mardi 1 août 2023

Un congrès à Chicago (ASCO ou American Society of Clinical Oncology) : Milstein répète. 43

 

Un congrès à Chicago (ASCO 2023)

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Milstein répète.


Dans la chambre de Milstein (et d’Ursula). Ce n’est pas une chambre mais une suite. Il y a de la place. Il est temps de répéter pour la présentation de demain. Il est prévu que Milstein fasse un filage en présence du directeur médical US de la firme et du directeur médical de la division Europe, un Français, et de deux médecins produits, un États-unien et un Anglais. Gers n’a bien entendu pas dit à son patron et encore moins au parasite B. qui est là pour s’épater la galerie que les questions embarrassantes et les réponses ad hoc ont été rédigées par Brébant (contrairement à toute éthique professionnelle). Avec ses airs de médecin mondain qui emmène sa maîtresse en congrès, Milstein assure, il parle de façon fluide dans un anglais très accentué (quand arrivera-t-il à se débarrasser des accents toniques sur les finales ?) mais son problème est celui de la compréhension des questions venues de la salle tant les intervenants mettent un point d’honneur à jouer de leur langue maternelle sur les non natifs. Gers se tiendra sous le pupitre pour lui souffler la traduction.

Tout se passe bien, les deux écrans sont synchrones, pas trop chargés et Milstein regarde à peine ses notes. Arrive le moment des questions et les deux États-uniens, malgré leur infinie arrogance anglo-saxonne, conviennent que le boulot de Gers a été bien fait. Quant au directeur médical anglais, fort de sa compétence moyenne et de son humour ravageur, il pose deux ou trois questions sans intérêt indiquant qu’il travaille moins les dossiers qu’il ne devrait le faire. L’ordinateur contient la présentation sauvegardée et la clé USB a été dupliquée pour que rien de désagréable ne puisse se passer juste avant le show. Une faute de frappe est découverte sur l’écran 22 L malgré les trop nombreuses relectures et c’est ce crétin de B. qui la remarque. Nul doute qu’il vient de marquer un point majeur pour sa future nomination.

« Il serait peut-être temps d’aller manger ? »

C’est la firme qui régale mais Gers décline… Il était convenu, malgré l’heure tardive qu’il aille retrouver Brébant et Maraval au restaurant de leur hôtel. Un point de moins pour sa future nomination et Gers, qui n’a pas osé affronter le regard d’Ursula, ce genre de femmes l’intimide, a encore aggravé son cas. Berson, le directeur médical US, a pourtant noté deux choses dans son esprit : le Frenchie est sympa et compétent, il serait peut-être utile de l’intégrer dans le team expert mongering.

La soirée va être compliquée : Gers rejoint le restaurant où ses collègues ont déjà commencé à s’alcooliser. Il y a Brébant qui sort d’une réunion où le niveau de graissage de pattes des experts FDA a été décidé par la Firme M***, il y a Sophie Branus qui a décidé de ne pas lâcher Brébant après la nuit qu’ils ont passée ensemble, Edmée Vachon qui ne lâche pas Gers pour ses activités nocturnes, deux autres types sans intérêt, des cancérologues de province à l’esprit carabin affiné et Florence Maraval que Gers préfèrerait à Vachon. Tant qu’à faire. 



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lundi 31 juillet 2023

Un congrès à Chicago (ASCO ou American Society of Clinical Oncology) : La session cancer du poumon : deuxième partie. 42

 

Un congrès à Chicago (ASCO 2023)

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La session cancer du poumon : deuxième partie.


La machine est bien huilée et les organisateurs connaissent le boulot sur le bout des doigts. Par ailleurs, ils ne marchent pas sur des œufs mais sur une solide moquette bien épaisse qui est celle de la croyance quasi unanime des cancérologues sur l’efficacité du dépistage du cancer du poumon par scanner basse intensité chez les gros fumeurs. Il y a bien quelques têtes brûlées qui ont des avis contraires mais il est difficile d’exprimer de tels avis sans se faire traiter de charlatan ou d’ennemi du progrès, ce qui rend les carrières difficiles. Il existe aussi des personnes comme François Brébant, Pierre Gers ou Florence Maraval qui osent parler, et il serait fastidieux de vous présenter les quelques oiseaux rares qui pensent comme eux, et sont persuadés que ce dépistage est peu convaincant et que l’on va dépenser beaucoup d’argent, mobiliser beaucoup de professionnels pour des résultats décevants et entraîner surtout l’annonce de diagnostics désastreux et la pratique de traitements lourds à des patients qui n’en auraient pas eu besoin.

Leur ami Brent Marshall, un ténor épidémiologiste non-médecin et statisticien occupe une position particulière : il est à la fois membre de l’ASCO et activiste anti-dépistage. Mais il n’a pas encore reçu de balle dans la tête et il est écouté, même s’il n’est pas suivi et si les fabricants de scanners, les scannerologues, les oncologues et les pneumologues le détestent. Pendant la période Covid il a occupé une position médiane, ce qui aux Etats-Unis est assez difficile à comprendre, entre Trump, Fauci et DeSantis, et il a droit à une session de vingt minutes. Le trio des Français n’apprend rien qu’ils ne sachent sur l’étude Nelson et ses analyses post hoc sinon, comme d’habitude, que le pourcentage de surdiagnostics a été mal et sous-évalué.

Marshall est peu interrogé car ses challengers savent qu’il a réponse à tout et qu’il connaît le sujet mieux que quiconque. Il en est désolé car son style direct et son sens de la repartie infaillible, il en est fier et il aimerait qu’on puisse le remarquer.

Maraval à Gers : « Ca sert à quoi, tout ça ? » Il hausse les épaules parce qu’il y a longtemps qu’il a cessé de lutter. Tout comme Brébant qui constate avec plaisir que l’impuissance avouée des deux autres justifie sans doute qu’il ait accroché son gauchisme présumé au porte-manteau du fric. La morale et l’éthique ont eu raison de ses habitudes de vie. Il lui semble de plus en plus compliqué de s’opposer aux théories ambiantes qui flattent les financeurs, les revues et ses confrères. Il va se laisser porter par le courant et ne sera pas un rebelle. Un rebelle dans sa tête et dans les quelques réflexions qu’il peut lâcher ici ou là pour montrer son indépendance et son intelligence. Il ne lui reste plus, et il y arrivera, de décrocher le titre envié et le salaire colossal de directeur médical de la Firme M*** Quoi d’autre ?

Les partisans français du dépistage sortent gonflés à bloc de cette session de pneumologie. Comment le Ministre de la Santé pourrait-il refuser un tel programme politique ?



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dimanche 30 juillet 2023

Un congrès à Chicago (ASCO ou American Society of Clinical Oncology) : La session cancer du poumon : première partie. 41

 

Un congrès à Chicago (ASCO 2023)

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La session cancer du poumon : première partie.


La session cancer du poumon est très attendue. Rappelons aux profanes et aux autres que le cancer du poumon, en général, est une saloperie, qu’il existe des exceptions mais, et il est toujours à craindre qu’une lectrice ou un lecteur soit lui-même atteint de ce cancer, il faut donc prendre des précautions, c’est une saloperie et les taux de survie sont faibles quand il n’est pas possible d’enlever un morceau de poumon, et même dans ce cas.

La session est très attendue car il existe de nouveaux traitements prometteurs et que sur la base de certains essais et de certaines expériences individuelles, des malades qui auraient dû y passer il y a cinq ans sont encore vivants.

Elle est aussi très attendue car on attend les résultats d’études complémentaires portant sur le dépistage ciblé du cancer du poumon chez les grands fumeurs. Les études précédentes avaient montré une diminution de la mortalité relative grâce au dépistage. Il n’est pas possible ici de détailler les polémiques qui ont cours sur le dépistage des cancers en général, du sein, du col de l’utérus, du colon et de la prostate. Les tenants du dépistage (et tous ne sont pas membres de l’Église de Dépistologie) insistent sur les données classiques « plus c’est petit, plus c’est curable », « mieux vaut enlever une tumeur avant qu’elle ne devienne méchante… » « on n'a jamais vu un cancer qui régressait » et cetera. Les opposants à certains dépistages ont l’inconvénient de ramer à contre-courant et leurs deux arguments essentiels sont les suivants : la mortalité globale, toutes causes confondues, n’a jamais été diminuée et il existe des risques de surdiagnostic. La notion de surdiagnostic en cancérologie est difficile à comprendre : un surdiagnostic c’est découvrir une réelle tumeur cancéreuse qui n’altèrera pas la santé du ou de la patiente dans tout le cours de sa vie. C’est tellement contre-intuitif que mêmes les docteurs en médecine ont du mal à saisir le concept. Il est même un ancien président du Conseil de l’ordre des médecins qui avait écrit à propos des tumeurs indolentes « Quant aux chimiothérapies, il vaut mieux en faire trop que pas assez » !

Mais il est une chose dont Brébant et Gers, qui connaissent parfaitement les enjeux de la dépistologie, sont persuadés : le dépistage ciblé et généralisé du cancer du poumon va être institué et une fois qu’il sera en route il deviendra impossible de le déloger. Parce qu’il s’agit d’une décision politique et que tous les politiques savent que le dépistage, coco, c’est politiquement correct et électoralement indépassable.

Pardon pour ces digressions inutiles puisqu’il faudrait un traité entier pour expliquer à beaucoup de cancérologues que le dépistage présente des inconvénients majeurs. Alors, le grand public…

La grande artillerie est présente : les pneumologues, les cancérologues (voire les oncologues), les scannerologues, les fabricants de scanner, les marchands de traitements, les financiers.


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vendredi 28 juillet 2023

Un congrès à Chicago (ASCO ou American Society of Clinical Oncology) : John Davies fait le show. 40

 

Un congrès à Chicago (ASCO 2023)

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John Davies fait le show.


François Brébant n’a pas le temps de faire de l’introspection sur être gauchiste ou ne pas l’être. Il a du mal à tout assumer mais sa femme est d’accord : on a besoin d’argent et on en fait ce qu’on veut, peu importe l’idéologie (Mathilde Brébant s’est convertie plus rapidement que son mari au capitalisme). Flanqué de Florence Maraval et de Pierre Gers, Brébant fonce vers la salle de la présentation de l’essai pivot piloté entre autres par Marie DeFrance et pour lequel la Versaillaise a des craintes.

L’essai PDMM (pour Putain de Merde de Molécule) est bancal depuis le début mais il y a un moment où certains membres de la firme vont se risquer à en parler officiellement, d’abord en interne, puis en externe. Il faudra trouver un ou une volontaire pour faire le job et Marie DeFrance en tremble d’avance. Sa spécialité dans la firme, mais tout le monde ne le sait pas avec autant de certitude, est quand même de faire porter la responsabilité des erreurs qu’elle a commises sur des tiers avec une mauvaise foi inébranlable et de s’attribuer des succès auxquels elle n’a pas participé au mépris des collègues qui ont fait le job.

La professeure Mariam F Stonehenge est le pur produit de la méritocratie états-unienne. Est-il possible de dire qu’elle ressemble tellement à l’image qu’elle veut se donner d’elle-même et à celle que les autres ont fini par accepter, que c’en est une caricature ? Issue d’une famille de « grands » médecins elle a su, grâce à son intelligence, son travail forcené et… ses relations, monter dans la hiérarchie harvardienne avec une grande élégance et dans son service d’hémato-cancérologie remarquablement classé chaque année par U.S. News & World Report dans les quatre ou cinq meilleurs du pays, elle a développé un département d’essais cliniques réputé et efficace qui rapporte énormément d’argent à l’hôpital. Elle est donc bien vue par les administrateurs, l’industrie pharmaceutique et les patients (car, contrairement à ce portrait peu flatteur d’arriviste, elle est une excellente médecin).

Malgré les défauts de l’étude elle fait une présentation parfaite qu’elle a répétée cent fois avec un accent bostonien qui remplit d’aise et de contentement les Anglo-saxons et les autres.

Quant à John Davies, un petit bonhomme ventripotent, la barbe châtain roux en bataille, les cheveux frisés un peu trop longs et un début de rhinophyma qui colle à son personnage, il attaque frontalement l’essai avec un enthousiasme qui enchante la salle.

Stonehenge est contrainte de tendre l’oreille car l’anglais du Gallois ressemble à ce que l’on entend les soirs d’ivresse dans les pubs de Cardiff après une victoire du XV du poireau contre celui de la rose. Les critiques sont si violentes que le modérateur sur l’estrade est obligé d’intervenir : « Sir, un peu de retenue, on pourrait croire que vous faites preuve de misogynie, si je puis me permettre… - Vous ne m’avez donc jamais entendu critiquer une étude mal foutue présentée par un mâle… Diriez-vous que je n’aimerais pas les hommes ? » 



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jeudi 27 juillet 2023

Un congrès à Chicago (ASCO ou American Society of Clinical Oncology) : Les essais cliniques zombies. 39

 

Un congrès à Chicago (ASCO 2023)

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Les essais cliniques zombies.


Peu importe qu’il s’agisse d’un nouveau traitement pour le lymphome discuté dans ce pro/con et modéré par Pierre Gers, il s’agit d’un prétexte. Un prétexte métaphorique sur les nouveaux traitements en médecine et sur le contexte plus général des publications tel qu’il est décrit par David Semiov.

Les décisions de prises en charge en oncologie comme en médecine se font depuis l’époque moderne et en théorie sur la base des résultats obtenus dans les essais cliniques. Ces essais cliniques, sont menés dans leur immense majorité par les industriels qui commercialisent les molécules qu’ils testent. Mais le fait que les essais ne soient pas menés par un industriel ne rend pas les essais plus exacts ou plus valides car l’hubris des chercheurs est au moins aussi important que les appétits financiers des firmes.

Florence Maraval parle à François Brébant dans une allée du congrès à la sortie du pro/con : « Dès 2020, un anesthésiste, John Carlisle, avait dénoncé les articles qu’il appelait zombies c’est-à-dire ceux pour lesquels il n’était pas possible de vérifier les données individuelles des patients inclus dans les études. Entre 2017 et 2020, je dis cela de mémoire, vingt-cinq pour cent des articles soumis au journal Anaesthesia étaient, lorsque les données de base étaient accessibles, des études truquées. »

Brébant connaît ces chiffres. Il attend la suite. « Or, ces études truquées ont été publiées et elles servent de base aux recommandations des agences gouvernementales, des sociétés savantes ou des comités Théodule sponsorisés par les fabricants de molécules innovantes. – Vous êtes une gauchiste. – Non. J’essaie de démêler le vrai du faux. – Et ? – Et ? Eh bien, rien. Le système des publications d’articles scientifiques en médecine est soumis à la loi des éditeurs d’articles. Toujours de mémoire, le groupe Elsevier a un chiffre d’affaires annuel d’environ trois milliards de dollars, et une marge bénéficiaire de 40 % ce qui est énorme comparé aux géants de la tech. – Et ? – Et tout le monde est dans le business, l’auteur qui publie, le laboratoire qui promeut, l’éditeur qui profite, mais pas les malades. – Vous y allez fort ! » Gers, les joues en feu à la suite du pro/con qui s’est passé merveilleusement car les deux futurs tsars de l’oncologie états-unienne se sont étripés avec un art consommé de la repartie, arrive à n’en pas perdre une miette malgré les saluts qu’il rend à tous les congressistes qui le félicitent en passant près de lui.

Florence Maraval : « Une gauchiste vous dirait que Richard Smith ou Peter Gøtzsche considèrent que l’industrie pharmaceutique se sert des éditeurs comme Elsevier pour blanchir ses études zombies… et avec l’aide des relecteurs d’articles qui en font assez pour ne pas laisser d’énormes erreurs rédactionnelles et pas assez pour ne pas se mettre à dos les éditeurs le jour où ils voudront publier. » Gers : « Joli ! »

François Brébant se rappelle la période où il était gauchiste avec presque des larmes dans les yeux.

Il n'aura pas les couilles d'être lanceur d’alerte...



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mercredi 26 juillet 2023

Un congrès à Chicago (ASCO ou American Society of Clinical Oncology) : Pro/con. 38

 

Un congrès à Chicago (ASCO 2023)

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Pro/con.


La nuit a été difficile pour tout le monde ou presque (et encore ne savez-vous pas tout) mais cette journée de samedi promet de grandes décharges d’adrénaline pour Gers qui anime un pro/con et pour Brébant qui va, entre autres, superviser la présentation de Gunther Frick. Ils participeront aussi à un grand meeting sur le traitement du cancer du poumon qui promet d’être une joute splendide entre les partisans/non partisans du dépistage dudit cancer et un festival critique lors du dévoilement des données d’essais cliniques concernant de nouveaux traitement innovants annoncés déjà par la presse grand public comme des game-changers. La presse économique est plus mesurée car elle ne voudrait pas que ses clients soient déçus par une montée des actions qui ne serait pas à la hauteur des chiffres de survie promis…

Les pro/con sont une grande spécialité anglo-saxonne. Pierre Gers est sur scène, debout sur un podium, avec à sa droite un pro (c’est-à-dire un pour) et à sa gauche un con (c’est-à-dire un contre) d’un nouveau traitement du lymphome. Les deux intervenants ont droit à cinq écrans chacun pour développer leurs arguments et ces dix écrans ont été soumis par avance au Frenchie afin qu’il vérifie par avance que les données indiquées sont justes, non tronquées et présentées avec objectivité. C’est un exercice difficile pour notre ami car ces deux hommes, outre le fait qu’ils sont de jeunes ténors de leur spécialité et connaissent les publications, les traitements, les controverses sur le bout de leurs doigts, représentent des intérêts très forts tant académiques qu’industriels. Philip Henderson de Johns Hopkins University à Baltimore est le représentant zélé du mainstream oncologique et ses éditoriaux fréquents et enthousiastes dans la presse sponsorisée par l’industrie sont toujours à la gloire de l’innovation, du progrès et de l’avenir radieux des malades alors que José Lopez de UT Southwestern Medical Center à Dallas tente, tout en ménageant sa carrière, d’être le plus objectif possible dans la critique des essais cliniques et des procédures qui sont mises en place un peu partout dans le pays et dans le monde. Lopez n’est pas sur la ligne de David Semiov pour des raisons de développement personnel (il ne voudrait pas être un rebelle affirmé) mais également parce qu’il croit, lui, que l’on peut améliorer le système de l’intérieur. Dans la vraie vie Henderson et Lopez se fréquentent et ne cessent de se taquiner, voire plus, via les réseaux sociaux et les éditoriaux dans des journaux médicaux destinés autant aux cancérologues qu’aux gestionnaires de fonds de pension mais aussi aux médecins lambda états-uniens comme aux patients fortunés qui pourraient ne pas choisir la Mayo Clinic pour se faire soigner de leur lymphome.

Gers ne peut cependant connaître tous les sous-entendus de cette joute de petits coqs dont les objectifs universitaires ne seront peut-être pas atteints mais dont les comptes en banque sont déjà hype. Il est parfois difficile, en France, de savoir ce qui se passe dans l’hôpital d’à côté, alors, les guerres picrocholines états-uniennes...



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mardi 25 juillet 2023

Un congrès à Chicago (ASCO ou American Society of Clinical Oncology) : La nuit de tous les dangers. 37

 

Un congrès à Chicago (ASCO 2023)

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La nuit de tous les dangers.


Tout le monde commente la lecture de David Semiov avec gourmandise. « Il raconte toujours la même chose… C’est un complotiste… Comment peut-il dénoncer les conflits d’intérêts en étant lui-même payé par une fondation privée qui finance aussi des activités douteuses ?... » Mais la majorité des congressistes, les sachants comme les ignorants, ceux qui ont travaillé avant de venir, ceux qui travaillent sur place et ceux qui sont là pour le plaisir, ne pensent qu’à une chose : avec qui vont-ils passer sexuellement la fin de la soirée ?

Brébant comme Gers, sans compter les autres, trouvent que l’auteur y va un peu fort, tous les congrès et séminaires de travail ne sont pas des foires sexuelles en plus d’être des foires commerciales ! On connaît aussi des congressistes du bout du monde ou de Romorantin qui se morfondent dans leurs chambres en lisant le dernier livre de Pierre Lemaitre ou en regardant des conneries sur leur tablette. Pas tous, comme on dit. L’auteur y va un peu fort car imaginons un peu que les femmes respectives de nos deux héros lisent « Le congrès à Chicago » et identifient leurs maris à ces deux personnages de roman ! Ils auraient beau protester, dire qu’il n’est pas vrai, qu’après avoir mangé une pizza à Pizzeria Uno ou chez Giordano’s ou un hot dog chez Portillo’s, ils se sont retrouvés au lit, Gers avec Edmée Vachon (que son mari nous pardonne) après avoir fait des avances, pour rire, à Florence Maraval et Brébant avec Sophie Branus (idem pour le mari) qui ne regrette pas d’avoir abandonné un obscur PU-PH futur chef de service ayant autant de charme qu’un document de la HAS. Milstein retrouve sa jeunesse avec Ursula après avoir avalé son tadalafil quotidien. La professeure Marie Carmichael qui, après avoir trop mangé en compagnie d’autres cancérologues invités par un laboratoire danois et après avoir repoussé les avances d’un directeur du marketing entreprenant, est allée retrouver son étudiante favorite pour une courte nuit trop arrosée. John Williams a fini la soirée dans une boîte de go-go danseuses où il a distribué des dollars dans les soutiens-gorges et les petites culottes en voulant faire oublier qu’il est impuissant depuis de nombreuses années. 

Mais tout cela n’est pas vrai, tout cela ne s’est pas passé, que les partenaires restés en France de tout ce beau monde, à part Cora Milstein, se rassurent, ce n’est que le fruit de l’imagination de l’auteur, il s’agit de vantardise des uns et des autres pour faire les malins et les malignes, rien de ce qui a été écrit, et ne parlons pas de Durand, de Sophie Bouloux ou de B., de Claude Martin ou de Steiner ou de une telle ou untel, ne va se passer réellement dans toutes les chambres d’hôtel de Chicago, il y a des gens vertueux et responsables qui savent résister aux tentations de l’industrie et de la chair… Madame Brébant comme Madame Gers peuvent dormir sur leurs deux oreilles, toute ressemblance avec des personnages authentiques ou des expériences vécues ne seraient que le fruit du hasard ou de l’imagination délirante d’un auteur en mal de copie. 


(Pour ceux qui ont manqué les épisodes précédents, c'est LA)