dimanche 8 mars 2009

FAUT-IL OU NON TRAITER LE DIABETE OU LE MIEUX EST-IL L'ENNEMI DU BIEN ?

La vieille certitude médicale, toujours moins, est-elle en train de voler en éclat ? Le traitement du diabète sucré est-il à la croisée des chemins ?
Depuis de nombreuses années il était acquis que moins l'HbA1C (un marqueur glycémique) était élevée et plus les patients diabétiques étaient protégés des complications macro et microangiopathiques. Trois études parues cette année semblent dire le contraire.

Les faits.
Contrairement à toutes les idées reçues et malgré le nombre colossal de malades diabétiques dans le monde, une seule étude contrôlée existait dans la littérature mondiale montrant des bénéfices à traiter les patients diabétiques : l'UKPDS ou United Kingdom Preventive Diabetes Study (1) ! Et l'étude date de 1998 !

Qu'est-ce qu'on en apprenait au bout de dix ans ?
  1. Que les nouveaux patients diabétiques traités par sulfamide hypoglycémiant et par insuline avec comme objectifs glycémiques à jeun respectivement 1,08 et 1,26 g/l a permis de réduire non significativement les complications de la microangiopathie (et notamment le recours à la photocoagulation rétinienne : - 25 %) par rapport à un groupe témoin.
  2. Que chez les patients en surpoids (traités surtout par metformine) il y avait en plus réduction (non significative) des complications de macroangiopathie et de mortalité.
  3. Enfin, dans les groupes contrôle strict l'HbA1c était en moyenne de 7 % contre 7,9 dans le groupe contrôle.

Un certain nombre de chercheurs se sont posé la question : ne faut-il pas, pour mieux contrôler les complications du diabète, augmenter les exigences et abaisser l'objectif de contrôle de l'HbA1c ?

La réponse est non.
Trois études sont parues récemment :
  1. ACCORD (Action to Control Cardiovascular Risk in Diabetes : 10251 patients, âge moyen = 62 ans, durée moyenne de la maladie = 10 ans, suivi moyen = 3,5 ans) (2) n'a pas montré de diminution du risque d'infarctus non fatal, d'AVC non fatal ni de mort pour cause cardiovasculaire dans le groupe où la moyenne de l'HbA1c était de 6,4 contre 7,3 % dans l'autre groupe. En réalité l'essai a été arrêté avant son terme en raison d'un excès de mortalité dans le groupe intensif.
  2. ADVANCE (Action in Diabetes and Vascular Diseases : 11140 patients, âge moyen = 66 ans, durée moyenne de la maladie = 10 ans, suivi moyen = 3,5 ans) (3) a trouvé une petite réduction de tous les événements dans le groupe strict (6,4 % versus 7,3 % dans l'autre groupe) largement due à la réduction (- 21 %) de la néphropathie (nombre de nouveaux cas de microalbuminurie) mais sans effets sur la macroangiopathie.
  3. VADT (étude chez les militaires vétérans américains : 1791 patients, âge moyen = 60,5, durée moyenne = 5,6 ans) (4) n'a montré aucune différence significative entre le groupe intensif (6,9 %) et le groupe normal (8,4 %).
Ces trois essais vont dans le même sens : un contrôle plus strict de l'HbA1c chez des patients présentant un diabète de type 2 évoluant depuis des années et notamment en l'abaissant en dessous de 7 % :
  1. Ne diminuent pas les complications cardiovasculaires.
  2. S'accompagnent d'une augmentation du nombre des accidents hypoglycémiques
  3. Entraînent une augmentation des coûts : soit en raison du passage à l'insuline (dosages de la glycémie capillaire) ou en raison de la prescription d'un antidiabétique en plus pour atteindre les objectifs
  4. Pourraient entraîner un excès de mortalité.
Mais il y a eu la publication des résultats de la prolongation de l'UKPDS (étude non contrôlée) ; 3277 patients, âge moyen à l'entrée dans l'essai = 54 ans ; durée de suivi 10 + 7 ans) (5) qui ont montré que les patients qui étaient bien contrôlés pendant la première année, même si les traitements initiaux n'étaient pas maintenus, tiraient un certain bénéfice par rapport à ceux qui n'avaient pas eu un contrôle strict. Mais cette étude a un très faible niveau de preuves.

Qu'en conclure ?
  1. Que le mieux est l'ennemi du bien ?
  2. Que les nouveaux patients (comme dans l'étude UKPDS) doivent être particulièrement suivis, éduqués, traités et qu'il est nécessaire de comprendre que la durée est un élément essentiel de leur maladie et qu'il est peut-être possible, notamment chez les patients en surpoids, de diminuer les complications macroangiopathiques ?
  3. Que les patients déjà traités depuis des années et qui présentent des HbA1c élevées (> 10 %) sont particulièrement à risques et qu'il est nécessaire de tenter quelque chose ?
  4. Que chez les patients déjà traités depuis des années, avec des antécédents d'hypoglycémie sévère, et/ou avec une espérance de vie mimitée, et/ou avec des complications macro et microangiopathiques déjà sévères et/ou des comorbidités importantes et/ou des diabètes pour lesquels il paraît difficile de changer et les habitudes de vie et les traitements, il est nécessaire de ne pas se fixer des objectifs trop drastiques ?

FINALEMENT :
  1. Première étape : conseils d'hygiène de vie + metformine
  2. Deuxième étape : ajouter sulfamides hypoglycémiants et / ou insuline si nécessaire
  3. Troisième étape : passer à l'insuline ou intensifier l'insuline
  4. Quatrième étape : pas d'autres produits car non validés sauf cas exceptionnels.





Références

(1) UKPDS Group. Intensive blood-glucose control with sulphonylureas or insulin compared with conventional treatment and risk complications in patients with type 2 diabetes. Lancet 1998;352:854-65.
(2) Action to Control Cardiovascular Risk in Diabetes Group. Effects of intensive glucose lowering in type 2 diabetes. NEJM 2008;358:2545-59
(3) ADVANCE Collaborative Group. Intensive blood glucose control and vascular outcomes in patients with type 2 diabetes. NEJM 2008;358:2560-72
(4) Duckworth W et al. Glucose control and vascular complications in veterans with type 2 diabetes. NEJM 2009;360:129-39
(5) Holman R et al. 10-year follow-up of intensive glucose control in type 2 diabetes. NEJM 2008;359:1577-89

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Hélas, tout ce qui est dit ici est faux. Les ADO et de l'insuline dans le DT2 n'ont prouvé que leur capacité à diminuer l'HbA1c. Le niveau de preuve de l'efficacité de la metformine ne repose que sur un seul bras de l'étude UKPDS34 (1998) : étude dont les biais sont nombreux (cf Article de la Revue Médecine : le côté obscur d'UKPDS). Surtout, si on fait la méta-analyse de toute les études disponbles sur la metformine, on démontre l'absence de preuve de son efficacité. (Article à paraître in Plos Medicine 2012). Toute la communauté médicale a cru voir dans la metformine le traitement de référence, ce qui n'est pas le cas. Et vous pensez bien que si la metformine n'a pas prouvé son efficacité rigoureusement, le glibenclamide (dont la soi disant efficacité est sortie d'UKPDS34) non plus...
Le diabète de type 2 n'est pas une affaire d'hyperglycémie, en tout cas pas prioritairement.
Rémy Boussageon

JC GRANGE a dit…

Merci pour ce commentaire. Il est vrai que l'étude UKPDS est très controversée. Mais il semble pourtant que son enseignement soit celui-ci : il faut mettre le paquet avec la metformine en début de traitement.
J'ai moi aussi critiqué ces études. Je crois pourtant que l'on fait moins de mal en prescrivant la metformine et le glibenclamide qu'en utilisant d'emblée les nouvelles molécules...
Prévenez-nous dès que l'article Plos sera disponible.

Anonyme a dit…

L'article vient de paraître.
http://www.plosmedicine.org/article/info%3Adoi%2F10.1371%2Fjournal.pmed.1001204

Bonne lecture
RB

JC GRANGE a dit…

Merci, RB, pour cet article.
Je suis le premier à critiquer les données de l'UKPDS pour de "bonnes" raisons qui sont méthodologiques. Mais il n'en est pas moins vrai que nombre de rédacteurs de l'article ont des intérêts avec des firmes qui aimeraient bien que la metformine soit enterrée... Je m'en tiens donc à la metformine jusqu'à plus ample informée et au glibenclamide, bien entendu.