vendredi 28 juillet 2023

Un congrès à Chicago (ASCO ou American Society of Clinical Oncology) : John Davies fait le show. 40

 

Un congrès à Chicago (ASCO 2023)

40

John Davies fait le show.


François Brébant n’a pas le temps de faire de l’introspection sur être gauchiste ou ne pas l’être. Il a du mal à tout assumer mais sa femme est d’accord : on a besoin d’argent et on en fait ce qu’on veut, peu importe l’idéologie (Mathilde Brébant s’est convertie plus rapidement que son mari au capitalisme). Flanqué de Florence Maraval et de Pierre Gers, Brébant fonce vers la salle de la présentation de l’essai pivot piloté entre autres par Marie DeFrance et pour lequel la Versaillaise a des craintes.

L’essai PDMM (pour Putain de Merde de Molécule) est bancal depuis le début mais il y a un moment où certains membres de la firme vont se risquer à en parler officiellement, d’abord en interne, puis en externe. Il faudra trouver un ou une volontaire pour faire le job et Marie DeFrance en tremble d’avance. Sa spécialité dans la firme, mais tout le monde ne le sait pas avec autant de certitude, est quand même de faire porter la responsabilité des erreurs qu’elle a commises sur des tiers avec une mauvaise foi inébranlable et de s’attribuer des succès auxquels elle n’a pas participé au mépris des collègues qui ont fait le job.

La professeure Mariam F Stonehenge est le pur produit de la méritocratie états-unienne. Est-il possible de dire qu’elle ressemble tellement à l’image qu’elle veut se donner d’elle-même et à celle que les autres ont fini par accepter, que c’en est une caricature ? Issue d’une famille de « grands » médecins elle a su, grâce à son intelligence, son travail forcené et… ses relations, monter dans la hiérarchie harvardienne avec une grande élégance et dans son service d’hémato-cancérologie remarquablement classé chaque année par U.S. News & World Report dans les quatre ou cinq meilleurs du pays, elle a développé un département d’essais cliniques réputé et efficace qui rapporte énormément d’argent à l’hôpital. Elle est donc bien vue par les administrateurs, l’industrie pharmaceutique et les patients (car, contrairement à ce portrait peu flatteur d’arriviste, elle est une excellente médecin).

Malgré les défauts de l’étude elle fait une présentation parfaite qu’elle a répétée cent fois avec un accent bostonien qui remplit d’aise et de contentement les Anglo-saxons et les autres.

Quant à John Davies, un petit bonhomme ventripotent, la barbe châtain roux en bataille, les cheveux frisés un peu trop longs et un début de rhinophyma qui colle à son personnage, il attaque frontalement l’essai avec un enthousiasme qui enchante la salle.

Stonehenge est contrainte de tendre l’oreille car l’anglais du Gallois ressemble à ce que l’on entend les soirs d’ivresse dans les pubs de Cardiff après une victoire du XV du poireau contre celui de la rose. Les critiques sont si violentes que le modérateur sur l’estrade est obligé d’intervenir : « Sir, un peu de retenue, on pourrait croire que vous faites preuve de misogynie, si je puis me permettre… - Vous ne m’avez donc jamais entendu critiquer une étude mal foutue présentée par un mâle… Diriez-vous que je n’aimerais pas les hommes ? » 



(Pour lire Un congrès à Chicago depuis le début : LA)

jeudi 27 juillet 2023

Un congrès à Chicago (ASCO ou American Society of Clinical Oncology) : Les essais cliniques zombies. 39

 

Un congrès à Chicago (ASCO 2023)

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Les essais cliniques zombies.


Peu importe qu’il s’agisse d’un nouveau traitement pour le lymphome discuté dans ce pro/con et modéré par Pierre Gers, il s’agit d’un prétexte. Un prétexte métaphorique sur les nouveaux traitements en médecine et sur le contexte plus général des publications tel qu’il est décrit par David Semiov.

Les décisions de prises en charge en oncologie comme en médecine se font depuis l’époque moderne et en théorie sur la base des résultats obtenus dans les essais cliniques. Ces essais cliniques, sont menés dans leur immense majorité par les industriels qui commercialisent les molécules qu’ils testent. Mais le fait que les essais ne soient pas menés par un industriel ne rend pas les essais plus exacts ou plus valides car l’hubris des chercheurs est au moins aussi important que les appétits financiers des firmes.

Florence Maraval parle à François Brébant dans une allée du congrès à la sortie du pro/con : « Dès 2020, un anesthésiste, John Carlisle, avait dénoncé les articles qu’il appelait zombies c’est-à-dire ceux pour lesquels il n’était pas possible de vérifier les données individuelles des patients inclus dans les études. Entre 2017 et 2020, je dis cela de mémoire, vingt-cinq pour cent des articles soumis au journal Anaesthesia étaient, lorsque les données de base étaient accessibles, des études truquées. »

Brébant connaît ces chiffres. Il attend la suite. « Or, ces études truquées ont été publiées et elles servent de base aux recommandations des agences gouvernementales, des sociétés savantes ou des comités Théodule sponsorisés par les fabricants de molécules innovantes. – Vous êtes une gauchiste. – Non. J’essaie de démêler le vrai du faux. – Et ? – Et ? Eh bien, rien. Le système des publications d’articles scientifiques en médecine est soumis à la loi des éditeurs d’articles. Toujours de mémoire, le groupe Elsevier a un chiffre d’affaires annuel d’environ trois milliards de dollars, et une marge bénéficiaire de 40 % ce qui est énorme comparé aux géants de la tech. – Et ? – Et tout le monde est dans le business, l’auteur qui publie, le laboratoire qui promeut, l’éditeur qui profite, mais pas les malades. – Vous y allez fort ! » Gers, les joues en feu à la suite du pro/con qui s’est passé merveilleusement car les deux futurs tsars de l’oncologie états-unienne se sont étripés avec un art consommé de la repartie, arrive à n’en pas perdre une miette malgré les saluts qu’il rend à tous les congressistes qui le félicitent en passant près de lui.

Florence Maraval : « Une gauchiste vous dirait que Richard Smith ou Peter Gøtzsche considèrent que l’industrie pharmaceutique se sert des éditeurs comme Elsevier pour blanchir ses études zombies… et avec l’aide des relecteurs d’articles qui en font assez pour ne pas laisser d’énormes erreurs rédactionnelles et pas assez pour ne pas se mettre à dos les éditeurs le jour où ils voudront publier. » Gers : « Joli ! »

François Brébant se rappelle la période où il était gauchiste avec presque des larmes dans les yeux.

Il n'aura pas les couilles d'être lanceur d’alerte...



(Pour lire Le Congrès depuis le début, c'est LA)


mercredi 26 juillet 2023

Un congrès à Chicago (ASCO ou American Society of Clinical Oncology) : Pro/con. 38

 

Un congrès à Chicago (ASCO 2023)

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Pro/con.


La nuit a été difficile pour tout le monde ou presque (et encore ne savez-vous pas tout) mais cette journée de samedi promet de grandes décharges d’adrénaline pour Gers qui anime un pro/con et pour Brébant qui va, entre autres, superviser la présentation de Gunther Frick. Ils participeront aussi à un grand meeting sur le traitement du cancer du poumon qui promet d’être une joute splendide entre les partisans/non partisans du dépistage dudit cancer et un festival critique lors du dévoilement des données d’essais cliniques concernant de nouveaux traitement innovants annoncés déjà par la presse grand public comme des game-changers. La presse économique est plus mesurée car elle ne voudrait pas que ses clients soient déçus par une montée des actions qui ne serait pas à la hauteur des chiffres de survie promis…

Les pro/con sont une grande spécialité anglo-saxonne. Pierre Gers est sur scène, debout sur un podium, avec à sa droite un pro (c’est-à-dire un pour) et à sa gauche un con (c’est-à-dire un contre) d’un nouveau traitement du lymphome. Les deux intervenants ont droit à cinq écrans chacun pour développer leurs arguments et ces dix écrans ont été soumis par avance au Frenchie afin qu’il vérifie par avance que les données indiquées sont justes, non tronquées et présentées avec objectivité. C’est un exercice difficile pour notre ami car ces deux hommes, outre le fait qu’ils sont de jeunes ténors de leur spécialité et connaissent les publications, les traitements, les controverses sur le bout de leurs doigts, représentent des intérêts très forts tant académiques qu’industriels. Philip Henderson de Johns Hopkins University à Baltimore est le représentant zélé du mainstream oncologique et ses éditoriaux fréquents et enthousiastes dans la presse sponsorisée par l’industrie sont toujours à la gloire de l’innovation, du progrès et de l’avenir radieux des malades alors que José Lopez de UT Southwestern Medical Center à Dallas tente, tout en ménageant sa carrière, d’être le plus objectif possible dans la critique des essais cliniques et des procédures qui sont mises en place un peu partout dans le pays et dans le monde. Lopez n’est pas sur la ligne de David Semiov pour des raisons de développement personnel (il ne voudrait pas être un rebelle affirmé) mais également parce qu’il croit, lui, que l’on peut améliorer le système de l’intérieur. Dans la vraie vie Henderson et Lopez se fréquentent et ne cessent de se taquiner, voire plus, via les réseaux sociaux et les éditoriaux dans des journaux médicaux destinés autant aux cancérologues qu’aux gestionnaires de fonds de pension mais aussi aux médecins lambda états-uniens comme aux patients fortunés qui pourraient ne pas choisir la Mayo Clinic pour se faire soigner de leur lymphome.

Gers ne peut cependant connaître tous les sous-entendus de cette joute de petits coqs dont les objectifs universitaires ne seront peut-être pas atteints mais dont les comptes en banque sont déjà hype. Il est parfois difficile, en France, de savoir ce qui se passe dans l’hôpital d’à côté, alors, les guerres picrocholines états-uniennes...



(Pour lire depuis le début : LA)


mardi 25 juillet 2023

Un congrès à Chicago (ASCO ou American Society of Clinical Oncology) : La nuit de tous les dangers. 37

 

Un congrès à Chicago (ASCO 2023)

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La nuit de tous les dangers.


Tout le monde commente la lecture de David Semiov avec gourmandise. « Il raconte toujours la même chose… C’est un complotiste… Comment peut-il dénoncer les conflits d’intérêts en étant lui-même payé par une fondation privée qui finance aussi des activités douteuses ?... » Mais la majorité des congressistes, les sachants comme les ignorants, ceux qui ont travaillé avant de venir, ceux qui travaillent sur place et ceux qui sont là pour le plaisir, ne pensent qu’à une chose : avec qui vont-ils passer sexuellement la fin de la soirée ?

Brébant comme Gers, sans compter les autres, trouvent que l’auteur y va un peu fort, tous les congrès et séminaires de travail ne sont pas des foires sexuelles en plus d’être des foires commerciales ! On connaît aussi des congressistes du bout du monde ou de Romorantin qui se morfondent dans leurs chambres en lisant le dernier livre de Pierre Lemaitre ou en regardant des conneries sur leur tablette. Pas tous, comme on dit. L’auteur y va un peu fort car imaginons un peu que les femmes respectives de nos deux héros lisent « Le congrès à Chicago » et identifient leurs maris à ces deux personnages de roman ! Ils auraient beau protester, dire qu’il n’est pas vrai, qu’après avoir mangé une pizza à Pizzeria Uno ou chez Giordano’s ou un hot dog chez Portillo’s, ils se sont retrouvés au lit, Gers avec Edmée Vachon (que son mari nous pardonne) après avoir fait des avances, pour rire, à Florence Maraval et Brébant avec Sophie Branus (idem pour le mari) qui ne regrette pas d’avoir abandonné un obscur PU-PH futur chef de service ayant autant de charme qu’un document de la HAS. Milstein retrouve sa jeunesse avec Ursula après avoir avalé son tadalafil quotidien. La professeure Marie Carmichael qui, après avoir trop mangé en compagnie d’autres cancérologues invités par un laboratoire danois et après avoir repoussé les avances d’un directeur du marketing entreprenant, est allée retrouver son étudiante favorite pour une courte nuit trop arrosée. John Williams a fini la soirée dans une boîte de go-go danseuses où il a distribué des dollars dans les soutiens-gorges et les petites culottes en voulant faire oublier qu’il est impuissant depuis de nombreuses années. 

Mais tout cela n’est pas vrai, tout cela ne s’est pas passé, que les partenaires restés en France de tout ce beau monde, à part Cora Milstein, se rassurent, ce n’est que le fruit de l’imagination de l’auteur, il s’agit de vantardise des uns et des autres pour faire les malins et les malignes, rien de ce qui a été écrit, et ne parlons pas de Durand, de Sophie Bouloux ou de B., de Claude Martin ou de Steiner ou de une telle ou untel, ne va se passer réellement dans toutes les chambres d’hôtel de Chicago, il y a des gens vertueux et responsables qui savent résister aux tentations de l’industrie et de la chair… Madame Brébant comme Madame Gers peuvent dormir sur leurs deux oreilles, toute ressemblance avec des personnages authentiques ou des expériences vécues ne seraient que le fruit du hasard ou de l’imagination délirante d’un auteur en mal de copie. 


(Pour ceux qui ont manqué les épisodes précédents, c'est LA)


lundi 24 juillet 2023

Un congrès à Chicago (ASCO ou American Society of Clinical Oncology) : David Semiov enfonce le clou. 36

 

Un congrès à Chicago (ASCO 2023)

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David Semiov enfonce le clou.


David Semiov est persuadé qu’il ne lui arrivera pas, comme s’il enquêtait sur les trafics d’armes ou sur la corruption à Malte, d’être renversé par une voiture, de tomber d’un balcon ou de prendre une balle dans la tête, mais il se méfie quand même. Ce n’est jamais arrivé à sa connaissance dans le domaine de la santé mais il suffit d’une première fois et il préfèrerait que cela ne commence pas par lui.

« … il est probable qu’environ cinq mille articles pourraient être rétractés dès aujourd’hui des grandes revues qui donnent envie à tout chercheur d’être publié. Ce qui devrait vraiment nous inquiéter, mais j’enfonce des portes ouvertes, c’est la facilité avec laquelle de nombreux prescripteurs de la planète, influencés par les commerciaux des industriels et des éditeurs, adoptent de nouvelles thérapeutiques sur la foi, si j’ose dire encore, d’études trompeuses, truquées, manipulées, et dont les critiques sont rarement publiées dans ces mêmes revues. Insistons sur le rôle des réseaux sociaux qui sont à la fois un relai pour les firmes vantant leurs produits, des études, je l’espère non flouées, l’ont démontré, mais aussi, parfois, le seul moyen pour les commentaires d’être vus et mieux vus que dans des revues protégées par des murs payants… Ce qui est encore plus inquiétant c’est le temps qu’il faut, parfois infini, pour qu’après rétractation d’un article, les prescripteurs cessent de prescrire des produits prétendument innovants… Ce qui incite les chercheurs et les industriels à continuer de publier… Enfin, mon inquiétude vient aussi d’un double processus concernant les essais cliniques. D’abord, les protocoles d’essais sont de plus en plus compliqués à mettre en œuvre, en raison de directives tatillonnes, parfois absurdes et souvent contradictoires, ce que les firmes ne cessent de dénoncer au nom de la simplification de l’accès à l’innovation, mais elles ne disent pas que cela les protège des petites start-ups qui n’ont pas les moyens de les appliquer. Ensuite, les critères d’efficacité des produits tels qu’imposés par les mêmes agences d’enregistrement, ne cessent d’être moins pertinents et exigeants, ce qui conduit à des approbations plus rapides, moins contrôlées et plus douteuses… » (la salle prend sa respiration)

« Puisque je suis devant un public d’oncologues, je pourrais multiplier les exemples où la baisse d’exigence des critères aboutit à des aberrations thérapeutiques et peu de profit pour les malades. (murmures). Voulez-vous, encore une fois que nous parlions des rapports non causaux entre la survie sans progression et l’espérance de vie globale ? Il me paraît nécessaire d’allier deux principes : la prévention quaternaire, c’est-à-dire renoncer à prescrire quand on n’est pas certain que cela sera bénéfique pour le patient et le conservatisme médical qui procède de la même logique, c’est-à-dire continuer de prescrire des thérapeutiques éprouvées tant qu’un nouveau traitement ne s’est pas montré supérieur… »

Une question dans la salle : « Merci pour cet exposé brillant. Pourriez-vous nous dire pourquoi votre activité est sponsorisée par la Fondation J and A Cheers ? »



(Pour reprendre depuis le début : c'est ICI)


dimanche 23 juillet 2023

Un congrès à Chicago (ASCO ou American Society of Clinical Oncology) : David Semiov. 35

 

Un congrès à Chicago (ASCO 2023)

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David Semiov.


De nombreux activistes de la cancérologie, c’est-à-dire des personnes qui n’ont pas comme éléments de langage, le progrès, l’innovation, le changement de paradigme, sont venus assister à la présentation de David Semiov à l’hôtel Marriott. Mais ils ne sont pas les seuls. Des représentants de l’industrie pharmaceutique (le premier qui dit Big Pharma et ici Big Onco est considéré comme un complotiste anticapitaliste et comme une personne indigne de parler de cancérologie) sont également là car Semiov a l’art d’appuyer là où cela fait mal, ce qui donne des idées aux membres des firmes. La conférence s’intitule « Big Data, Big Lies ».

« … le principal problème des publications scientifiques aujourd’hui vient de leur manque d’indépendance…il est désormais très compliqué, voire impossible, de travailler en certains domaines, et le fait que nous soyons réunis ici à l’occasion de l’ASCO… pour faire des recherches il faut de l’argent et l’argent provient des firmes qui souhaitent promouvoir leurs produits… le fait que je sois un journaliste, un journaliste scientifique, est un handicap car un journaliste ne peut être qu’un journaliste dans l’esprit des chercheurs… et ils n’ont pas tort… j’ai donc plusieurs raisons de ne pouvoir être entendu, dont celle d’être prétendument un ennemi de l’industrie pharmaceutique, un activiste anti système ou un dangereux dynamiteur de l’organisation de la santé.... je voudrais encore une fois clarifier mon point de vue avant de vous montrer les derniers chiffres de la fraude scientifique... (murmures dans la salle) … Ma position est claire, tout le monde devrait la connaître depuis longtemps, même si elle a évolué au cours des années : je me moque du capitalisme ou de tout autre système de fonctionnement des sociétés, je m’intéresse aux recherches scientifiques dans le domaine de la médecine et, plus généralement dans le domaine du soin, car ces recherches sont à la base des prises en charge qui sont proposées aux citoyens qu’ils soient bien portants ou malades… Il vaudrait mieux que ces recherches soient de bonne qualité, qu’elles permettent aux soignants de faire des choix judicieux, c’est-à-dire que leurs validités intrinsèque et extrinsèque soient scientifiquement non attaquables… C’est loin d’être le cas…

« …et donc, notre groupe s’attache à tenter de comprendre pourquoi ce n’est pas le cas, depuis la conception des protocoles, le déroulement des essais, leurs interprétations statistique et clinique, leur publication et leur influence sur les autorisations données par les agences gouvernementales… Cela devrait être le job de l’Etat que de contrôler l’activité des firmes dont l’objectif, ce qui n’est pas honteux, est de gagner de l’argent. Tout le monde ne pense qu’à gagner de l’argent… et l’Etat ne fait pas le boulot… La corruption du système est à la hauteur des enjeux financiers. Rappelons que le complexe santéo-industriel représente plus d’argent que le complexe militaro-industriel aux Etats-Unis et fait l’objet de moins de scénarios violents, criminels et complotistes à Hollywood… 



(Pour lire Le Congrès depuis le début : ICI)


vendredi 21 juillet 2023

Un congrès à Chicago (ASCO ou American Society of Clinical Oncology) : La présentation non mouvementée de Pierre Gers. 34

 

Un congrès à Chicago (ASCO 2023)

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La présentation non mouvementée de Pierre Gers.


Gers passe en quatrième position dans la session consacrée aux traitements du cancer du ***. La salle est aux trois-quarts pleine car la Firme 1 a battu le rappel des oncologues français et états-uniens afin de la remplir. L’État-major des équipes franco-états-uniennes de ladite Firme est là au grand complet car la présentation des résultats de l’étude fait partie de la politique de communication pour obtenir le plus tôt possible une autorisation de mise sur le marché délivrée aux Etats-Unis par la FDA puis en Europe par l’EMA, l’agence européenne. Tout est normalement cadenassé des deux côtés de l’Atlantique et les experts des différentes commissions sont au taquet pour approuver.

Pierre Gers devrait savoir tout cela mais il ne se doute pas de l’ampleur de la corruption qui règne dans les différentes agences gouvernementales. Il connaît des experts nuls, des experts marrons, le milieu est petit, mais il n’est pas au courant de la façon dont les choses se passent réellement. Il est possible que Gunther Frick, qui présentera demain la deuxième étude pivot sur le trouduculsimab, soit moins naïf et qu’il soit même au centre d’un réseau créé par les grandes firmes pour obtenir ce qu’elles veulent de la FDA : argent gloire et beauté.

Quoi qu’il en soit, il arrive à la présentation de Pierre Gers faite dans un anglais parfait sans la moindre trace d’accent (les anglophones natifs en arrivent à douter qui fait douter du pays d’origine de l’orateur, ce qui pouvait lui arriver de pire : elle passe sans anicroches. Il parle clair, les écrans sont magnifiques, le choix des résultats impressionnant et les deux plaisanteries qu’il a soigneusement choisies pour mettre l’auditoire dans sa poche, l’une au début, l’autre pour conclure, font réagir les participants avec un conformisme étonnant.

Quant aux questions posées par les congressistes, elles sont d’une désespérante monotonie et d’un manque d’alacrité phénoménal, on dirait que Gers n’intéresse personne et que les défauts du protocole qui sautent aux yeux pour un non-profane aient été laissés de côté dans le but de ne pas faire de vagues. 

Les représentants de la Firme sont aux anges car ils s’attendaient à une séance plus tendue, à des questions vicieuses des concurrents, à des allusions perverses à certains aspects des résultats, mais non, rien. Toute la préparation de Gers avec Brébant et les répétitions du dernier moment n’auront servi à rien : les mauvaises questions n’ont pas été posées et le modérateur, un oncologue de Dallas est tellement content qu’il passe à la présentation suivante en délivrant un merci discret à Gers, le Frenchie qui n’a même pas l’élégance de parler avec l’accent de Maurice Chevalier.

Brébant colle une grande tape dans le dos de Gers sans lui dire ce qui est en train de se préparer. Chaque chose en son temps.

- On se faisait des films…

- Oui. Tout ce boulot pour presque rien.

- C’est parce que nous étions prêts qu’il ne s’est rien passé.

Brébant est pourtant préoccupé. 




(Pour lire depuis le début, c'est LA)