans symptômes et leur disant ce qu'ils doivent faire pour rester en bonne santé... Deuxièmement elle est présomptueuse, persuadée que les actions qu'elle préconise feront, en moyenne, plus de bien que de mal à ceux qui les acceptent et qui y adhèrent. Finalement, la médecine préventive est autoritaire, attaquant ceux qui questionnent la validité de ses recommandations.

David Sackett

#13 La maladie est le salaire du péché.

De très nombreux soignants pensent cela tout comme de très nombreux citoyens.

"Vous l'avez mérité"

C'est bien entendu plus grave pour les soignants qui prescrivent et délivrent des soins.

Mais c'est aussi très préjudiciable pour les patients.




#12 Dépistage

Aucun dépistage de cancer n'a montré qu'il diminuait significativement la mortalité globale des personnes qui y participaient.

@ZoltiumHQ


#11 Effet Matthieu.

La privatisation de l'État providence ne conduit pas à faire disparaître les droits sociaux mais à en concentrer le bénéfice sur ceux qui en ont le moins besoin.

Par référence à un verset fameux de l'Évangile selon Saint Matthieu (XXV, 29) : "À celui qui a, il sera beaucoup donné et il vivra dans l'abondance, mais à celui qui n'a rien, il sera tout pris, même ce qu'il possédait."

L'effet Matthieu désigne la capacité des forts à devenir les premiers bénéficiaires des dispositifs visant à améliorer le sort des faibles.

In : L'esprit de Philadelphie. Alain Supiot. 2010. Paris, Le Seuil.



#10 Médecine et morale.

Chaque fois qu'un médecin fait la morale il ne fait ni de la bonne médecine ni de la bonne morale.




#9 Diagnostic

Une erreur de type 1 condamne un innocent.
Une erreur de type 2 acquitte une coupable.



#8 Prescrire est plus facile que ne pas prescrire.

Jamais un patient n'a traduit en justice un médecin qui lui avait prescrit un dosage de PSA sans l'avoir informé du rapport bénéfices/risques.

Dans le métro.


#7 Surdiagnostic

Un surdiagnotic de cancer, par exemple, est un authentique cancer qui, s'il n'avait pas été décelé, n'aurait provoqué ni morbidité ni mortalité.

Le surdiagnostic, toutes pathologies confondues, est la pandémie silencieuse des pays développés.



#6 Placebo 

"Prescrire un placebo est un danger pour le patient comme pour le prescripteur." 

Shapiro HM, 1986.

Mais il peut être éthique de prescrire un placebo en le disant au patient (cela ne change en rien son effet).


#5 Les études en conditions réelles

Les études en conditions réelles pour démontrer l'efficacité d'une molécule ou d'un traitement, c'est comme danser un slow avec sa soeur, ça ne mène à rien.

(Adapté de Diego Maradona : "Arriver dans la surface et ne pas pouvoir tirer au but, c'est comme danser avec sa soeur")

1960 - 2020


#4/24 Les examens complémentaires


La prescription d'examens complémentaires est souvent le cache-misère d'une triple absence d'interrogatoire, d'examen clinique et de connaissance de la sémiologie mais malheureusement aussi la première étape d'un traitement inutile.


#3/24 Quatre-vingt % des déterminants de santé sont non-médicaux.


Les médecins en concluent contre toute évidence qu'il faut intensifier la médecine.

#2/24 La loi inverse des soins (Inverse Care Law)



La possibilité d'accès à des soins médicaux de qualité est inversement proportionnelle aux besoins des populations concernées.

 

#1/24 La médecine n'est ni un art ni une science.

"La médecine n'est ni art ni science. C'est au contraire une discipline empirique, fondée sur des talents diagnostiques et thérapeutiques, aidée par la technologie, c'est à dire l'application efficace de la science." Petr Skrabanek et James McCormick



lundi 18 novembre 2024

La vaccination obligatoire des nourrissons a-t-elle été efficace pour augmenter la couverture vaccinale ? Non.





La vaccination obligatoire des nourrissons a été instaurée le premier janvier 2018 : elle concernait 11 vaccins.

L'objectif avancé par les autorités gouvernementales de santé publique était d'augmenter la couverture vaccinale des nourrissons et de vaincre par la force l'hésitation vaccinale. 

J'avais signé le 16 octobre 2017 une lettre ouverte contre cette obligation en arguant que l'éducation valait mieux que la coercition. C'est LA.

En avril 2024 une agence gouvernementale (Santé Publique France) publie les chiffres de couverture vaccinale. 

ICI avec le texte complet à télécharger

Il est assez difficile de faire des comparaisons dans le temps car les données, de 2017 avant l'obligation vaccinale jusqu'à 2020 ont été obtenues ainsi : 


Et ensuite, d'un seul coup d'un seul, les mesures ont été effectuées par sondage à partir de la base de données du SNDS : DCIR entre 2020 et 2022.

En général, quand on change le système de mesure c'est pour montrer que les résultats que l'on escomptait sont meilleurs avec le nouveau système qu'avec l'ancien. Eh bien, dans ce cas, c'est le contraire.

(On peut dire d'une part que les chiffres obtenus par les certificats en PMI étaient surévalués en raison d'une population captive et/ou plus volontaire) et ensuite que les sondages ne sont que des sondages).

Prenons l'exemple de la vaccination ROR. En 2020 : couverture vaccinale 

  • Par certificats (24 mois) : 
    • 1 dose : 95,1 %
    • 2 doses : 92,8 %
  • Par sondage SNDC-DCIR  (21 mois) : 
    • 1 dose : 93,2 %
    • 2 doses : 84,7 %
Les améliorations :
  • Entre 2017 et 2020 :
    • 1 dose : + 3,2 %
    • 2 doses : + 6,5 %
  • Entre 2020 et 2022 :
    • 1 dose : + 0,5 %
    • 2 doses : + 1 %

Donc, les comparaisons sont difficiles... Et ce, d'autant plus, que les vaccins heptavalents sont apparus.

Nous ne reviendrons pas sur les discussions concernant l'efficacité des vaccins sur différents critères qui dépendent de chaque vaccin, nous l'avons déjà fait largement.


Nous nous intéresserons simplement à l'efficacité de l'obligation vaccinale sur la couverture vaccinale.

En 2020 la couverture vaccinale pour DTPC-Hib était de 98,8 % (certificats) avec une augmentation de + 0,7 % depuis 2017. En 2022 (SNDS-DCIR) : 91,4 %, soit + 0,5 % depuis 2020

En 2020 la couverture vaccinale pour le pneumocoque (3 doses à 24 mois) était de 95,7 % (certificats) avec une augmentation de 4,1% entre 2017 et 2020. En 2022 (SNDS-DCIR) : 91,7 %, soit + 0,6 % depuis 2020.

Pour le Méningocoque C : la couverture vaccinale selon SNDS-DCIR a baissé de 0,6 % entre 2020 et 2022 : de 87,6 % à 87 %

L'obligation vaccinale a donc produit des effets marginaux puisque même les objectifs sur la rougeole (95 %) n'ont pas été atteints.

Quelques considérations sur la Santé publique : 

  • La Santé publique est par essence inégalitaire : les CSP + vivent plus longtemps et en meilleure santé que les CSP - 
  • Les politiques de Santé publique ne peuvent plus être menées globalement mais il faut aller vers les populations les plus défavorisées, i.e., les populations à risques de maladies ou à risques de ne pas être touchées pour des raisons multiples par les politiques nationales.
  • L'analyse des raisons pour lesquelles les nourrissons ne sont pas vaccinés est intéressante du point de vue de ce qui doit être fait et si cela touche des populations particulières.
  • La diminution du nombre de PMI pour raisons budgétaires par les Conseils Départementaux n'est sans doute pas la meilleure mesure pour aller vers.
  • L'évaluation des politiques de Santé publique ne peut se faire sur des critères de substitution (le nombre de vaccinés) mais sur des critères épidémiologiques : morbidité et mortalité.
  • Il n'est pas possible de proposer des vaccins sans informer sur les enjeux de façon objective.
  • L'obligation vaccinale chez les nourrissons, on va le voir, n'a pas entraîné une adhésion massive pour les vaccins non obligatoires
  • Les atermoiements covidiens, les mensonges répétés sur l'efficacité des vaccins, des masques, de la distanciation sociale (tiens, on n'en parle plus), de l'aération et la perte de toute éthique scientifique dans la présentation des résultats...

Mais qu'en est-il des vaccinations non obligatoires ?

La valeur "pédagogique" de la vaccination obligatoire ne s'est pas fait ressentir sur les vaccinations non obligatoires.

Chez le nourrisson (2022).

Méningocoque B : la couverture vaccinale (3 doses) était de 35,1 % à 21 mois.

Rotavirus : 30,9 %

Chez les adolescents

A 15 ans et en 2023 44,7 % des filles ont reçu 2 doses contre 15,8 % chez les garçons.

La vaccination dans les collèges et en ville a été semble-t-il favorable avec une augmentation des taux de vaccination de 17 % chez les filles et de 15 % chez les garçons.


Adultes.

Nous ne disposons de chiffres que pour la grippe et le covid.


Les chiffres ne sont pas bons tant pour la grippe (populations exposées) que pour le Covid (mais les chiffres concernent les rappels et non les vaccinations 2 + 2 sans tenir compte des sujets ayant eu le covid.

Mais on peut déjà retenir ceci : 


Grippe : 19 % des professionnels de santé exerçant en établissements de santé sont vaccinés

Covid : Les couvertures vaccinales chez les professionnels de santé sont estimées à 9,9 % pour ceux exerçant en Ehpad, 11,1 % pour les libéraux et 12,2 % pour ceux exerçant en établissements de santé

Pour les chiffres en population générale : 

Grippe : 
  • 25,4 % des personnes de moins de 65 ans à risque ont été vaccinées en 2023-2024 contre 34,3 % en 2021-2022 (- 8,9 %)
  • 54 % des personnes de plus de 65 ans ont été vaccinées en 2023-2024 contre 56,8 % en 2021-2022 (- 8,9 %)
Covid (selon les mêmes figures) : 
  • 12 %
  • 30,2 %

Conclusion : 

Le boulot n'a pas été fait. La coercition n'a pas marché.

Pour les nourrissons les progrès sont maigres et l'objectif rougeole n'a pas été atteint.

Pour les adolescents, c'est en devenir.

Pour les adultes (grippe et covid) : c'est catastrophique.

Commentaires : la destruction des soins primaires dont la médecine libérale et et les PMI continue. Les mensonges sur les vaccins contre la grippe et contre le covid laissent des traces.

Que faire ?

Informer, informer, informer.

Informer sainement.





dimanche 3 novembre 2024

Au marché de Versailles, vieillissement de la population et consumérisme médical. Histoire de santé publique sans consultation 24.



Ce matin, comme tous les dimanche matins ou presque (j'ai le droit à des vacances, des RTT, des jours de carence) je suis allé au marché de Versailles qui se situe, accrochez-vous bien, place du Marché.

Le marché de Versailles, contrairement aux idées reçues, on y fait aussi de bonnes affaires. Pas autant qu'au marché du Val Fourré, j'avoue, le vendredi où tout tombe du camion... Mais on y trouve, un comté 24 mois excellent, fruité, granuleux (les fameux grains de tyrosine) pour la modique somme de 16,99 € le kilo, du vieux salers à 22,70 € et un camembert au lait cru, bien fait, sentant l'étable, à 4 € l'unité...

Bref, revenons à notre balade dominicale et matutinale.

Je rencontre de nombreux hommes au teint pâle, à l'obésité gynoïde qui ont dû céder aux sirènes des dépistologues ou à qui des médecins paternalistes leur ont dosé le PSA à l'insu de leur plein gré et dont les traitements anti androgènes et autres analogues de la LH-RH ont provoqué, outre la pâleur et l'obésité favorisée par un appétit dévorant, des fuites urinaires, un organe sexuel pendouillant en continu, et le contentement de leurs femmes qui n'ont plus à céder aux devoirs conjugaux (elles n'ont plus droit qu'aux plaisanteries idiotes de fins de repas). 

Et, parmi ces hommes, je salue Monsieur A, 82 ans, le barbour vert un peu passé recouvrant une doudoune matelassée à manches courtes, le pantalon saumon un peu serré et les chaussures Timberland basses qui auraient mérité un coup de cirage, à qui je demande sans espoir "comment ça va" et qui me pond une tartine sur ses injections mensuelles, ses médicaments, ceux pour le cancer, la tension, le coeur et le cholestérol. Je ne lui demande pas par charité chrétienne, nous sommes à Versailles, faut pas rigoler avec ces trucs-là, s'il ne tache pas trop son slip, si Madame est contente et s'il consulte son cardiologue tous les six mois...


Les vieux paniers à provision roulants en osier sont désormais remplacés par des déambulateurs très chics (et remboursés) qui attestent que les troubles musculo-squelettiques sont devenus à la fois la plaie du monde moderne et le bonheur chronique des marchands de matériel, des médecins, des rhumatologues, des ostéopathes, des kinésithérapeutes et des vendeurs de chaussures orthopédiques, de semelles dans le même métal et d'autres orthèses, sans oublier les pharmaciens et les industriels du médicament. 




Il y a du monde sur le marché.

Je ne vous parle pas des jeunes, des familles versaillaises éclatantes de santé...

Je rencontre aussi la tribu des insuffisants cardiaques qui marchent à petits pas, qui reprennent leur souffle,  dont les ordonnances mériteraient très souvent un passage devant le conseil de guerre (il y a aussi beaucoup de militaires à Versailles) et dont certains se félicitent à haute voix d'avoir eu la chance de rencontrer à l'hôpital ou en ville le fameux docteur B, cardiologue de son état, qui, non content d'avoir publié un livre sur l'amylose cardiaque (une maladie trop souvent sous-diagnostiquée prétend-il, pas seulement par ces ânes de médecins généralistes, mais aussi, malheureusement, soupire-t-il, par mes confrères cardiologues), ne cesse d'en diagnostiquer chez les patients qui consultent chez lui, et de le prescrire au prix encore plus modique de 7261 € par mois.

Quand on se fait prescrire un médicament qui vaut ce prix, ça le vaut bien, on peut en parler à ses copains, ses copines ou ses relations : on en est. Eh bien Monsieur C, 86 ans, fait partie de ces heureux mortels à qui on a prescrit ce médicament si cher ("on a quand même de la chance, nous les Français, c'est remboursé) et, s'il ne semble pas aller beaucoup mieux sur le plan cardiovasculaire, il a gardé le verbe vif et nous pouvons parler à loisir de la situation internationale qui n'est pas fameuse, de sa femme qui le fait suer, de Poutine qui va finir par gagner et du conflit à Gaza qui est une vraie saloperie "mais ils l'ont bien cherché" (je ne saurais pas dire de qui il parle, des Israéliens ou des Gazaouis ou des Libanais, parce que sa femme se pointe et qu'il n'est pas convenable de parler politique dans la rue)...


“The problem with the world is that the intelligent people are full of doubts, while the stupid ones are full of confidence.” - Charles Bukowski


Mais la cohorte des personnes qui vont bien est quand même impressionnante (bien que j'aie oublié de vous parler, mais ça se voit peu au marché, des gens âgés qui sont réveillés la nuit depuis des siècles par des myalgies, des crampes ou qui présentent des douleurs polyneuropathiques des extrémités, et qui ont consulté deux ou trois neurologues, ont eu des trois EMG, douze scanners, six IRM, pris des médicaments inefficaces et remplis d'effets indésirables, sans oublier les insomniaques à qui on a fortement déconseillé de ne rien prendre pour dormir sinon des tisanes, de faire plus souvent l'amour et des séances de relaxation en pratiquant le yoga, le Tai-chi, le reiki, la méditation transcendantale ou l'hypnose ericksonienne).


L'industrie du bien-être aux 30 milliards de dollars rend malades les Etats-Unis.
ICI


Heureusement qu'au marché de Versailles on peut acheter des produits bios (souvent tombés du camion non bio), qu'il y a aussi des boutiques spécialisées... Que les intolérants au gluten et les allergiques dans le même métal (dont le nombre est en chute libre depuis la pandémie de covid, sans doute la vaccination, le port du masque, et l'aération des lieux de vie) peuvent aussi se fournir dans des boutiques spécialisées (je ne donne pas les noms car je n'ai pas encore signé de contrats avec les firmes, je m'abstiens donc par éthique).

Ad libitum.

Interrogez n'importe quelle personne de plus de soixante-dix ans au marché de Versailles, celle qui achète du dos de cabillaud (26 € le kilo), des poivrons de toutes les couleurs (4,98 € ce matin), et cetera, ils ou elles vous diront toutes et tous combien de lignes de médicaments ils ont sur leurs ordonnances (trop), le nombre d'IRM et de scanners qu'ils passent continuellement, et aussi, surtout chez les hommes, le nombre de stents qu'on leur a posés dans leurs coronaires.

C'est un sport versaillais (on me dit dans l'oreillette, on l'a entendu dans un confessionnal, que c'est partout pareil, même chez les mécréants, les protestants, les juifs, les musulmans, les bouddhistes ou les zoroastriens) que de compter ses stents, comparer ses taux de cholestérol, le bon et le mauvais, faire des concours dans les salons, "ton médecin ne t'a pas prescrit de vitamine D, de compléments alimentaires, un régime ? ... - Mais si, mais si...")

Le stent est l'avenir de l'humanité.

N'oubliez pas que l'espérance de vie à la naissance stagne, que l'espérance de vie en bonne santé décroit, mais que le marché s'agrandit.


Via @Dr646464
Littérature apportée par un patient pour que son futur médecin traitant s'instruise

dimanche 27 octobre 2024

Il est possible de mener des essais cliniques contrôlés (vaccins) dans le cas de virus respiratoires (grippe saisonnière et Covid).



Déf. : Un.e vaccinolâtre est une personne pour qui la moindre critique, même mineure, d'un essai clinique, d'un point de vue, d'un éditorial, concernant les vaccins, fait de la personne qui l'a formulée un.e antivaxx.


La lecture critique d'articles (LCA) pour les vaccinolâtres s'arrête aux articles concernant les vaccins (on me dit dans l'oreillette que ce n'est pas mieux pour le reste).





Je me suis fait agresser l'autre jour sur X par deux individus à propos de mes commentaires sur un essai mené "dans les conditions réelles" étudiant le risque d'événements cardiovasculaires post vaccinaux (Covid).


L'article est ICI

On rappelle que "Conditions réelles" signifie pour les essais cliniques : un essai non aveugle, non randomisé, volontiers de cohorte ou cas-témoin, le plus souvent rétrospectif sur données électroniques (sans voir le ou la patiente ou le ou la sujette, selon les cas) dont les données cliniques sont documentées par la personne/patient soit par entretien téléphonique, soit par SMS, soit par mail.

Les essais cliniques en condition réelle ont un intérêt pour explorer des pistes sur des populations plus importantes, pour élargir le champ des connaissances obtenu dans des essais contrôlés robustes positifs (à d'autres populations, en intention de traiter, effets indésirables, ...) mais certainement pas pour valider des indications et des AMM.

Mes deux V** se sont vantés de connaître la taxonomie des preuves des essais cliniques en fonction de leur poids.

L'idée essentielle, développée par l'industrie, la partie est presque gagnée à la FDA et sur le point de l'être à l'EMA, est de pouvoir (pour enregistrer un produit et le rembourser) se passer à termedes essais contrôlés, considérés comme pertes de chance pour les patients et pertes d'argent pour les industriels. Nos deux amis font partie du lobby "Les essais contrôlés ne servent pas à grand chose". Au moment où un article paru dans le JAMA indique le contraire (LA).

Et j'ai eu droit à une phrase dans le style : "peu importe la qualité de cet essai puisque tous les essais contrôlés antérieurs disent la même chose..." Et ensuite : "Qui êtes-vous pour critiquer un essai clinique concernant les vaccins ?" Réponse : Un antivaxx et un comploplo.

Les deux V** se sont ensuite attaqués au fait que je fournissais des arguments issus de mon blog au lieu de développer sur X les mêmes arguments à leur attention, ce qui, bien entendu, est une preuve de non-expertise.

J'écrivais dans ce billet intitulé Misère de l'épidémiologie (ICI), que ce qui s'était passé pour le vaccin anti grippal, à savoir pas qu'aucun essai essais contrôlé n'avait été mené depuis des lustres, se reproduisait avec le Covid et la réponse de l'un deux, un futé, me balançait à la figure que mon billet était erroné puisqu'une étude montrait que c'était impossible de le faire.


via Nicolas Badre (@BadreNicolas)

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Ce que dit Cochrane sur les vaccins anti grippe saisonnière

On rappelle, avant d'aller plus loin, aux 2 V** que la collaboration Cochrane est très sceptique sur l'efficacité de la vaccination anti grippale tant en institutions pour personnes âgées qu'en termes de dissémination soignants vers soignés. 

Chez les adultes en bonne santé : ICI. (hors Cochrane : LA)

Chez les personnes âgées : LA.

Chez les enfants en bonne santé : ICI.

On connaît les défauts et les limites de Cochrane depuis un certain temps (entreprise devenue commerciale, insincérité sur la production des données, influence de l'industrie pharmaceutique) mais le fait que Cochrane ait fait des conclusions pour le moins négatives de l'efficacité des vaccins anti grippe saisonnière, notamment dans les populations à risque, les personnes âgées e/ou polymorbides, et n'ait pas réactualisé ses données parce qu'il n'y a pas de nouvelles études robustes à conduire.



Propriété : Armelle de Moncuit (@Armelle2M) 



Voici l'étude que nos deux champions de la science m'ont adressé comme preuve de mon ignorance et de leurs qualités.

L'article est LA.

Analysons l'article.

L'abstract dit exactement le contraire de ce que prétendent les deux V**.

Our findings suggest that a pragmatic RCT using non-specific endpoints is feasible.

A condition, bien entendu, de cibler les personnes à risques en fonction de leur âge, de leurs comorbidités, de leurs lieux de vie (communautaires ou institutionnalisés) : le b.a.-ba de l'épidémiologie et des études. Car l'incidence de la maladie est différente comme le note l'abstract lui-même :

Hospitalization rates were 40–50-fold and 2–10-fold higher in those >50 years and with comorbidities, respectively.

Liens et conflits d'intérêts.

Arrêtons-nous un moment, cela a quand même de l'importance, sur les auteurs de l'article. Parmi les 13 signataires, 4 sont des employés de Sanofi Pasteur dont le premier signataire ! 

Ainsi, une étude dont le promoteur est Sanofi Pasteur et dont 4 des rédacteurs sont des employés de la firme, indique que ne pas faire d'essais contrôlés n'est pas une erreur puisqu'ils sont infaisables (i.e. ils justifient la non-action de leur employeur).

  

L'introduction.

C'est un poème. Les auteurs écrivent à la deuxième ligne de l'introduction que :

Randomized control trials (RCTs) have, in recent years, relied on laboratory confirmed influenza as a study endpoint to demonstrate the efficacy of influenza vaccines.

Hors, l'article de 2012 qu'ils citent (LA), une revue systématique et une méta-analyse, pour montrer que ça marche, dit exactement le contraire : Evidence for protection in adults aged 65 years or older is lacking.

Et comme ils reconnaissent implicitement en fait que ça ne marche pas ils dérivent vers les complications non pulmonaires de la grippe... 

Cela dit : Differentiated influenza vaccines have demonstrated improved immunogenicity and protection for older adults and some studies have included non-specific cardiovascular or other secondary events to illustrate the full public health value of these vaccines as compared with traditional influenza vaccines12,13,14,15.

Je suis donc allé aux sources : 

La référence 12 est une étude de dose, normale vs forte.

La référence 13 est une étude ouverte.

La référence 14 est une étude contrôlée non significative ! Avec cette phrase pêchée : Pas d'essais depuis 2001 !

Mensonges.

La méthodologie de l'essai.

Pas de surprise : étude rétrospective sur dossiers électroniques à propos de patients hospitalisés au Danemark et en Angleterre pour grippe saisonnière.

Les résultats.

Unsurprisingly, hospitalizations were more common in older adults: respiratory and cardiovascular hospitalizations were ~40 fold and ~100-fold higher in those aged ≥75 than in those aged 18–34 years.

La discussion.

On comprend en la lisant que l'imprimatur a été donnée par le service marketing de Sanofi Pasteur... Mais les contradictions pullulent.

(Ce que l'on reproche aux essais cliniques en général, c'est d'inclure des patients ou des patients trop propres sur eux ou sur elles, c'est à dire sans comorbidités, ni trop jeunes, ni trop âgés)

Eh bien la discussion de l'article dit ceci avec une grande candeur (?) : ce sont les personnes les plus fragiles qu'il vaudrait mieux étudier pour la survenue d'effets indésirables mais cela serait un biais car on ne pourrait étendre les résultats aux personnes ne présentant pas de fragilité. On tombe sur la tête !


On répète donc : il est possible de mener des essais cliniques contrôlés pour le vaccin anti grippe saisonnière avec d'autres critères que l'immunogénicité pour l'efficacité et en sélectionnant les patients à risque de faire des formes graves.

Pour les vaccins anti covid, c'est idem. Mais c'est très compliqué à faire. En raison des mutations, de l'efficacité ou non des mesures non pharmacologiques et de la circulation du virus dans la société tout entière : il s'agit d'un virus respiratoire !



Et voilà la publication d'un article (LA) qui va dans le sens de la possibilité de mener des essais cliniques et qui propose des solutions. 



On peut négliger les V**