( Ce billet est paru en avril 2009 et s'il revient en première page c'est parce qu'une personne citée m'a demandé de l'anonymiser)
J'avais survolé l'article princeps lorsqu'il était paru en novembre 2008 (Signaler les effets indésirables des soins : enjeux et limites) tout en m'étonnant d'une telle démarche.
La Revue Prescrire clame à longueur de colonnes que les médecins doivent être responsables, citoyens, et surtout anti Byg Pharma (le cœur de cible de la revue) et dans l'éditorial de ce même numéro [Payés à quoi faire ? Rev Prescrire 2008;28(301):801] l'éditorialiste tonne contre le paiement à l'acte et souligne le temps passé à renouveler des ordonnances complexes ou à "...déceler et signaler les effets indésirables des médicaments... au tarif standard d'une vingtaine d'euros l'unité..."
La déclaration des effets indésirables graves ou inattendus des médicaments (tout comme par ailleurs la notification des maladies à déclaration obligatoire) fait partie des tâches nobles du médecin, appartient à la catégorie des nécessités morales de la santé publique qui incombent à la responsabilité individuelle et collective du praticien et devrait être une évidence. Or, La Revue Prescrire, pour des raisons idéologiques et syndicales, passe l'éponge sur ces sous-notifications et aimerait que les médecins fussent rémunérés pour ce temps passé en oubliant de préciser que la sous-notification des effets indésirables est, à quelques décimales près, la même quels que soient les systèmes de santé.
La Revue Prescrire fait son miel et sa pagination de la déclaration des effets indésirables et feint de croire qu'ils se déclarent tout seuls.
Eh bien, la Revue Prescrire, au lieu de conforter les médecins dans leurs obligations légales (article R.5121-170 du Code de la Santé Publique), souligne combien il est difficile de déclarer, ces pauvres médecins débordés de travail et de tâches administratives, ces questionnaires difficiles à remplir, les risques de non confidentialité... et encourage ces mêmes médecins à se détourner de leurs obligations (même si La Revue Prescrire dit le contraire pour se couvrir moralement) et à "déclarer" sur un espace réservé aux abonnés Prescrire.
On se demande où est le temps gagné. On se demande où est la méthodologie. On se demande de quelle démarche il peut bien s'agir. Est-ce que le grand professeur Montastruc, l'expert maison, est d'accord avec cette démarche ? Est-ce que le grand professeur Montastruc n'est pas en train de vouloir faire sécession (non pas de La Revue Prescrire mais des instances officielles) ? Où est le code des Bonnes Pratiques en Pharmacovigilance qui exclut de parler d'un cas s'il ne fait pas partie d'une publication ?
Quant à écrire "Lorsqu'un abonné Prescrire signale un événement indésirable au programme Prescrire Eviter l'Evitable, c'est dans le but d'en cerner le caractère évitable, puis d'en tirer les leçons pour mieux soigner", c'est à mourir de rire, c'est à désespérer de la causalité scientifique, c'est faire d'un cas individuel une expérience pour tous, c'est se moquer des statistiques, des recoupements, des évaluations, c'est nier le processus même d'imputabilité, c'est jeter par dessus bord toutes les procédures de pharmacoépidémiologie... Nul doute que le signalement des cas à Prescrire Eviter l'Evitable va améliorer le profil de pharmacovigilance des produits et va permettre à La Revue Prescrire de mieux évaluer le rapport bénéfices / risques des médicaments !
Le plus amusant est qu'une certaine *** (je viens de recevoir ce jour, 28 novembre 2014, soit plus de 5 ans après les faits, un mel de la certaine *** me demandant d'enlever son nom de mon billet, à deux endroits, car, je cite ensubstance, "Ceci me porte préjudice avec atteinte à mon intégrité et mon honneur.") membre du département de Pharmacovigilance de Sanofi Pasteur MSD, a écrit à La Revue Prescrire [Rev Prescrire 2009;29(306):315] pour s'étonner de telles procédures à la suite de la non déclaration d'un effet (a priori inattendu) au laboratoire après qu'il a été mentionné par La Revue Prescrire et pour demander qu'on lui communique les éléments du dossier.
On est en plein paradoxe : réponse pour le moins alambiquée de La Revue Prescrire avec mise en avant du secret professionnel (?) et renvoi de la responsabilité vers le praticien ! Mais surtout cette dame *** se trompe de cible (même s'il est toujours exquis de mettre le doigt sur les contradictions des donneurs de leçons) : les industriels devraient être contents d'une telle démarche car cela leur permet d'avoir encore moins de déclarations à faire (et surtout d'évaluations et d'imputations) car il serait étonnant que le praticien déclarant à l'Association Mieux Prescrire déclarât aussi ou au laboratoire ou au Centre régional de Pharmacovigilance.
Prenons l'exemple des effets indésirables du vaccin contre l'hépatite B : il semble que et Sanofi Pasteur MSD et La Revue Prescrire aient intérêt à ne rien dire, les premiers pour des raisons financières et les seconds pour des raisons idéologiques.
La Revue Prescrire serait-elle autant déconnectée des réalités pour créer son propre Centre Prescririen de Pharmacovigilance avec le grand professeur Montastruc comme chef de centre ? Bientôt La Revue Prescrire va encourager les praticiens à publier les essais cliniques sur un malade afin d'en tirer des leçons pour mieux soigner.
PS
Commentaires du 28 novembre 2014.
Il n'aura échappé à personne que mon billet était volontiers critique contre La Revue Prescrire et que la lettre publiée dans la dite revue de la certaine dame *** était quand même très malicieuse (et que je l'ai appréciée à ce titre) et que la réponse de la revue de référence était (je viens de la relire) pas piquée des hannetons. Et ainsi la dame en question m'a-t-elle gentiment demandé de retirer son nom qui apparaît, rappelons-le, à la page 315 de La Revue Prescrire d'avril 2009, il suffit d'aller y faire un tour, ce que je fais en me demandant qui aurait bien pu remarquer qu'elle y écrivît, sinon deux pelés et trois tondus, mais maintenant un peu plus de monde le saura.