jeudi 12 mars 2009

LES PERSONNES AGEES : UNE CIBLE REVEE POUR LA STRATEGIE DE KNOCK / DISEASE MONGERING

Cet article est en relation avec les deux premiers articles publiés sur Stratégie de Knock et Disease Mongering : premier et deuxième.


Les personnes âgées (on dit désormais le troisième, voire le quatrième âge) sont au centre d'enjeux importants :


  1. L'allongement continu de leur espérance de vie est un critère majeur avancé par les politiques et par les médecins (les medias attendent avec impatience les derniers chiffres et le classement des Etats / systèmes de santé) pour justifier l'excellence du système de santé, les dépenses engagées et les dépenses à engager. (On se plaît en détaillant ces classements globaux à douter de l'existence d'une corrélation entre l'organisation des soins et la longévité des populations.)


  2. Cette longévité pose le problème de la dépendance et nécessite des investissements pour que les personnes âgées puissent finir leur vie entourées d'un personnel qualifié à domicile ou en institutions médicalisées ou non. Il paraît acquis d'un point de vue sociétal que les personnes âgées (nos parents pour faire trivial) ne doivent plus compter sur leur famille sinon sur un plan financier, et encore.


  3. Le cas particulier de l'apparition de nouvelles maladies comme l'Alzheimer et les démences en général inquiète à la fois sur le plan de la santé mais aussi sur un plan économique : que faire de ces patients déments ?


  4. La mort est devenue un sujet tabou. Si quelques médecins promettent l'immortalité, la société se fixe deux objectifs pour elle-même : une existence et une mort sans souffrances. La société demande la généralisation de l'accompagnement médicalisé vers l'au-delà avec services de fin de vie et réseaux locaux dans le même métal. Ce que l'on appelle les soins palliatifs. Il est possible qu'un député veuille un jour inscrire le Droit aux soins palliatifs dans la constitution.


  5. Les personnes âgées sont déjà et potentiellement un marché lucratif pour : les médecins, les sociétés d'assurances, les groupements immobiliers, les entrepreneurs, les services de restauration à domicile, le paramédical (y compris les ambulanciers, les infirmiers et les aides-soignants, les kinésithérapeutes...), les associations, les politiques...


  6. La Stratégie de Knock peut donc s'y exercer avec délectation.


Un point de vue vient d'être publié dans le British Medical Journal, malheureusement l'accès est payant. Je vais essayer de vous le résumer car il est passionnant. L'auteur s'appelle Michael Oliver, il est professeur émérite de cardiologie et exerce à Edimburgh. le titre de son papier : Let's not turn elderly people into patients. Ne rendez pas malades les personnes âgées.


Notre collègue replace cela dans le contexte du programme du NHS s'appelant QoF (Quality and outcomes Frameworks) qui s'intègre dans le programme du paiement à la performance mis en place pour les médecins généralistes.


Son article commence ainsi : "De nombreuses personnes âgées, souvent à la retraite [nous ne sommes pas en France - Note de JCG], sont convoquées par leur médecin généraliste pour un bilan annuel. Ils se sentent généralement bien mais le NHS ne permet pas toujours une telle euphorie. On leur dit qu'ils pourraient être hypertendus, avoir un diabète, un cholestérol élevé ; qu'ils pourraient être obèses, qu'ils pourraient faire peu d'exercice, mal manger et boire trop. Et ainsi demande-t-on à nombre de ces patients de nouvelles investigations. Il est possible qu'il commence à prendre des pilules. Très peu semblent être considérés comme non à risques de quelque chose. Et ainsi nombre d'entre eux qui se sentaient en bonne santé reviennent chez eux malades. Et ils peuvent en être effrayés et ne plus vieillir confortablement."


Cela ne vous rappelle pas quelque chose ?


Et il continue : "De quelle sorte de médecine s'agit-il ? Ce sont les politiques qui prennent le pas sur le professionnalisme [des médecins], c'est l'obsession des objectifs gouvernementaux qui écrase le bon sens, c'est le paternalisme qui remplace les opinions personnelles."


Les commentaires qu'il fait sur les raisons de cette extrême préoccupation pour la santé des personnes âgées est classique : le poids des Recommandations mal digérées ou lues sans esprit critique ; la pression financière du NHS, des économistes gouvernementaux et des assurances privées ; la force de persuasion de Byg Pharma.


Pour le reste, nous soulignerons des éléments classiques que l'on retrouve constamment lorsque la Stratégie de Knock est en marche.

  1. Les Recommandations ont tendance à élargir le champ des maladies (cf. l'HTA) et à négliger les sous-groupes à risques ou, dans le cas présent, à non risques. La limite de 140 / 90, contestée chez l'adulte sain pour faire entrer un patient dans la cohorte innombrable des hypertendus et considérée comme un dogme par l'ensemble des recommandations internationales, devient ridicule au delà de 75 ans (et même avant). Toujours dans le même ordre d'idée, la façon de mesurer la PA mériterait que l'on s'arrêtât sur le nombre de diagnostics par excès qui deviennent justifiés puisque la prescription d'un médicament permet d'obtenir, ensuite, une PA normale...
  2. La méconnaissance par la majorité des médecins de la moindre notion d'épidémiologie et / ou de statistiques médicales facilite l'interventionnisme des marchands de médicaments et des médecins qui vivent des personnes âgées. Deux exemples : a) la différence entre risque relatif et risque absolu qui est fondamentale dans la décision thérapeutique. Imaginons un traitement qui diminue le risque relatif de 20 à 25 % mais le risque absolu de 1 % Qu'en sera-t-il chez une personne âgée avec une espérance de vie a priori plus restreinte ? 2) Le nombre de malades à traiter pour éviter un événement. Imaginons qu'il faille traiter 75 hypertendus âgés légers pour éviter un Accident vasculaire Cérébral, est-ce que les décideurs économiques comprennent qu'il faut traiter 74 personnes âgées pour rien (et à vie) ?
  3. La sous-estimation des effets indésirables chez les personnes âgées qui sont probablement plus importants en nombre, intensité et gêne que chez des personnes plus jeunes. Faut-il risquer chez des hypertendus légers de provoquer, en baissant la pression artérielle, des vertiges et des chutes ? Les myalgies liées aux statines ne sont-elles pas plus gênantes que leur non prescription chez des personnes à faible risque cardiovasculaire ? La sous notification de ces effets n'est-elle pas encore plus grande dans ce groupe particulier de population ?
  4. Le fait que les Recommandations négligent les groupes atypiques comme les personnes âgées ou font semblant de croire que les critères intermédiaires ou de substitution (pression artérielle, LDL ou HDL cholestérol , glycémie à jeun ou HbA1c) sont à prendre en compte de la même façon chez des personnes fragiles, à faible espérance de vie ou, au contraire, à espérance de vie spontanée plus importante qu'il ne pourrait y paraître.
Ainsi les personnes âgées sont-elles un enjeu économique majeur que l'enjeu moral (il serait criminel de ne pas traiter, la santé n'a pas de prix) surévalue et la réflexion des médecins au moment de la prescription doit tenir compte d'une interprétation correcte des données existantes non appropriées à des personnes âgées.

Mais surtout : pourquoi pourrir la fin de vie de patients qui ne se sentent pas malades ?



dimanche 8 mars 2009

FAUT-IL OU NON TRAITER LE DIABETE OU LE MIEUX EST-IL L'ENNEMI DU BIEN ?

La vieille certitude médicale, toujours moins, est-elle en train de voler en éclat ? Le traitement du diabète sucré est-il à la croisée des chemins ?
Depuis de nombreuses années il était acquis que moins l'HbA1C (un marqueur glycémique) était élevée et plus les patients diabétiques étaient protégés des complications macro et microangiopathiques. Trois études parues cette année semblent dire le contraire.

Les faits.
Contrairement à toutes les idées reçues et malgré le nombre colossal de malades diabétiques dans le monde, une seule étude contrôlée existait dans la littérature mondiale montrant des bénéfices à traiter les patients diabétiques : l'UKPDS ou United Kingdom Preventive Diabetes Study (1) ! Et l'étude date de 1998 !

Qu'est-ce qu'on en apprenait au bout de dix ans ?
  1. Que les nouveaux patients diabétiques traités par sulfamide hypoglycémiant et par insuline avec comme objectifs glycémiques à jeun respectivement 1,08 et 1,26 g/l a permis de réduire non significativement les complications de la microangiopathie (et notamment le recours à la photocoagulation rétinienne : - 25 %) par rapport à un groupe témoin.
  2. Que chez les patients en surpoids (traités surtout par metformine) il y avait en plus réduction (non significative) des complications de macroangiopathie et de mortalité.
  3. Enfin, dans les groupes contrôle strict l'HbA1c était en moyenne de 7 % contre 7,9 dans le groupe contrôle.

Un certain nombre de chercheurs se sont posé la question : ne faut-il pas, pour mieux contrôler les complications du diabète, augmenter les exigences et abaisser l'objectif de contrôle de l'HbA1c ?

La réponse est non.
Trois études sont parues récemment :
  1. ACCORD (Action to Control Cardiovascular Risk in Diabetes : 10251 patients, âge moyen = 62 ans, durée moyenne de la maladie = 10 ans, suivi moyen = 3,5 ans) (2) n'a pas montré de diminution du risque d'infarctus non fatal, d'AVC non fatal ni de mort pour cause cardiovasculaire dans le groupe où la moyenne de l'HbA1c était de 6,4 contre 7,3 % dans l'autre groupe. En réalité l'essai a été arrêté avant son terme en raison d'un excès de mortalité dans le groupe intensif.
  2. ADVANCE (Action in Diabetes and Vascular Diseases : 11140 patients, âge moyen = 66 ans, durée moyenne de la maladie = 10 ans, suivi moyen = 3,5 ans) (3) a trouvé une petite réduction de tous les événements dans le groupe strict (6,4 % versus 7,3 % dans l'autre groupe) largement due à la réduction (- 21 %) de la néphropathie (nombre de nouveaux cas de microalbuminurie) mais sans effets sur la macroangiopathie.
  3. VADT (étude chez les militaires vétérans américains : 1791 patients, âge moyen = 60,5, durée moyenne = 5,6 ans) (4) n'a montré aucune différence significative entre le groupe intensif (6,9 %) et le groupe normal (8,4 %).
Ces trois essais vont dans le même sens : un contrôle plus strict de l'HbA1c chez des patients présentant un diabète de type 2 évoluant depuis des années et notamment en l'abaissant en dessous de 7 % :
  1. Ne diminuent pas les complications cardiovasculaires.
  2. S'accompagnent d'une augmentation du nombre des accidents hypoglycémiques
  3. Entraînent une augmentation des coûts : soit en raison du passage à l'insuline (dosages de la glycémie capillaire) ou en raison de la prescription d'un antidiabétique en plus pour atteindre les objectifs
  4. Pourraient entraîner un excès de mortalité.
Mais il y a eu la publication des résultats de la prolongation de l'UKPDS (étude non contrôlée) ; 3277 patients, âge moyen à l'entrée dans l'essai = 54 ans ; durée de suivi 10 + 7 ans) (5) qui ont montré que les patients qui étaient bien contrôlés pendant la première année, même si les traitements initiaux n'étaient pas maintenus, tiraient un certain bénéfice par rapport à ceux qui n'avaient pas eu un contrôle strict. Mais cette étude a un très faible niveau de preuves.

Qu'en conclure ?
  1. Que le mieux est l'ennemi du bien ?
  2. Que les nouveaux patients (comme dans l'étude UKPDS) doivent être particulièrement suivis, éduqués, traités et qu'il est nécessaire de comprendre que la durée est un élément essentiel de leur maladie et qu'il est peut-être possible, notamment chez les patients en surpoids, de diminuer les complications macroangiopathiques ?
  3. Que les patients déjà traités depuis des années et qui présentent des HbA1c élevées (> 10 %) sont particulièrement à risques et qu'il est nécessaire de tenter quelque chose ?
  4. Que chez les patients déjà traités depuis des années, avec des antécédents d'hypoglycémie sévère, et/ou avec une espérance de vie mimitée, et/ou avec des complications macro et microangiopathiques déjà sévères et/ou des comorbidités importantes et/ou des diabètes pour lesquels il paraît difficile de changer et les habitudes de vie et les traitements, il est nécessaire de ne pas se fixer des objectifs trop drastiques ?

FINALEMENT :
  1. Première étape : conseils d'hygiène de vie + metformine
  2. Deuxième étape : ajouter sulfamides hypoglycémiants et / ou insuline si nécessaire
  3. Troisième étape : passer à l'insuline ou intensifier l'insuline
  4. Quatrième étape : pas d'autres produits car non validés sauf cas exceptionnels.





Références

(1) UKPDS Group. Intensive blood-glucose control with sulphonylureas or insulin compared with conventional treatment and risk complications in patients with type 2 diabetes. Lancet 1998;352:854-65.
(2) Action to Control Cardiovascular Risk in Diabetes Group. Effects of intensive glucose lowering in type 2 diabetes. NEJM 2008;358:2545-59
(3) ADVANCE Collaborative Group. Intensive blood glucose control and vascular outcomes in patients with type 2 diabetes. NEJM 2008;358:2560-72
(4) Duckworth W et al. Glucose control and vascular complications in veterans with type 2 diabetes. NEJM 2009;360:129-39
(5) Holman R et al. 10-year follow-up of intensive glucose control in type 2 diabetes. NEJM 2008;359:1577-89

jeudi 5 mars 2009

OTITE MOYENNE AIGUE ET MASTOÏDITE : L'AVEUGLEMENT ANTIBIOTIQUE

Une étude britannique publiée récemment (1) se pose cette question : est-ce que la stratégie regarder-et-attendre dans l'Otite Moyenne Aiguë (OMA) a entraîné une augmentation du nombre des mastoïdites ?
La réponse est non !
Les auteurs ont travaillé sur une base de données britannique en médecine générale regroupant 2,5 millions d'enfants (âge compris entre trois mois et 15 ans) et ont compté les diagnostics d'OMA et de mastoïdites de 1990 à 2006.
  1. Sur les 854 diagnostics de mastoïdite seuls 36 % des enfants avaient eu un diagnostic d'OMA dans les trois mois précédents.
  2. Pendant les 16 ans de suivi l'incidence de la mastoïdite est restée stable (moyenne : 1,2 pour 10 000 enfants-année) alors que celle des OMA diagnostiquées a baissé de 34 % et la proportion d'enfants traités par antibiotiques a baissé de 77 à 58 %.
  3. Le risque de développer une mastoïdite était de 53 % inférieur chez les enfants ayant reçu des antibiotiques par rapport aux enfants n'en ayant pas reçu (1,8 vs 3,8 pour 10 000 épisodes)
  4. Cependant les auteurs indiquent qu'il faut traiter 4831 enfants ayant une OMA pour éviter une mastoïdite ; que la mastoïdite n'est plus aussi grave qu'auparavant ; et qu'il faut tenir compte de l'écologie globale : la résistance aux antibiotiques.

Quelques commentaires

  • Les mastoïdites sont rares. Les OMA sont moins fréquentes. Le nombre de patients à traiter pour éviter une complication est considérable (à comparer au 238 patients naïfs à traiter par statine pour éviter un événement cardio-vasulaire fatal ou non). Sans parler des résistances aux antibiotiques dont la France est la championne d'Europe avec une corrélation très forte entre résistance et prescription.
  • Les limitations de cet essai : les critères de diagnostic de l'OMA ont pu changer avec les années (dans un sens plus restrictif) ; les recommandations françaises font la différence entre enfants entre 3 et 24 mois et enfants plus âgés ; il n'a pas été fait de segmentation par âge.
  • Les préjugés ont la vie dure et les données de l'EBM connues depuis de très nombreuses années ont du mal à faire leur chemin. Quelques exemples :
  • On sait depuis un essai randomisé néerlandais (pays d'Europe où l'on prescrit le moins d'antibiotiques et notamment dans l'OMA) datant de 1981 (!!!) (2) et comparant en aveugle antibiothérapie seule, placebo seul, myringotomie + antibiotiques et myringotomie + placebo, qu'à trois mois il n'y avait aucune différence entre les groupes sur le critère audiogramme. Et pourtant la France était championne des paracentèses et de l'antibiothérapie systématique dans les OMA (ou prétendues OMA).
  • On sait, au moins depuis 2002 (et une étude française, publiée en anglais, mais on comprend pourquoi : ) (3), que l'amoclav ne prévenait pas les OMA en cas de prescription "préventive" dans les affections virales du haut appareil. Et pourtant nombre de médecins affirmaient (affirment toujours) que c'est parce que l'on prescrit des antibiotiques dans les rhinopharyngites qu'on voit moins d'OMA (et de mastoïdites).
  • On sait depuis la nuit des temps (les références me manquent, peut-être la Revue de Médecine de Byg Pharma...) que les gouttes auriculaires sont inutiles dans l'OMA (voire dangereuses) et pourtant elles continuent d'être commercialisées, prescrites et inutiles...

On peut gloser à l'infini sur la responsabilité de Byg Pharma mais on peut aussi s'interroger, indépendamment de considérations conflictuelles d'intérêts, sur les ORL français qui ont eu tant de mal à changer et sur les médecins généralistes qui ont continué (qui continuent pour certains) de croire à la bonne parole de ces champions de la paracentèse (fric) et de l'antibiothérapie (incompétence).

Les évidences (au sens français) ont souvent du mal à s'imposer et l'augmentation des résistances est un fait moins explicite que l'augmentation du nombre de cancers du sein après THS...

Références.

(1) Thompson PL et al. Effect of antibiotics for otitis media on mastoiditis in children: A retrospective cohort study using the United Kingdom General Practice Research Database. Pediatrics 2009 Feb; 123:424.
(2) van Buchem FL, Dunk JH, van’t Hof MA. Therapy of acute otitis media: myringotomy, antibiotics, or neither? A double-blind study in children. Lancet 1981; 2: 883-7.
(3) Autret-Leca E, Giraudeau B, Ployet MJ, Jonville-Béra AP. Amoxicillin/clavulanic acid is ineffective at preventing otitis media in children with presumed viral upper respiratory inf ection: a randomized, double-blind equivalence, placebocontrolledtrial. Br J Clin Pharmacol 2002; 54: 652-6

mardi 3 mars 2009

FDA ET PRASUGREL : LE CONGRES S'EN MÊLE

Nous vous avions rapporté dans ce blog que la FDA avait reconnu des erreurs dans son comportement lors de l'exclusion du docteur Kaul du Comité qui devait statuer sur le prasugrel (FDA Cardiovascular and Renal Drugs Advisory Panel Committee).

Eh bien, le Congrès américain, à la demande d'un parlementaire, le démocrate Bart Stupak (MI), appartenant à un sous-comité de la chambre des Représentants (celui-là même qui avait enquêté sur l'association ezetimibe / simvastatine), s'inquiète des liens entre la FDA et le laboratoire Lilly.

Un autre parlementaire, le Représentant démocrate Maurice Hinchley (NY), membre d'un autre sous-comité, se pose des questions sur les liens étroits existant entre la FDA et l'industrie pharmaceutique et demande des explications à la FDA sur l'exclusion de Kaul et sur la définition de ce qu'est un biais intellectuel.
Il ajoute : " Cette situation n'incite pas les hommes politiques à faire confiance à la FDA pour surveiller l'industrie pharmaceutique. Il me semble que le véritable conflit d'intérêt dans cette affaire concerne Lilly qui va profiter de façon importante de l'approbation de la molécule."

A suivre.

dimanche 1 mars 2009

BRONCHITE CHRONIQUE OBSTRUCTIVE, CORTICOÏDES INHALES ET RISQUES DE PNEUMONIES

Nous vous avions déjà parlé dans ce blog du fait que les corticoïdes inhalés ne réduisaient pas la mortalité dans la bronchite chronique obstructive (BPCO).

Une méta-analyse (1) a été menée à partir d'essais cliniques contrôlés réalisés dans la BPCO (corticoïdes inhalés versus tout traitement sans corticoïdes inhalés pendant au moins 24 mois) à partir de 18 essais réunissant 16 996 patients traités entre 24 et 156 semaines.
Les critères retenus étaient la survenue d'une pneumonie, d'une pneumonie sévère, de la mortalité liée à une pneumonie et la mortalité totale.

Elle montre que les corticoïdes inhalés :
  1. entraînent un risque significativement plus grand de survenue de pneumonies (p<0,01)>
  2. entraînent un risque significativement plus grand de survenue de pneumonies sévères (p<0,01). Ce risque est tout aussi significatif quand on les compare à un placebo (p<0,01) ou quand, associés à un béta 2 agonistes à longue durée d'action on les compare à un béta 2 agoniste seul (p=0,02)
  3. n'entraînent pas d'augmentation de la mortalité liée aux pneumonies ou d'augmentation de la mortalité totale.
Conclusion : le traitement de fond de la BPCO, ce n'est pas la corticothérapie. Il ne faut l'utiliser qu'en cas d'exacerbations et de poussées et se garder de commencer d'emblée par les associations fixes.

(1) Singh S et al. Long-term use of inhaled corticosteroids and the risk of pneumonia in chronic obstructive pulmonary disease. Arch Intern Med. 2009;169(3):219-229

jeudi 19 février 2009

VACCINS CONTRE LA GRIPPE : BIG PHARMA VEILLE



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Que ne feraient pas les vaccineurs pour que leurs vaccins soient à la fois efficaces et en tête de gondole ?
Nous savions déjà ceci à propos de la publication des essais cliniques en général :
  1. Le financement industriel d'un essai clinique est associé à des résultats optimistes pour le produit étudié
  2. La vaccination contre la grippe continue globalement d'être recommandée en dépit de doutes de plus en plus forts sur les preuves scientifiques qui fondent ces recommandations [cf. ce blog]
Voici une analyse que tout le monde aurait aimé faire mais c'est Jefferson et collaborateurs qui l'ont réalisée : ici.
Elle confirme malheureusement dans le domaine des vaccins ce que nous savions déjà dans d'autres domaines de la médecine : les publications scientifiques ne sont pas toujours exemptes d'arrière-pensées conflictuelles. Mais, pire : moins elles sont de bonne qualité et plus elles sont publiées dans des journaux prestigieux.

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L’analyse de Jefferson a été effectuée à partir de 259 études originales publiées qui concernaient le vaccin antigrippal.
Elle se proposait d’évaluer la qualité méthodologique de chaque essai, la concordance entre les données rapportées et les conclusions produites (oui / non / partiel / non clair), les conclusions elles-mêmes par rapport au vaccin (favorables ou mixtes / défavorables / non claires), le facteur d’impact de la revue dans lequel l’article était publié, le nombre de citations (comme index de dissémination), le délai entre soumission de l’article et acceptation pour publication, le type de financement (gouvernemental / privé / mixte).



Résultats.


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70 % des études ont rapporté des conclusions favorables aux vaccins mais dans seulement 18 % des cas il existait une totale concordance entre les données rapportées et les conclusions avancées. 54 % des études étaient à haut risque de biais et seulement 4 % à bas risque bien qu'aucune étude d’enregistrement n’ait été incluse.

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L’analyse a montré une forte corrélation positive entre la qualité de la méthodologie et la concordance (données / conclusions) : plus l’étude était de qualité (et plus bas était le risque de biais) meilleure était la probabilité de concordance. Par ailleurs, plus la concordance était élevée et moins les conclusions de l’étude étaient en faveur de l’efficacité du vaccin.
Il n’a pas été retrouvé de corrélation entre type de financement et qualité de l’essai (en excluant les essais où le financement n’était pas indiqué), en revanche il existait une corrélation inverse entre financement gouvernemental et efficacité du vaccin.
Il n’a pas été retrouvé de corrélation entre le délai de publication et les autres facteurs étudiés. Pas plus qu’entre qualité de l’essai / concordance et le facteur d’impact et l’index de dissémination . En revanche il y a une corrélation positive entre impact du journal / index de dissémination et type de financement : plus les études sont financées par l’industrie pharmaceutique, plus elles sont publiées dans des journaux à fort impact et plus elles sont disséminées.

Ce que nous savons désormais :

  1. Les preuves d'efficacité des vaccins antigrippaux sont de faible qualité et les études dont les conclusions sont en faveur des vaccins sont significativement d'une moins bonne qualité méthodologique
  2. Les études concernant la vaccination antigrippale sponsorisées par l'industrie sont publiées dans des journaux à meilleur impact et meilleure dissémination mais sont qualitativement et quantitativement similaires aux autres études.

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Ces résultats n’ont rien d’étonnant quand on sait que la publication d’un essai dans une grande revue s’accompagne de profits financiers d’autant plus importants que la firme finançante (sponsor) est riche et puissante : pages de publicité, commande de retirages, de tirés-à-part et de numéros spéciaux, traduction en de nombreuses langues, alimentation du web sur les sites médicaux en articles pré formatés… sur un plan académique l’auteur (ou les auteurs) ou les pseudo auteurs (de nombreux articles ne sont que signés et sont écrits par un employé de la firme) savent que leur aura scientifique sera d’autant plus importante que le nombre de citations sera plus grand, tant dans les revues papier que sur le web médical et grand public, la firme ayant la possibilité de payer la publication d’articles satellites associés dans lesquels l’étude initiale sera citée, voire l’organisation de pseudo conférences de consensus sponsorisées. . .


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Je me permets ici de rappeler ce que j’affirmais dans ce blog à propos des publications cas-témoins pour le vaccin anti hépatite B : les études citées par l’Afssaps et reprises par la revue Prescrire sont toutes, sauf une, dépendante complètement ou partiellement des industriels des vaccins et, comme par hasard, la seule qui soit indépendante et de taille suffisante est celle qui montre une corrélation entre la vaccination et la survenue de Sclérose en Plaque( x 3,1).

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Je rappelle également que le courrier adressé par Marc Girard à La Revue Prescrire (LRP) (le consulter) sur le sujet des vaccins a bien été enregistré mais n’a toujours pas reçu de réponse à ce jour. Deux hypothèses : le ton de Marc Girard est trop persifleur ou LRP regarde les données et prépare une réponse à sa façon : LRP ne se trompe jamais et les études sponsorisées sont de bonne qualité. Mais je persifle (et signe).



A suivre.





mardi 17 février 2009

FDA + PRASUGREL POUR ELIMINER CLOPIDOGREL - PLAVIX


Quand vous verrez prasugrel sur des ordonnances, vous vous rappellerez les faits suivants :

Depuis quelques mois la presse scientifique est bombardée d’articles, de commentaires et d’analyses économiques laissant penser que le prasugrel est une « meilleure » molécule que le clopidogrel. C’est ce qu’on appelle le pré-marketing mené au niveau des leaders d’opinion et des experts en général. Une fois que ces leaders sont « convaincus » ils deviennent les avocats de la molécule et sont montrés, exhibés, payés dans les congrès internationaux pour être des supers délégués médicaux. Ils ne reviennent jamais en arrière même si, ensuite, des articles viennent contredire ce qu’ils avaient affirmé auparavant : les experts ne se trompent pas et auraient trop peur que les firmes se mettent à révéler les avantages qu’ils ont reçus dans leur période promotionnelle.

Nous savons tous ici combien le clopidogrel est actuellement trop largement utilisé hors de ses indications officielles et utilisé trop longtemps dans certaines de ces indications au vu des résultats des essais cliniques disponibles. Lui aussi, dans le processus de supplantation de l’aspirine, a été livré aux marketeurs et a eu droit à des super experts. Ce n’est donc pas une défense de notre française molécule que vous lirez ici mais un constat que l’histoire est en train de bégayer.

La campagne marketing pro prasugrel est un grand classique du genre et vise le remplacement de la molécule précédente par une molécule plus « moderne » dont on se rendra compte ensuite qu’elle n’apportait pas des avantages décisifs et qu’elle procurait plus d’effets indésirables que la précédente.
Le point de vue actuel, tel qu’il est rapporté par des sources « sérieuses », une sorte de Plus Petit Dénominateur Commun du marketing académique, se résume à ceci : le prasugrel procure une meilleure protection contre les événements cardio-vasculaires que le clopidogrel au prix d’un risque de saignement plus important.
Eh bien, qui l’eût cru ?, c’est exactement la position adoptée récemment (le 3 février 2009) par le Food and Drug Administation advisory panel (unanimité : neuf voix contre une).

Ce vote à la soviétique ou à la tunisienne ne fait quand même pas l’unanimité.

Comme par hasard, un expert en physiologie cardiovasculaire, le docteur Sanjay Kaul de Los Angeles, qui avait dans le passé exprimé des critiques sur la molécule, a été écarté au dernier moment de la réunion.
Un expert non membre du panel commente ainsi : « Si vous éliminez quelqu’un qui était sur le point de critiquer et que vous manœuvrez en ce sens, il n’est pas anormal que le vote soit unanime. » Un autre expert, membre du panel, ajoute : « J’ai eu l’impression d’assister à un pique-nique familial et que la décision avait été prise auparavant. »
Il semblerait que Kaul ait été exclu la nuit précédant la réunion pour « biais intellectuels », en réalité la publication de 5 abstracts lors d’une réunion de l’American Heart Association qui s’était tenue à la fin de l’an passé. Le président de la section Nouvelles Molécules de la FDA, le docteur John Jenkins, prétend avoir été mis au courant de la teneur de ces 5 abstracts (1,2,3,4,5) quelques jours auparavant et que, lisez bien, « Bien que ces abstracts soient indépendants de tout soutien financier, ils présentaient des biais intellectuels. » ! Et Jenkins d’ajouter : « Nous voulons que les membres du comité viennent à la réunion l’esprit libre et qu’ainsi ils puissent donner des avis sur les données. »
Diable !
Nous avons déjà décrit sur ce blog combien la FDA se préoccupait peu des conflits d’intérêt financiers lors de la réalisation d’essais cliniques mais, en revanche, et c’est tout à son honneur, elle met au jour des conflits d’intérêt intellectuels jusque là ignorés. Ce nouveau conflit signifierait-il que toute personne qui n’est pas d’accord avec le vote souhaité par la FDA est un biais intellectuel en puissance ?

Le problème avec le prasugrel est donc de savoir si son efficacité comme antiagrégant in vitro et in vivo est suffisamment importante pour faire "oublier" les saignements qu’il provoque.

Eh bien, justement, les abstracts du bon docteur Kaul, considèrent que l’essai pivot du prasugrel, TRITON-TIMI-38, ne montre pas des résultats cliniques aussi déterminants que l’analyse officielle ne le suggère et se fondent sur la survenue d’infarctus du myocarde non fatals qui ne sont pas l’élément essentiel des critères composites retenus comme critère principal. Il avait d’ailleurs déjà dit publiquement que les bénéfices cliniques ne semblaient pas contrebalancer les effets indésirables, c'est-à-dire le risque de saignement.
La FDA craignait-elle que Kaul ne soit disposé à fournir des données pertinentes concernant les abstracts et prêt à en parler ?

Quoi qu’il en soit, un certain nombre d’experts se sont prononcés favorablement par rapport à l’essai TRITON.

D’une part en considérant qu’il répondait à un certain nombre d’interrogations qui se faisaient jour quant aux limites du clopidogrel et d’autre part en indiquant que les données en faisaient un meilleur antiplaquettaire.
Cependant, d’autres experts (6) trouvent, comme Kaul, que les critères de diagnostic des infarctus intégrés dans l’essai ont été étendus et que c’est grâce à cela que les résultats ont été obtenus ; de façon symétrique, tous les saignements n’auraient pas été recensés ou, certains, auraient été minimisés, ce qui rend l’analyse efficacité / risque de l’étude initiale une plaisanterie.

Enfin, le risque cancérigène de la molécule a été évoqué… sans être prouvé ni écarté.

On le voit, la FDA a utilisé des méthodes peu orthodoxes pour éliminer un expert embarrassant et a pris outrageusement parti pour les firmes (Lilly – Daiichy – Sankyo) au nom de la "modernité".

A suivre.

Je me suis largement inspiré d'un article paru dans Heart wire. dont je ne cesserai de rappeler que cette revue internet dit ce qu'elle a à dire (elle est bien informée) et qu'elle est aussi sponsorisée. Je ne dirai pas qu'elle est totalement indépendante mais elle a le mérite d'annoncer la couleur et de ne pas se cacher derrière son petit doigt. Que les chasseurs de conflits d'intérêt se mettent en chasse !
Références
  1. Kaul S, Diamond GA, and Shah PK. Abstract 988: Do high-risk characteristics (history of stroke or TIA, age >75 years, weight <60>Circulation 2008; 118:S638-S639.
  2. Kaul S, Shah PK, and Diamond GA. Abstract 4014: Timing of benefit with prasugrel in patients with acute coronary syndromes undergoing percutaneous coronary intervention: reanalysis of TRITON-TIMI 38 results. Circulation 2008; 118:S818-S819.
  3. Kaul S, Shah PK, and Diamond GA. Abstract 4015: Validity of the combined efficacy plus safety composite endpoint (net clinical benefit) in TRITON-TIMI 38. Circulation 2008; 118:S819.
  4. Kaul S, Shah PK, and Diamond GA. Abstract 4016: Does prasugrel provide a clinically important treatment benefit compared with clopidogrel? A Bayesian analysis of TRITON-TIMI 38. Circulation 2008; 118:S819.
  5. Kaul S, Shah PK, and Diamond GA. Abstract 4587: Weighted composite endpoint analysis of TRITON-TIMI 38: Disconnect between analytical equivalence and clinical importance. Circulation 2008; 118:S916.
  6. Serebruany V. Prasugrel versus clopidogrel [letter]. N Engl J Med 2008; 358:1298; author reply 1299-301. http://www.theheart.org/documents/sitestructure/resources/images/icons/pubmed.gif