Affichage des articles triés par pertinence pour la requête placebo. Trier par date Afficher tous les articles
Affichage des articles triés par pertinence pour la requête placebo. Trier par date Afficher tous les articles

lundi 8 mai 2023

Bilan médical du mardi 2 au lundi 8 mai 2023 : territoires, placebo et effet placebo, empowerment, experts, BNP.

 

160. Comment les territoires sont organisés : on hésite entre Jérôme Bosh et Jackson Pollock. ⏫⏫⏫

Et ce schéma des Yvelines est ancien. D'autres structures se sont ajoutées, les DAC ou dispositifs d'appui à la coordination (suite) dans le nord et le sud du département... par exemple.


Nicolas de Stael

161. Placebo, effet placebo : cessons de mentir aux patients. 

Les habitués de ce blog savent quel est mon point de vue sur l'utilisation d'un placebo en médecine.

Je l'ai exposé ICI en novembre 2008 avec comme titre provocateur : "L'usage du placebo en médecine : un danger pour le prescripteur." 

Rappelons ceci : 

1) L'effet placebo est estimé entre 30 et 60 % selon les pathologies.

2) On parle aussi d'effet contextuel, le fait d'être reçu par un professionnel de santé dans une structure médicale, par exemple, d'où la notion d'effets placebo au pluriel

3) Il ne faut pas confondre le placebo et l'effet placebo

4) L'effet nocebo est une autre version de l'effet placebo mais il semblerait qu'il fût moins recherché... 

5) Les dangers de l'utilisation d'un placebo

Les tenants et les aboutissants de l'usage du placebo en médecine sont malheureusement oubliés par les médecins, surtout quand il s'agit d'essais cliniques contrôlés (1). Ainsi, je voudrais souligner plusieurs dangers liés à l'utilisation d'un placebo : cela pollue la relation médecin malade, cela accentue la relation asymétrique -paternalisme- existant entre les médecins qui savent et les patients qui souffrent, cela peut être médicalement dangereux -spécialement quand le but du médecin est de savoir si oui ou non le patient souffre d'une affection organique- et renforce l'arrogance du médecin, infantilisant les patients encore plus. Citons Howard M Shapiro : "Finalement nous avons à considérer ce qui peut être le plus grand danger pour le médecin, à savoir que donner un placebo pourrait lui donner une opinion encore meilleure de ses propres capacités à aider."(2)

(1) Spiegel D, Harrington A. What is the placebo worth? BMJ 2008;336:967-8. (3 May.)[Free Full Text] 
(2) Shapiro HM. Doctors, patients, and placebos. Yale: Yale University Press, 1986.


Un article paru dans le journal du CNRS (LA) interroge encore sur l'usage du placebo. 

Le problème éthique est au centre de l'utilisation de placebos en médecine, enfin, pour certains médecins, car d'autres ne s'embarrassent pas de ce genre de préoccupation et prétendent, et ce point de vue est défendable, que le but des soins est de soulager les patients et que peu importent les moyens (conséquentialisme, utilitarisme, et cetera).

L'article du CNRS aborde la question sous l'angle de l'utilisation d'un placebo honnête qui permettrait de contourner le mensonge ou la trahison (en anglais : deception) liés à l'utilisation d'un placebo classique. En réalité, il s'agit plutôt d'une façon plus honnête de prescrire un placebo ou une façon de prescrire un placebo sans tromperie.

Il rappelle une étude de Kaptchuk TJ et al (LA) parue en 2010 qui a été très souvent citée.

Son titre (je traduis) : Placebos sans tromperie : un essai randomisé contrôlé dans le syndrome de l'intestin irritable.

Il s'agissait donc de comparer un groupe de patients à qui on prescrivait un placebo en leur disant que c'était un placebo et en leur expliquant que cela pouvait avoir un effet positif (placebo honnête) à un groupe de patients non traités. 

Cet essai a montré une amélioration statistiquement significative des symptômes à J11 et J21 dans le groupe placebo honnête par rapport au groupe non traité mais ce simple énoncé indique que l'essai souffre de limitations méthodologiques majeures.

  • Le colon irritable est une entité pathologique mal définie
  • L'étude est randomisée, contrôlée mais n'est pas aveugle
  • Il y aurait dû y avoir 3 groupes : produit "actif" (dans le colon irritable ?), placebo honnête avec explications et placebo sans explications.

Une étude ultérieure randomisée mais ouverte (2017), LA, a comparé, en cas de douleurs localisées, les effets de 4 prises en charge : 

  • crème placebo honnête (le malade sait qu'il reçoit un placebo), 
  • crème placebo honnête avec informations (le malade sait qu'il reçoit un placebo mais on lui explique les mécanismes d'action physiopathologiques possibles d'un placebo), 
  • Crème placebo trompeuse (on ne dit pas au malade qu'il s'agit d'un placebo)
  • Pas de traitement du tout.
Les résultats montrent qu'il n'y avait pas de différences significatives entre les 3 premiers groupes mais que le fait d'informer diminuait l'efficacité (NS).

Enfin, les auteurs de l'article du CNRS présentent des résultats préliminaires d'un essai sur la douleur qui indiquent qu'il n'y a aucune différence entre la prescription d'un placebo annoncé comme produit efficace et d'un placebo annoncé comme un placebo.

Pourquoi donc mentir aux patients ? 

On me signale un podcast sur France-Culture, voir LA, dont l'épisode 5/6 parle de "Placebo, le tromperie qui soigne ?" :  c'est gratiné de chez gratiné ! Et très peu en rapport avec les études que je viens de vous citer.

Un autre essai passionnant : https://psycnet.apa.org/record/2003-07872-001 où l'on voit que cacher aux patients l'administration d'une prise en charge pharmacologique ou non pharmacologique est moins efficace que le leur dire...

Conclusion : 

  • Quand on utilise un placebo il vaut mieux le dire aux patients pour des raisons d'éthique et d'efficacité.


Lumières de la nuit par @dominiqueloubet


162. Tribune surréaliste dans l'Express : l'empowerment expliqué aux Nuls.

Les tribuniciens/ciennes ont encore frappé : voir LA

Une tribune qui ne parle pas de l'empowerment.

J'aurais pu signer mais, bien entendu, personne parmi les signataires n'auraient pu me le proposer. Cela aurait fait tache. Un incroyant qui prierait avec des zélotes...  Ou alors un croyant priant avec des pècheurs.

Comme on dit, on peut rire de tout mais pas avec tout le monde, j'aurais pu signer ce catalogue de bonnes intentions mais pas avec tout ce monde.

Car.

Parmi elles, #PasToutes, les tribuniciens/ciennes, il y a des champions du monde de l'anathème, de l'insulte, de la dénonciation,  qui n'hésitent pas à traiter le collectif qui ne pense pas comme eux de négationnistes (l'approche du point Godwin n'est pas furtive), de révisionnistes, de tueurs d'enfants (à la pleine lune), 

parmi eux, #PasTous, il y a les championnes du monde de la prédiction catastrophique, les fausses Cassandre, les Elisabeth Tessier de l'épidémiologie, les astrologues de la mort en masse des enfants dans les écoles, les prévisionnistes fous du PIMS généralisé, du covid long à tous les étages, 

parmi elles, #PasToutes, il y a les champions du monde du dépistage des cancers tous azimut sans information des participantes (surtout les femmes, hein) et des participants sur la non diminution de la mortalité globale, sur les sur diagnostics et les sur traitements, 

parmi eux, #PasTous, il y a les championnes du monde de la consultation à 50 € et du déconventionnement, sans doute dans un but d'un meilleur accès collectif aux soins, il y a les champions du monde de la non déclaration des liens d'intérêts avec l'industrie du médicament et des matériels, sans doute parce que le marché de la médecine académique est sous l'influence du marché et de sa main invisible...

parmi elles, #PasToutes, il y a les champions de la stricte méthodologie des essais cliniques, de la stricte interprétation de la robustesse des mêmes essais, confondant la veille documentaire et la lecture critique des articles, ne s'inquiétant pas une seule seconde de l'absence d'essais contrôlés randomisés en double-aveugle versus placebo (ECR+) sur les mesures non pharmacologiques de la prévention de la dissémination du virus,  pas plus, sinon sur des critères de substitution sur l'efficacité des boosters chez les enfants, les adolescents, voire les vieillards, préférant les études épidémiologiques rétrospectives cas-témoins (au mieux) aux ECR+ quand les données fragiles vont dans le sens de la dureté de leurs convictions, adoubant ou rejetant, la Cochrane, la HAS, le CDC, au fil des croyances et non au fil de la qualité des recommandations...

mais surtout, parmi elles, parmi eux, #Tous, pas un mot sur le collectif social, il est probable que la composante idéologique du collectif pose problème, non pas seulement parce que les signataires n'ont pas les mêmes idées politiques, mais parce qu'ils ont "oublié". Ils ont oublié que la pandémie a montré combien la fragilité sociale était la tache aveugle des politiques de santé, combien les programmes collectifs de santé publique n'atteignaient que les populations non concernées s'ils n'étaient pas centrés sur les plus pauvres, les moins éduqués, les plus mal logés, les plus mal nourris... que le port du masque dans les transports publics, par exemple, aurait dû s'accompagner de distributeurs de masques dans les transports comme il y eut jadis les préservatifs à un franc (merci Jean Lamarche)...

et enfin, terminons par la polémique, je n'avais pas encore commencé pour celles et ceux qui ne l'avaient pas remarqué, dans cette tribune collective, traversée par l'arrogance auto satisfaite, la certitude de la certitude, pas une once d'autocritique, pas un mot sur les conseils erronés donnés sur le lavage des mains, le port de charlottes dans les cabinets de médecine générale, le port des masques en tissu, chirurgicaux, FFP2, la désinfection des locaux, la distanciation (1mètre, 1,5 mètre, voire 2), le confinement, la fermeture des écoles, l'épuration de l'air, sur la base d'absence d'études robustes tout en prétendant qu'il s'agissait de la Science, des données de la Science alors que c'était faux...

et, voyez, je suis prudent, je n'ai pas encore parlé de la vaccination, de l'enthousiasme délirant de certaines et de certains, #PasToutes, #PasTous, 95 % d'efficacité sur tout et sur rien, tous les vaccins se valent, mais, ne vous inquiétez pas, tribuniciens/ciennes, je ne suis pas la police, je n'ai pas fait de copies d'écran, je n'ai pas constitué de dossiers, heureusement car je me suis moi-même trompé sur le vaccin Astra-zeneca, sur le vaccin Jansen, sur l'efficience des vaccins sur la transmission, et cetera.

Le collectif et l'empowerment...

J'espère par ailleurs que les quelques amis qui ont signé cette tribune ne le prendront pas mal : comme le disait Proust, quand on apprend que son meilleur ami est trompé par sa femme, faut-il le lui dire ou ne pas le lui dire, par gentillesse, par méchanceté ou par amitié ?

J'avais aussi réagi à chaud sur twitter : LA

Et @audevisine m'avait répondu : ICI.

Bon, en conclusion, et contre toute attente, travaillons ensemble, oublions les anathèmes, les rancoeurs, fondons un collectif sur des bases saines, sur des principes méthodologiques éthiques, sur les fondements de la recherche clinique, et non sur le bon sens ou les particularités de clocher, les principes amicaux ou les inimitiés tenaces.


Pas la peine de venir avec un avocat : je vais me lever pour te donner à manger.


163. Palmarès du Point sur les meilleurs experts médicaux français de spécialités.

  • Passons sur la méthode où sont pris en compte les publications (et on voit que certains des experts publient plusieurs fois par mois depuis des années) et les liens d'intérêts (plus les liens d'intérêts avec l'industrie sont forts, plus les experts sont glorieux).
  • Passons sur l'intérêt d'un tel classement sinon pour engorger des consultations déjà engorgées et pour permettre des dépassements d'honoraires encore plus extravagants.
  • Passons sur l'intérêt de la décence commune, la proximité ou le fait que la position centrale de l'AP-HP dans ce classement est assez curieuse, toute la France devrait prendre rendez-vous à Paris, et qui connaît l'AP-HP... sait que...
  • Passons surtout sur le fait qu'une seule spécialité a été oubliée, la médecine générale, c'est à dire les soins primaires...

Où sont les experts en médecine générale ?






164. Illustration de la controverse cardiologues vs pneumologues sur le BNP




Définition du BNP pour les nuls : Bonne Nouvelle pour le Pneumologue.


dimanche 29 octobre 2023

Bilan médical du lundi 23 au dimanche 30 octobre 2023 : placebo et effet placebo, spasfon, les cancérologues payés par l'industrie, tramadol, lithium dans la maladie bipolaire, MG pas représentative des MG

 

Une jeune femme états-unienne pas antisémite pour un cent : elle veut mettre les Juifs à la poubelle.

286. Placebo et effet placebo

Après la parution du livre de Juliette Ferry-Danini sur le spasfon, un placebo prescrit par des médecins dans l'indication règles douloureuses pour des raisons que l'autrice estime genrées (je n'ai pas lu le livre), 


j'ai fait un test sur twitter en demandant de citer un placebo très utilisé par les médecins.



J'ai déjà écrit de nombreux billets sur l'utilisation d'un placebo en médecine : ICI, LA (chapitre 1) et LA (numéro 161).

Ce numéro 161 est particulièrement éclairant. A mon sens.

Ce n'est pas nouveau : 

"Platt (1947) a ainsi constaté avec amertume que la fréquence d'utilisation des placebos était en relation inverse avec l'intelligence combinée du médecin et du malade."
" L'effet placebo dû au médecin lui-même peut être plus puissant que celui des médicaments."
" Le succès de la médecine, et jusqu'à un certain point celui de la chirurgie, repose en grande partie sur l'effet placebo. Fait étonnant, les ouvrages médicaux n'en parlent pratiquement pas."
" De même que les pèlerins à Lourdes ne peuvent bénéficier de discussions avec un rationaliste, les malades ne sont pas invités à suivre des conférences sur les placebos avant d'en recevoir un..."
" Le médecin incapable d'exercer un effet placebo sur son malade devrait se tourner vers l'anatomopathologie ou l'anesthésie..."
" La meilleure façon d'améliorer l'efficacité de n'importe quel traitement consiste à ne pas tenir compte des études contrôlées. Le médecin y gagne, le malade aussi ; seule la science en souffre."

Vous pouvez suivre le fil TWT de toutes interventions (en sachant qu'il y a des réponses partout, des réponses à des réponses et des culs-de-sac) : ICI 

Je rappelle donc : 
  • Il ne faut pas confondre le placebo pur (un produit inerte) et le placebo impur : une molécule qui n'a jamais fait la preuve de son efficacité et qui a obtenu une authentique AMM (une molécule comme le phloroglucinol/spasfon) ou une molécule active qui n'a non seulement pas fait la preuve de son efficacité mais qui provoque des essais indésirables potentiellement graves (les vasoconstricteurs nasaux) ou une molécule active utilisée dans une indication où elle n'a aucune efficacité (un antibiotique prescrit dans une affection virale) 
  • et
  • l'effet placebo qui est l'effet produit chez le patient par la prescription d'un placebo pur (comme lors d'un essai clinique) ou impur (le spasfon qui a pignon sur rue malgré l'absence de preuves de son efficacité) dans le contexte d'une consultation médicale dans un cabinet médical public ou privé ou lors d'un conseil pharmaceutique dans une pharmacie, ce que l'on appelle aussi l'effet contextuel.
Ensuite : il y a le problème éthique de la prescription d'un placebo : 
  • le médecin sait qu'il prescrit un placebo et il ment
  • le médecin ne sait pas qu'il prescrit un placebo (l'expérience interne du médecin lui dit que spasfon marche et que s'il n'y a pas d'essais cliniques concluants c'est parce que le produit est ancien et qu'il n'était pas besoin de faire d'études, par exemple) parce qu'il ne connaît pas la littérature et il ne ment pas
  • est-ce qu'on est obligé de mentir au malade pour le soulager ?
  • est-ce que prescrire un placebo, c'est du soin ? 
  • que faire quand le placebo ne "marche" pas ? 
  • est-ce que ne pas prescrire un placebo c'est envoyer le patient vers des charlatans ? 
Des études récentes ont montré qu'il valait mieux dire au patient qu'on lui prescrivait un placebo, cela pourrait augmenter son efficacité... et cela éviterait de mentir. Cela s'appelle le placebo "honnête".

Cette analyse (ICI) permet d'obtenir en fin de résumé un grand nombre d'essai sur le placebo "honnête".

Mark Rothko (1903-1970)



287. Quand l'industrie paye des cancérologues, ça sert à quelque chose.


L'article est ICI.

L'industrie du cancer n'est pas que philanthropique.

Quand elle donne de l'argent aux oncologues elle en tire un retour sur investissement.

Les médecins à fort DPI (nombre de déclarations publiques d'intérêts protestent pourtant de leur indépendance).

Conclusion de l'article : 

Dans le cadre de certains scénarios les paiements des médecins par l'industrie sont associés à la prescription de molécules non recommandées ou de faible valeur. Ces résultats soulèvent des préoccupations concernant la qualité des soins liée à des relations financières entre l'industrie et les médecins.







288. Qu'est-ce qui ne va pas avec le tramadol ? Beaucoup de choses. C'est une drogue dure.





Je vous propose de lire ce fil de David Juurlink, extrêmement documenté : LA.

Je ne vous rappelle pas qu'en tapant "tramadol" dans le moteur de recherche du blog vous trouverez de nombreux billets sur la question.




289. Le lithium est le meilleur traitement de la maladie bipolaire.

Voir l'article ICI

Attention, c'est une étude épidémiologique rétrospective sur fichiers électroniques ! Niveau de preuves : moyen.

C'est en Finlande.



Question : pourquoi le lithium n'est-il pas plus utilisé ?

290. Quand la MG choisie par le gouvernement dans la mission interministérielle "santé des soignants" ne va pas.

Marine Crest Guilluy est :

  • secteur 2
  • et voici son Doctolib :



mardi 13 novembre 2018

Placebo, effet placebo, granules, homéopathie, éthique, Assurance maladie.


Pour résumer de façon succincte et non exhaustive.
  1. La médecine "moderne", "scientifique" (et "occidentale") est fondée en théorie sur l'exigence de preuves qu'une procédure (une molécule seule ou associée, une intervention chirurgicale, une prise en charge kinésithérapique, un dispositif implantable, une mesure de dépistage, une mesure de prévention, un ou des soins, et cetera) est efficace et qu'elle présente un rapport bénéfice/risque acceptable. Ces preuves peuvent être apportées au mieux par au moins un essai contrôlé positif (mais il vaut mieux qu'il y en ait deux), c'est à dire randomisé, en double-aveugle, procédure active versus placebo (essais de supériorité) ou procédure active versus procédure ayant déjà fait la preuve de son efficacité (essais de non infériorité). 
  2. La médecine moderne évaluative date de 1948 quand a été publiée la première étude randomisée en double-aveugle streptomycine versus placebo dans l'indication tuberculose pulmonaire, Streptomycin treatment of pulmonary tuberculosis, dont les promoteurs étaient une structure publique.
  3. Il s'agissait de prendre en compte (et d'éliminer) l'effet placebo, c'est à dire d'identifier le "vrai" pouvoir thérapeutique d'une molécule active, toutes choses égales par ailleurs (1) (2) (3). Quelques précisions supplémentaires : (4)
  4. En 2018 aucun essai "granules homéopathiques versus placebo" n'a fait la preuve de l'efficacité des dites granules.
  5. La messe est dite
  6. Je vous épargnerai la fameuse, trop fameuse phrase : l'absence de preuve n'est pas une preuve d'absence.
  7. Du point de vue de la médecine moderne les granules homéopathiques, quelles que soient les indications thérapeutiques dans lesquelles ils sont proposés, peuvent donc être considérés comme des placebos purs
  8. Il paraît donc normal et licite que les granules homéopathiques ne soient plus remboursés par l'Assurance maladie.
  9. Ce qui est gênant est ceci : nombre de molécules, de procédures et/ou de soins, sont remboursés par l'Assurance maladie sans qu'ils aient été soumis à des essais contrôlés ou, plus grave, il arrive que des essais aient été menés et aient montré qu'ils n'étaient pas efficaces et il n'y a pas eu de déremboursement (5). Des chercheurs états-uniens et britanniques ont montré que seules 35 à 54 % des procédures thérapeutiques sont validées selon les critères de la médecine moderne (voir LA)
  10. On peut donc affirmer que l'utilisation de placebos en médecine est courante, qu'elle soit volontaire ou involontaire.
  11. L'utilisation des placebos impurs est rarement abordé. Les placebos impurs sont par exemple des antibiotiques prescrits pour des angines virales ou dans des bronchites sans facteurs de risque. Ce sont aussi des vitamines prescrites hors carence ou des fluidifiants bronchiques. Les placebos impurs sont aussi des molécules actives prescrites hors AMM dans des indications où des évaluations scientifiques n'ont pas été faites mais où des bruits de couloir parlent d'une efficacité (cf. infra point 18).
  12. La question n'est donc pas, comme il est lu ici ou là, de renoncer ou non à l'effet placebo en médecine car il est inhérent à la pratique médicale mais aussi à la pratique non médicale qu'elle soit sacrée ou non.  A partir du moment où une personne souffrante, malade décide de consulter un médecin, un non médecin ou un chaman, elle se livre, par conventions sociales, sociologiques,  religieuses, anthropologiques ou autres à l'effet placebo. C'est l'aspect contextuel de la recherche du soulagement ou de la guérison (ce que l'on appelle de façon contemporaine Les représentations collectives de la santé). Même s'il n'y a pas de prescription médicamenteuse.
  13. Renoncer à l'effet placebo serait aussi renoncer à l'efficacité globale des procédures actives (cf. supra le schéma en haut du billet) mais c'est bien entendu impossible puisque l'efficacité de tout geste de soins comprend l'effet placebo (même et surtout un simple contact physique empathique avec le patient).
  14. Donc, les homéopathes qui argumentent sur l'effet placebo que les médecins non homéopathes combattraient se trompent de cible. Tout comme les médecins non homéopathes qui leur répondent.
  15. Un des arguments "marronniers" des homéopathes, non démontré à ma connaissance, serait qu'il écoutent plus et mieux leurs patients que les autres. C'est introduire une nouvelle notion, celle du médecin médicament qui est une notion répandue chez tous les pourvoyeurs de soins (voir plus haut l'effet contextuel). Un analyste d'obédience freudienne, Michael Balint, souvent cité, peu lu, a mis à jour deux faits de ses observations tirées de la pratique de groupes avec des médecins généralistes, sur les interactions entre patients et médecins : a) le médecin considère souvent qu'il est le meilleur médicament pour son patient ; b) le médecin peut exercer un effet nocebo considérable sur ses patients. D'où l'intérêt des groupes Balint pour en discuter.
  16. Une incise : un placebo peut entraîner un effet nocebo. Les essais randomisés en apportent la preuve. Dans un essai placebo versus anti hypertenseur il existe des effets indésirables de la série cardiovasculaire dans le groupe placebo. Dans un essai placebo versus anti ulcéreux il existe des effets de la série gastroentérologique dans le groupe placebo. Ainsi, par un effet évident, les effets indésirables supposés de la molécule active sont attribués au placebo.
  17. Une autre incise : il est parfois très difficile de démontrer l'efficacité d'une molécule dans des domaines où il est reconnu que l'effet placebo en général, lié à la prescription on non d'une molécule active, est très élevé. L'effet placebo est en moyenne de 30 à 35 % mais il peut atteindre 75 à 80 % dans les pathologies anxieuses et/ou dépressives !
  18. La vraie question est celle-ci : Est-il éthique de prescrire un placebo à un patient en sachant qu'il s'agit d'un placebo ? (6)
  19. Répétons les propos de Howard M Shapiro qui me semblent fondamentaux : "... Je voudrais souligner plusieurs dangers liés à l'utilisation d'un placebo : cela pollue la relation médecin malade, cela accentue la relation asymétrique -paternalisme- existant entre les médecins qui savent et les patients qui souffrent, cela peut être médicalement dangereux -spécialement quand le but du médecin est de savoir si oui ou non le patient souffre d'une affection organique- et renforce l'arrogance du médecin, infantilisant les patients encore plus... Finalement nous avons à considérer ce qui peut être le plus grand danger pour le médecin, à savoir que donner un placebo pourrait lui donner une opinion encore meilleure de ses propres capacités à aider."
  20. En résumé : quand les homéopathes nous parlent de l'effet placebo, au lieu de leur répondre, "Ben, on est pareils", ce qui est vrai, il serait plutôt nécessaire de les (nous) interroger sur l'aspect éthique de la prescription d'un placebo.
  21. Ainsi, l'autre question cruciale est : les homéopathes sont-ils sincères en pensant ne pas prescrire un placebo ? (Il est probable qu'il est difficile de parler des homéopathes en général, certains étant exclusifs, d'autres prescrivant des procédures non homéopathiques en plus de leurs prescriptions de granules, d'autres ne le faisant qu'exceptionnellement, en appoint.)
  22. Faudrait-il qu'ils disent à leurs patients (comme cela a été suggéré par certains chercheurs à propos de placebos non homéopathiques - avouons que cette distinction ne manque pas de sel !) : Je vous prescris des granules homéopathiques qui n'ont pas fait la preuve de leur efficacité dans des essais contrôlés mais qui peuvent vous soulager.
  23. Et surtout : il existe un problème d'indications. Quand un homéopathe prescrit des granules pour soulager l'anxiété, ce n'est pas pareil que lorsqu'il prescrit d'autres (?) granules pour traiter un cancer.
  24. Ce qui sous-tend ceci : Est-il éthique de prendre en charge un patient dans une pathologie pour laquelle nous ne sommes pas capables de lui proposer des solutions répondant à l'Etat de l'Art actuel ?
  25. Pour terminer ce bref aperçu abordons la question suivante : Faut-il que les consultations faites par des homéopathes soient remboursées par l'Assurance maladie ? La réponse est compliquée :  les homéopathes purs sont des médecins qui prescrivent des placebos à des patients qui croient en l'homéopathie. Est-il contraire à l'éthique de prescrire des placebos granuleux dans des indications comme l'anxiété, le rhume ou l'insomnie ? Voir le point 18. Mais si les indications sont cancer, corps étranger intra trachéal ou vaccination contre la grippe, cela relève du Conseil de l'ordre des médecins.
  26. Enfin : l'homéopathie est une croyance à l'aune de ce que nous savons actuellement de la médecine moderne. Cette croyance est facile à combattre avec des arguments scientifiques, éthiques et pratiques. Il est en revanche plus difficile de lutter contre les croyances de la médecine académique. Mais c'est un autre sujet (cf. point 9).
  27. Quant aux laboratoires qui fabriquent des granules homéopathiques, c'est une histoire qui mériterait une enquête approfondie sur l'industrie pharmaceutique en général et sur la corruption des esprits en particulier.

Notes

(1) Iain Chailmers, un des fondateurs de la Collaboration Cochrane, en explique ICI les raisons. Pour les plus curieux l'étude de 1948 n'arrive pas comme un cheveu sur la soupe, elle a une histoire racontée brièvement par Bothwell et Podolsky dans le NEJM : LA.
(2) Rétrospectivement on peut dire que les promoteurs prenaient peu de risques... Pourtant, des cliniciens se sont cru obligés de le faire et ils ont eu raison.)
(3) Cette étude aurait pu être le modèle qui allait être suivi par tous et partout pour l'expérimentation et la commercialisation de nouvelles procédures. Mais ce n'est qu'en 1970 que la FDA a exigé ce type d'études et seulement pour les molécules, pas pour les procédures en général !
(4) Dans les essais cliniques randomisés en double-aveugle (et malgré toutes les critiques méthodologiques que l'on peut faire en général et selon les essais) les patients sont avertis qu'ils sont tirés au sort, et l'aspect des molécules (principe actif et placebo) est identique, ce qui évite en théorie l'effet médecin bien qu'il faille également prendre en compte l'effet centre (la structure dans laquelle le patient est reçu), l'effet boîte, l'effet couleur, bla bla bla, ce qui élimine également les effets classiques en médecine "ouverte" à savoir la régression à la moyenne, l'effet Will Rogers et le paradoxe de Simpson mais surtout l'effet Hawthorne (LA) : Les modifications des comportements naturels de sujets d'études en raison de leur participation à cette dernière peut entraîner une surévaluation des effets du traitement, en particulier dans le groupe contrôle
(5) De nombreux exemples contraires peuvent être trouvés mais il s'agit le plus de retraits du marché liés à des effets indésirables graves
(6) (http://www.bmj.com/cgi/content/full/337/oct23_2/a1938)
A peu près la moitié des internistes et des rhumatologues qui ont répondu à l’enquête (679 sur 1200 contactés, 57 %) rapportent qu’ils prescrivent des placebos de façon régulière (46 à 58 % selon les questions posées). La plupart des praticiens (399, 62 %) pensent que cette pratique est éthiquement admissible. Peu rapportent l’usage de comprimés salés (18,3 %) ou sucrés (12,2 %) comme traitement placebo alors qu’une large proportion rapporte l’usage d’analgésiques en vente libre en pharmacie (over the counter) (267, 41 %) et de vitamines (243, 38 %) comme traitement placebo durant l’année pasée. Une petite mais notable proportion de médecins rapporte l’usage d’antibiotiques (86, 13 %) et de sédatifs (86, 13 %) comme traitement placebo pendant la même période. Bien plus, les praticiens qui utilisent les traitements placebo les décrivent à leurs patients comme potentiellement bénéfiques ou comme non classiquement utilisés pour leur maladie (241, 68 %) ; très rarement ils les décrivent explicitement comme des placebos (18,5 %).

.

jeudi 6 novembre 2008

L'USAGE DU PLACEBO EN MEDECINE : UN DANGER POUR LE PRESCRIPTEUR


Une enquête récente publiée dans le British Medical Journal (http://www.bmj.com/cgi/content/full/337/oct23_2/a1938) montre ceci :
A peu près la moitié des internistes et des rhumatologues qui ont répondu à l’enquête (679 sur 1200 contactés, 57 %) rapportent qu’ils prescrivent des placebos de façon régulière (46 à 58 % selon les questions posées). La plupart des praticiens (399, 62 %) pensent que cette pratique est éthiquement admissible. Peu rapportent l’usage de comprimés salés (18,3 %) ou sucrés (12,2 %) comme traitement placebo alors qu’une large proportion rapporte l’usage d’analgésiques en vente libre en pharmacie (over the counter) (267, 41 %) et de vitamines (243, 38 %) comme traitement placebo durant l’année pasée. Une petite mais notable proportion de médecins rapporte l’usage d’antibiotiques (86, 13 %) et de sédatifs (86, 13 %) comme traitement placebo pendant la même période. Bien plus, les praticiens qui utilisent les traitements placebo les décrivent à leurs patients comme potentiellement bénéfiques ou comme non classiquement utilisés pour leur maladie (241, 68 %) ; très rarement ils les décrivent explicitement comme des placebos (18,5 %).
Commentaires : des "spécialistes" utilisent largement les traitements placebos sans se poser trop de questions existentielles. Moi-même, dans ma pratique de médecin généraliste, j'utilise parfois des placebos purs (vitamines ou fluidifiants bronchiques par exemple) mais aussi des placebos impurs (antibiotiques dans des affections virales ou antidépresseurs dans des affections neuropathiques) pour des raisons qui ont été largement décrites par la littérature : manque de temps, difficultés à expliquer, découragement, abus de pouvoir, lassitude, croyance dans ma personne comme médicament -cf. Balint-, et cetera. Mais je ne suis pas dupe.
Je vous propose la traduction d'une lettre que j'ai écrite et qui a été éditée dans le British Medical Journal en mai 2008.

Les dangers du placeboLes tenants et les aboutissants de l'usage du placebo en médecine sont malheureusement oubliés par les médecins, surtout quand il s'agit d'essais cliniques contrôlés (1). Ainsi, je voudrais souligner plusieurs dangers liés à l'utilisation d'un placebo : cela pollue la relation médecin malade, cela accentue la relation asymétrique -paternalisme- existant entre les médecins qui savent et les patients qui souffrent, cela peut être médicalement dangereux -spécialement quand le but du médecin est de savoir si oui ou non le patient souffre d'une affection organique- et renforce l'arrogance du médecin, infantilisant les patients encore plus. Citons Howard M Shapiro : "Finalement nous avons à considérer ce qui peut être le plus grand danger pour le médecin, à savoir que donner un placebo pourrait lui donner une opinion encore meilleure de ses propres capacités à aider."(2)

Dangers of placebo
The ins and outs of placebo use in medicine are unfortunately forgotten by doctors, especially when controlled clinical trials are concerned.1 So I would emphasise several dangers of placebo use: it spoils the doctor-patient relationship, enhances the asymmetric relationship—paternalism—between physicians who know and patients who suffer, can be medically dangerous—especially when the doctor’s aim is to determine whether patients have an organic disease—and strengthens medical arrogance, infantilising patients even more.
To quote Howard M Shapiro: "Finally we have to consider what may be the greatest danger of all for the physician, that giving a placebo will give him an even higher opinion of his own abilities to help."2

Competing interests: None declared.
References
(1) Spiegel D, Harrington A. What is the placebo worth? BMJ 2008;336:967-8. (3 May.)[Free Full Text]
(2) Shapiro HM. Doctors, patients, and placebos. Yale: Yale University Press, 1986.
CONCLUSION : ce n'est pas parce que les traitements placebo ont toujours été utilisés qu'il ne faut pas se poser de questions sur leur utilité morale et surtout sur leur rapport bénéfices / risques.
(A suivre)

L'illustration vient d'ICI, un article intéressant mais pas convaincant en tous ses aspects.

vendredi 14 juin 2019

Répondre à Luc Perino.

PLACEBO 1966


La tribune qu'a publiée Luc Perino dans le journal Le Monde, Déremboursons plus que l'homéopathie, pose d'énormes questions et les réponses de l'auteur paraissent pour le moins curieuses et problématiques. Voici La Tribune : LA.

Luc Perino prend prétexte de la tribune des 124 (ICI) demandant le déremboursement de l'homéopathie et d'autres babioles (vous verrez ce que j'en ai pensé LA) pour développer ses idées.

Il tire trois conclusions de la tribune des 124, je cite (en italique) : 
  1. Le remboursement doit être basé sur des preuves rigoureuses d'efficacité
  2. La comparaison à un placebo suffit à l'élaboration de ces preuves
  3. L'effet placebo ne relève pas de la solidarité nationale
Il est possible que les signataires de la tribune soient d'accord avec ces pré-requis...

Luc Perino décline ensuite de façon jusqu'au-boutiste cette argumentation et en tire des conclusions qui ne laissent pas de me surprendre.


La proposition 1. semble faire l'unanimité.
Qui pourrait penser que l'on puisse rembourser des pratiques médicales et non médicales, des pratiques de soins pour simplifier, qui ne soient pas efficaces ? 

Pourtant, ce n'est pas aussi simple que cela.

Considérons qu'à partir d'aujourd'hui ne soient remboursées que les pratiques de soins qui sont efficaces, que fait-on de celles qui sont déjà remboursées et qui n'ont pas encore prouvé leur efficacité  ? On les dérembourse en bloc ? C'est, me direz-vous, ce qui passe avec l'homéopathie. Mais que de difficultés pour cette pratique particulière qui n'entre pas dans le cadre de la science ! Quand on va s'attaquer à des molécules d'usage commercialisées par de grands groupes ce ne sont pas les experts Boiron qui vont monter au créneau. Et nul doute que les patients vont hurler au scandale  en disant : " La sécu ne rembourse plus rien !"

Par ailleurs, au delà des preuves d'efficacité à obtenir, il s'agit de définir a priori les preuves d'efficacité sur lesquelles se fonder pour décider de l'efficacité.

Prenons un simple exemple dans le domaine cardiovasculaire : les molécules qui obtiennent  (ou qui ont obtenu) l'Autorisation de Mise sur le Marché dans l'indication "Traitement de l'hypertension artérielle essentielle", sic, comme si l'hypertension artérielle était une maladie, ont fait la preuve, sans doute versus placebo, qu'elles faisaient baisser significativement la pression artérielle par rapport à un placebo. Mais combien d'entre elles, individuellement, et pas par effet de classe thérapeutique ou par effet de classe pharmacologique, sont capables de produire des essais montrant une baisse significative de la morbi-mortalité ? On peut en effet légitimement considérer que la pression artérielle est un critère de substitution.
Nous savons depuis un certain temps (2003) que l'utilisation des beta-bloquants en première ligne dans le traitement de l'HTA n'était pas fondée en termes de morbi-mortalité (étude LIFE) mais qu'ils faisaient baisser la pression artérielle autant que les sartzas, par exemple. Rappelons-nous également l'étude ALLHAT (en 2002) qui a détruit définitivement les alpha-bloquants dans le traitement de l'hypertension (voir LA).

Faut-il dérembourser toutes les molécules qui n'ont pas satisfait aux critères énoncés ?

Cela ferait du bruit.

Il existe des centaines de domaines, hors HTA, où l'on pourrait s'engager.

La proposition 2. est plus problématique.
La comparaison à un placebo suffit pour renseigner le point 1. Comme le souligne Luc Perino 90 % des molécules du Vidal n'ont pas satisfait à ce critère (il exagère sans doute), il faudrait donc, pour qu'elles ne soient pas considérées comme des placebos, et donc déremboursées, qu'elles soient soumises à des essais cliniques contrôlés. 

Qui va se lancer dans un truc pareil avec le prix de vente dérisoire  de certaines gouttes nasales et le coût pharamineux des essais cliniques ?

On a vu que la pénurie en France de prednisone, de prednisolone et/ou de betamethasone est probablement liée à leur prix de vente ridiculement bas.

Dans certains cas, quand il existe une ou des molécules qui ont fait la preuve de leur efficacité un essai contre placebo ne se justifie pas : il faut comparer la molécule entrante au produit de référence avec des critères méthodologiques validés. Je n'entrerai pas dans le détail des essais de non infériorité (qui ne sont pas tous critiquables), des essais où les critères d'efficacité sont biaisés dès la conception du protocole, des essais statistiquement significatifs mais cliniquement aberrants, des essais menés sur des critères de substitution, notamment en oncologie où les deux critères majeurs, sauf exceptions, il y en a toujours, devraient être la survie globale et la qualité de vie...

Mais surtout (et Luc Perino en parle) : quid des procédures ou des soins ou des matériels pour lesquels il n'est pas possible de mener un essai contrôlé en utilisant un placebo ? 

Prenons l'exemple de la psychothérapie. Est-il possible de mener un essai versus placebo en double-aveugle (avec un faux psychologue, de faux concepts ?). Les spécialistes vont nous dire qu'en psychologie clinique des essais ont été menés et sont significatifs. Mais pas des essais versus placebo.
Prenons l'exemple de la kinésithérapie. Existe-t-il des essais électrodes actives versus électrodes inactives ? Existe-t-il des essais massages transverses profonds versus faux massages transverses profonds ?

Prenons l'exemple des cures thermales. J'ai lu ici et là des essais qui montrent bla bla bla, mais ce ne sont pas des essais contrôlés en double-aveugle versus placebo.

Prenons l'exemple des prothèses de hanche, des pace-makers : vous voyez l'affaire...

(Je n'ai pas bien compris pourquoi, au bout du compte, Luc Perino finissait pas dire que les seuls essais interprétables devraient se faire placebo versus placebo... Ainsi les homéopathes pourraient-ils mener des essais de non infériorité granules homéopathiques versus placebo "neutre")

La proposition 3. est sans doute originale mais pose des problèmes compliqués.
On comprend que les placebos ne devraient plus être remboursés par l'assurance maladie. Les placebos ou les procédures placebos.

Prenons la proposition au pied de la lettre en poussant le raisonnement jusqu'au bout. Un essai molécule active contre placebo permet de vérifier le supplément d'âme du médicament par rapport à l'effet placebo.

Ainsi, pour pousser le paradoxe jusqu'au bout, si l'on considère que l'effet placebo constaté des molécules actives à visée anti dépressive varie entre 50 à 70 %, la solidarité nationale ne devrait rembourser que 50 à 30 % du prix demandé par le fabricant. C'est à dire la véritable activité de ces molécules.

A contrario il n'est pas besoin de faire un essai versus placebo pour savoir si des verres correcteurs permettent de mieux voir : les verres correcteurs devraient donc être remboursés à 100 %

Mais là où Luc Perino fait l'âne pour avoir du son, c'est quand il dit que les placebos ne devraient être remboursés que par les mutuelles... Oublie-t-il que les mutuelles a) sont devenues obligatoires, b) qu'elles sont des sociétés à but lucratif, c) et que leur tarif dépend de ce qu'elles remboursent ?

Donc : l'assurance maladie ne rembourse que les soins qui ont fait l'objet d'essais contrôlés versus placebo significatifs et les mutuelles le reste (en cessant d'être obligatoires).

Mais Luc Perino ne dit pas cela : "Osons séparer franchement le financement des soins entre le domaine régalien et le domaine marchand. Réservons au financement public les soins de proximité, la traumatologie, les urgences médicales et chirurgicales, la protection maternelle et infantile, l’obstétrique, la périnatalité et les agonies terminales. Et laissons au domaine privé toute la pharmacologie, placebo ou non, d’exception ou de routine, de pointe ou non."

Et là il dit n'importe quoi.

Quand il affirme que "Les autorités sanitaires n'ont plus les moyens de s'opposer aux lobbys", c'est terrible. Quand il écrit que "Les patients sont devenus les marionnettes de l'industrie et leurs associations sont les suppôts naïfs de l'industrie" il y va fort.

Tout au plus pourrait-on insinuer que la médecine à deux vitesses serait vraiment instituée : les procédures validées pour tout, le charlatanisme pour les riches.

La publication récente d'un article remettant en cause 396 traitements à partir de 3000 publications d'essais randomisés dans les Big 3 de l'édition mondiale à savoir JAMA, NEJM et Lancet arrive à point nommé : ICI.

En réalité si on voulait tirer des conclusions en mixant la tribune de Luc Perino à celle des 124, cela pourrait conduire à ceci :

  1. On remet en question le remboursement par la branche maladie de toutes les molécules, de toutes les procédures (de chirurgie, de psychothérapie non médicamenteuse, de kinésithérapie, de soins), de tous les matériels, de tous les programmes de prévention, de dépistage et autres qui n'ont pas fait la preuve de leur efficacité versus placebo
  2. On refuse toute nouvelle procédure qui n'a pas fait la preuve de son efficacité sur des critères pré-établis reposant sur le principe général des essais contrôlés.
  3. On supprime le ticket modérateur pour toutes les procédures validées dans un système où l'assurance maladie est le payeur unique.
  4. On renvoie aux assureurs le remboursement des soins non encore validés selon les critères préalablement établis et on supprime les mutuelles obligatoires.

Chiche ?

PS. Article paru le 21 juin 2019 dans le JIM : ICI.



dimanche 25 mars 2018

L'homéopathie, la médecine sans les preuves qui cache la forêt de la mauvaise médecine.

Henri II guérissant des écrouelles

La pétition de 124 médecins contre les Fake Médecines suscite énormément de commentaires. Vous lirez la pétition  ICI.

(Attention : le 4 mai 2021 je constate que le site sur lequel était publié la pétition des 124 a été supprimé. Pourquoi ? Les signataires avaient balayé à l'époque les arguments avancés ici ou là sur le fait qu'il y avait plus important que l'homéopathie en santé publique. L'arrivée du Covid et du professeur Raoult l'ont confirmé. Ils avaient également affirmé haut et fort que leur combat contre l'homéopathie n'était qu'un début. C'était une fin.)

Je n'ai pas signé cette pétition.

Pour de mauvaises raisons, sans doute.

La plus mauvaise raison est celle-ci : je ne pense pas que l'homéopathie soit un problème majeur de santé publique. La réponse que l'on m'a faite : "Il faut bien commencer par quelque chose."

Pas par ça.

La meilleure raison : je ne suis pas certain que mes fesses soient assez propres pour monter au cocotier.

L'homéopathie est le bouc-émissaire facile (pas si facile que cela d'après les réactions) de la mauvaise médecine.

Combattre l'homéopathie est scientifiquement juste mais la tribune n'est pas juste avec la médecine en général.  Elle s'attaque à une pratique infondée et magique comme si la médecine académique n'était pas, elle-aussi, (très) souvent infondée et magique.

La pétition ne rend pas compte de la pratique réelle de la médecine en général et comment elle s'inscrit dans le contexte général du consumérisme sociétal au double sens du terme : sociologique (la société de consommation) et libéral (la consommation comme moteur du capitalisme). Avec comme corollaire :  la satisfaction du client. La médecine moderne, non homéopathique ou pas, suggère aussi qu'il est possible de tout traiter. Cette sur promesse hédoniste (je n'ai pas le temps ici de parler du refus de la mort dans les sociétés modernes) fait le lit de la magie.

L'autre mauvaise raison est que l'on met les doigts dans un engrenage terrible.

Pour la première fois à ma connaissance ce sont les prescripteurs qui sont attaqués. Nommément. Tous les homéopathes sont des charlatans.

Dans l'affaire Mediator on avait attaqué Mediator, on avait attaqué Servier (en préservant d'ailleurs les autres firmes), on avait vaguement attaqué les autorités réglementaires, on avait soigneusement préservé les prescripteurs (ces pauvres prescripteurs qui ne pouvaient pas savoir ce qu'ils faisaient).

Ici, il est demandé que les médecins homéopathes purs (des médecins qui ne pratiquent que l'homéopathie) et impurs (des médecins qui utilisent aussi l'homéopathie dans leur pratique) soient frappés d'interdiction professionnelle.

Pas moins.

La pétition fait aussi appel au serment d'Hippocrate (elle oublie de nous préciser de quelle version il s'agit car lorsque l'on invoque, je cite, "un des plus anciens engagements éthiques connus", s'agit-il de celui qui mentionnait l'interdiction de l'avortement ?) et au Conseil de l'ordre des médecins comme garant de son application.

Est-ce une rigolade ?

Comme il faut que je me justifie, on pourrait m'accuser d'être un suppôt des homéopathes purs et impurs, de Boiron et consorts, voici quelques données simples :
  1. L'homéopathie est une croyance.
  2. Une croyance datée.
  3. L'homéopathie a été initiée en 1796. En opposition à la médecine traditionnelle. Il est vrai qu'il était possible d'être déçu, à cette époque, par les thérapeutiques inexistantes, je ne parle pas que des lavements et des saignées. Rappelons que le fondateur de l'homéopathie, Samuel Hanhemann, est mort en 1843. La lecture des traités de thérapeutique traditionnelle en 1843 ne manquerait pas de faire également rire.
  4. La médecine d'alors était essentiellement magique, issue du chamanisme, du dieu médecin et ne pouvait prétendre à une quelconque scientificité.
  5. Nombre d'homéopathes purs et impurs disent la messe (prescrivent) mais ne croient plus depuis longtemps (j'ai des exemples dans mon coin de transformation des obésologues, mediatoro-prescripteurs, qui sont devenus homéopathes comme ils étaient mésothérapeutes, tisanothérapeutes, naturopathes et autres billevesées). Ils préfèrent prescrire un placebo pur plutôt qu'un placebo impur.
  6. Le dé remboursement de l'homéopathie est donc une option raisonnable.
  7. Son non enseignement dans les Facultés de médecine paraît tout aussi justifié.


Je voulais vous faire partager cette video (watch) qui critique la pétition : je ne sais pas qui se "cache" derrière, je ne sais pas si la jeune femme est médecin, marchande des quatre saisons ou ingénieure, mais elle dit beaucoup de choses justes (et certaines choses fausses).

Revenons à la pétition.

L'homéopathie est une cible que je croyais facile, trop facile. Pratiquée par des médecins, non étayée par des essais modernes (contrôlés), vaguement sectaire, je me demandais qui elle pouvait bien attirer.

Les réactions ont été curieuses. Démesurées. Irrationnelles.

Il n'est pas étonnant que les homéopathes se défendent. Il n'est pas surprenant qu'ils utilisent des arguments peu étayés leur permettant d'éviter le point central : l'homéopathie n'a rien démontré scientifiquement parlant.

Finalement, ce sont les réactions des non homéopathes, des médecins médiatiques, des pharmacologues médiatiques, pro, sympathisants ou tolérants à l'égard de l'homéopathie, qui justifient a posteriori l'intérêt de cette pétition. Elles permettent de souligner que la pensée magique n'est pas seulement homéopathique. En résumé : les Kierzek et compagnie (Chast et consorts) prétendent que cela ne peut pas faire de mal, que les homéopathes prennent plus de temps avec leurs malades, les écoutent mieux, et cetera.

Mais le plus intéressant n'est pas là : les pétitionnaires contre l'homéopathie utilisent des arguments à son égard, des arguments "justes" a priori, qui sont le reflet d'une dissonance cognitive avancée car ces arguments s'appliquent parfaitement à leurs (nos) propres pratiques.

Mais pas que des arguments justes. Il est écrit dans la pétition "Les thérapies dites "alternatives" sont inefficaces au delà de l'effet placebo, et n'en sont pas moins dangereuses". Vraiment ? Cela signifierait-il que l'effet placebo serait non dangereux ?

Ce qu'on peut le plus reprocher à un médecin c'est de prescrire un placebo en sachant que c'est un placebo ! Qu'il soit pur (des granules homéopathiques) ou impur (des antibiotiques pour traiter une rhino-pharyngite). J'écrivais ceci en répondant à un confrère : "La prescription d'un placebo (pur ou impur) est une rupture du pacte de confiance avec le patient puisqu'on lui ment sciemment ; que lui répondrez-vous quand il vous demandera à quelle classe thérapeutique ou pharmacologique il appartient ? Que penserez-vous de lui quand il "répondra" au placebo ? On ne peut plus écrire des ordonnances sans expliquer au patient quel est le but de cette prescription. ... Quand vous avez devant vous un patient venant de chez un autre médecin qui réagit, par exemple, au magnesium vous en penserez quoi ? Vous serez content pour lui, pour vous ou vous le regarderez comme un demeuré ? ... Prescrire un placebo, enfin, c'est tourner le dos au questionnement EBM, c'est considérer le patient comme persona non grata dans la démarche thérapeutique. Tout au plus peut-on dire à un patient à qui on prescrit un placebo, que notre geste est irraisonné, magique, que cela marche parfois et que l'on peut faire le pari que cela marchera dans ce cas précis et contre toute attente. (je rajoute ceci : des études ont montré que dire au patient qu'on lui prescrit un placebo "marche" aussi). Il ne faut pas confondre prescrire un placebo et profiter de l'effet placebo pour renforcer les effets déjà démontrés d'une molécule." Voir ICI pour le billet. Dans le cas des homéopathes purs ou impurs il y a un doute : certains pensent qu'ils ne prescrivent pas un placebo. Quant à la démarche d'aller consulter un médecin homéopathe elle contient l'effet placebo en elle-même... puisqu'il s'agit d'une croyance.

Le schéma suivant, archi connu, est éclairant.



Pas que des arguments justes. Prétendre que l'homéopathie, seule, conduit à "sur médicaliser la population en donnant l'illusion que toute situation peut se régler avec "un traitement"", c'est un peu fort de café ! Comme si la médecine traditionnelle, comme si les médecins traditionnels ne faisaient pas la même chose ! Les médecins sont partout dans les médias à donner des conseils normatifs, comment être un bon père, une bonne mère, comment donner le biberon ou ne pas le donner, comment faire son deuil, comment faire l'amour, comment ne pas prendre de poids, comment ne pas avoir d'enfants ou comment en avoir, maigrir ou grossir, comment dépasser une déception amoureuse, comment ne pas souffrir de la prostate, du dos, du petit doigt...

Il s'agit, comme le disait Ivan Illich, de la médicalisation de la santé. On disait jadis "Tout est politique" on dit désormais "Tout est médical."

Oui, l'homéopathie exclusive est dangereuse car elle peut faire croire que des granules peuvent guérir des non maladies, des états anodins et, surtout, que ces granules magiques pourraient venir à bout des inégalités sociales et comportementales (il y a un lien d'intérêt entre les deux) qui sont la source majoritaire des "vraies" maladies dont on souffre et dont on meurt, il suffit de comparer les courbes d'espérance de vie dans les sous-groupes populationnels professionnels et genrés, il suffit de jeter un oeil sur la mortalité infantile dans le département 93. Mais la médecine non homéopathique agit-elle autrement ?

Oui, l'homéopathie est très dangereuse aussi quand elle prétend (mais ce sont des ultra minoritaires) guérir des cancers, par exemple. Il faut la dénoncer et dénoncer les médecins inscrits à l'Ordre qui se comportent de cette façon.

Pas que des arguments justes.
"Exiger de l’ensemble des soignants qu’ils respectent la déontologie de leur profession, en refusant de donner des traitements inutiles ou inefficaces, en proposant des soins en accord avec les recommandations des sociétés savantes et les données les plus récentes de la science, en faisant preuve de pédagogie et d’honnêteté envers leurs patients et en proposant une écoute bienveillante."

Ce paragraphe est incantatoire. Les pétitionnaires ont certainement rédigé dans la foulée une tribune contre la faim dans le monde, pour la disparition de la misère, contre le plafond de verre, et cetera.

La réalité est la suivante : la médicalisation de la santé, ce n'est pas seulement prescrire des médicaments, c'est aussi prescrire des examens complémentaires inutiles, c'est aussi céder à l'Eglise de Dépistologie (dépistage organisé du cancer du sein, dépistage sauvage du cancer de la prostate, frottis du col utérin tous les ans, mammographies avant 50 ans, et cetera), céder à la tentation de la fabrication des maladies (alias disease mongering) en étendant le champs des critères, des indications, en exagérant la dangerosité de ces dites maladies, suivre les recommandations fallacieuses des sociétés savantes et des agences gouvernementales polluées par l'argent de l'industrie et par la bêtise académique (la lecture de la revue Prescrire critiquant les guides HAS serait la bienvenue, la lecture des actions du Formindep se battant contre la corruption des agences gouvernementales serait elle aussi utile)... Faire preuve de pédagogie c'est aussi introduire la décision partagée, ce qui semble être une démarche surhumaine pour nombre de non homéopathes (quant aux homéopathes ils ne peuvent partager que leurs croyances avec leurs patients), faire preuve d'honnêteté, c'est aussi ne pas mentir aux patients sur ses conditions de survie en cas de maladies mortelles, c'est aussi parler des effets indésirables des traitements non seulement dans les maladies mortelles mais aussi dans les maladies chroniques, c'est aussi ne pas proposer que de la médecine mais des soins de support, du social, et cetera.

Nul doute que les pétitionnaires et les non pétitionnaires sont d'accord avec cela, je n'en doute pas. Mais l'homéopathie et les homéopathes sont bien loin.

Les commentaires de défense, les éléments de langage, des pro pétitionnaires, les plus mis en avant sont ceux-ci : la médecine non homéopathique, contrairement à l'homéopathie, prend acte des données de la science. Mon oeil.

Je vous invite à lire, en anglais, les livres d'Adam Cifu et Vinay Prasad (Ending médical reverse) et de Jeanne Lanzer (The danger within us). Dans le premier livre les deux auteurs voudraient que l'on en termine avec l'instauration trop rapide de standards thérapeutiques non fondés sur des preuves afin que l'on n'ait pas à revenir en arrière, non parce que les données de la science auraient changé mais parce qu'il n'y avait pas de données scientifiques à l'origine pour les instaurer. Dans le second livre l'auteure rapporte combien les dispositifs médicaux aux Etats-Unis (ce n'est pas le cas chez nous, rassurez-vous) font l'objet de peu d'essais d'efficacité et de sécurité avant leur implantation et combien les industriels sont favorisés par la loi contre les poursuites pénales. C'est effarant.

Ce qui est intéressant dans le livre de Cifu et Prasad c'est de compter les jours, les semaines, les mois, les années, qui s'écoulent entre le moment où un traitement, une procédure, un examen sont considérés comme inefficaces et/ou dangereux et le moment où ils sont réellement abandonnés par les praticiens non homéopathes. Les données de la science, disiez-vous ? Faisons des paris à propos de l'étude Orbita (ICI) : 100 ans pour que l'on arrête de stenter des patients qui n'en ont pas besoin ? Quand abandonnera-t-on le dépistage organisé du cancer du sein en France ? Quand les médecins cesseront-ils de prescrire des prétendus médicaments anti Alzheimer et avant même qu'ils ne soient déremboursés ?

J'ai des centaines d'exemples.

J'espère donc que la pétition, va continuer de faire son bonhomme de chemin à la télévision, sur les réseaux et qu'elle va finir par exploser à la figure de la médecine tout entière.

Mais cela n'arrivera pas.

Le tribunal intérieur des bonnes manières va envoyer ses injonctions afin de sauver le bébé, c'est à dire cette terrible médecine néo-libérale objet asservi et bientôt e-connecté au complexe santéo-industriel.

Car n'oubliez pas que l'industrie pharmaceutique, aux Etats-Unis, fournit plus d'argent aux politiciens que la trop fameuse NRA, elle s'appelle la PhRMA. Croyez-vous qu'elle le fasse pour des raisons philanthropiques ? Voir LA. Elle salarie 2 lobbyistes par membre du congrès et elle a dépensé en 2016 152 millions de dollars pour influencer la législation et 32 seulement pour les campagnes électorales.

Je soulignerai enfin que le mot patient n'apparaît pas une seule fois dans cette pétition.

C'est, comment dire, symptomatique.

Alerte enlèvement à 23H17 : Christian Lehmann me signale que le mot patient est présent dans le texte. Dont acte.

L'honneur est sauf.


PS
Pour écouter des signataires de la pétition (Christian Lehmann LA et Matthieu Calafiore ICI)

Le JIM commente : ICI.

PS. Martine Bronner nous livre une réflexion éclairante sur ce sujet. Balancée et juste. Voir LA.



dimanche 28 juin 2009

NOMBRE DE MALADES A TRAITER : LES ILLUSIONS DE LA MEDECINE GENERALE PRATIQUEE DANS SON COIN

Nous abordons ici un cas pratique de statistiques que j'ai trouvé dans le British Medical Journal et qui doit être envisagé sous l'angle de la médecine générale, le seul angle qui nous intéresse ici.

Un cas qui illustre les impasses de la méthode intuitive isolée non accompagnée de solides références bibliographiques (et statistiques). Le principe de l'Evidence Based Medicine (Médecine par les preuves) en quelque sorte qui devrait associer expérience personnelle, dernier état des connaissances et... Valeurs et préférences des patients !

Un cas qui souligne le fait que la médecine générale ne peut se cantonner à la seule expérience personnelle qui n'est souvent que le reflet d'une méconnaissance de l'expérience des autres, fût-elle isolée ou regroupée en essais cliniques contrôlés associée, surtout, à l'illusion que chaque thérapeute se fait de ses propres qualités (l'ego).

Un cas qui nécessite de s'interroger sur l'effet placebo comme nous l'avons déjà fait sur ce blog : L'USAGE DU PLACEBO EN MEDECINE : UN DANGER POUR LE PRESCRIPTEUR


Voici ce cas :

Deux semaines après l'entrée dans un essai clinique visant à traiter les symptômes d'une infection pulmonaire 25 % des patients recevant un placebo contre 15 % des patients recevant un antibiotique sont encore symptomatiques.

Question : quel est le nombre de patients qu'il faut traiter par antibiotiques pour supprimer les symptômes à 15 jours ?
La réponse est 10. Cela signifie, dans ce cas, qu'il faut traiter au moins dix patients par antibiotique pour obtenir un bénéfice chez un patient supplémentaire par rapport à ceux qui auraient été améliorés par le placebo.
(Cela laisse rêveur et cela doit être interprété en d'autres circonstances en fonction de la gravité de l'affection et / ou aux effets indésirables graves du traitement.)
Mais venons-en à ce qui m'intéresse le plus : 1,18 (soit 1/0.85) est le nombre de patients qu'il faut traiter si l'on ignore le taux de disparition des symptômes dans le groupe placebo. En d'autres termes il faut traiter 118 patients par antibiotiques pour que 100 soient améliorés ! C'est le "taux de guérison" éprouvé par les cliniciens en pratique car, hormis les essais cliniques, il est rare que les médecins prescrivent un placebo à 50 % de leurs malades !
Cet exemple d'une grande banalité signifie que les praticiens ont bien raison d'être contents d'eux dans leur pratique quotidienne car ils ne sont pas confrontés à l'effet placebo qui pourrait les voir reconsidérer non leurs choix thérapeutiques mais leur efficience véritable.
Deux applications :
  1. Prescrire un placebo dans une affection qui guérit toute seule procure beaucoup de satisfaction personnelle : antibiotiques dans la rhionopharyngite !
  2. Prescrire un traitement actif dans une affection qui guérit toute seule est encore plus démonstratif : prostatectomie dans le cancer de la prostate
Bonnes réflexions !

PS du 16 juin 2016 : le nombre de patients à traiter dans un article lumineux. ICI.