Le joli monde de oui oui
Je déterre une vieille histoire qui date de septembre 2010 parce que John Snow m'a rendu songeur.
Madame A, 86 ans et demi, est admise dans une clinique de la région parisienne pour une video pleuroscopie avec talcage dans le cadre d'une LMC "acutisée". Le geste aura valeur diagnostique et thérapeutique : on hésite dur entre sarcome et lymphome. Et cela permettra probablement de commencer une chimiothérapie.
La veille de l'intervention l'anesthésiste entre dans la chambre sans se présenter et en présence de la fille de la patiente.
Dix minutes plus tard la fille de la patiente téléphone au médecin traitant de la patiente : "Maman ne veut plus se faire opérer. - Pourquoi ?" Et la fille de la patiente raconte l'affaire.
Le docteur : Alors, mamie, la videopleuroscopie, vous voulez la faire comment, sous locale ou sous anesthésie générale ?
Madame A : Je ne sais pas. C'est à vous de décider.
Le docteur : Ben non, ma brave dame, c'est à vous. Y vous a rien dit le chirurgien ?
Madame A : Non. Il faut demander mon fils.
Le docteur : C'est pas votre fils qui va se faire opérer. D'ailleurs, je voulais aussi vous dire que c'est drôlement douloureux, comme geste, vous allez sacrément souffrir après.
Madame A : On ne me l'avait pas dit. Je ne veux pas souffrir.
Le docteur : Ouais, ben moi, jvouldis."
Le médecin traitant, un connard fini, s'étonne, s'inquiète, une videopleuroscopie sous locale ?
Madame A : Tu ne m'avais pas dit que j'allais souffrir...
Le médecin traitant qui est aussi le fils de la patiente mouline dur. Elle vient de passer trois semaines dans les hôpitaux et tout le monde a mouliné et voilà que lui aussi mouline... "Tu veux que je passe ? - Oui, je préfèrerais." Le médecin traitant passe.
Le lendemain matin, et après qu'il eut été confirmé, même la secrétaire du service le sait, que les videopleuroscopies se font sous AG, le médecin traitant fils n'arrive pas à joindre sa mère dans sa chambre. Après enquête, elle a été transférée en réanimation cardiologique.
Le cardiologue : On ne peut pas l'opérer, elle est en poussée d'insuffisance cardiaque majeure.
Le médecin traitant fils : Je l'ai vue hier soir, elle allait bien.
Le cardiologue : les BNP sont à 5000.
Le médecin traitant fils : Cinq mille ?
Madame A a au la trouille de sa vie après la visite de l'anesthésiste qui ne s'est pas présenté dans la chambre : elle a libéré des catécholamines à gogo.
La veille, les BNP étaient à 250 (on a dû changer le système de dosage !)
Elle n'a jamais eu de videopleuroscopie et le charmant anesthésiste continue d'endormir les malades dans la clinique.
(J'ai encore des anecdotes sur les malades considérés comme du bétail par les "endormeurs").
Je suis encore en colère.
Mais je ne suis qu'un médecin généraliste traitant et fils de patiente.
6 commentaires:
ca y est, je suis une star, j'ai droit à mon post perso.
Loin de moi de réveiller les vielles rancoeurs anesthésiques. il y a des cons partout, et dans partout il y a aussi "clinique" et "Paris". Je ne polémiquerai pas sur ce cas précis. Je dirai juste que l'anesthésie et la chirurgie doivent toujours être effectuées de manière conjointe en respect du patient. Sans le prendre en otage. En toute responsabilité. Et ce ne sont pas des voeux pieux, je balaye tous les jours devant ma porte. Quand je tombe sur un cas que j'estime foireux, j'en cause. Au patient, au chirurgien, au référent. Et je sais que je peux me tromper, je le dis. Mais je dis ce que je pense. Je me présente toujours, je retiens tous les noms. J'ai bonne mémoire, et j'aime bien qu'on retienne le mien. Mais charité bien ordonnée commence toujours par soi même.
Et je n'aime vraiment pas qu'on casse du gazier, c'est viscéral.
J'ai des souvenirs, jeune externe, de salles d'opération et de chirurgiens insultant copieusement des patients, par exemple obèses, sur la table d'opérations.Exactement comme un mécanicien qui s'énerve devant un moteur qui lui résiste. Ou malmenant les infirmières du bloc.
Ou encore cette fois où j'étais seule dans un petit bloc, avec un chirurgien qui amputait un vieillard. Moi j'avais une sorte de grosse pince et je tenais la jambe. Quand il eut terminé il est sorti faire je ne sais plus quoi et je suis restée seule avec le vieillard et la jambe entre les mains, cinq bonnes minutes à me poser des questions existentielles: "to be or not to be..."
Globalement, j'en ai retenu que les chirurgiens, comme ceux qui choisissent des métiers d'une grande technicité, sont davantage des techniciens, avec un souci de performance technique, et il en faut, que des médecins tels que les patients peuvent se les imaginer.
Le malentendu vient peut-être de là. Les patients s'attendent à trouver des médecins.
Il y a sûrement des exceptions. Mais ce sont des exceptions.
Quant au corporatisme, cela revient à placer ses confrères de la même spécialité plus près de soi dans les cercles de proximité dont on est le centre. A savoir que notre loyauté serait d'abord due à nos confrères et ensuite seulement aux patients. Alors que c'est l'éthique professionnelle qui devrait primer.
Le corporatisme, qui autorise la pérennité des dysfonctionnements dans tous les corps de métiers à cause de toutes ces défaillances, ces fautes, parfois très graves non dénoncées et qui, si on les avait dénoncées, auraient permis d'éviter d'autres victimes et auraient permis de trouver des manières et procédures pour améliorer les pratiques.
CMT
Une petite pierre qui n'a que la valeur d'une expérience d'une unique personne : entre 3 fois rien et rien tout court.
Un passé un peu plus chargé que la moyenne en matière de chirurgies et d'anesthésistes... et de médecine tout court, d'ailleurs.
De quoi comparer, à ma modeste échelle.
Bilan : de tout, des intuitifs/ves, des tout(es)-bouché(e)s, des judicieux/ses, des dépassé(e)s, des causants/tes, des rugueux/ses... un inventaire à la Prévert. Logique. Humain.
Une seule catégorie a tenté de me faire peur / me terrifier pour imposer ses vues. Pas à chaque fois, mais plusieurs fois, dans des lieux différents, des personnes différentes. Devinerez-vous laquelle ?
Allez, petit indice. Ca ne commence pas par "ch".
Certains médecins ne doivent pas être en contact avec des gens, des êtres vivants. Ils sont sans jugeotes, méprisant, imbus d'eux-même et je les nommes des cons - le savoir ne suffit pas pour soigner, la communication humaine est important et je pense un facteur d'amélioration de la santé (genre placebo).
Je me demande si l'anesthésiste n'avait tout simplement pas envie de faire anesthésiste, ce travail qui est le sien. Il voulait peut-être terminé plus tôt et pour cela on fait peur au malade. Avec des représentant de ce genre, pas étonnant que les gens n'ont peu de confiance envers les médecins ou la médecine.
Je comprends votre colère. J#en ai vu, vécu pas mal de truc aussi où j'étais un interlocuteur uniquement pour les factures et l'administratif, mais surtout pas pour la prise en charge ou information sur le traitement de mon père qui n'arrivait plus à suivre ou comprendre les indications thérapeutique (le diabète est une sale maladie). Quoique pour moi-même au milieu hospitalier ce n'était pas mieux - j'étais informé par les infirmières ou l'assistante sociale, parfois même pas du tout, en ce qui concerne le traitement ou l'intervention.
J'espère que votre mère aille mieux et a "digéré" ce médecins sans cœur.
Bonne soirée
Chantal
je voudrais pas paraître pédant, mais le début du billet "LMC acutisé" et la notion de lymphome et de sacrome je vois pas le rapport...
Une LMC s'acutise en LEUCEMIE AIGUË, une LLC se transforme en lymphome de haut grade (Richter)...
Après, à 86 ans, dans les deux cas, le traitement (s'il faut vraiment en proposer un) n'est pas curateur...
Il est dommage que l'hématologue anonyme n'ait pas donné son adresse (anonyme) : il s'agissait d'une transformation aiguë d'un syndrome myélodysplasique sur un mode de sarcome granulocytaire chez une patiente qui avait fait un syndrome d'activation macrophagique un an auparavant qui avait répondu très favorablement à de faibles doses d'etoposide.
Je ne donne pas plus de détails pour des raisons que vous comprendrez et, pour l'hématologue anonyme, je remercie ici encore une fois les docteurs Marfaing (hématologue) et Chaïba (interniste).
L'histoire de cette patiente serait intéressante à détailler, elle était compliquée, et c'est le laboratoire de Béclère qui a fait le boulot sur la biopsie et le prélèvement pleural. J'en finirai là pour l'histoire technique. Pour l'histoire psychologique... Je reviendrai une autre fois sur le rôle supposé de l'anesthésiste.
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