samedi 17 décembre 2011

Un spectacle de khon intégral. Histoire de consultation 110.

J'ai attendu un peu pour raconter cette histoire (deux jours). La colère n'est jamais bonne conseillère. Ne croyez pas ou, si, croyez-le, que je veuille me donner le beau rôle et que je fasse de l'anti spécialisme (non d'organe puisqu'il s'agit d'un anesthésiste) primaire (voir ICI ou LA), mais cette histoire est vraie, vérifiée, authentifiée.
Donc, Madame A vient consulter pour une banale rhinite. Je ne l'ai pas vue depuis un an car elle a déménagé à plus de trente minutes du cabinet et, dit-elle, n'a pas été malade. Elle me parle d'elle et, incidemment, de son mari, 42 ans. C'est l'histoire du mari qui m'a rendu bizarre.
Elle me dit que son mari a été opéré d'un kyste du testicule. Je ne dis rien bien que je sois le médecin traitant et que je n'aie rien su. Disons que, d'une part, ils ne m'ont rien dit et, d'autre part, je n'ai eu aucun courrier/ Mais il s'agit probablement d'une histoire d'ego.
Pour cette part triviale de l'affaire que je vais expédier rapidement : le patient s'est découvert une boule au testicule et il a paniqué (il n'y a pas de jeu de mot) ; au lieu de téléphoner à "son" médecin traitant, il en a parlé à un copain qui connaît un urologue (que je connais également) et il a eu droit à un accès direct.
La femme de Monsieur A continue : mon mari s'est rendu à la consultation d'anesthésie (il avait été convenu avec l'urologue que le kyste devait être enlevé) et l'anesthésiste, entre deux mots, lui a dit que c'était un cancer. Le mari lui a fait répéter et l'autre a confirmé. En sortant il a appelé sa femme qui a été aussi abasourdie que lui alors que l'urologue n'avait parlé de rien, que l'échographiste n'en avait pas plus dit (pas plus que le compte rendu d'échographie) et que l'urologue, après avoir revu le patient avec l'échographie avait été pour le moins rassurant.
J'ai laissé passer ma surprise. Je l'ai dit assez souvent ici, il faut toujours faire attention à ce que disent les patients, au sens propre et au sens figuré. Attention, car ils peuvent avoir interprété les propos d'un confrère (comme ils peuvent interpréter à tort nos propos) et s'être trompés ; attention, car les propos des patients, tout comme leurs plaintes, ont souvent plus de substrat que nos préjugés ; mais pas toujours.
"Nous avons passé une semaine difficile jusqu'à l'intervention. - Vous n'avez pas appelé l'urologue ? - Non, j'ai appelé, précise Madame A, l'anesthésiste en lui demandant de quel droit il avait pu dire à mon mari qu'il avait un cancer alors qu'il n'en avait aucune preuve." D'après la femme du patient, toujours, l'anesthésiste s'est excusé, a affirmé qu'il n'avait pas voulu dire cela et ajouté qu'il voyait tellement de cancers en ce moment... Mais ils ont passé une très mauvaise semaine.
Tout s'est bien terminé puisque le kyste était kystique bénin (je n'ai toujours pas le compte rendu histologique).
J'ai demandé le nom de l'anesthésiste (que je ne connaissais pas) et j'ai tenté, contre toute logique, de l'appeler pendant la consultation, mais il n'était pas là avant lundi.
J'ai redemandé à Madame A ce qu'avait dit l'urologue. Pas grand chose, m'a-t-elle répondu, qu'il allait voir.
J'ai quand même essayé de ne pas ajouter de l'huile sur le feu et la femme du patient m'a dit qu'elle avait failli aller coller une gifle au dit anesthésiste et je lui ai répondu que ce n'était pas bien mais que cela méritait même plus : un grand coup de poing dans la figure. Elle m'a regardé, surprise et m'a dit : J'ai dû empêcher mon mari d'aller le faire.
Est-ce qu'il y a autre chose à dire ? Ou à faire ?
Cet anesthésiste continuera de sévir malgré mon futur coup de fil dont il se moquera comme d'une guigne.
Peut-être vaut-il mieux que je lui écrive en lui donnant le lien avec le blog ?
C'est peut-être moi qui aurai droit à des poursuites devant le Conseil de l'Ordre. Je m'en moque. Mais ce qui compte : est-ce que cela changera quelque chose à l'attitude de ce gougniafier ? Non. 
Spectacle de Khon à l'université Thammasat de Bangkok (2009)
Le chirurgien ne fera rien.
Je n'ai pas de chances avec les kystes et les urologues : voir ICI. Ma responsabilité est moins engagée : je n'ai pas adressé le patient. Mais si, maintenant, quand on adresse un patient à un  chirurgien non choisi en DCI il faut aussi s'assurer de la qualité de l'anesthésiste, on est mal partis !

6 commentaires:

Anonyme a dit…

Je reste dubitatif.Cette histoire me semble très étrange...Avez vous eu confirmation par les médecins incriminés ?
D'autant que ce type de patient n'aurait pas hésité à porter plainte pour "préjudice morale" et rafler quelques euros au passage.
L'anesthésiste ne fait il pas office de bouc émissaire pour l'angoisse suscitée ?
Merci pour votre blog

JC GRANGE a dit…

Je ne peux pas vous laisser dire cela. Pas de plainte. Rien. De l'angoisse. Vous ne pouvez pas dire "ce type de patient". Qu'en savez-vous ?
Je saurai ou ne saurai pas bientôt. Je sais déjà ce que va dire l'anesthésiste : "Ce sont des cons. Ils n'ont rien compris. Je n'ai jamais dit cela."
Ce que ces patients n'ont pas compris, c'est qu'ils avaient un médecin traitant. Et je vérifie tous les jours qu'ils n'ont pas forcément le réflexe de m'appeler. Parce que je suis surchargé, fatigué, ou froid et distant, je ne sais pas. Ou en raison de la propagande télévisuelle où les généralistes ne sont jamais invités ou presque (Lehmann, Dupagne) dans des émissions où tout est fait pour favoriser le spécialiste.
Je crois surtout que j'aurais dû engueuler la femme du patient dans le style, monté sur des ergots : C'est moi le médecin traitant. Je ne l'ai pas fait car j'étais en colère.
Pour des raisons de confidentialité je ne donnerai une suite à cette affaire si la vérité n'a pas été celle que j'ai dite dans le post.
Bien à vous.

Picorna a dit…

Combien de fois ai-je du expliquer à un patient ou sa famille que non, le chirurgien (ou l'anesthésiste) a une connaissance très médiocre de la pathologie cancéreuse sur son versant médical et qu'a part en prendre un morceau ou l'enlever, il ne servait qu'à ça...
C'est assez consternant, j'ai plusieurs patients par an qui arrive en consultation en pensant leur dernière heure (ou du moins derniers mois arrivés) suite à une biopsie ganglionnaire. Le chirurgien leur dit que c'était très grave, qu'lls auraient de la chimio.
Je dois passer derrière leur dire que non, un lymphome de bas grade n'est pas toujours grave et que parfois même on le laisse tranquille des années voire qu'on ne le traitera pas tout court s'il n'évolue pas... Je pense que vous pouvez imaginez le travail qu'il faut faire derrière tout ça parce que le collègue chirurgien n'a pas su fermer sa grande gueule.

Une fois, un chir zélé m'a même mis une chambre implantable... Ca doit faire trois ans, elle est toujours en place car le patient ne la sent pas et ne veut pas de geste. Son lymphome indolent n'évolue pas, la chambre implantable n'a pas servi... J'ai eu la main qui m'a démangé... J'ai fait un petit courrier sarcastique qui n'a pas plu, l'ai eu au téléphone pour lui expliquer calmement la situation mais depuis, ce chirurgien ne met plus les chambres que lorsque je lui précise...

John Snow a dit…

Appelez-le et racontez-nous la suite. Tenir un vrai con est une chose rare, il est souvent plus difficile de tenter de comprendre. J'aimerais assez comprendre. L'avis du chirurgien ne serait pas inutile non plus.

Et puisque nous sommes en période propice, j'ai une commande à passer auprès du père Noël: une histoire de bon anesthésiste. Ca devient urgent.

Merci d'avance.

JC GRANGE a dit…

@ John Snow : avec plaisir : le cas 104 dans ce post http://docteurdu16.blogspot.com/2011/11/trois-appels-parmi-dautres-recus-dans.html

John Snow a dit…

Autant pour moi.
Je l'avais vu passer, mais il avait été éclipsé dans mon esprit par l'ubéreuse mais intéressante production de CMT qui a suivi. A ma décharge, je considère cette évocation comme anecdotique et ne ne pouvant compter à jeu égal avec trois billets mentionnant "khon" ou "anesthésiste" dans le titre. Cela dit, j'avais à l'époque sans le commenter souligné le beau geste.

Mais à tout seigneur tout honneur, si nous en restons sur un score de 3 à 0,5 (et je fais un effort) je prendrai modèle sur l'Ajax Amsterdam et réclamerai la tenue d'une commission d'enquête.

Je réitère donc ma demande, un billet avec "anesthésiste" dans le titre et sans morceau de khon dedans.
Je suis exigeant, je sais. Mais c'est Noël pour tout le monde, non?

PS: et le coup de fil, finalement?

Bien à vous