jeudi 28 mai 2009

TOUCHE PAS A MES SEINS - HISTOIRES DE CONSULTATION : NEUVIEME EPISODE

Madame T, soixante-douze ans, vient me revoir, à l'occasion de son renouvellement de traitement (elle est hypertendue traitée par bêtabloquant depuis environ vingt ans, toujours en monothérapie, toujours à la même dose, et toujours dans les normes tensionnelles), pour m'apporter le compte-rendu de mammographie, compte-rendu que je n'avais pas encore vu et qui date de trois mois. Elle me fait de grands sourires et je les lui rends bien volontiers.
Voici l'affaire.
Il y a donc à peu près trois mois, cette sympathique retraitée (elle travaillait dans les écoles comme dame de service comme on disait dans l'ancien temps), active (elle fait de l'aquagym et de la marche sportive) et déterminée (on va le voir) est venue consulter (affolée) parce qu'on lui avait trouvé une tumeur ACR4 dans le sein gauche et qu'il était question qu'elle aille chez un chirurgien pour faire une biopsie et plus si affinités.
- Je ne suis pas d'accord pour que l'on touche à mes seins ! C'est comme ça !
Retour en arrière : je suis le médecin traitant, elle n'a pas fait de mammographie depuis cinq ans, ses seins sont parfaits à l'examen clinique, elle n'a jamais reçu de THS, il n'y a pas d'antécédents familiaux de cancer du sein, elle a reçu les convocations pour se rendre au dépistage du cancer du sein par mammographie et y a répondu par le mépris. Mais c'était sans compter sur ses filles qui, bonnes filles et fidèles télespectatrices de Télé-matin (avec l'inénarrable BFC dans le rôle de la journaliste reproduisant les avis éclairés des grands pontes de la médecine, ceux-là mêmes qui ne déclarent aucun conflit d'intérêt -- mais, je m'égare, ou l'ineffable LO assidue des médecines "douces") et du Magazine de la Santé de MC et HCE, nid de laboratoires et de produits sponsorisés, lui demandent de façon insistante, de faire la fameuse mammographie ("D'ailleurs on se demande pourquoi ton médecin ne te l'a pas prescrite !"). Rendez-vous est pris dans un cabinet de radiologie de ma bonne ville où, justement, l'une des filles est manipulatrice radio.
Et c'est ainsi que Madame T se retrouve d'abord avec une mammographie ACR2 qui, relue en aveugle dans le cadre du dépistage, se retrouve promue ACR4. Le radiologue patron de la fille de la patiente organise tout sans en référer une seule seconde au médecin traitant mais, surtout, parle : 'Il faut rapidement faire une biopsie, je téléphone au chirurgien X pour qu'il vous donne un rendez-vous...' Le radiologue "clinicien" ne se préoccupe pas, je le répète, du médecin traitant, ni des filières suivies par icelui dans ce cas et, avec l'aide de la manipulatrice (celle-là, je la trouve bien bonne), conduit la patiente vers la biopsie, la chirurgie, la radiothérapie voire la chimiothérapie (l'ordre des facteurs est laissé à l'appréciation des "tendances" de la cancérologie, des "modes" ou des intérêts académico-financiers régnant).
- Je ne suis pas d'accord pour que l'on touche mes seins ! C'est comme ça !
Quand la patiente me dit cela, je suis bien embêté.
D'abord, parce que je n'ai pas les clichés.
Ensuite, parce que je ne connais pas encore l'épisode du passage d'ACR2 à ACR4.
Enfin, parce que je me sens, d'une certaine façon, coupable de ne pas avoir insisté pour que le dépistage se fasse.
Et, au bout du compte, parce qu'elle ne m'en veut pas mais qu'au contraire elle veut se servir de moi pour échapper à une atteinte de ses seins (que je repalpe pour ne pas passer à côté...).
Je lui propose : un, de récupérer la mammographie (avec sa fille ça ne doit pas quand même être trés compliqué), deux, je lui prends rendez-vous avec un oncologue ami (qui partage pour mes patients, pour les autres, je ne sais pas, quelques similarités de vue sur les Valeurs et Préférences des Patients, troisième pilier de l'EBM, mais pour le dépistage du cancer du sein par mammographie tous les deux ans et / ou du cancer de la prostate par le dosage du PSA, il y a encore du chemin à faire), trois, j'écris une lettre à l'oncologue ami, quatre, je prescris une IRM des seins hors de ma ville (afin qu'il ne puisse pas y avoir trop de conflits d'intérêts idéologiques et cléricaux entre professionnels de la même spécialité) et, quatre, j'écris une lettre au radiologue qui réalisera l'IRM. Ouf !
Résultat des courses : l'IRM est normalissime et le radiologue ami écrit à la fin : "... à confronter toutefois avec les examens radiographiques habituellement pratiqués..."
Conclusion (provisoire) :
  1. Il n'existe toujours pas d'études contrôlées indiquant que le dépistage du cancer du sein par la mammographie pratiquée chez les femmes au delà de 50 ans diminuait la mortalité totale.
  2. Le système du médecin traitant a du bon quand il s'agit de respecter les Valeurs et les Préférences des Patients.
  3. Il semblerait que l'IRM puisse devenir l'examen de choix dans l'imagerie du sein (pas encore d'études comparatives convaincantes jusqu'à aujourd'hui) mais deux obstacles : le nombre insuffisant d'IRM et les investissements déjà faits par les radiologues dans le domaine de la mammographie

BONNES REFLEXIONS

jeudi 21 mai 2009

CONFLITS D'INTERETS : TENTATIVE DE DEFINITION

Le monde anglosaxon est plus en avance que nous dans la chasse aux conflits d'intérêts. Nous en avons souvent rendu compte ici.

Cette avance est liée essentiellement à une prise de conscience qui fait souvent défaut en France (pour les autres pays je laisserai les commentateurs ad hoc faire leurs commentaires) pour des raisons qui tiennent autant à la méfiance devant l'argent (ce qui peut paraître contradictoire mais ce qui s'explique par ceci : on touche l'argent mais on n'en parle pas) qu'à la méritocratie académique qui rend les experts intouchables.

Ce manque de réalisme vis à vis des influences possibles de différents facteurs extrinsèques sur les jugements que l'on peut porter sur toute chose ne se limite pas, bien entendu, au domaine de la médecine, mais touche tous les secteurs de la société.

Restons dans la médecine.

Un commentaire en ligne de Robert Steinbrook dans le New England Journal of Medicine du 21 mai 2009 à propos du dernier rapport (29 avril 2009) de l'Institute of Medicine (IOM) permet de mieux comprendre l'état d'avancement des esprits étatsuniens en ce domaine.

Je vous propose de lire les deux articles mais j'ai surtout retenu la définition que donne l'IOM de ce qu'est un conflit d'intérêts.

"Un concours de circonstances qui crée le risque qu'un jugement professionnel ou des actions relatifs à un intérêt primaire soient injustement influencés par un intérêt se condaire.

"Les intérêts primaires sont : promouvoir et protéger l'intégrité de la recherche, le bien-être des patients et la qualité de la formation médicale.

"Les intérêts secondaires peuvent inclure non seulement un gain financier mais aussi le désir d'avancement professionnel, la reconnaissance d'une réussite personnelle et des faveurs pour des amis et de la famille ou des étudiants et des collègues.

"L'IOM ajoute que les intérêts financiers sont souvent mis en avant notamment auprès de l'opinion publique mais qu'ils ne sont nécessairement pas plus graves que les autres intérêts secondaires ; ils sont en revanche plus objectivables, plus opposables, plus quantifiables et plus réglementés en pratique de façon équitable"


Voilà de beaux sujets de réflexion et nous reviendrons sur les conséquences que cela peut avoir pour chacun d'entre nous. Je me place encore une fois au niveau de la morale individuelle ne me sentant pas le droit ou le devoir de me substituer à la conscience des autres.

PS (du 2 octobre 2012) : Bel article canadien sur le sujet : ICI

HEPATITE B : LES MEDECINS DU TRAVAIL FONT LE FORCING !

[Au moment où les autorités françaises font le forcing pour "sensibiliser" la population sur le fait que les Français ne sont pas assez vaccinés contre l'hépatite B et où, pour ce faire, les chiffres les plus fantaisistes sont cités sur les possibles porteurs chroniques de l'Antigène HBs (entre 600 000 et 180 000) en oubliant de préciser que la France est un faible pays d'endémicité, je vais vous raconter une petite histoire de consultation.

[Précisons encore, mais il y en a ras le bol de le répéter, que la France est, en épidémiologie, la dernière de la classe des pays développés : les statistiques, au mieux, datent de cinq ans, et lorsqu'existent des publications internationales, il existe toujours des incertitudes sur les données françaises comme s'il s'agissait du Zimbabwe ou de Vanuatu... Il s'agit, pour l'hépatite B d'extrapolations et, dans un domaine comme la mortalité périnatale, on est la risée de l'Europe - voir ici]

Histoires de Consultations : huitième épisode.

Mademoiselle G est infirmière et elle a vingt-sept ans. Je la connais depuis son huitième jour de vie. Elle vient me voir parce que la médecine du travail de l'hôpital où elle travaille lui a demandé de se faire revacciner contre l'hépatite B.
Elle a apporté son carnet de santé que je vérifie et je constate qu'elle a reçu quatre injections de Genevac B (à l'époque kouchnero-douste-blazienne c'était comme cela). Quant au vaccineur, c'est bibi.
- Il ne me semble pas que cela soit nécessaire.
- Elle (le médecin du travail) était très insistante.
- Ce n'est pas comme cela que l'on doit procéder : je vais te prescrire un dosage d'anticorps.
- C'est ce que je lui ai dit...
Nous en avions parlé ensemble lorsqu'elle était encore à l'école d'infirmières.
- Et alors ?
- Et alors elle m'a dit que ce n'était pas nécessaire, qu'il suffisait de faire un rappel et le tour était joué. Cela prenait moins de temps.
Je lui réexplique la situation, lui parle de l'étude Hernan qui montre dans une étude cas-témoin intéressant des nurses anglaises que le risque de faire une SEP post vaccination était multiplié par 3,1 (voir les détails ici dans le blog) et nous convenons de faire pratiquer un dosage.

Les résultats du dosage : 1538 UI !

Je ne vous ferai pas l'injure de vous rappeler que ces taux sont 15 fois plus importants que ceux imposés par la réglementation.

J'attends toujours une réponse du médecin du travail...






mardi 19 mai 2009

EST-CE QUE LUTTER CONTRE LE TABAGISME EST REACTIONNAIRE ?

Combien de fois ne nous sommes-nous pas sentis impuissants, nous, médecins généralistes, quand nous étions confrontés à l'enthousiasme d'un patient qui désirait arrêter de fumer et qui pensait qu'une simple pilule ferait l'affaire ?

Il existe un tel écart entre les résultats obtenus dans les essais contrôlés et les commentaires dithyrambiques de la presse grand public sur les résultats obtenus par les nouvelles molécules miracle que les médecins généralistes ne peuvent que ressentir un malaise et un futur sentiment d'incompétence quand l'échec arrivera.

Car les médecins généralistes informés et avisés savent qu'à un an seuls un ou deux patients sur les dix qu'ils auront pris en charge auront arrêté de fumer.

Quant à ceux qu'ils auront envoyés dans un centre anti tabac pour consulter un spécialiste, un tabacologue distingué, ils ne bénéficieront pas de meilleures statistiques.

Qu'est-ce qui se passe ?

Le tabac est d'abord une drogue dure.

Ensuite le tabac tue. Et il tue plus que l'héroïne et la cocaïne associées.

Le cancer du poumon est une saloperie : grosso modo 28000 nouveaux cas par an en France et 27000 morts. Le taux de survie à 5 ans est de 5 %

Et nous ne parlerons pas ici des autres atteintes cardiovasculaires et pulmonaires qui tuent encore plus chaque année en France.

Mais le tabac est aussi une donnée sociétale.

Pendant des décennies les industriels du tabac, alias Big Tobacco, ont menti, payé, prévariqué, truqué, publié des fausses études cliniques, fustigé les essais cas-témoins demandant des essais contrôlés en double-aveugle, afin de ne pas reconnaître que le tabac pouvait rendre malade.

Ils ont aussi financé des campagnes de presse qui soutenaient que fumer était un droit fondamental, une partie inaliénable de la liberté individuelle et que chaque individu avait bien le droit de mourir de ce qu'il voulait.

Cette attitude existe encore de nos jours où la liberté de fumer dans les lieux publics est mise au même niveau que celle de pouvoir rouler à toute vitesse sur les routes, et sur les autoroutes, à ne pas limiter la vente d'alcool à certaines heures et, plus généralement, à refuser que l'Etat se même des affaires des citoyens.
Ce point de vue anti étatiste est, en France, plutôt classé à droite, plutôt dans la droite franchouillarde, ou, pour faire plus académique : ce sont des libéraux de droite.

Mais il existe une critique de gauche qui n'a pas eu besoin de Big Tobacco pour se développer.

Cette critique de gauche assimile la lutte contre le tabagisme à l'hygiénisme réactionnaire anglosaxon ; ces braves gens oublient que l'hygiénisme n'est pas seulement une invention anglosaxonne (la fin du dix-neuvième siècle français a été riche en publications hygiénistes, l'école française ayant eu sa part du gâteau) mais n'hésitent pas à utiliser un argument chauvin que les libéraux de droite pourraient utiliser avec profit, l'antianglosaxonisme primaire. Les appellerait-on des libéraux de gauche (ils préfèreraient libertaires) ?

Il n'est pas rare de rencontrer des libéraux de droite qui sont contre le cannabis et pour l'alcool mais ausi des libéraux de gauche qui sont pour le cannabis pour la seule raison que l'alcool et le tabac sont des drogues légales.

Mais là où les libéraux de gauche sont forts c'est qu'ils arrivent à être des opposants des campagnes anti tabac grand public, alors même que certains médecins de gauche sont capables, dans le secret de leur cabinet, de s'atteler à la tâche compliquée d'aider un patient à arrêter le tabac, parce que, premièrement, c'est Big Pharma qui mène la danse (avec des médicaments, on l'a vu, assez peu efficaces), et, deuxièmement, parce que la lutte contre le tabac est une mauvaise manoeuvre anti sociale puisque cela stigmatise les populations défavorisées (voir ce blog sur la situation américaine) : « Le poids des maladies tabaco-dépendantes tombe de façon disproportionnée sur ceux qui ont le statut socio-économique le plus bas. Les cigarettiers font essentiellement leur proie des pauvres, des moins éduqués, et de ceux qui souffrent de pathologie mentale ou d’addiction médicamenteuse, et, parmi les populations les plus vulnérables, les jeunes. Le tabac est le seul produit commercialisé qui ne présente aucun bénéfice et qui entraîne sans équivoque le plus de risques pour la santé humaine. »

Et ainsi, le doute s'installant, il devient encore plus difficile de traiter le tabagisme comme il se devrait, c'est à dire avec le consentement éclairé des patients.

Il existerait un antitabagisme de droite qui serait l'allié de Big Pharma contre lequel, pour des raisons de conflits d'intérêts, il faudrait s'opposer et un antitabagisme de gauche, libertaire en quelque sorte, qui refuserait Big Pharma tout en favorisant Big Tobacco (mais comme disent les marxistes : il faut savoir distinguer la contradiction principale et la contradiction secondaire).

Ainsi, en suivant les libéraux de gauche, le champ libre serait laissé à Big Tobacco dans les pays du Tiers-Monde (c'est là où il y a le plus de déshérités) et il faudrait combattre Big Pharma dans ceux où l'ultralibéralisme (de droite) règne.

Comprenne qui pourra.

Ces controverses francofrançaises sur le combat contre le tabagisme, comme seuls les Français en ont le secret, font aussi le jeu des gourous, des sectes, des acupuncteurs, des auriculothérapeutes, des mésothérapeutes, des homéopathes, des naturopathes de tous poils, des freudiens de toutes obédiences, des tenants de la théorie du cerveau reptilien, des tenants de la théorie qui veut qui peut, et cetera et rend les non fumeurs médecins suspects de se mêler de choses qu'ils ne comprennent pas...

Il est donc possible que prescrire des gommes ou des patchs ou des antidépresseurs recyclés dans la lutte contre le tabac soit le fait de médecins réactionnaires... et vendus à Big Pharma. mais je n'y crois pas une seconde.

Nous sommes désemparés devant un fléau qui tue beaucoup.








dimanche 10 mai 2009

GRIPPE MEXICAINE VUE DE LA MEDECINE GENERALE : UN FIASCO

Madame Bachelot n'y est pour rien mais la gestion de cette minicrise porcino-mexico-grippale A a été un fiasco total du point de vue de la médecine générale et des médecins généralistes.
Madame Bachelot n'y est pour rien car elle est au sommet (instable) d'une pyramide où la bureaucratie se dispute à la lutte d'influences et aux conflits d'intérêt multiples et variés.

Les médecins généralistes ne sont pas la cinquième roue du carrosse : ils n'existent pas. Pour les observateurs avertis du fonctionnement institutionnel de la médecine française ce n'est pas une nouveauté mais cela mérite que l'on s'y arrête une nouvelle fois.

Il ne s'agit pas de savoir si Madame Bachelot sait, en théorie, qu'il y a des gens qui s'appellent médecins de première ligne en France, il s'agit seulement d'analyser les faits. Les médecins généralistes sont considérés comme quantité négligeable et insignifiante.

Je ne reviendrai pas sur le fait que les médecins généralistes ont de lourdes responsabilités dans cette affaire (en ne revendiquant pas un statut scientifique mais un statut social) mais je me placerai simplement sur le plan de la Santé Publique. Car Madame Bachelot doit s'occuper de Santé Publique, pas seulement de Gestion Médiatique de la Crise.

Les grincheux et les rigolards ont beau jeu de se gausser du fait que la pandémie annoncée n'était qu'une tempête dans une tasse de thé et de s'indigner du tapage médiatique générateur de peur. que les pouvoirs publics ont engendré. Heureusement que la pandémie s'est éteinte ! Dans le cas contraire les grincheux et les rigolards auraient changé leur fusil d'épaule en parlant d'impréparation, de gabegie, de médiocrité de la puissance publique. Mais c'est maintenant qu'ils doivent s'interroger sur les manques de la politique publique et sur leurs propres insuffisances.

Madame Bachelot, vous êtes le chef d'un bordel bureaucratico-administratif qui pourrait faire les délices d'une analyse de cas dans une école de management.

Qui contrôle qui ? Qui contrôle quoi ? Qui est le chef ? Le Ministère de la Santé ? La DGS ? L'INVS ? Les structures locales ? Le Préfet de Région ? Le Préfet de Département ?
Qui donne des consignes ? Qui informe ? Qui connaît l'ordre des priorités ? Qui connaît les intermédiaires ? Qui connaît les correspondants ? Qui sait par quelle voie il est possible de joindre les soutiers de base, i.e. les médecins généralistes et, plus généralement les professionnels de santé ? Qui s'est préoccupé des infirmiers libéraux, des kinésithérapeutes, des pharmaciens, des orthophonistes, des ambulanciers, des brancardiers et autres secrétaires de cabinets médicaux ?

J'ai donné ici des exemples d'interventions multiples et variées au niveau des médecins généralistes qui montraient l'impréparation ministérielle tant intellectuelle que logistique.

Le médecin généralistes est informé par
  1. La presse grand public : les communiqués de presse précèdent les informations destinées au corps médical
  2. Le Ministère de la Santé
  3. La Direction Générale de la Santé par le biais de ses messages DGS-Urgent que seuls reçoivent les médecins abonnés
  4. L'institut National de Veille Sanitaire
  5. Le Ministère de l'Intérieur et l'ineffable Madame Alliot-Marie
  6. Le Conseil de l'Ordre qui relaie (?) les informations avec un délai de quelques jours
  7. Le centre 15, s'il l'appelle
  8. La DASS, s'il en connaît l'existence.
  9. Les professeurs qui s'expriment ici et là sur les ondes en racontant tout et n'importe quoi.
  10. La presse médicale dont l'incompétence ne fait plus aucun doute.
  11. Les Autorités préfectorales.
Le médecin généraliste, chère Madame Bachelot, ne sait pas quand il recevra des masques, quand il disposera de tamiflu, où seront situés les centres de consultation, dans quelle mesure il sera réquisitionné, s'il le sera.

Existe-t-il dans votre entourage, chère Madame Bachelot, un seul médecin généraliste pratiquant pour vous donner son avis ? Savez-vous que les médecins de première ligne seront vraiment en première ligne si les cas se multiplient, que le SAMU sera très rapidement débordé, que les hôpitaux itou, et les services de l'Etat décimés, non par la grippe elle-même mais par la désorganisation intense qui existe en dehors de toute crise et quand il y a à peine dix cas sur le territoire français (treize à l'heure où j'écris) ?

Les médecins généralistes seront en première ligne et pour quoi faire ? Pour attraper la grippe ?

Quelques conseils, Madame Bachelot :
  1. Décidez une fois pour toutes qui fait quoi et quoi fait qui.
  2. Communiquez de façon unique afin que le message ne soit pas brouillé.
  3. Suivez les consignes qui ont été édictées avant que l'épidémie ne se déclare : Plan Grippe Aviaire, et n'en bougez pas.
  4. Respectez la hiérarchie de l'information : prévenez d'abord la corps médical puis le grand public. Prévenez tous les médecins et pas seulement les experts et les universitaires. N'oubliez pas les professionnels de santé.
  5. Tirez les leçons de cette expérience : nous ne sommes pas prêts et les médecins généralistes pas plus que les autres.
  6. Créez un fichier de tous les médecins de première ligne afin qu'ils puissent être prévenus directement et non par l'intermédiaire de corps inutiles pour la gestion d'une telle crise comme le Conseil de l'Ordre des Médecins...
  7. Simplifiez les circuits décisionnels afin que le site Théodule ne communique pas en même temps que le site Trucmuche, sachez qui est responsable de quoi et qui contacter quand il est nécessaire d'obtenir une information rapide.
Sachez, chère Madame Bachelot, que les médecins généralistes sont avides d'informations, capables de comprendre et sont les premiers à parlers aux patients / malades pour les informer et les rassurer.

La médecine générale existe : je la pratique tous les jours.
J'ai un cerveau, deux pieds, deux mains, un coeur mais je n'aime pas qu'on me prenne pour un con.



vendredi 8 mai 2009

LE CIANE : SEULEMENT LA VERITE QUI NE FACHE PAS SUR LA NAISSANCE

La Revue Prescrire dans son dernier numéro 307 de mai 2009 (pp 376-378) donne en exemple l'association CIANE (Collectif Interassociatif Autour de la NaissancE) parce que , je cite, elle "... mène une action indépendante et transparente pour améliorer la qualité des soins en périnatalité en France."

L'article étant tellement dithyrambique et sans l'once d'une ébauche de la moindre esquisse d'une critique, je suis allé, curieux, consulter le site.

Je trouve un sujet qui m'intéresse (le syntaxiquement correct eût été d'écrire, comme LRP, "le sujet m'interpelle" et j'aurais pu ajouter, encore plus dans les clous : "au niveau de mon vécu") qui concerne l'accouchement à domicile, je réponds en citant ce blog et ma réponse est publiée et commentée. Le commentaire est cinglant et m'accuse, en gros, de ne pas savoir lire le néerlandais et se termine par une phrase décisive :"Il ne suffit pas de lire les éditoriaux et les résumés d'articles, il faut lire l'étude en entier avant d'en tirer un commentaire aussi définitif !" Dont acte cher Monsieur Bernard Bel. Et le Bel en question de me renvoyer sur les documents de l'affaire, c'est à dire une polémique entre Bel et le BMJ et plus particulièrement un rédacteur que j'aime bien depuis des années, Tony Delamothe et un autre rédacteur, Tony Sheldon. Il s'agit de nombreux courriers échangés entre Bel et le BMJ qui finissent par ceci : Tony Delamothe n'aurait pas dû écrire 51 % des femmes néerlandaises qui avaient décidé d'accoucher à domicile finissent le travail à l'hôpital mais SEULEMENT 51 % des primipares et 17 % des multipares ! Ce qui me paraît énorme ! D'autant que Bel ne conteste pas ceci : le risque de décès intrapartum ou à la naissance augmente de 25 % !

Et là où Bel est malhonnête, je pèse mes mots et je me réfère à un intertitre de La Revue Prescrire laudant l'association "Des propositions fondées sur des données validées", c'est que 1) Il ne publie pas ma réponse et 2) Dans l'argumentaire qu'il a écrit sur le décès d'un bébé dans l'Ariège, il ne cite pas les sources néerlandaises et cite des sources pour le moins contestables et qui, par quelque bout qu'on les regarde, sont aussi près de l'EBM qu'ALLI est près de l'efficacité !

Cela dit, je me suis promené sur le site du CIANE, y ai vu des réflexions intéressantes, des choses surprenantes, des expressions maladroites, des points de vue ambigus mais nous sommes loin des ambitions afichées dont celle-ci, qui me laisse pantois : la définition du CIANE "Un collectif qui se voudrait être le porte-parole des parents et des futurs parents, de tous les citoyens." Diable ! Je ne dois pas faire partie des citoyens ad hoc : je suis trop quoi ?

Je reviendrai une autre fois sur la démocratie internet et sur les réseaux bien-pensants de la blogomédicosphère. Ainsi que sur la pseudotransparence de ces réseaux "indépendants".

Pour paraphraser Milan Kundera : Chaleur des sentiments, sécheresse de la démocratie.

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SUITE DE L'AFFAIRE : Monsieur Bel a répondu à 19h59 ce jour. Vous lirez sa réponse (partielle). Sur son blog. Le débat est clos : j'ai compris qu'il n'était pas nécessaire d'aller plus loin puisqu'il semble que le CIANE AIT TOUJOURS RAISON !

Je reviendrai donc sur la démocratie participative sur Internet dans un autre billet.

jeudi 7 mai 2009

GRIPPE MEXICAINE : COMMENT PENSER LA CATASTROPHE



Il semble, au moment où j'écris ces lignes, que le danger de la grippe mexicaine soit écarté. Tant et si bien que tous ceux qui ont glosé sur la médiatisation excessive, la peur engendrée par les différents communiqués de l'OMS, du Ministère français de la Santé, ont beau jeu dire : on vous l'avait bien dit ! Il n'y avait aucun risque ! Et ils ont ainsi évité de s'interroger sur le risque réel, sur l'impréparation de tous et de chacun et de se moquer des prophètes de malheur et autres Cassandre.

Je voudrais, à la suite de Jean-Pierre Dupuy et de Gunther Anders, rappeler le texte que ce dernier a écrit, sous forme de parabole, à propos de l'histoire du déluge.

Noé, fatigué de jouer les prophètes de malheur et d'annoncer sans cesse une catastrophe qui ne venait pas et que personne ne prenait au sérieux...
...un jour se vêtit d'un vieux sac et mit des cendres sur sa tête. Ce geste n'était permis qu'à celui qui pleurait son enfant chéri ou son épouse. Vêtu du costume de la vérité, acteur de la douleur, il repartit à la ville, décidé à tourner à son avantage la curiosité, la malignité et la superstition de ses habitants. Bientôt, il eut rassemblé autour de lui une petite foule curieuse, et les questions commencèrent à se faire jour. On lui demanda si quelqu'un était mort et qui était ce mort. Noé leur répliqua que beaucoup étaient morts et, au grand amusement de ses auditeurs, que ces morts c'étaient eux. Lorsqu'on lui demanda quand cette catastrophe avait eu lieu, il leur répondit : demain. Profitant alors de l'attention et du désarroi, Noé se dressa dans toute sa grandeur et se mit à parler : après-demain, le déluge sera quelque chose qui aura été. Et quand le déluge aura été, tout ce qui est n'aura jamais existé. Quand le déluge aura emporté tout ce qui est, tout ce qui aura été, il sera trop tard pour se souvenir, car il n'y aura plus personne. Alors il n'y aura plus de différence entre les morts et ceux qui les pleurent. Si je suis venu devant vous, c'est pour inverser le temps, c'est pour pleurer aujourd'hui les morts de demain. Après-demain, il sera trop tard. Sur ce, il rentra chez lui, se débarrassa de son costume, de la cendre qui recouvrait son visage et se rendit à son atelier. Dans la soirée, un charpentier frappa à sa porte et lui dit : laisse-moi t'aider à construire l'arche, pour que cela devienne faux. Plus tard, un couvreur se joignit aux deux en disant : il pleut par dessus les montagnes, laissez-moi vous aider, pour que cela devienne faux. (Günther Anders : Endzeit und Zeitende, Munich, C.H. Beck, 1972)
Je vous laisse à vos réflexions en terminant par cette phrase de Jean-Pierre Dupuy (In : Petite métaphysique des tsunamis, Paris, Seuil, 2005) : Le prophète de malheur n'est pas entendu parce que sa parole, même si elle apporte un savoir ou une information, n'entre pas dans le système des croyances de ceux à qui elle s'adresse.