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jeudi 4 juin 2009

CANCER DE LA PROSTATE : NE PAS DEPISTER !

La Revue Prescrire dans son numéro 308 de juin 2009 [LRP 2009;29(308):437-43] enfonce le clou :

En mai 2009, un dépistage systématique du cancer de la prostate, par dosage du PSA ou toucher rectal, n'est pas justifié.

Nous vous avions entretenu ici du fait qu'au delà de 75 ans il n'était même pas besoin d'en parler, puis nous avions commenté les deux grandes études américaine et européenne, et, enfin, nous avions souligné combien le rapport parlementaire Debré était un faux scientifique.

Il est désormais possible de disposer d'un grand nombre de sources argumentées pour défendre ce point de vue.

Il est malheureux de penser que ce sont les médecins eux-mêmes qui sont les plus mal informés sur les données de la science.

Le fait d'être un spécialiste aggrave encore plus le cas : les urologues, les oncologues, les radiologues, les radiothérapeutes, sont, dans l'immense majorité des cas favorables à un dépistage. Il existe quelques exceptions dans chacune de ces spécialités mais elles sont rares.

Bravo !

vendredi 10 avril 2009

CANCER DE LA PROSTATE : QUAND LE PROFESSEUR BERNARD DEBRE S'EN MELE

Le cancer de la prostate est un sujet trop sérieux pour être confié aux urologues.

Nous vous avions indiqué dans un article récent que les deux dernières études (l'une américaine, l'autre européenne) publiées sur l'intérêt du dépistage systématique du cancer de la prostate n'apportaient rien de nouveau : il n'était toujours pas nécessaire de le faire.

Mais c'était sans compter avec le grand professeur Debré, illustre chef de service d'urologie (on rappelle ici que le président Mitterrand n'a pas été opéré par lui mais par le professeur Steg dans son propre service), qui vient de présenter, sous l'égide de l'OPEPS (Office Parlementaire d'Evaluation des Politiques de Santé), un rapport qui tend à vouloir, contre toute évidence scientifique, généraliser le dépistage de masse du cancer de la prostate par le dosage du PSA (Prostate Specific Antigen).

Le Professeur Debré ferait simplement pitié si ce rapport ne reflétait pas l'état déliquescent de la Société Française dont les mammelles sont le copinage et l'acoquinage et, dans le cadre plus particulier de la Santé, à la puissance quatre.

Pour une lecture d'une critique argumentée de ce rapport qu'il est possible de télécharger, je vous conseille de vous diriger sur le site du docteur Dominique Dupagne où l'auteur fait une analyse saisissante des incohérences, des approximations et des mensonges colportés par l'OPEPS via le professeur Debré.

Voici quelques données que l'on peut tirer de cette affaire :

  1. Une mission parlementaire est confiée à un homme, le professeur Bernard Debré, qui est connu pour ses positions a priori en faveur du dépistage de masse du cancer de la prostate (conflit d'intérêt intellectuel).
  2. C'est à l'Association Française d'Urologie, dont Bernard Debré est membre, que l'on confie l'enquête. Cette association d'urologues français est connue elle-aussi pour ses prises de position extrêmistes dans le domaine du dépistage de masse du cancer de la prostate et ses "Recommandations" sont elles-aussi connues pour être en désaccord avec celles de la Haute Autorité de Santé, et de l'Institut national du Cancer, Recommandations qui devraient faire autorité en France. Rajoutons qu'à part l'American Urological Association, aucune société savante urologique dans le monde ne préconise non plus le dépistage de masse... (Conflit d'intérêt intellectuel et financier).
  3. Le rapport est commenté de façon généralement très favorable dans la presse médicale et grand public et les "journalistes" français, médicaux ou non, se contentent des déclarations de Bernard Debré pour faire leur opinion et celle de leurs lecteurs. En France le journalisme médical d'investigation n'existe pas ou de façon sporadique.
  4. Le rapport de l'OPEPS est globalement un tissu de mensonges. Nous avons commenté ici les deux études dont il fait mention et souligné combien l'étude européenne était imparfaite et l'étude américaine convaincante pour continuer de ne rien faire et pourtant Bernard Debré, mentant comme un arracheur de prostate, en tire des conclusions opposées. Il oublie en particulier de dire que les cas français ont été enlevés de l'analyse finale. Notre bonté d'âme nous interdit d'en donner les raisons (incompétence ?).
  5. La mission parlementaire a confié aux seuls urologues le soin d'évaluer leurs propres pratiques sans tenir compte des critiques formulées par des experts en Santé Publique comme le professeur Gérard Dubois ou l'épidémiologiste Catherine Hill
  6. Où sont indiqués les conflits d'intérêt du professeur Debré ? Où sont indiqués les conflits d'intérêt de l'AFU ?
En conclusion : Il est fort peu probable que ce rapport finisse par faire autorité mais que d'efforts pour le critiquer ! Sa simple lecture permet de se rendre compte de sa fausseté scientifique et nous espérons que l'Université Française, que les Autorités Académiques se réveilleront afin que l'on puisse dire à propos de l'OPEPS, à l'instar de Cornelius Castoriadis à propos de l'URSS, cinq lettres, cinq mensonges.

dimanche 22 mars 2009

CANCER DE LA PROSTATE : TOUJOURS NE PAS DEPISTER

Deux études viennent de paraître en même temps dans le dernier numéro du New England Journal of Medicine. Leurs résultats semblent contradictoires. En réalité, il n'en est rien. Les deux études indiquent que le dépistage universel du cancer de la prostate par le dosage du PSA n'apporte pas grand chose en termes de diminution de la mortalité dans les dix premières années de dépistage. Nous vous avions déjà entretenu ici sur le fait qu'au delà de 75 ans il n'était ni recommandé ni nécessaire de doser le PSA. Mais la vraie question n'est pas : est-ce que le dépistage du cancer de la prostate par le PSA est efficace ? La vraie question est : est-ce que cela apporte plus de bien que de mal ? L'étude européenne (European Randomised Study of Screening for Prostate-Cancer - ERSPC) indique clairement qu'il faut proposer le dépistage à 1410 hommes et proposer un traitement à 48 autres pour éviter UN cancer pendant une période d'observation de dix ans. Avec un surdiagnostic de 50 % ! Quant à l'étude américaine (PLCO : Prostate, Lung, Colorectal and ovarian Cancer Screening Trial) si elle n'a pas la puissance de déceler des différences, entre les groupes dépistés ou non, elle permet avec certitude d'indiquer le mal qu'elle produit au travers des diagnostics par excès. Avec un surdiagnostic de 22 % ! L'étude américaine montre également la tendance suivante : chez les hommes de plus de 69 ans, la mortalité augmenterait avec le dépistage. Méfions-nous des déclarations fracassantes des urologues français ! Si la mortalité a pu être abaissée de 20 % entre le groupe dépisté et le groupe non dépisté, cela représente, étant donnée la faible fréquence de mortalité par cancer de la prostate dans les populations à l'essai : - 0,71 mort pour 1000 patients pendant une période de neuf ans. Et au prix de 17000 biopsies prostatiques ! Rappelons également que dans l'étude américaine la mortalité par cancer de la prostate était de 2 pour 10000 personnes par année (50 décès) dans le groupe détecté et de 1,7 (44 décès) dans le groupe non détecté. En conclusion : le dialogue semble être la chose la plus importante dans les cabinets médicaux. Les médecins doivent expliquer la situation à leurs patients et leur faire comprendre que le dosage du PSA peut les faire entrer dans une zone d'incertitude avec biopsies prostatiques annuelles, angoisse, effets indésirables (impuissance, incontinence, complications de la chimiothérapie et / ou de la radiothérapie) et, finalement, sans espoir clair d'allonger leur espérance de vie. Mais nous y reviendrons. Références. Je me suis donc inspiré du NEJM du 18 mars 2009 qui a publié les deux essais sus-cités et un éditorial de Michael Barry.

jeudi 11 décembre 2008

PAS DE DOSAGE DU PSA CHEZ LES HOMMES DE PLUS DE 75 ANS !

De plus en plus de médecins savent combien le dépistage universel du cancer de la prostate par le dosage du PSA chez les hommes de plus de 50 ans n'a pas montré un rapport bénéfices / risques documenté.



Néanmoins, une majorité de médecins, semble-t-il, continuent de doser le PSA chez leurs patients à partir de l'âge de 50 ans dans le but de rechercher un cancer de la prostate.



Les raisons en sont multiples : la demande des patients relayée par la grande presse et par des médecins soit influencés soit de bonne foi ; le chantage au cancer : comment pouvez-vous ne pas rechercher un méchant cancer et le laisser évoluer ? ; le risque médicolégal : refuser de doser le PSA alors qu'on découvrirait ensuite un cancer ; le poids des habitudes : la prévention considérée comme un des Beaux-Arts en médecine ; la pression des urologues et de l'AFU qui recommande le dépistage malgré les recommandations contraires de l'AFSSAPS ; une méconnaissance des études épidémiologiques et des enjeux de la Santé Publique.
Que se passe-t-il chez les Américains ?
L'USPSTF (US Preventive Services Task Force), un organisme indépendant mandaté par le Congrès Américain, vient de modifier ses recommandations.


Jusqu'à présent, l'USPSTF indiquait que "the current evidence is insufficient to assess the balance of benefits and harms of prostate cancer screening in men younger than age 75 years" [les données actuelles sont insuffisantes pour apprécier le rapport bénéfices / risques du dépistage du cancer de la prostate chez les hommes de moins de 75 ans].


Aujourd'hui l'USPSTF ajoute : "Il est désormais recommandé de ne pas dépister le cancer de la prostate chez les hommes de 75 ans et plus."

Screening for prostate cancer: U. S. Preventive Services Task Force recommendation statement. Ann Intern Med 2008;149:185-191. [Free Full Text]
Pourquoi ce changement d'attitude ?
Nous reprenons une analyse faite par Michael Barry et publiée dans le New England Journal of Medicine : http://content.nejm.org/cgi/content/full/359/24/2515?query=TOC
Les arguments :
1) Dans le seul essai clinique randomisé comparant les effets de la prostatectomie à l'expectative armée (ma traduction de 'watchful waiting') chez les hommes présentant un cancer localisé de la prostate, le bénéfice de la prostatectomie a été statistiquement significatif à douze ans mais avec une différence absolue de 5,4 % sur la seule mortalité due au cancer de la prostate. Cet essai signifie qu'il faut réaliser 18 prostatectomies radicales pour prévenir un décès dû au cancer de la prostate sur une période de douze ans.

Bill-Axelson A, Holmberg L, Filén F, et al. Radical prostatectomy versus watchful waiting in localized prostate cancer: the Scandinavian Prostate Cancer Group-4 randomized trial. J Natl Cancer Inst 2008;100:1144-1154. [Free Full Text]
2) Mieux encore : dans cet essai scandinave, des analyses de sous-groupes ont montré (alors qu'aucun patient de plus de 75 ans n'avait été inclus) que seuls les patients de moins de 65 ans pouvaient tirer bénéfice de la prostatectomie totale, je le rappelle seulement sur le critère mortalité liée au cancer de la prostate.
3) Il faut noter également que seuls 10 % des patients de cet essai scandinave avaient été détectés par le biais du dosage du PSA. Ainsi, et ce point est capital pour ceux qui attendent de l'essai PIVOT des "preuves" sur la pertinence de la détection du cancer de la prostate par le biais du dosage du PSA et de son traitement, les résultats de cet essai (US Prostate Cancer Interventional versus Observation Trial) risquent d'être décevants puisque les trois-quarts des patients seront inclus sur la base de la détection : il existe un délai de 5 à 10 ans entre la détection d'une anomalie du PSA et sa manifestation clinique ; et surtout il existe un risque important de surdiagnostic de cancer à partir d'"anomalies" du PSA. Les résultats de l'étude PIVOT ne sont pas attendus avant 2010.
4) Pour en revenir aux hommes de plus de 75 ans : il est probable qu'il leur faudra plus de dix ans pour bénéficier d'éventuels avantages en terme de mortalité prostatique (cf. le délai entre l'"anomalie" du PSA et les manifestations cliniques). Et encore : une étude a montré que sur 1000 hommes de plus de 75 ans non fumeurs 19 mourront de leur prostate à dix ans contre 430 d'autres causes !

Welch HG, Schwartz LM, Woloshin S. Prostate-specific antigen levels in the United States: implications of various definitions for abnormal. J Natl Cancer Inst 2005;97:1132-1137. [Free Full Text]
5) Alors que les bénéfices de la détection diminuent avec l'âge, les risques augmentent.
- Le taux de PSA est très fortement âge-dépendant et, quel que soit le seuil de PSA choisi, les hommes seront plus à risque à la fois de subir une biopsie prostatique et de se faire diagnostiquer un cancer de la prostate.
- Par exemple, avec un seuil de PSA de 4 ng/ml, respectivement 6%, 21 % et 28 % des hommes subiront une biopsie prostatique selon qu'ils sont soixantenaires, septuagénaires ou octogénaires !
- Le dosage régulier du PSA double le risque que les hommes se voient diagnostiquer un cancer de la prostate sur une période de dix ans mais nombre de ces cancers ne se seront pas manifestés cliniquement.
- Il faut aussi savoir que le risque de cancer de la prostate est aussi dépendant de l'âge (augmente considérablement avec l'âge)
- Et enfin : les risques de décès post-opératoire et de complications de la prostatectomie radicale sont eux-aussi liés à l'âge et suraugmentés à partir de 75 ans.

Begg CB, Riedel ER, Bach PB, et al. Variations in morbidity after radical prostatectomy. N Engl J Med 2002;346:1138-1144. [Free Full Text]
En conclusion : les recommandations américaines sont claires : pas de dosage du PSA chez les hommes de plus de 75 ans !
Quant aux essais en cours à venir aux Etats-Unis (the Prostate, Lung, Colorectal, and Ovarian, or PLCO, Cancer Screening Trial), en Europe (the European Randomized Study of Screening for Prostate Cancer, or ERSPC), et en Grande-Bretagne (Prostate Testing for Cancer and Treatment, or Protect) ils n'apporteront rien de nouveau sur les hommes de plus de 75 ans puisqu'ils n'en incluent aucun !
Résultats dans cinq ans pour les deux premiers.
Thanks to Michael Barry who is always relevant to address controversial medical issues.