dimanche 25 septembre 2022

Bilan médical partiel du lundi 19 au dimanche 25 septembre 2022 : Retours en arrière, éruption cutanée, PFS vs OS, lithium, Covid long, maladies injustes, inégalités sociales, cardiologie avant effort...



Retours (violents) en arrière. 

A quoi cela peut-il bien avoir servi, depuis le début de la pandémie, de contempler des médecins auto satisfaits hurlant "La science ! La science ! La science !"

alors que 

  1. L'UE finance des campagnes anti cancer (prostate, sein, col) fondées sur des non assertions scientifiques
  2. L'AP-HP étend le domaine du dépistage du cancer de la prostate sous sa propre autorité (incompétente)
  3. Les gériatres continuent de prescrire des pseudo anti Alzheimer et de regretter qu'ils ne soient plus remboursés
  4. Des rhumatologues s'insurgent contre le déremboursement de l'acide hyaluronique injectable... contre toutes les études robustes qui indiquent que ce n'est pas plus efficace qu'un placebo...
  5. Le ministre de la santé (François Braun) prône le dépistage du cancer de la prostate par dosage de PSA à 45 ans (contre toutes les recommandations internationales) ou, au même âge, la mammographie pour le dépistage du cancer du sein
  6. Le même ministre prône une quatrième (i.e. onzième) année d'étude pour les MG



Pendant ce temps la bureaucratie de la médecine (et ici de la pharmacie) se déchaîne pour une éruption cutanée :




Si vous n'arrivez pas à lire, ne soyez pas inquiets, c'est de la merdre en barre.

La PFS (progression free survival) n'a pas (toujours) de corrélation avec l'OS (la survie globale)

Est-ce que des oncologues pourraient le clamer un peu plus fort ?

Car des molécules sont commercialisées (tel le duvelisib) qui augmentent la survie sans progression de la tumeur en diminuant la survie globale !



Medical Reversal ? Le lithium ne préviendrait pas le suicide.

Une méta-analyse (je ne vous refais pas l'article sur le niveau de preuves des méta-analyses qui dépendent des essais que l'on inclut, de ceux que l'on rejette et des études -- le plus souvent négatives -- qui ne sont pas publiées et dont on n'a même pas la preuve qu'elles auraient pu exister ; GIGO : Garbage In, Garbage Out) conclut que l'utilisation du lithium ne prévient ni le suicide ni les conduites suicidaires (ICI).

A suivre. 

N'arrêtez pas brutalement le traitement. Ne cessez pas de prendre votre traitement.




Covid long : j'en remets une couche.

  1. Des personnes estimables, et je pèse mes mots, ne cessent de citer des études observationnelles, pas toujours cas-témoin, pour pousser en même temps des cris d'orfraie sur le poids des covid longs, sur le "vrai" problème de santé publique que cela représente et sur, ouvrez grand les yeux, la nécessité d'une prise en charge et y compris médicamenteuse
  2. Ce n'est pas bien (voyez, je sais faire de la morale à bon marché) de citer de telles études a) sans les avoir lues, b ) en n'en ayant lu que l'abstract, c) uniquement parce qu'elles vont dans le sens de croyances end) pour ne pas avoir à se dédire
  3. Je répète : il est possible que le covid long existe et, quelle que soit l'intensité initiale des symptômes mais, pour l'instant, il n'existe aucun marqueur spécifique de cette atteinte prolongée.
  4.  Cela ne veut pas dire que les personnes malades qui se plaignent de symptômes prolongés attribués au Covid a) mentent, b) sont hypochondriaques, c) sont à adresser chez un psychiatre et/ou un psychologue... en l'état actuel de nos connaissances.
  5. Car l'absence de physiopathologie uniciste, l'absence de marqueurs tissulaires, l'absence de marqueurs biologiques,  et l'absence ne signifie pas que l'on ne passe pas à côté de quelque chose, l'absence de traitements non et médicamenteux, toutes ces absences conduisent les personnes malades vers les spécialistes autoproclamés du Lyme, de la fibromyalgie et de l'intolérance au gluten.
Cette infographie montrant la prise en charge du Covid long explique mon propos


Une nouvelle catégorie de maladies : les maladies injustes.



J'apprends par la même occasion l'existence de cette personne qui est, ouvrez les guillemets, "Ambassadrice pour la santé mondiale au Ministère de l'Europe et des Affaires étrangères". Ouah...

Rappelons que la véritable injustice des maladies, et je vous épargne ma célèbre litanie "La maladie est le salaire du péché", au niveau mondial et français, ce sont les inégalités socio-économiques.


Le rapport de la DREES sur l'état de santé de la population en France

Madame Seydoux a dû se jeter sur le rapport avant même sa parution officielle ! LA

Eh bien, croyez-moi si vous voulez, je l'ai déjà écrit un million de fois sur ce blog (ICI par exemple), les riches sont en meilleure santé que les pauvres...

Et ça, c'est pour notre maître, le Ministre de la Santé et de la prévention :

  • Le recours au dépistage du cancer est inégal selon le niveau de vie, avec par exemple, 24 % des femmes de 50-74 ans parmi le cinquième des personnes les plus aisées n’ayant jamais eu de mammographie ou en ayant eu une il y a plus de 2 ans contre 39 % pour les femmes parmi le cinquième des personnes les plus modestes en 2019.


Rappel à l'attention des dépistologues : la gratuité des dépistages est un effet d'aubaine pour les riches et une impasse pour les pauvres qui n'ont pas accès aux soins.


Les maladies injustes (et je ne cite qu'un extrait, pour le reste : lire)

  • Lorsqu’ils grandissent, deux fois plus d’enfants d’ouvriers que d’enfants de cadres se retrouvent en surpoids en grande section maternelle. En 2017, 18 % des enfants en classe de troisième sont en surpoids et 5 % sont obèses (3 % chez les enfants de cadre et 8 % chez les enfants d’ouvriers). La part de ces enfants en surpoids ou obèses progresse.


Les examens inutiles en cardiologie avant de pratiquer une activité physique


Un nouveau guide de la HAS vient de paraître sur la prescription de l'activité physique (AP) : LA




"Existe-t-il des antécédents de maladie mentale dans votre famille ?
- J'ai un oncle qui a fait la queue 35 heures pour passer devant le cercueil d'une femme qu'il n'a jamais rencontrée." 

mardi 20 septembre 2022

La santé en bande organisée.

 

310 pages - 20,5 €

Je me suis jeté avec gourmandise sur le livre.

Pour des raisons personnelles, je connais à la fois le milieu de l'industrie pharmaceutique et celui de l'Agence du médicament.

Disons : j'ai connu il y a quelques années et au moment des faits.

(Lien d'intérêt : j'ai eu, avant la rédaction de ce billet, l'auteure du livre au téléphone...) 

En tant que connaisseur de l'affaire Mediator et d'autres affaires, j'ai peu appris mais ce que j'ai lu m'a fait plaisir : enfin ! Enfin des informations publiques sur ce monstre de Saint-Denis, sur ce mammouth administratif et bureaucratique que l'industrie pharmaceutique considérait comme open bar. Enfin des choses concrètes sur la corruption des fonctionnaires par le laboratoire Servier. Ici les auteurs ne parlent presque que de Servier parce qu'il s'agit de l'affaire Mediator mais quelques prises de chemin de traverse (ananxyl ou l'affaire de Rennes) impliquent d'autres firmes. Des firmes françaises car l'Agence avait pour mission de les favoriser, de leur faciliter la tâche, de sauver des emplois, d'assurer du chiffre d'affaires, d'améliorer la balance des paiements. Les firmes étrangères faisaient elles leur business à Londres (EMA) et à Bruxelles (Commission européenne).

J'ai quand même appris des trucs... Et le fait d'énumérer les faits (et, honnêtement, sur cette affaire, les deux auteurs auraient pu écrire neuf cent pages, ce qui aurait été contre-productif pour la vente du livre et pour la compréhension des mécanismes), de citer les personnes, d'aligner les preuves, de désigner des coupables, des personnes "pas bien", de circonscrire les réseaux, de donner les chiffres exacts de la corruption par l'argent, cela fait plaisir.

On y apprend que Servier c'était (c'est ?), un laboratoire pharmaceutique voyou, avec des méthodes de voyous et des méthodes de barbouzes. Et qu'il était intégré dans l'appareil d'Etat. Comme un poisson dans l'eau. Le livre raconte les intimidations, légales (par l'intermédiaire d'avocats) et illégales (menaces physiques, menaces sur les enfants de l'auteur, menaces de l'auteure pendant son séjour à la maternité...)

Pour des raisons mystérieuses il existe dans cette Agence des minables, des corrompu.e.s, des petits esprits, des égoïstes, des carriéristes, des gens minuscules, des gens malhonnêtes, des individu.e.s qui obéissent à des ordres venus d'en haut, des faux-culs, des méchant.e.s, des khons et khonnes.

A moins de penser qu'à l'Agence il est de bon ton de n'embaucher que des gens médiocres qui seront les bons petits soldats ou qu'il est prudent de coopter des crétins de son style, la fameuse endogamie de la haute administration française, pour qu'aucune tête ne dépasse, mais, est-ce crédible ?

La litanie des membres de l'Agence dont la femme (et plus rarement le mari) sont peu ou prou des employées de Servier ou de l'industrie pharmaceutique ne cesse d'interroger. Entre-t-on à l'Agence, à titre interne ou externe, parce que quelqu'un de sa famille travaille pour Servier ou Servier avait-il le pouvoir de faire entrer à l'Agence le conjoint d'une employée de Servier ? Quant à la proximité, pour ne pas dire plus, entre Servier et l'Assistance publique des hôpitaux de Paris ?

La question qui se pose, car l'auteure expose avec précision les pots de vin versés, Gérard Friedlander, Claude Griscelli, Marie-Germaine Bousser, Jacques Massol et François Lhoste, tous deux membres du Comité économique pour les produits de santé et de la Commission de la transparence (!) qui ont reçu de respectivement de Servier 5,5 millions de francs et 15 à 18000 euros par an, Jean-Michel Alexandre, Bernard Rouveix, Michel Detilleux (721 500 euros), Jean-Roger Claude (dont la femme était directrice de la toxicologie chez Servier), Charles Caulin...

La partie enquête journalistique, la partie, ce qui se passe dans les rédactions, les jeux de pouvoir plus classiques, les avocats, est très informative mais stupéfiante. La personnalité d'Etienne Mougeotte détonne dans cette affaire : il nous déçoit en bien. La collaboration étonnante entre Le Figaro et Mediapart... selon les dires d'Anne Jouan on a l'impression que les journalistes sont plus sérieux que les médecins.

Ainsi, le professeur Christian Riché, alias Monsieur Rungis, dont je dirai un ou deux mots plus tard, pharmacologue et pharmacovigilant brestois, taille des costards à nombre de personnes. Je remarque qu'il conteste l'autosatisfaction des pharmacovigilants français, les meilleurs du monde, tous ces personnages issus de l'école Dangoumeau (l'imputation à la française), l'école bordelaise, qui ont failli et qui ont pris les autres pour des imbéciles. On entend parler du professeur Molimard (dont je peux témoigner à la fois de la suffisance et de l'insuffisance) et de ses accointances pharmaceutiques, du Toulousain Montastruc (le pharmacovigilant référence de la Revue Prescrire, fils de son père et père de son fils), qui ne moufta pas en Commission nationale de pharmacovigilance (information personnelle) lorsqu'il fallait arrêter la commercialisation du Mediator, et cetera. Mais surtout de la papesse de cette même pharmacovigilance, Anne-Marie Castot aux pouvoirs invraisemblables dans l'Agence et qui a joué un rôle crucial et malfaisant, sous les ordres de Jean-Michel Alexandre...
Sans oublier madame Carmen Kreft-Jaïs, pharmacovigilante en chef, qui prit Irène Frachon pour de la merde dans le seul but de protéger Servier.

La question qui se pose est celle-ci : sont-ils tous pourris ? La question qui se pose est : qui tire les ficelles ?

Le lecteur comprendra qu'il existe des cercles, des amis qui ne se lâchent pas, on se croirait dans un film de Scorsese, le cercle Veilien, avec Bader, Alexandre, Buzyn (qui n'était pas dans l'affaire Mediator) et consorts. Le cercle kouchnérien avec Tabuteau, Morelle, et autres...

Il est dommage qu'Anne Jouan n'ait pas disposé de taupes au Ministère de la santé et à la Direction générale de la santé parce que, Mesdames et Messieurs, c'est là que tout se passe, c'est là que tout se tramait. Les directeurs successifs de l'Agence, qui ont tous, ou presque, été choisis pour leur médiocrité, pour leur sens du devoir, c'est à dire leur capacité inébranlable à avaler des couleuvres, se coucher, tout accepter, ne pas se préoccuper des malades, et cetera, n'avaient aucun pouvoir sauf celui d'aller prendre des instructions au Ministère. Alors : pourquoi le Ministère ? N'oublions pas que les différents et successifs Directeurs généraux de la santé de la période ont été nommés à leur poste, non en raison de leurs capacités scientifiques et/ou organisationnelles mais pour services rendus et service à rendre.

Le poids de la santé en France est considérable : le lobby santéo-industriel représente en valeurs plus que le lobby militaro-industriel ! Le Ministère de la santé, et gageons que la nomination d'un ministre ne se fait pas au mérite, sinon, nous n'aurions pas eu à subir Roselyne Bachelot, Marisol Touraine, Agnès Buzyn, Olivier Véran ou Frédéric Braun, s'intéresse à l'industrie pharmaceutique et à celle des matériels. Servier, mais aussi Sanofi, et les autres groupes français l'ont bien compris et ils ont (et continuent donc) de laisser trainer de l'argent partout, de donner de l'argent pour des congrès bidons ou non bidons, de financer des formations professionnelles, de rémunérer des expérimentateurs d'essais cliniques ascientifiques, d'arroser les sociétés savantes...

On apprend par le professeur Christian Riché, alias Rungis, l'informateur, le whistle-blower, qui a permis l'écriture du livre, que les réunions régulières de pharmacovigilance avec les grands patrons et les sous-fifres, étaient payées par Servier !

Tous pourris ?

Tous les passages sur l'IGAS font frémir et, notamment, la personnalité d'Aquilino Morelle, probablement un sale type. Comment l'IGAS est un instrument politique et que ses enquêtes, ses décisions, sont influencées et non neutres.

Bon, cela vous a donné envie de lire ?

Un bémol : la personnalité de l'informateur, Rungis, m'a un peu gêné.

Son courage est évident : il fallait d'abord informer de l'intérieur au risque de se faire prendre, il fallait résister aux menaces, il fallait se montrer, donner son véritable nom, qui l'a fait ? Qui a osé ces dernières années ? 

Mais, dans l'exposé des faits il fait preuve de naïveté (les cadeaux qu'il a reçus, les avantages en nature...) et il se donne le beau rôle. 
C'est un plaidoyer pro domo écrit parfois avec les pieds et parfois avec beaucoup de naïveté. Ou de fausse naïveté. Il est par ailleurs assez incompréhensible qu'un pharmacologue ait mis autant de temps à comprendre la structure chimique du benfluorex.

Mais il ne faudrait pas désespérer les bonnes volontés.

Il faut bien entendu féliciter Anne Jouan pour sa persévérance en milieu hostile, son enthousiasme, son courage professionnel, et sa façon agréable et précise de raconter l'affaire.

Bonne lecture.


PS : Raoult est cité trois fois pp, 265, 385 et 386

dimanche 18 septembre 2022

Bilan médical d'un cueilleur de cerises du lundi 12 au dimanche 19 septembre 2022 : suicide assisté, génome, dépistage, arrêter un essai ?, addiction aux écrans, Covid long, mentir pour avoir raison, kystes cutanés, Borée.

Ça prend longtemps pour ne rien comprendre


Fin de vie : une convention citoyenne annoncée

L'annonce par Emmanuel Macron d'une convention citoyenne sur la fin de vie a suscité de nombreux commentaires.

J'entends sur France Culture (LA) une pharmacienne atteinte d'un cancer non curable (pronostic à 3 mois) dire d'une voix claire : "Je demande aux médecins le suicide assisté quand ça ira mal. Les médecins lui répondent : 'Nous ne sommes pas faits pour tuer'" Et elle de répondre : "Guérissez-moi, alors. 

Le Comité Consultatif National d'Ethique pour les sciences de la vie et de la santé actualise son avis sur la fin de vie : LA. Il dit, en substance, qu'il est possible de définir des conditions strictes (cf. p 29, II.2.E) dans lesquelles une personne pourrait être accompagnée activement dans sa volonté de vouloir mettre fin à ses jours (suicide assisté)ou de faire appel à un médecin pour lui donner la mort.

Je lis une tribune d'Emmanuel Hirsch qui ne me convainc pas sur la non nécessité de légiférer : ICI

Je lis un commentaire du Conseil de l'Ordre des médecins sous forme d'un entretien avec son président : LA. Il dit en substance qu'il faut faire évoluer la loi Clays-Leonetti, que le médecin peut être accompagnateur mais pas effecteur (celui qui accomplit le geste), que l'Ordre est contre l'euthanasie, qu'il faut qu'il y ait une clause de conscience (qu'il compare malencontreusement à celle qui existe pour l'IVG) et qu'il faut développer les soins palliatifs.

Le problème est complexe.

En tant que MG j'ai été plus d'une fois confronté au problème de la grande souffrance et de la demande de suicide assisté.
Il s'agissait de "mes" malades au sens où il s'agissait de malades que je connaissais depuis longtemps.
Cette proximité, et le fait que je m'étais intégré, pour "mes" malades uniquement, dans un réseau prodiguant des soins palliatifs au domicile du patient avaient rendu mes réflexions plus sereines.
Je ne peux trancher pour les autres MG.
Et pour les hospitaliers encore moins.

Disons que cette proximité, avec le patient et sa famille, était favorable à mon propre confort. Mais qu'il était rare que j'aie la main.

Mes observations sur le suicide assisté (auquel je suis favorable toutes choses par ailleurs) sont les suivantes (et je ne parlerai ici que des malades souffrant d'un cancer incurable car je n'ai jamais été sollicité pour des maladies neurologiques, soit parce qu'elles sont très rares, soit parce que les patients sont institutionnalisés), en sachant qu'il s'agit d'un tout :

  1. Les médecins traitants ne sont pas assez associés aux traitements curatifs des cancers...
  2. Les médecins hospitaliers, les oncologues mais aussi les spécialistes pratiquant l'oncologie, même si je ne doute pas qu'ils ou elles prennent l'avis des patients et des familles, ont du mal à lâcher les traitements curatifs, c'est à dire à accepter qu'ils ne pourront pas soulager et a fortiori guérir et à Fare accepter par les patients et les familles qu'il ne sert à rien de continuer...
  3. Ainsi, très souvent, trop souvent, la décision d'en venir aux soins palliatifs est trop tardive...
  4. La proposition de retour à domicile, même dans un endroit où existent des réseaux se soins palliatifs à domicile, n'est pas faite d'emblée mais c'est un dernier recours
  5. Certains MG ne sont pas prêts à assumer les soins palliatifs à domicile
  6. Certains MG, clause de conscience, ne sont pas disposés à pratiquer le suicide assisté...
  7. Le suicide assisté devrait, d'une certaine mesure, être démédicalisé...

Enfin : je suis assez pour le suicide assisté pour moi-même.


Jean-Luc Godard (1930 - 2022)


Le génome humain complet a été séquencé il y a plus de 20 ans et

sauf exceptions il y a eu peu d'avancées en pratique clinique.

Par Eric Topol : LA.

Félix Vallotton : Rocamadour (1925)


Les risques du dépistage

Pardon de ressasser, mais les preuves s'accumulent sur le fait que le dépistage peut être dangereux et qu'il faut absolument prévenir les participants potentiels des inconvénients possibles et des faibles bénéfices en termes de santé. Vous avez noté ? Participants potentiels et non malades ou patients !

Via Cancer Rose : Cécile Bour commente deux articles : LA.


- Votre cas est compliqué
- Pourquoi docteur ? Qu'est-ce qui se passe ?
- Vous avez une maladie traitée dans un chapitre que j'ai considéré comme optionnel durant mes études



Jacinda Ardern, est-elle toujours la championne du zéro covid ?


Arrêter précocement un essai surestime la diminution du risque relatif (efficacité relative du traitement)

Une simulation montre qu'arrêter précocement un essai surévalue la diminution du risque relatif de 50 %, c'est à dire que la "vraie" diminution du risque relatif est assumée aux 2/3 de la valeur observée.


Pour donner un exemple concret, c'est comme si, pour étudier la fréquence de la retombée d'une pièce de monnaie sur face/pile, on s'arrêtait pour conclure après que la pièce était tombée 3 fois de suite sur face.



Addiction aux écrans : mythe ou réalité ?

Via @couteronjp 

Un article de Boudard M et col sur l'addiction aux écrans à partir d'une échelle d'évaluation : LA.

Un communiqué de presse (université de Bordeaux) pour les lecteurs pressés : ICI.

L'addiction aux écrans existe.



Covid long : l'article grand public du Guardian n'est pas assez documenté.

Tous les fearmongers (les faiseurs de peur) de la terre s'en sont emparés : il y aurait aux Etats-Unis d'Amérique 30 à 15 % des 10,6 millions emplois non pourvus qui seraient liés au Covid long. 

Or, si on regarde ce sur quoi l'article du Guardian se fonde (ICI), c'est à dire une étude du CDC états-unien (LA), on voit que cette dernière étude est de très mauvaise qualité.

Par ailleurs, les 2 auteurs de l'article Lowenstein F et Prior R citent également un commentaire (LA) d'un institut, Brookings Institution, dont les projections sont alarmistes.

Quelques réflexions :

  1. Le covid long existe
  2. On ne sait pas quelle est sa fréquence (les études robustes sont rares), chez qui cela se produit (on le sait un peu mais comme les données sont peu convaincantes, pourquoi les citer ?), quels sont les mécanismes physiopathologiques impliqués
  3. Mais on sait que des personnes en souffrent, que c'est même un drame pour certaines, que l'on a du mal à les soulager, qu'il n'existe pas de traitement curatif, qu'il n'existe pas de prise en charge non médicamenteuse efficace, que des traitements symptomatiques sont prescrits.
  4. L'existence d'un seul covid long mériterait qu'on s'y intéressât.
  5. Produire des données alarmistes non vérifiées ne soulage personne et inquiète tout le monde
  6. Car on a vu jusqu'à présent que l'alarmiste était peu efficace pour faire se vacciner les personnes non malades et pour faire respecter les mesures-barrières de façon individuelle et collective.
Nous n'avons pas de projections françaises mais les sociologues nous indiquent que le manque d'emplois pourvus pourrait être lié, aussi, à des circonstances plus sociales, le refus du télétravail, le refus des bas salaires et/ou des horaires compliqués dans certains secteurs (restauration, et cetera).

A suivre.

Via 


Pour protéger les enfants du Covid : faut-il mentir ?

Un violent article paru dans le BMJ (LA) critique les politiques de santé publique effectuées en GB pour protéger les enfants du Covid.

Une réponse indique qu'il eût fallu utiliser de véritables données scientifiques au lieu de produire des preuves peu convaincantes : ICI.

La gestion des vaccins et des traitements pour la variole du singe est liée aux revenus des pays et non aux besoins sanitaires.



Comme chaque semaine : un peu de @dermatopoulos : les kystes cutanés.


Quand on vous présente une étude en cancérologie, faites attention.

Comment doit-on appeler une molécule qui augmente la survie sans progression, qui n'a aucun effet sur la survie globale et qui augmente la toxicité ?
Dangereuse.

L'audace existentielle de Borée.

Tout le monde, je veux dire les médecins généralistes, connaît le blog de Borée dont on a pu apprécier en le lisant l'autorité, la compétence et la défense des patients et de la médecine générale.

Eh bien, Je vous fais lire son dernier (et son premier depuis longtemps) billet de blog : il part momentanément pour l'Antarctique.

Chapeau !

Je lui laisse vous raconter son histoire : ICI


Il y avait encore beaucoup de sujets à traiter dont le vaccin contre la bronchiolite.

On verra cela la semaine prochaine.

samedi 17 septembre 2022

Les alarmistes, le Covid et l'école : faire grève.

Robert Doisneau (1912 - 1994)


Depuis le début de la pandémie (et même avant ?) nous sommes confrontés (il me paraîtrait plutôt présomptueux de penser que je suis le seul dans ce cas) aux alarmistes.

Et il est vrai que la surmortalité liée au covid (vous me permettrez de ne pas entrer dans les débats sur la surmortalité, la mortalité en excès, les morts dues au covid et celles contemporaines du covid) est une évidence.

Les gens meurent du covid.

Les alarmistes ont toujours raison.

Ils ont toujours raison, non parce qu'ils ont raison par essence (encore que certains en sont quand même persuadés), mais parce que le covid, contrairement à ce qu'ils pensaient, mais tout le monde peut se tromper, même les bonnes âmes, est installé dans le monde pour de nombreuses décennies, le ZéroCovid est pour demain ou après-demain. 

Il est donc toujours possible de prédire une prochaine vague puisqu'elle va survenir de façon inéluctable.

Les gens vont continuer à mourir du covid.

Les gens vont continuer à ne pas mourir du covid et présenter des troubles attribuables au covid.

Mais je m'égare.

Si j'avais été un alarmiste dans le style, tous nos enfants vont mourir, tous nos enfants vont faire un covid long, tous nos enfants vont faire un syndrome multi-inflammatoire, tous nos enfants vont contaminer leurs parents, leurs grands-parents, et sachant que les mesures préconisées par nos alarmistes ne sont pas mises en place (mesures-barrières à l'école dont port du masque au moins chirurgical, aération des locaux, vaccination des enfants, bref...)...

Si, donc.

Eh bien, si j'avais eu des enfants d'âge scolaire, ce qui n'est pas mon cas,

J'aurais fait grève de l'école,

Je n'aurais pas envoyé mes enfants à l'école,

Je les aurais protégés en les gardant à domicile,

Pourquoi ne pas l'avoir fait ?

Vous avez trois heures.



dimanche 11 septembre 2022

Informations médicales (de vacances) : Pot pourri. Antidépresseurs, viscosupplémentation, thé noir, tribune ostéopathie, Moderna, ulcères veineux, peer-reviewing, bilan cardiologique pré chirurgie, IRM, Verneuil...

 


A Marseille, les choses étaient bien différentes : les manuscrits étaient acceptés dans les revues prédatrices et copines avant même que l'essai n' ait été commencé.

Quinze % des adultes états-uniens sont traités par des antidépresseurs.

Selon Medical Expanditure Survey, année 2020

Ces chiffres posent toujours les mêmes problèmes : 
  1. Quel est le pourcentage de surdiagnostics ?
  2. Quel est, dans la population générale, le pourcentage de sous diagnostics ?
  3. Les bénéfices attendus sont plus faciles et déterminants  à atteindre chez les malades sévères
  4. Les malades légers à modérés vont peu bénéficier de molécules peu efficaces (les antidépresseurs)
  5. Est-ce qu'il existe des possibilités  de prévention ?
Pour mémoire, en 2019, et selon une enquête de Santé Publique France (LA), 17,8 % des 15-85 déclaraient en avoir pris durant les 12 derniers mois.

Eviter la viscosupplémentation en cas de gonarthrose !

Les lecteurs du blog connaissent déjà ce conseil fondé sur des essais cliniques contrôlés. Le CNGE (Collège des Généralistes enseignants) en remet une couche : ICI.

Les données sont solides, les études robustes et celant concerne pas les médecins généralistes mais les orthopédistes et les rhumatologues.

Encore une fois, les questions posées par un tel avis sont les suivantes : 
  1. Viscosupplémenter est une pratique (jadis remboursée) qui n'était pas fondée sur des essais contrôlés de qualité mais sur des impressions et des avis d'experts
  2. Combien faudra-t-il de temps pour revenir en arrière ?
  3. Pourquoi des médecins, ici spécialistes en rhumatologie et en orthopédie, continuent-ils de le faire ? Pour gagner du temps ? Pour faire profiter à leurs patients de l'effet placebo ? Pour gagner de l'argent  ?

Encore une étude de cohorte sans intérêt (nutrition) !

Alors que depuis janvier 2020 aucune étude clinique contrôlée, robuste, prospective, clustérisée, n'a encore été publiée pour le Covid sur : 

  1. L'efficacité des masques (et quels masques) à l'école, dans les transports, au bureau, à la machine à café, à l'usine, et cetera...
  2. L'efficacité de la distanciation (1, 2 ou 3 mètres)
  3. L'efficacité de la vaccination avec un deuxième booster chez les personnes non à risques, les personnes jeunes, très jeunes, les enfants...
... eh bien une monstrueuse étude a été menée en Grande-Bretagne, comprenant 500 000 personnes âgées de 40 à 69 ans, suivies pendant 13 ans, montre une réduction de 13 % du risque de décès toutes causes en buvant au moins 2 tasses de thé (et plutôt du thé noir) : LA. C'est une étude menée par questionnaire...

Qui en parle ? Eric Topol.

Une tribune no fake med contre l'ostéopathie et d'autres pratiques chez le nourrisson.

Enfin. ICI.
Une tribune (non signée) déconseille fortement un certain nombre de pratiques qui pourraient être proposées aux parents à la naissance de leur enfant.
  1. L'ostéopathie
  2. La section du frein de la langue
  3. L'aromathérapie
  4. Les colliers d'ambre.
On ne peut qu'être d'accord.

Le problème de cette tribune : elle ne cible pas les endroits où ces pratiques sont proposées, pratiquées, conseillées. C'est à dire des CHU, des cliniques renommées, des maternités de niveaux 3, 2 et 1. C'est à dire qu'elle ne dénonce pas les professionnels de santé qui en sont à l'origine, comme si c'était de la responsabilité des parents de s'y opposer ou de l'exiger.

Corporatisme, quand tu nous tiens.

On signale encore une fois combien le Conseil National de l'Ordre des Médecins est en retard sur L'Ordre des masseurs-kinésithérapeutes (LA) qui a pris un parti fort contre l'ostéopathie chez le nourrisson.


Moderna est un sponsor de l'US Open.




Est-ce normal que Moderna mêle son nom à Rolex, Lavazza ou Amex ?

Y aurait-il un conflit d'intérêts des organisateurs lorsque l'éviction de Djokovic a été actée ?

Le futur vaccin Moderna serait proposé à 100 dollars l'injection : LA.




Coûts comparés de la prise en charge des ulcères veineux

Comme toujours, les systèmes de santé sont différents, les prises en charge itou, et les remboursements dans le même métal. 

Il serait utile de comparer ces données avec celles des coûts moyens par pays pour toutes les pathologies.

Mais les écarts sont tels sur cette figure...

ICI


Le peer-reviewing : corrompu ? corrompu !

Lorsqu'un article est soumis à une revue il est relu par des pairs qui peuvent faire des commentaires, suggérer des modifications, relever des erreurs et/ou accepter/refuser.

Juergen Huber and colleagues (communication lors d'un congrès de Peer-Review) ont analysé comment les articles étaient acceptés ou refusés selon le statut des auteurs (faible statut, haut statut, neutre).



534 relecteurs ont été tirés au sort pour relire un article en connaissant le statut des auteurs : 65 % rejettent le bas statut et 23 % rejettent le haut statut.

On savait cela depuis longtemps. Est-ce que des relectures en double-aveugle seraient possibles ? 

Evaluation cardiologique avant chirurgie. 

Florian Zores (LA) commente les recommandations de l'ESC 2022.

D'après lui, ça avance. Mais pas assez vite.

Trop d'examens.

Une étude très inquiétante (trop inquiétante) sur le bilan cardiovasculaire à 109 jours de patients covid modérés.

Eric Topol, dont l'activité frénétique devient de plus en plus frénétique, promeut un essai (LA) sur 346 patients dont 27 % non symptomatiques testés de façon non comparative au décours (109 jours) d'un épisode documenté de covid considéré comme modéré : biomarqueurs et IRM.

Cet essai procède-t-il de :
  1. Fear mongering
  2. Disease mongering
  3. Réalisme

Les IRM sont-elles fiables ?



On rappelle un article de 2018 sur les IRM du rachis lombaire : LA.



Résultats : la proportion d'IRM du rachis lombaire exploitables était de 13 % alors que l'indication était considérée comme appropriée dans 93 % des cas selon les recommandations du Collège Américain de Radiologie. Sur les 36 cas suspectés de cancer ou d'infection, 81 % étaient des faux positifs,. D'autres investigations furent pratiquées dans 59 % des cas douteux et 86 % étaient des faux positifs.

Conclusion : La proportion d'IRM du rachis lombaire qui aident à la décision est faible. Les nombres de faux positifs et de faux positifs entraînant d'autres examens sont élevés.

Maladie de Verneuil : un état de l'art décapant. Par @Dermatopoulos.


Vous pouvez lire ICI.

Mais lisez, c'est super.

La queue pour s'inscrire chez un médecin. Evron (Mayenne) (France).

Source : Le Courrier de la Mayenne.

Je m'arrête là. C'est interminable ce que j'ai raté pendant mes (petites) vacances.

vendredi 9 septembre 2022

Un malaise. Histoire de santé publique sans consultation. 8


Premier acte.

Un de mes amis (médecin), 69 ans, m'appelle immédiatement après qu'il a ressenti un malaise en faisant de la course à pied. Un malaise qui ne l'a pas empêché de finir de courir à petites foulées (mais tout le monde sait que les médecins sont de mauvais médecins pour eux-mêmes et ont beaucoup de mal à apprécier ce qu'ils ressentent).

Je l'interroge au téléphone.

Depuis environ deux ans il est essoufflé en montant trois étages. Il dit, je rapporte ses propos à peu près dans l'ordre où il m'en a parlé, c'est à dire, sans ordre, que le fait de porter un masque FFP2 dans les escaliers n'a pas arrangé les choses. Et le fait d'attraper le covid en mars alors qu'il était trivacciné.

(Pardon pour ce commentaire prématuré : je me rends compte très rapidement, et cette sensation va s'accentuer encore lorsque nous nous verrons en chair et en os, que nous continuerons à parler de ce qui lui est arrivé, pendant le trajet qui nous conduira dans un service d'urgence cardiologique, qu'il raconte une histoire, son histoire, et que cette histoire est fausse, non pas parce qu'il ment sciemment, mais parce qu'il hiérarchise d'emblée les faits qui lui sont arrivés, qu'il les interprète au lieu de les exposer de façon neutre, mais y a-t-il une façon neutre de raconter un malaise d'origine probablement cardiologique quand on est médecin ?... Il raconte une histoire, son histoire, et moi je l'écoute de façon non neutre, il m'a déjà raconté ce qui n'allait pas, en hiérarchisant mon écoute, en n'écoutant que ce qui m'intéresse, que ce qui va aller dans le sens de ce que j'ai déjà conclu...)

Voici mon propre résumé. Mon ami a ressenti en courant, c'était un jour où il n'était pas, selon lui, en forme, des douleurs dans les deux trapèzes et dans les deux portions basses des sternocléïdomastoïdiens, sans sensation de striction, sans douleurs dans la poitrine, mais avec un grand essoufflement. Ces douleurs des trapèzes, il les a déjà ressenties sans faire d'efforts, parfois lors de changements de position, et là, elles ont mis un certain temps à disparaître après avoir arrêté de courir. A son arrivée chez lui il s'est mesuré la pression artérielle qui était en moyenne aux alentours de 100/70 pour une PA habituelle sous sartan de 145/90 Quant à la fréquence cardiaque elle était banalement à 100 L'hypothèse d'un malaise vagal se précise. Selon lui et selon moi.

Aux urgences de la clinique cardiologique il n'y a personne. Enfin, deux personnes attendent.

C'est le mois d'août.

Le docteur D prend un numéro dans un distributeur.

On appelle son numéro au bout de dix petits minutes.

Il me raconte.

Je m'installe sur un siège. On me demande de me mettre torse nu. Il y a une jeune femme vêtue d'une blouse blanche qui se tient derrière un ordinateur et qui me pose des questions : "Qu'est-ce qui vous arrive ?... Comment vous vous appelez ?... Quelle est votre personne de confiance ?..." 

Une autre jeune femme en blouse blanche me pose des électrodes..." On va vous faire un ECG..."

La première jeune femme : "Ça vous est arrivé quand ? - Ce matin vers 11 heures... - Et vous avez attendu tout ce temps ?" Je refais engueuler. "Je suis médecin...- Et, en plus, vous êtes médecin..."

Mon ECG est beau comme un ECG de jeune homme qui ne ferait pas d'infarctus.

L'ECG sort de la pièce et revient signé par l'urgentiste. "Normal." 

"On" me prescrit  une prise de sang et une radio pulmonaire

La prise de sang sera faite dans le couloir. Et la radio pulmonaire au service radiologie.

Retour dans la salle d'attente.

Nous entendons dire qu'il faudra une heure pour le résultat du troponime.

Bon.

L'heure se passe en discutant.

Une jeune femme en blanc vient le chercher : la cardiologue va vous examiner.

Le docteur D raconte : 

On me transfère dans un box, on m'allonge, torse nu et entre un cardiologue masqué qui semble jeune. "On me dit que vous êtes médecin ?..."

Je lui tends les radiographies pulmonaires qui sont normales de chez normales.

Il me commente la prise de sang : "Vous avez des troponimes à 14. Il va falloir refaire un dosage.

Je raconte mon affaire : "Je cours seize à dix-huit kilomètres par semaine, plutôt à 9 km/h, sans  problèmes particuliers, mais il m'arrive d'être essoufflé en montant trois étages... (Je n'ose pas parler du port du masque de peur de me faire traiter d'imbécile, j'ai entendu dire, comme tu le sais, me précise-t-il, que ceux qui ont du mal à respirer avec des masques sont des crétins complotistes...)"

Le jeune cardiologue me pose des questions sur les conditions de survenue et je réponds en bon élève tout en ne disant pas tout à fait ce que je voudrais dire, je n'arrive pas à ordonner ma pensée, j'insiste sur des faits mineurs et n'arrive pas à expliquer la nature réelle de mes douleurs trapéziennes, je n'arrive pas à les définir, ni comment elles sont vraiment apparues ni comment elles ont disparu.

Le fait que j'ai attrapé le covid en mars, nous sommes en août, ne semble pas l'intéresser du tout (on parle tant de complications cardiaques du covid ici et là).

Le cardiologue me refait un ECG et me dit qu'il serait utile, vu la façon dont c'est arrivé, de réaliser une scintigraphie d'effort et qu'il pourra la superviser après demain. "Vous allez prendre de l'aspirine d'ici-là." Il me prescrit 75 mg de kardegic.

Le cardiologue me parle de son genou et de l'IRM qu'il a faite.

Re prise de sang dans le couloir.

Salle d'attente.

Le docteur D est d'accord pour faire une épreuve d'effort mais n'en voit pas l'utilité.

Je lui dis que "Puisqu'il est là et qu'on lui propose un rendez-vous rapide..." Sa femme lui a dit pareil.

Entre temps j'ai envoyé un sms à un de mes copains cardiologues qui est en vacances et qui m'a rappelé dans les dix minutes. "Scintigraphie d'effort..." Le docteur D a lui-aussi contacté un copain cardiologue hospitalier qui lui a dit "Coroscan"

On rappelle mon ami.

Il est reçu par l'urgentiste, entre quarante et quarante-cinq ans, dans un petit bureau sans fenêtre et sans masque.

"Je vous explique : notre cardiologue, le docteur C, vous a prescrit une scintigraphie d'effort... 
- Vous pensez que c'est nécessaire ? 
- Je le connais bien, le docteur C, c'est un bon, il faut lui faire confiance... Il vous a aussi prescrit de l'aspirine... Donc, demain (il me montre un numéro) vous appelez là pour prendre le rendez-vous. Ah, j'oubliais, le cycle de la troponime est normal...

Mon ami, le docteur D, semble rassuré. Il me dit qu'il n'y a jamais cru, à l'infarctus...

Je le raccompagne chez lui.

Deuxième acte.

Deux jours après mon ami a rendez-vous pour la scintigraphie (il n'a pas eu le droit de boire un café ou un chocolat). Il y va tout seul comme un grand.

Comme il est médecin, on ne lui a rien expliqué sur la procédure.

Passons.

L'épreuve d'effort se passe en présence du jeune cardiologue. Mon ami fait ce qu'on lui demande de faire, épreuve submaximale, lui dit-on, il est à peine essoufflé. Le cardiologue lui a demandé d'enlever le masque pour l'épreuve d'effort, "sinon, vous allez souffrir..." Tellement contraire à ce que nous avons entendu dire parles masqueurs.

Trois heures se passent et mon ami est reçu par le scintigraphiste qui lui explique, bla-bla, que l'épreuve d'effort électrique est normale de chez normale et que la scintigraphie est dans le même métal.

Mon ami demande s'il peut revoir le cardiologue.

"Oui, vous montez au deuxième..."

La secrétaire le réçoit gentiment et lui dit que le docteur C vient de partir.
"Je voulais lui demander un truc ou deux...
- Je peux vous donner son adresse mail."

Mon ami envoie un bref mail de remerciement et lui demande 1) s'il doit continuer de prendre le kardegic, 2) s'il peut recourir..."

Deux heures après : réponse : non et oui.

Est-ce que vous voulez savoir combien ça coûte, l'épreuve d'effort avec scintigraphie ? 472,22 +18,57 euros.

Troisième acte

Nous discutons avec mon ami. 

Le lendemain de la scintigraphie.

Lui : Je suis quand même rassuré.
Moi : Tu m'as fait peur... 
Lui : J'ai eu beaucoup de chance d'avoir été examiné si vite.
Moi : Le mois d'août... remarque, tu as été examiné pour rien.
Lui : Comment ça, pour rien ?
Moi : Tu étais certain de ne rien avoir et tu as cédé pour faire l'épreuve d'effort...
Lui : T'es con ou quoi ? Pour savoir que je n'avais rien il fallait bien la faire.
Moi : Oui, mais tu savais déjà qu'elle serait négative...
Lui : T'es très con.

Pause.  

Lui : Il y a quand même des trucs qui ne vont pas.
Moi : Ah ?...
Lui : J'ai été un peu laissé seul face à mon inquiétude... Le scintigraphiste m'a rassuré mais j'ai dû contacter moi-même le cardiologue qui est parti comme un pet sur une toile cirée... Et si je n'avais pas été médecin, la secrétaire ne m'aurait pas donné le mail...
Moi : Tu aurais pris du kardegic quelques jours de plus...
Lui : J'ai demandé au cardio pourquoi il ne m'avait pas prescrit un coroscanner... Il m'a répondu qu'à mon âge il y avait trop de calcifications et que les images étaient difficiles à interpréter... 
Moi : Tu ne m'as pas dit que Valmont t'avait dit le contraire ?
Lui : Oui.
Moi : Alors ?
Lui : Alors, rien. 
Moi : J'ai appris que le coroscanner de la clinique était en maintenance... 
Lui : Ouah... Mais tu sais, ce qui m'a beaucoup choqué, c'est que l'urgentiste ne saura sans doute jamais que l'épreuve d'effort avec scintigraphie est normale, lui qui disait que le cardiologue "c'était un bon" et que j'avais sûrement quelque chose.
Moi : Il y a peut-être un suivi des dossiers...
Lui : J'en doute
Moi : On peut vérifier ?

Que faut-il tirer de tout cela ?




mardi 30 août 2022

Espérance de vie. Histoire de santé publique sans consultation. 7

Vanité (Giovanni Francesco Barbieri dit Guerchin. 1591 - 1666) 


Je rencontre Monsieur A, 84 ans, et lui demande innocemment comment il va.

Ce n'est certes pas une question à poser à un homme de son âge, âge qu'il ne fait pas, comme on dit, mais je lui ai posé la même question il y a un mois et il m'a dit qu'il pétait le feu (sic), je n'ai donc pas fait attention et j'ai parlé de façon automatique.

Sa réponse m'a ouvert des horizons.

L'espérance de vie d'un homme de 82 ans est de six ans et neufs mois selon les professionnels du viager. Signalons que l'espérance de vie d'un homme de 82 ans entrant en EHPAD est plutôt de 2 à 3 ans selon le sexe, l'âge et le motif d'admission.

Il m'explique, nous sommes à la sortie de "ma" boucherie sous les halles de Versailles (il y a un macaron où est écrit "Fournisseur officiel de docdu16" avec mes armoiries et mes quartiers de roture), qu'on vient de lui diagnostiquer un cancer.

Il paraît frais comme un gardon.

Je sens qu'il n'a pas envie d'en dire plus.

"Comment vous sentez-vous ?
- Normal. Sauf que je dois prendre des médicaments... et qu'ensuite il y aura de la radiothérapie...
- Ah..."

Et là, tout d'un coup, il sort de la poche de sa veste une ordonnance.
"Vous qui êtes médecin, vous devez savoir de quoi il s'agit."

Oui, je sais, c'est un cancer de la prostate, mais je ne dis rien, je le garde pour moi.

Bla-bla.

Il a renoncé à aller voir ses petits-enfants dans le sud parce qu'il était urgent de commencer le traitement.

Je le rassure, je lui parle du temps qu'il fait (chaud).

What else ?