samedi 9 juillet 2011

Madame A est informée. Histoires de consultation 90.


Madame A m'annonce d'emblée qu'elle ne va pas bien.
Je l'écoute sans anticiper.
Madame A est une femme filiforme qui souffre de lombalgies et de cervicalgies associées à une névralgie cervicobrachiale particulièrement casse-pied. Depuis des années. Madame A fait d'incessants aller et retours entre son médecin traitant et son, si j'ose dire, rhumatologue traitant. Elle a aussi vu un neurologue, on ne saurait assez s'entourer d'avis expertaux, quand tout doute est permis au royaume de la douleur incessante, supportable mais irritante.
Madame A a lu avec son mari la liste des 77 médicaments qui ont été soumis par l'AFSSAPS à une surveillance renforcée (ICI sur le site de l'Express, le site de l'AFSSAPS étant assez peu convivial) dont le Rivotril (clonazépam pour les décéistes, variété de médecins qui, par convictions anti capitalistes, par rigueur scientifique, par passion snobinarde nomade, mondialiste ou internationaliste, par suivisme élitiste, par mimétisme de gauche, et cetera, et cetera, a décidé que le nom de marque était une hérésie absolue et que la DCI ou Dénomination Commune Internationale était à la fois le canon des élégances, la preuve d'une supériorité intellectuelle infinie et la raison d'être du prescripteur avisé, mais, nous y reviendrons un jour de façon plus argumentée) qui lui a été prescrit un jour (et il y a longtemps) par un neurologue conseillé par son médecin traitant et represcrit par le docteurdu16 à des doses ridicules (sept gouttes par jour). Elle a donc décidé d'arrêter d'elle-même et progressivement. Je résume : arrivée à deux ou trois gouttes de rivotril (une misère) elle a décidé de prendre un comprimé de Stilnox (zolpidem toujours pour les décéistes distingués) car elle commençait à ne plus dormir le soir (et, accessoirement, à avoir un peu mal). Le Stilnox est celui de son mari qui en avait jadis pris (c'est moi qui lui en avais prescrit car je suis aussi le médecin traitant du mari) et qui, sur mes conseils prodigués d'emblée, avait arrêté tout de suite de peur de devenir dépendant.
Je ne sais pas si vous arrivez à me suivre mais je rappelle aux débutants, à ceux qui pensent que la médecine générale est un exercice de santé et que le discours des patients est clair et compréhensible comme un livre de Guillaume Musso ou aussi mal dit ou écrit qu'un livre de Marc Levy, que le scénario d'une consultation de médecine générale est parfois déconcertant, mal fichu et ne s'éclaire parfois qu'à la toute fin de consultation qui, comme dit partout, dure cinq minutes et ne permet, paiement à l'acte oblige et dans le meilleur des cas (médecin en secteur opposable), que de récolter, si j'ose dire, que 23 euro, quoi qu'on fasse, dise ou suppute...
Donc, vous avez Madame A, 56 ans, qui décide de son propre chef de cesser de prendre du rivotril, sept gouttes le soir, de s'arrêter progressivement, et, le sommeil disparaissant, de s'auto-administrer du Stilnox prescrit initialement à son mari pour compenser le manque de sommeil.
J'écoute la patiente.
Madame A : "Ben, au début, tout allait bien, je dormais parfaitement puis, tout d'un coup, le Stilnox n'a plus fait d'effet. Et, si je reviens vous voir, c'est pour vous demander ce que je dois faire... J'avais bien envie de reprendre du Rivotril... Cela fait quand même huit jours que je ne dors plus..."
Je me racle la gorge, je me demande ce que je vais bien pouvoir lui dire.
a) Agressif : Voilà ce que c'est de se livrer à l'automédication !
b) Docte : Vous avez un médecin traitant, il eût mieux valu le consulter avant.
c) Arrogant : On se rappelle enfin que l'on a un médecin...
d) Compatissant : Allons, allons, ne nous énervons pas, nous allons régler ce petit problème.
e) Rassurant : 7 gouttes de Rivotril, c'est quand même pas la mort...
Je me rappelle aussi que j'ai prescrit un médicament de la liste des 77 (c'est ma culpabilité). Mais cette liste a été bien utile quand je voulais me débarrasser de médicaments prescrits par des spécialistes...
Donc, cette patiente ne dort plus depuis qu'elle a baissé les doses de Rivotril puis elle a dormi sous Stilnox puis s'est arrêtée de dormir.
L'ombre tutélaire de Peter Falk domine cette consultation.
Je lui explique d'abord quels sont les effets indésirables possibles du Rivotril et j'ajoute, à la dose que vous preniez, bon, passons, mais je lui explique aussi pourquoi on s'attarde en haut lieu sur ce médicament : parce que des patients sont devenus accrocs, parce que des patients en ont fait un usage intempetisf, parce qu'il y a des toxicomanes qui que...
Je lui dis que je ne m'explique pas non plus la raison pour laquelle le Stilnox est devenu inefficace.
Je lui dis que, si elle veut, elle peut reprendre progressivement le Rivotril jusqu'à atteindre la dose qui la fera dormir, que cela ne me dérange pas, mais qu'il est possible que le Rivotril disparaisse un jour et que nous aviserons en amont.
Elle me dit qu'elle avait pensé faire cela.
Puis, pour changer de sujet, pour éviter peut-être qu'elle me pose la question qui tue, à savoir "Pourquoi m'avez-vous laissé prendre et continuez-vous de me laisser prendre un médicament de la liste des 77 ?", je lui raconte une histoire vraie. Monsieur C, un patient en qui j'ai toute confiance, un médecin généraliste à la retraite, m'a dit qu'il avait eu une expérience de ce type avec le Stilnox : A partir du moment où le pharmacien lui avait donné le générique du Stilnox, du zolpidem truc muche chouette, il avait cessé de dormir. Et pourtant le docteur C est tout à fait persuadé (au contraire de moi) de l'équivalence des génériques.
Madame A me regarde comme si je venais de fixer l'oeuf de Colomb.
"Oui ?" fais-je.
"Vous savez", me dit-elle, "je vais vous raconter comment cela s'est passé : quand j'ai décidé de prendre du Stilnox c'est en fait ma belle-mère qui m'en a donné et quand sa boîte a été terminée, j'ai pris le Stilnox de mon mari qui est en fait du zolpidem machin chose..."
Silence.
Digressions du bon docteurdu16.
Bon, les tenants des génériques comme les décéistes vont me tomber sur le mou et me fournir tous les arguments possibles et imaginables, les arguments de Small Pharma, les laboratoires génériqueurs, pour me dire que ma patiente est une folle cinglée. Et ils auront tort. Elle n'est pas une folle cinglée.
Je vais écrire un article sur les génériques dont le titre sera : Les génériques : une catastrophe industrielle, scientifique et économique."
A bientôt.

(Photographie : Chicago. Docteurdu16)

vendredi 8 juillet 2011

Mon boucher a mal au dos. Histoire de consultation 89.


Mon boucher ne vient plus sur le marché depuis quatre semaines. Ses collègues (légumiers et fromagers) me disent qu'il a été hospitalisé pour "mal de dos". Quand il revient, amaigri, il me dit avoir perdu 20 kilos, il me raconte l'affaire : d'abord, il n'a pas été hospitalisé, vous savez, ce que racontent les gens..., il a" fait" une cruralgie aiguë, il est passé par les urgences, morphine, aucun effet sur la douleur sinon "dans le cirage"; il est revenu chez lui, il se traînait, il ne pouvait rien faire, au bout de dix jours on lui a fait une piqûre dans le dos, le simple fait de monter sur la table a été un martyre, après interrogatoire (sur le marché et entre deux clients) il s'agissait d'une infiltration scannoguidée, la piqûre n'a fait de l'effet qu'au bout d'une dizaine de jours, il ne prenait pas grand chose comme anti douleurs car il ne supportait ni le tramadol ni la codéine, il est donc revenu travailler, avec prudence, sa rhumatologue ne le sait pas (il se ferait drôlement engueuler me précise-t-il), mais, s'il tient, me dit-il, c'est grâce à un médicament drôlement fort, la lamaline, vous connaissez ?, très fort, il y a de l'opium dedans.
Je pourrais faire un million de commentaires sur ce cas clinique qui est aussi une histoire de chasse ou de marché.

Vous voulez que je donne du sens à tout cela ?
  1. Est-ce qu'il y a un lien entre la reprise du travail et le statut social (petit commerçant) ?
  2. Est-ce l'évolution "normale" d'une cruralgie aiguë ?
  3. Est-ce que l'infiltration scanno guidée a agi au bout de dix jours ?
  4. La morphine n'est pas une panacée dans ce type de douleurs.
  5. La lamaline (paracetamol + opiacé + caféine) est un médicament sans intérêt selon les experts qui n'ont pas tort (associer un opiacé et de la caféine à des doses pour le moins "curieuses", quelle en est la signification étiopathogénique ?) mais pourquoi s'en priver si sa balance bénéfices risques est peu alarmante ?
  6. La remise au travail précoce serait-elle finalement la panacée comme toutes les études "sérieuses" le disent ?

De nombreuses études existent sur la question. Où situer le questionnement EBM ? Comment interpréter ce que raconte un malade qui n'est pas le sien, qui raconte ce qu'il veut, qui interprète son échelle de douleurs sans les moyens "scientifiques" de la réglette, ou, plutôt, comment interpréter le discours d'un malade et le faire "coller" à ses présupposés, à ses croyances, à sa façon de voir les choses, ce que l'EBM appelle l'expérience interne mais ce qui peut, en d'autres occasions être appelé pifomètre ou agissements du médecin... Et nous n'avons pas encore parlé de l'ostéopathe, de la mésothérapie, de l'acupuncture, de la kinésithérapie, du laroxyl ou d'autres pratiques qui courent sur la planète médecine. "Mon" boucher est manifestement un cas particulier dont la vision du monde, plus trivialement sa vision des douleurs lombaires, le mal du siècle comme lui a dit son médecin traitant, aura été bouleversée par cette expérience très douloureuse. A partir de son affaire il pourra reconstruire un monde où la lamaline sera au centre de la pharmacopée et il se demandera pourquoi ce produit n'est pas prescrit par tous les médecins dans toutes les lombalgies, pourquoi on pourrait hésiter à en
prendre mais, surtout, pourquoi les lombalgiques qu'il a connus ou qu'il connaîtra ne réagissent pas à la lamaline, comme s'ils s'agissaient de "mauvais" malades ou de tire-au-flanc ne souhaitant pas reprendre le travail...
Il est toujours possible de tirer vers soi toutes les interprétations et de les faire s'adapter à notre vision du monde.
Un petit exemple de plus.

vendredi 1 juillet 2011

Un écart culturel. Histoire de consultation 88.


Monsieur A, 42 ans, a fait un stage post-opératoire dans un établissement de rééducation. Il en est sorti prématurément. Il avait été opéré pour une hernie discale après de longs mois de douleurs et il avait été convenu qu'il ne pourrait mener une vraie réhabilitation que dans un centre spécialisé. Il n'a pas eu de chance car on a dû le loger dans une chambre à deux et le deuxième occupant était un vieillard grabataire, insuffisant respiratoire et plutôt mal en point. Il n'a pas supporté la situation. Il n'a peut-être pas supporté le fait qu'il y ait du bruit dans la chambre, qu'il ne puisse pas dormir, qu'il geigne ou râle, qu'il pisse sous lui, qui pourrait accepter une pareille chose ? Monsieur A, et je ne sais pas si c'est une posture, je ne sais pas si c'est une façon de se justifier ou une façon de se donner le beau rôle, m'a dit ceci : "Ce n'est pas ma culture que l'on traite une vieille personne de cette façon là. Ce n'est pas comme cela que l'on m'a dit qu'il fallait s'occuper des vieilles personnes. Tout le monde lui parlait mal, quand il demandait quelque chose on l'engueulait, personne ne l'aidait vraiment à manger, c'est moi qui l'ai fait le temps que j'étais à côté de lui, c'est vraiment pas bien..." Monsieur A est algérien, il parle bien, il écrit le français, il est soudeur de profession, et j'ai essayé de défendre le système, j'ai essayé de défendre le manque de personnel, les faibles salaires et tout ce que j'entends dire et qui ne me convient pas. Mais je n'étais pas très convaincant, c'était un exercice de style comme si on m'avait demandé de défendre des idées que je ne partageais pas, même si je sais que le manque de personnel, le manque de formation, le manque de salaire, le manque de métier choisi cela n'arrange pas les choses... Mais le coeur n'y était pas.
Monsieur A est algérien mais cela ne fait que dix ans qu'il est en France, il n'a pas encore assimilé la culture française, son intégration se passe donc mal (à part qu'il est un bon ouvrier, à part qu'il était un bon ouvrier avant ses problèmes lombaires), puisqu'il a du mal à accepter la façon dont on traite parfois, dans certaines circonstances, les personnes âgées et malades dans nos institutions, publiques ou privées... Ce serait cela, l'intégration, accepter nos travers ? Car il m'a dit aussi que les femmes qui servaient les repas et les aides-soignantes itou, elles étaient souvent aussi maghrébines et qu'elles n'avaient pas compris ce qu'il voulait leur dire, à savoir qu'elles traitaient mal ce vieux monsieur et... Monsieur A m'a regardé avec un drôle d'air, je crois un air navré...
Je ne suis pas assez idiot pour croire que je peux m'exonérer d'une telle situation : c'est mon pays, ce sont mes hôpitaux, mes cliniques, mes centres de rééducation, mes chambres communes...
Je l'ai regardé et j'ai fini par lui dire : "Je suis désolé."

(Photographie : Salle commune de l'hôpital Général de Montréal en 1910)

mardi 28 juin 2011

La saison des amours. Histoires de consultation 87 et suivantes.


Le mois de juin est traditionnellement le mois des mariages.
Et depuis quelques semaines je ne cesse de recevoir des patientes qui viennent me voir avant de se marier et qui désirent la pilule. Qu'y a-t-il de si extraordinaire ? Qu'elle ne me demande pas d'emblée un dispositif intra utérin ?
Je cite à peine le cas de Mademoiselle A qui force ma consultation sur rendez-vous en prononçant la phrase magique "Il y en a pour deux minutes..." afin que je lui prescrive la pilule, la façon de s'en servir, la façon de ne pas l'oublier, la façon d'être "couverte" (si j'ose dire) dès le premier jour et cetera... Et celui de Mademoiselle A, une autre, qui me demande aussi la pilule et qui me dit que "Malheureusement, on ne parle jamais de ce qui se passe dans toutes les familles africaines du quartier..." sans récriminer, sans râler, et sans accepter non plus...

Je discutais de cela ce matin (mais pas seulement de cela) avec Monsieur A, 34 ans, un patient qui connaît la musique et avec lequel nous avons parlé de choses et d'autres, de choses banales et d'autres tout aussi réelles (sur les pratiques coutumières qui perdurent dans mon coin), mais qu'il n'est pas bon de rapporter pour plusieurs raisons : la première, parce que les propos que nous avons tenus (qu'il a surtout tenus), sont iconoclastes dans la société française ; ces propos peuvent même entraîner des interprétations tendancieuses qui feraient de lui un renégat ou un traître et de moi un propagateur des idées du Front National ; la deuxième parce que les propos en question, il ne pourrait les tenir en public (c'est lui qui me l'a dit en citant comme exemple une émission de JL Delarue) sous peine de risquer d'être mal vu de sa communauté (poularde africaine de France) ; la troisième, parce que mon point de vue sur la question, qui est un point de vue purement descriptif, pourrait être vécu comme une critique culturelle et que j'ai déjà eu l'occasion d'être mis en question (par des associations culturelles subventionnées par la mairie de mon bled) sur le point sensible, par exemple, de la prescription de contraception chez des jeunes filles musulmanes à l'insu du plein gré de leurs parents ; la quatrième, parce que la critique multiculturaliste (pour faire court) et post coloniale pourrait faire passer mon point de vue comme européocentré et dominateur et qu'un bien pensant puisse affirmer, c'est l'expression à la mode, "Cela pue...", vous savez l'expression de Chirac dans les cages d'escalier ; la cinquième, car je ne doute pas que ma façon de présenter les choses, d'un côté la réalité, de l'autre le politiquement correct de gauche et / ou de droite, pourraient faire croire qu'il n'existe pas d'études de terrain, sociologiques, menées actuellement ou d'études déjà publiées relatant les mêmes faits, mais dont il est peu fait état en raison de l'idéologie dominante gauche / droite qui domine les sciences sociales (ces points de vue heurtent la gauche qui ne veut pas voir la réalité en face et la droite qui n'imagine même pas que le Val Fourré soit un laboratoire d'idées). Mais encore : j'ai déjà abordé ces problèmes sur mon blog : ICI et LA, cela doit donc m'intéresser et me titiller.
Où en étais-je ?
J'en étais aux faits suivants : les jeunes femmes nées en France et qui ont un phénotype africain (les races n'existent pas dans le vocabulaire dominant) sont souvent "mariées" de façon arrangée ou de force à des hommes sénégalais ou maliens qu'elles ne connaissent pas (ou qu'elles connaissent formellement pour les avoir vus une fois ou deux lors d'une réunion de famille, pendant dix minutes à une semaine), mariées de façon coutumière et non selon la loi laïque à la française, ce qui est normal si le "mariage" se passe à l'étranger mais un peu moins quand il s'agit d'un mariage célébré à Plouc-La-Jolie, et elles ont besoin d'une "protection" contraceptive urgente (il en est même qui consultent la veille du mariage !) en raison du fait que la conclusion d'un mariage coutumier commence au lit... Mais ne croyez pas, chers lecteurs, qu'il n'y a pas de jeunes femmes nées en France et avec phénotype maghrébin qui ne consultent pas pour la même chose : le plus souvent elles viennent moins à la bourre (si j'ose dire) et le mariage, tout aussi préparé, est moins clandestin, bien qu'il arrive que le mariage coutumier précède de plusieurs semaines ou mois le mariage laïque.
(Je n'aborde pas ici, mais je le fais quand même pour couper court à toute critique fondée, que le statut du futur marié du point de vue du VIH et / ou de la tuberculose, par exemple, n'est jamais élucidé avant mais, malheureusement, parfois élucidé après ; je fais donc mon boulot de médecin généraliste, c'est à dire que j'informe la jeune femme sur la façon de prendre la pilule, que je lui remets un document d'une page, reformulé par mes soins et tapé par mes blancs doigts, à partir de ce que j'ai lu dans la Prestigieuse Revue Prescrire et sur le site du non moins Prestigieux et Touche-à-tout Martin Winckler, et patati et patata...)
Revenons à Monsieur A.
Monsieur A a été marié jadis selon la coutume (on parle toujours de mariages "forcés" ou arrangés pour les femmes mais on parle rarement de son symétrique pour les hommes) et cela s'est très mal passé. Désormais contremaître dans une société de transports, il est marié à une femme française d'origine africaine, ils se sont choisis (dans un échantillon socio-culturel proposé par la famille), et ça a l'air de bien se passer. Ils ont choisi de quitter le ghetto et d'aller habiter dans une ville toubab, c'est pourquoi leurs familles (je devrais dire, leur famille, car les liens intra-familiaux sont très complexes) les appellent en les critiquant et en les enviant "les toubabs".
Je ne sais pas si je vais arriver à conclure mon post.
Eh bien, Monsieur A, après que je l'eus interrogé de cette façon :"Pensez-vous que nous pouvons imposer de nouvelles traditions culturelles aux populations africaines vivant en France et de quel droit ?" m'a dit ceci : "Nous avons fait le choix de quitter le quartier. Nous ne le regrettons pas. C'est pour que nos enfants vivent comme des Français. Nous sommes les seuls Africains de notre immeuble. C'est calme." Vous remarquez qu'il n'a pas répondu à ma question. Voici ce qu'il me dit : "Vous êtes un médecin français, faites ce que vous avez à faire, suivez votre conscience, ne vous laissez pas intimider." Il est marrant, lui. Ce n'est pas toujours facile.
Mais je vous reparlerai un jour de Monsieur A. Il a beaucoup de choses à dire et il me les a dites souvent. C'est riche. Alors que ce Monsieur A n'est pas un lettré, n'est pas un intellectuel, n'a pas fait d'études en faculté...
Ce qui me frappe surtout, mais là c'est plutôt banal : ce sont les différences interindividuelles entre les membres de chacune des différentes "communautés" (maghrébine avec ses différents sous groupes, africaine de l'ouest avec les mêmes segmentations, ottomane), différences de comportement, d'habillement, d'idées politiques et / ou religieuses, différences terriblement importantes qui pourraient faire croire, au delà du phénotype, qu'il n'existe aucun esprit communautaire (ce qui est faux), mais qui rendent compte, au contraire, de l'hétérogénéité de la pensée "française" : au delà de toutes ces différences, ils pensent "français", ce qui conforte l'idée de la gauche qu'ils sont encore colonisés et heurte l'idée de droite selon laquelle ils ne peuvent s'intégrer ; ce sont aussi les différences intra-individuelles au sein de chaque individu qui pourrait faire dire (hypothèse pessimiste) qu'ils sont assis le cul entre deux chaises ou (hypothèse optimiste) qu'ils ont élargi, avec leurs assises culturelles multiples, le champ de leurs compétences.
Mais il y a aussi les victimes du système : ces personnes qui ne connaissent rien à leur culture d'origine parentale et rien de leur culture de naissance. Mais je laisse l'Education Nationale à ses démons.
Où en étais-je ? La saison des amours chez les jeunes femmes françaises dont les parents sont d'origine étrangère, une saison des amours qui pourrait être différente (et, heureusement dans les quartiers, la saison des amours ne se limite pas au mois de juin et échappe souvent au carcan coutumier) et plus "française", est une saison de crainte : crainte du mariage, crainte d'attraper une maladie, crainte d'être enceinte.
Il y a du boulot !

dimanche 26 juin 2011

Fibromyalgie : des patients activistes menacent les chercheurs.


J'avais publié ICI un texte sur la fibromyalgie (SFC : Syndrome de Fatigue Chronique) qui m'avait valu de (gentilles) critiques dont il ressortait que j'étais un vilain médecin qui n'avait rien compris à la maladie, un vilain médecin qui se moquait de la souffrance des malades, un vilain médecin qui osait critiquer la façon dont la maladie était prise en compte et, enfin, un vilain médecin qui ne soulignait pas assez combien les associations de patients aidaient les malades.
Cela en était resté au stade de l'incompréhension.
Et voilà que je lis un article incroyable dans le BMJ (British Medical Journal) rapportant les menaces que subissent les chercheurs qui ne cherchent pas dans la "bonne" direction de la part de groupes de patients ou de groupes de familles de patients: ICI. Je lis aussi le témoignage d'une rédactrice du BMJ qui a participé à un congrès sur la fibromyalgie organisé par des associations de patients où, d'une part, elle a entendu d'incroyables choses, et, d'autre part où elle s'est fait agresser (verbalement) : ICI. Je lis enfin un éditorial de la rédactrice en chef du BMJ qui exprime sa surprise : LA.
J'en suis baba.
Je vous avais parlé précédemment de délire knockien à propos de la fibromyalgie mais j'étais loin du compte.

Quoi qu'il en soit, voici ce qui se passe en Grande-Bretagne autour des recherches sur le syndrome de fatigue chronique / encéphalopathie myalgique.

Rappel des faits : tout est parti d'une étude publiée dans le Lancet (PACE, dont vous trouverez ICI le résumé) qui a montré que la Thérapie d'adaptation du rythme d'activité (ou Thérapie de stimulation à l'adaptation) prônée par les associations de patients n'était pas efficace au contraire de la TCC (Thérapie Cognitive Comportementale) et de l' EPC (Exercice Physique Gradué) qui entraîneraient, elles, une modeste amélioration. Les malades n'ont pas aimé : ils n'ont pas aimé car cela remettait en cause la base métabolique de leur syndrome. Par ailleurs, il a été montré par plusieurs essais, qu'une étude qui avait été publiée dans Science et qui montrait qu'un rétrovirus, le XMRV, pouvait être à l'origine de la maladie, était erronée. Ce qui n'a pas plu non plus aux malades.

Ainsi, les données de la science n'allant pas dans le sens de ce que les malades "recherchaient" nous assistons à un déferlement de comportements extrêmement "curieux" qui peuvent s'intégrer dans diverses catégories humaines : le sectarisme, le déni de la réalité et le totalitarisme.
  1. Simon Wessely, qui a conduit des recherches dans le cadre du PACE a été comparé à Joseph Mengele, on l'a menacé de mort, il fait l'objet de plaintes répétées de malades, il est bombardé d'e-mails, il est dénoncé à ses employeurs pour pratiques illégales. Mais il n'est pas le seul chercheur menacé : les activistes dénoncent un complot psychiatrique, plus exactement une conspiration psychiatrique de l'Ecole de Wessely. Et ainsi les recherches sur le Syndrome de Fatigue Chronique sont devenues difficiles (recrutement des patients, dénonciation a priori des protocoles, dénigrement des chercheurs, intimidation des malades qui voudraient entrer dans les essais) à partir du moment où il ne s'agit pas d'essais allant a priori dans le sens de la théorie biologique.
  2. La (prestigieuse) revue Science a publié en 2009 un article princeps impliquant possiblement le rétrovirus XMRV dans la genèse du SFC (LA), article qui a été démenti par plusieurs publications postérieures. Pourtant la revue Science a eu du mal à l'admettre. Pourtant, une des chercheuses continue dans la même voie, soutenue par les associations de patients qui ne croient pas à la réfutation de l'hypothèse. Je remarque par ailleurs que la version française de Wikipedia n'a toujours pas corrigé l'erreur (ICI).
  3. Lors d'un congrès sur la fibromyalgie (je fais exprès de mélanger les signifiants / signifiés) sponsorisé par les associations de patients (elles-mêmes sponsorisées par qui vous savez) auquel une rédactrice du BMJ a assisté, il a été dit de nombreuses contre-vérités scientifiques, il a été entendu de grossières attaques contre les chercheurs qui ne partageaient pas le point de vue des malades et la rédactrice du BMJ s'est sentie mal à l'aise.
Qu'en conclure ?
Que des malades souffrent.
Que personne, en raison des incertitudes étiopathogéniques de la maladie, ne sait quoi faire.
Qu'il existe des groupes de pression, des citoyens malades, pour influer la recherche dans la direction qu'ils souhaitent, pour entraver la recherche dans les directions qu'ils rejettent et que certains d'entre eux emploient des procédés pour le moins déloyaux.

(Photographie : Trofim Denissovitch Lyssenko - 1898 - 1976)

PS du 29 septembre 2012 : un article conclut que le XMRV n'entraîne pas la fibromyalgie (ICI)


mercredi 22 juin 2011

Prescrire un aérosol doseur sans faire de démonstration est une faute professionnelle !


Je viens de lire un article assez renversant dans le British Medical Journal (ICI en accès libre), article dont je vais vous faire un résumé non critique car je n'ai pas eu le temps de m'y atteler sérieusement (notamment sur le plan des conflits d'intérêt -- et bien que l'article n'en rapporte pas -- et sur celui de sa robustesse scientifique), mais parce que le résultat de cet essai, pour étonnant qu'il paraisse, importe peu dans mon commentaire.

Il s'agit d'une analyse à la sauce Cochrane (utilisant le Cochrane toolkit que certaines revues françaises qui n'aiment pas le mediator seraient bien inspirées d'utiliser) faite par des chercheurs américains, une méta-analyse plus précisément (dont on connaît les limites théoriques en général), qui montre que : par rapport au placebo il y a un risque de mortalité augmenté de 52 % lors de l'utilisation du tiotropium / solution pour inhalation dans le traitement de la BPCO. Alors qu'une méta-analyse concernant tiotropium / poudre n'avait pas montré cela.

Qu'est-ce m'apprend cet article ?

Que la forme peut parfois être plus importante que le fond.

Que le tiotropium est un drôle de produit dont je vous avais déjà parlé ICI, drôle parce que peu efficace, parfois dangereux et très prescrit à mon avis à tort et à travers et dont la balance bénéfices / risques est assez douteuse.

Que les pneumologues (et les médecins en général) prescrivent le tiotropium comme du jus de pomme, parfois selon l'AMM, souvent hors AMM ou à des stades pré cliniques des maladies (certains "experts" ne proposaient-ils pas dans un excès incroyable de prescrire Spiriva chez tout fumeur et avant toute manifestation clinique de BPCO...) élargissant leurs possibilités de manger des pizzas gratuites dans un congrès organisé à Orlando par un certain laboratoire allemand (Boehringer Ingelheim pour ne pas le citer et dont vous pouvez découvrir ICI la page d'accueil).

Que la prescription d'un médicament ou d'un matériel ne se limite pas à l'écriture manuscrite ou tapuscrite d'une ordonnance, qu'elle doit s'accompagner de la nécessité de s'assurer que la façon de prescrire (qui fait aussi partie de la croyance par le prescripteur de l'idée du 'médecin comme meilleur médicament' qui auto-autorise le prescripteur supposé tout-puissant et omnipotent à prescrire sans vergogne des placebos) a entraîné la prise médicamenteuse et permis les effets supposés de la molécule.

Que l'attitude jusqu'au boutiste de certains médecins (dont j'ai fait le portrait ICI en intuitionnistes idéologiques) prescrivant uniquement en DCI (Dénomination Commune Internationale) pour des raisons plus idéologiques (le combat contre Big Pharma) que scientifiques (la mondialisation de la prescription) pouvait mener à des catastrophes, notamment chez les personnes âgées. Un ou plusieurs correspondants me faisaient remarquer sur des forums médicaux "sérieux" que le rôle du médecin s'arrêtait à la rédaction de l'ordonnance et que c'était, ouvrez bien les yeux, au pharmacien de faire le boulot de démonstration, c'est son boulot, répétaient-ils, pas le mien, et je n'avais donc plus d'arguments pour répondre devant un tel désintérêt de ces médecins pour le questionnement de l'EBM (ou de la médecine factuelle ou de la médecine par les preuves) ou pour la démarche OPE (Organisme, Patient, Environnement) et leur retour à marche forcée vers le paternalisme et la posture d'expert qui connaît les données de la science (tous les produits se valent puisque c'est la molécule qui travaille) comme idéologie totalisante non adaptable à tel ou type de patient. Et tout le monde n'a pas la chance de connaître des pharmaciens de la trempe de jean Lamarche... à qui je propose de voir ce film édifiant sur la façon de démontrer l'utilisation du RESPIMAT, film promu par l'association irlandaise d'asthmologie, qui découragera effectivement nombre de prescripteurs de faire toute démonstration : ICI.
"Tu suis mes prescriptions ou tu te barres !", voilà la posture expertale arrogante et définitive (avec mes sept ans, huit ans, neuf ans et plus, sans compter les redoublements, je suis quand même un mec super...) du médecin droit dans ses bottes.

Qu'il ne faut pas exonérer non plus les médecins qui ne prescrivent pas en DCI car ils ne font pas plus, en majorité (sondage personnel), de démonstration dans leur cabinet avec les aérosols doseurs : Prends la Ventoline et barre-toi ! ... Cela revient au même.
Qu'il est nécessaire (mais non suffisant), chers prescripteurs, de toujours prescrire la même chose (j'entends déjà des voix s'élever), d'essayer de toujours prescrire la même chose, pour acquérir de l'expérience interne, de connaître la forme et le conditionnement des médicaments (je pense par exemple au Previscan, au Sintrom ou à la coumadine, médicaments dangereux s'il en est, je rappelle que la prescription de coumadine est la première cause d'hospitalisations aux US...), et d'expliquer, expliquer encore, encore et encore, la façon dont il faut prendre les médicaments.

Je fais une incise : je ne confonds pas la DCI et la générication. Mais je constate que la DCI va de pair avec la générication.
Et il n'est pas inutile de rappeler que la générication du monde (pas seulement celle des médicaments, la générication facebook ou twitter, l'uniformisation des modes de vie) et sa décéication sont des objectifs à la fois ultralibéraux et altermondialistes. Les ultra libéraux qui commercialisent le monde et le dégradent en qualité et les altermondialistes pour faire baisser le prix des médicaments et rendre accessibles les molécules aux populations des pays en voie de développement, c'est à dire aussi pour médicaliser les endroits de la planète où Big Pharma ne peut faire encore de profits. Cette générication et cette décéication sont les outils faciles de la mondialisation ou globalisation en anglais : le paracétamol n'est plus fabriqué en Europe...
Ainsi prescris-je en DCI, mais pas tout le temps, il m'arrive de penser que la prescription en DCI (avec pour corollaire le choix par le pharmacien de la molécule, c'est à dire l'influence la plus évidente de Big Pharma, un générique Winthrop contre deux boîtes de fluocaril, et les soucis mercantiles au zénith) sera plus compliquée que la prescription d'un princeps NS (Non substituable) chez tel ou tel patient (Prendre en compte ses Valeurs et ses préférences pour limiter ses Agissements - i.e. la non prise ou la mal prise) vaut mieux que de prescrire de facto un générique...

Bon, revenons à mon propos final. Cette étude tiotropium versus tiotropium (ce n'est pas exactement cela mais cela y ressemble) me conduit à écrire ceci :
  1. Les médecins qui prescrivent un aérosol doseur délivrant un bronchodilatateur et / ou un anti-inflammatoire, dans l'asthme ou dans la BPCO, sans en faire la démonstration au patient / malade commettent une faute professionnelle
  2. Les médecins, dont un patient traité par un aérosol doseur délivrant un bronchodilatateur et / ou un anti-inflammatoire n'est pas équilibré ou s'est dégradé récemment, qui ne contrôlent pas dans leur cabinet comment la molécule est délivrée commettent une faute professionnelle
Il est donc nécessaire de disposer à son cabinet, outre un peak-flow tout bête, des dispositifs de délivrance permettant d'expliquer et / ou de contrôler le mode de délivrance. Bien que la démonstration vue sur Internet par la société irlandaise d'asthmologie du respimat pourrait dégoûter à jamais de faire une démonstration. Mais on trouve sur internet des explications plus simples (simplistes ?) : LA.

Bonnes réflexions.

(Photographie : Eole)


lundi 20 juin 2011

Actos : le rapport de la CNAMTS à l'origine de la suspension est d'une douteuse qualité !


J'avais prévu, à la suite de la suspension de commercialisation de la pioglitazone (Actos et Competact) par l'AFSSAPS - ICI- (que j'avais trouvée justifiée a priori), de me moquer de la FDA (que j'avais beaucoup louée sur ce blog pour ses alertes ICI pour la simvastatine / ZOCCOR et LA pour la finasteride / PROSCAR) qui avertissait à propos de la pioglitazone mais qui ne suspendait pas : voir le communiqué de la FDA ICI.
J'ai eu raison de ne pas me moquer.
Car voilà qu'un collègue me transmet le fameux rapport de la CNAMTS sur la pioglitazone, rapport que tout le monde a vanté comme exemplaire (et le collègue me l'a transmis pour implicitement en louer les mérites).
Je vous invite à le lire ICI et à revenir sur le blog pour lire mes commentaires. A moins que vous ne vouliez me faire confiance (ce qui est pour le moins aventureux).
Je veux préciser également, mais il semble qu'il s'agit d'une précaution superfétatoire, que je n'ai aucun lien et encore moins de conflit d'intérêt avec la maison Takeda. Mon penchant pour Tanizaki, auteur japonais parfois génial, ne pouvant, à mon avis, être l'esquisse de l'esquisse d'une preuve que j'ai des liens avec l'Empire du Soleil Levant qui ne soient autres que littéraires.
J'imagine maintenant que vous avez lu le rapport de 41 pages (et je suis désolé, il n'est pas signé).

Préliminaires : les essais antérieurs et notamment les essais développés aux US indiquent qu'il est probable que les cancers de vessie induits par la pioglitazone le sont après environ deux ans d'exposition. Par ailleurs, il est admis que la pioglitazone est un promoteur du cancer dont les premières cellules cancéreuses apparues sont liées essentiellement au tabac et à des substances cancérigènes contenus dans certaines peintures (dont on me dit qu'elles sont retirées du marché).

Le rapport. Je vais prendre 4 exemples montrant la qualité du rapport de la CNAM, son sérieux et sa véracité scientifique.
  1. Comment sont attestés les cancers de vessie incidents (page 11 du rapport) : Les cas incidents de cancer de la vessie ont été identifiés par les hospitalisations rapportées dans le PMSI avec un diagnostic principal ou relié de cancer de la vessie et dans le même séjour un acte chirurgical traceur lourd et/ou une instillation vésicale d'agent pharmacologique par cathétérisme urétral et/ou une chimiothérapie et/ou une radiothérapie (tableau I)
  2. Comment sont attestés les patients ayant reçu de la pioglitazone (page 18 du rapport) : L’exposition à la pioglitazone est décrite comme suit : au moins deux délivrances au cours d’une période de 6 mois entre 2006 et 2009. L’exposition a été codée comme une variable unidirectionnelle dépendante du temps : un patient est considéré comme exposé à partir du 4ème mois calendaire après la première délivrance et jusqu’à la fin du suivi.
  3. Comment sont attestés les patients fumeurs (page 19 du rapport) et là, on touche au sublime : Par ailleurs, l’exposition au tabac n’étant pas directement mesurable dans les bases de données, la comparabilité des groupes pour ce facteur a été mesurée : 1. par la comparaison des taux d’incidence dans les deux groupes exposés et non- exposés de l’incidence du cancer du poumon et des cancers ORL qui constituent des marqueurs de l’imprégnation tabagique de chaque groupe
    2. par un indicateur prenant en compte la consommation de médicaments de la bronchopathie chronique obstructive en 2006 et/ou une hospitalisation avec un codage de tabagisme. Pour la consommation médicamenteuse on retenait au moins trois dates de délivrance différentes en 2006 de Combivent® ou de Spiriva® dont les indications sont traitement bronchodilatateur continu destiné à soulager les symptômes des patients présentant une bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO). Pour les hospitalisations les codes CIM10 spécifiques enregistrés dans le PMSI entre 2006 étaient pris en compte (tableau IV).
  4. Sans oublier le facteur confondant suivant, la situation sociale (sic) (page 19 du rapport) : De plus la situation sociale est un déterminant de cancer, le taux de couverture à la couverture malade universelle complémentaire (CMUc) chez les personnes de moins de 60 ans a été comparé entre les groupes. D’ailleurs les ALD liées à la consommation tabagique sont plus fréquences chez les personnes titulaire de la CMUc [21].
Ainsi, selon le bon vieux principe que la multiplication des à peu près corrige l'erreur globale, le rapport conclut avec force (mais peut-être pas avec la robustesse souhaitée) : L’analyse de cette cohorte de 1,5 million de patients diabétiques suivis en France entre 2006 et 2009 conforte l’hypothèse de l’existence d’une association statistiquement significative entre l’exposition à la pioglitazone et l’incidence du cancer de la vessie. et passez muscade. Grâce à cet attrape nigaud rigolo, l'AFSSAPS est la première agence qui suspend la pioglitazone (bientôt suivie par l'agence allemande) et la base de données de la CNAM devient une référence universelle.

On l'aura compris, cette étude souffre de défauts majeurs : pas d'anatomopathologie pour les cancers de vessie ; peu d'éléments concernant l'exposition véritable des patients à 24 mois de pioglitazone (aucun élément sur l'observance et a fortiori sur les dosages sanguins) ; l'exposition au tabagisme est "mesuré" de la façon la plus farfelue qui soit sans éléments rétrospectifs (nombre de paquets/ années), utilisation de critères de gravité sans commune mesure avec la banalité du tabagisme (nombre de cancers du poumon et ORL), corrélation avec la prise de médicaments utilisés dans la BPCO (Combivent et Spiriva) dont on connaît la surutilisation en dehors de l'AMM et des pathologies liées possiblement au tabac.

Mais le rapport a réponse à tout (il faut lire la discussion pour s'en convaincre).

Je comprends un peu mieux que la FDA ait été plus prudente.

Je voudrais terminer en disant ceci : je n'ai jamais initié de traitement par actos ou competact.

Je me moque comme d'une guigne de la suspension de la pioglitazone par l'AFSSAPS.

Je suis atterré par le niveau scientifique de l'Agence qui ne pourrait pas faire de publication dans une revue ayant un Comité de Lecture indépendant.

(Photographie : la CNAMTS a tordu les cuillers de pioglitazone grâce à la technique d'Uri Geller)

Addendum du 31 mars 2016 : Une étude canadienne de cohorte confirme que la pioglitazone entraîne un sur risque de cancer de vessie (et non avec la rosiglitazone). ICI L'étude CPAM n'est pas citée mais ils avaient raison avant tout le monde.... Hum...

Erratum du 13 mai 2016 : L'étude canadienne cite l'étude de la CPAM comme le dit un commentateur de ce jour : "En réponse à l'addendum du 31 mars 2016: ben si l'étude CNAM est citée, référence 5


Neumann A, Weill A, Ricordeau P, Fagot JP, Alla F, Allemand H. Pioglitazone and risk of bladder cancer among diabetic patients in France: a population-based cohort study. Diabetologia2012;55:1953-62. doi:10.1007/s00125-012-2538-9 pmid:22460763.

Elle a d'ailleurs été publiée dans un journal avec IP correct, Diabetologia, la deuxième revue avec le plus fort IP en diabétologie.

A bon entendeur.
" Petit commentaire associé : l'IP "correct" de Diabetologia est un avis d'expert.

PS du 26 décembre 2016 : un essai rétrospectif infirme l'essai de la CNAMTS : ICI
Mais c'est un essai labo !