Cette semaine est tellement riche d'informations que je vais oublier plein de trucs...
Plus d'IRM, plus de diagnostics, plus de sur diagnostics, plus de sur traitements !
Le secrétaire d'Etat anglais à la santé, Sajid Javid, annonce un plan ambitieux sur 10 ans pour mener la guerre contre le cancer et faire de l'Angleterre le meilleur endroit du monde pour recevoir des soins contre le cancer (sic).
Il prévoit d'implanter des IRM et des scanners dans les centres commerciaux et dans les stades de foot-ball, ce qu'il appelle faire une IRM en se promenant... (voir ICI l'article du Daily Mail)
Michael Baum, voir LA, rappelle sur twitter la fameuse formule de Gilbert Welch (en 2007 dans le New-York Times) que je traduis :
La plus grande menace qui pèse sur la médecine aux Etats-unis est qu'un nombre plus important d'entre nous vont être aspirés dans le système non pas en raison d'une épidémie de maladies mais à cause d'une épidémie de diagnostics qui conduit à une épidémie de traitements.
Sans oublier que le secrétaire d'Etat fait du hyper hype en annonçant que le développement des vaccins à ARNm va permettre le développement de vaccins contre le cancer.
Au même moment, des sociétés privées proposent ceci :
Ce sont des réservoirs de sur diagnostics !
L'Eglise des Présomptions : un raisonnement curieux
Joey Fox, un ingénieur, rédige un thread (voir
ICI) indiquant que selon ses calculs (on ne dispose pas de l'étude) la ventilation des pièces 6 fois par heure associée à la technique intitulée en anglais Ultraviolet Germicidal Irradiation diminue (
LA) de 87,5 % la transmission du SARS-Covid19.
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Boîte Corsi-Rosenthal |
Pour l'instant, tout va bien. Mais la suite est assez savoureuse. Voici ce qu'écrit Joey (je traduis) :
Suis-je trop optimiste ?
Est-ce que je fais trop confiance aux mesures d'ingénierie ?
Bien. Faites des études contrôlées pour me prouver le contraire.
45 % des auteurs qui rédigent les recommandations de pratique clinique présentent des liens d'intérêts financiers
Vous devez être lassés par ce genre d'étude.
Vous devez vous dire que tout le monde sait ça.
Vous connaissez les arguments des "liés" : 1) on ne peut pas faire autrement, 2) nous on est des chercheurs, 3) cela ne nous influence pas
Mais rien ne change au niveau des conférences de consensus, des recommandations des sociétés savantes ou des agences gouvernementales.
Cent fois sur le métier...
Un article émanant de la Mayo Clinic (LA) a analysé 37 études rassemblant 14764 auteurs de recommandations de pratiques cliniques : 45 % des auteurs présentaient des liens d'intérêts financiers. Ces liens concernaient des honoraires en général (39 %) et des honoraires de recherche (29 %) en particulier. De 6 à 100 % des auteurs ne déclaraient pas leurs liens et, dans les 10 études qui les exigeaient, 32 % ne les déclaraient pas.
Dépistage du cancer du poumon : les dépistologues à la manoeuvre
Cette semaine est celle de l'offensive prédicatrice et évangélisatrice de l'Eglise de dépistologie.
Avec, en corollaire, l'offensive anti scientifique de l'Eglise des Présomptions.
Le poids économique des scanners n'est pas non plus étranger à cette action médiatique, ce hype.
Le dépistage du cancer du poumon est en première ligne.
Au moment où les pneumologues et les scannerologues, sont en train de recruter dans les EHPAD pour une étude genrée (ça fait chic) sur le cancer du poumon chez les femmes fumeuses et ex fumeuses avec l'aide de l'AP-HP, c'est l'étude CASCADE, LA,
une étude dont le protocole annoncé (ICI) est une sorte de gloubi-boulga A La Française qui fait un marketing-mix entre le dépistage du cancer du poumon par scanner faible dose, l'intelligence artificielle, la population féminine, et, je cite, l'adhésion au dépistage, son impact sur le sevrage tabagique, le retentissement psychologique et les coûts induits...
Ce n'est plus un programme électoral, c'est la promesse du Paradis sur terre !
Mais, et c'est là que l'on se rend compte de la vanité holistique de la dépistologie à tout va, voici ce que l'on lit aussi et c'est renversant :
Ce scanner permettra le dépistage de plusieurs pathologies liées ou favorisées par le tabac : cancer pulmonaire mais aussi maladie coronaire, emphysème ou encore ostéoporose.
J'imagine que l'Eglise de dépistologie a aussi enrôlé des dépistologues cardiologues et des dépistologues rhumatologues.
Ces personnes sont des génies.
Elles se proposent de régler une bonne fois pour toutes le problème des dépistages chez les femmes. Mais elles ne parlent pas du cancer du sein (voir plus loin).
Le raisonnement est renversant : on utilise le scanner faible dose pour dépister le cancer du poumon chez la femme (dans l'étude Nelson il y avait d'ailleurs peu de femmes), sans nul doute pour diminuer la dose d'irradiation, sans prendre en compte le fait que les femmes entre 50 et 69 ans sont invitées également au dépistage organisé du cancer du sein avec une mammographie tous les deux ans ! A ce sujet vous pouvez lire un billet de Cécile Bour (LA) qui donne des informations et sur le dépistage du cancer du poumon et sur le niveau d'irradiation attendu chez les femmes.
Je ne suis pas spécialiste et donc je vais me faire crucifier par les prêtres comme par les laïcs de l'Eglise de Dépistologie, sans compter les philosophes qui hurlent "Une seule vie compte", mais j'ai un peu lu sur le dépistage et je reconnais au premier coup d'oeil où sont les loups.
Cette étude n'est pas faite dans l'intérêt des patientes, elle est faite dans l'intérêt du complexe scannero-industriel.
A aucun moment, la notion de sur diagnostic n'est abordée, notion qui est niée en France par les autorités oncologiques, or c'est le problème central de TOUS les dépistages et le problème crucial des études sur le dépistage du cancer du poumon. Et chez les femmes le sur diagnostic et le sur traitement sont bien connus pour le cancer du sein (nous vous parlerons un jour d'une étude US modélisée qui vient de paraître et qui assume le sur diagnostic à 15 % ! ICI pour l'article et LA pour les premiers commentaires) (1), comme pour l'ostéoporose et comme pour les coronaropathies asymptomatiques. Si vous voulez des informations sur l'étude NELSON : 2)
Le vrai but de l'étude CASCADE est celui-ci : les scannerologues généralistes français ne sont pas équipés pour l'analyse volumétrique évolutive des nodules selon NELSON... Donc, ils doivent s'adapter :
Son objectif est de démontrer que la lecture des scanners par un radiologue formé au dépistage, aidé d’un logiciel de détection, a des performances similaires à une double lecture experte, en prenant comme référence l’étude NELSON.
Parce que les programmes pilotes qui ont été acceptés et demandés par la HAS, il n'est pas possible de les pratiquer au niveau national.
Une étude chinoise qui tombe à pic : dépistage du cancer du poumon avec un seul scanner basse intensité
Un seul scanner pulmonaire chez les personnes à risque de cancer du poumon et passez muscade : la mortalité relative due au cancer du poumon diminue (- 31 %) et la mortalité absolue également (- 32 %).
Cette étude chinoise non randomisée illustre à merveille le concept néo moderne de la médecine promu à la fois par les raoultiens et les académiques progressistes :
- Quand les résultats d'une étude non contrôlée correspondent à nos préjugés, pas besoin d'études randomisées
- Quand les études d'une étude non contrôlée démentent nos préjugés, il faut faire des études contrôlées
Et le lobby des scannerologues embraye (cf. supra le secrétaire d'Etat à la santé anglais).
Avec l'oxymore de la semaine.
Encore de la dépistologie non maîtrisée : en psychiatrie
Une saisie d'écran sur twitter.
Pour Allen Frances :
Wiki.
Les lésions lombaires décelées par l'imagerie IRM ne sont pas corrélées aux douleurs lombaires présentes et à venir
Une étude de cohorte prospective menée sur 6 ans (
ICI) montre une absence de corrélation entre les lésions décelées à l'IRM et l'intensité des douleurs ressenties par les patients.
Cette étude confirme un certain nombre de données déjà connues : elle souligne à mon sens la nécessité de peser les indications de l'imagerie lombaire (il existe des recommandations -- peu suivies) et de contrôler le discours qui peut être tenu aux patients lombalgiques qui entraîne notamment un effet nocebo, des phrases du genre : "Vous ne pourrez plus jamais porter", "C'est pour la vie", "Il faut vous interdire de faire certains mouvements", et cetera.
Cette étude devrait rendre prudents les cliniciens : d'une part en prescrivant moins de scanners et d'IRM en suivant les recommandations, d'autre part en modérant leurs propos devant les malades (et les radiologues sont visés également) et en leur expliquant que des lésions vues à l'IRM ne les condamnent ni à la souffrance éternelle, ni à la chaise roulante.
Mortalité liée au Covid vs sur mortalité
Un article du Lancet sur la sur mortalité dans le monde :
ICI. Il existe des différences importantes et, notamment, une sous-estimation des morts liés au Covid... On attend des éclaircissements de la part des autorités compétentes françaises sur les différences... Pour commencer, et selon l'INSEE, depuis le premier janvier 2022 :
LA.
Pour l'instant, belle infographie de @NicolasBerrod dans Le Parisien.
Une première réaction danoise qui devrait exciter les épidémiologistes français :
Je n'ai donc pas eu le temps de vous parler :
- D'une analyse de la situation suédoise : LA qui est nuancée et qui, sur l'échelle du ZéroCovid au Circulez y a rien à voir, se situe en plein milieu.
- De l'obésité aux États-Unis d'Amérique : ICI qui mériterait une analyse non nuancée des ZéroObésité
- D'une remarquable étude soulignant encore les biais en termes de survie totale de l'utilisation comme Critère principal en oncologie du PFS (Progression Free Survival) : ICI
- Des liens avec l'industrie des associations de patients canadiennes : LA
- Et enfin, mais j'oublie des trucs, de la scandaleuse déclaration du Président de la République sur la retraite à 65 ans (il faudrait y revenir longuement en parlant de l'espérance de vie à la naissance, de l'espérance de vie en bonne santé et de l'espérance de vie à 40 ans)
A plus.
Notes
1)
L'étude UKLS (ICI) va dans le même sens et la discussion sur le sur diagnostic est intéressante.
Overdiagnosis is a potential issue in all cancer screening programmes, as well as in lung cancer CT screening [
[28]]; overdiagnosis is defined as the diagnosis of cancer, histologically confirmed, as a result of screening, which would never have been diagnosed in the host's lifetime if screening had not taken place. NELSON reported 8.9% overdiagnosis [
[6]], the NLST initially reported 18% [
[28]], however, more recent follow-up has suggested only 3% overdiagnosis in the LDCT arm [
[29]]. Estimates from the other trials vary considerably [
[12],
[30]]. In the UKLS the absolute incidence after a median follow-up of 7.2 years (
Fig. 3, 75 vs 86 cases) indicates a potential 15% excess incidence in the lung cancer screening arm, which represents an estimate of the worst-case scenario for over-diagnosis, since screening stopped after the single screen. The MISCAN lung cancer model estimated overdiagnosis to be 10% in screened populations [
2)
Une analyse de 2020 du site d'EBM Minerva (LA) rend compte des résultats de l'étude NELSON préfigure les raisons pour lesquelles CASCADE a été mise en route. Je remarque avec effroi que la notion de sur diagnostic n'est pas non plus abordée par Minerva ! Commentaires de l'université de Sherbrooke : LA NNT = 131