mercredi 7 juin 2023

Un congrès à Chicago (ASCO ou American Society of Clinical Oncology) : Salon VIP. 2.

Un congrès à Chicago (ASCO 2023)

2

Salon VIP


Le salon Air France a autant de charme qu’un décor Ikea revisité par un Finlandais : sa seule fonction est de faire croire aux passagers de la première classe et de la classe affaire qu’ils sont des privilégiés par rapport à ceux de la classe éco, alias classe bestiaux, et non de simples vaches à lait des compagnies aériennes. Gers apprécie d’en être, ce qui est le but recherché. 

Des cadors de l’oncologie français sont déjà là en train de consommer et de s’autoadmirer parce qu’ils en sont. Gers vient saluer avec prudence et respect ceux qu’il connaît, sachant que sa carrière est peut-être en train de se dessiner dans cette zone VIP d’aéroport où il y a quand même un peu plus de science que dans un cabinet d’ostéopathe. Dans un coin il y a aussi quelques alter ego avec lesquels il fraternise plus facilement et, pour certains et certaines avec très peu de franchise tant l’hypocrisie est de mise en ce milieu où les prétendants sont nombreux et les places très chères.

A trente-et-un ans Pierre Gers a fait un début de carrière éclair. N’étant issu ni d’une famille de médecins, ni d’une famille de hauts fonctionnaires pas plus que d’une famille ayant de quelconques relations dans et avec la médecine, il a eu la chance d’être adopté par un des grands patrons de la cancérologie française qui, lassé qu’on lui reproche de n’avoir jamais d’assistants goys, a pris Gers sous sa coupe non sans avoir noté qu’il était plutôt vif, intelligent et volontiers compliant pour populariser urbi et orbi son service comme le meilleur du monde (personne ne rit). 

Chef de clinique et bientôt PU-PH Gers a toutes les qualités du bon gendre, ce qui n’est bien entendu pas au programme de son patron, avec son air de beau gosse blond à la frange retombant sans cesse sur son œil droit, frange qu’il ramène en arrière soit par un délicat mouvement de tête, soit d’une main douce, les yeux bleu vert, une taille respectable, un mètre quatre-vingt-quatre, sportif comme pas deux et svelte comme une figure de mode. Le fait qu’il parle anglais couramment avec un accent français à peine perceptible favorise ses échanges internationaux et le rend indispensable quand il faut communiquer aux étrangers incultes et demeurés l’excellence de l’oncologie française dans la langue véhiculaire de la médecine, l’anglais scientifique, et dans la langue vernaculaire de l’oncologie, l’anglais dithyrambique.

Aucun masque dans la pièce fermée malgré la queue de la pandémie Covid qui continue de sévir un peu partout dans le monde. Une endémie mondiale s’est installée et certaines personnes ont déjà reçu leur huitième dose d’ARN messager avec des taux d’anticorps ridicules qui frisent ceux des immunodéprimés après plusieurs cures de chimiothérapie. Mais personne ne semble plus s’en émouvoir tant l’enthousiasme de la reprise des affaires a envahi la planète. 



(Le chapitre précédent : LA)

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