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jeudi 30 novembre 2017

Ending medical reversal / Pour en finir avec les volte-face thérapeutiques en médecine


Je suis en train de lire Ending Medical Reversal de Vinayak Prasad et Adam Cifu dont je vous ferai sans doute un compte rendu complet. Et élogieux (j'ai des réserves sur certains points, bien entendu).

Les volte-face thérapeutiques ne sont pas ce que nous croyons intuitivement, c'est à dire, pour résumer : il existe des pratiques médicales que nous abandonnons parce qu'il est démontré ensuite qu'elles sont inefficaces ou parce que la science a trouvé mieux d'un point de vue efficacité et/ou conceptuel. Un exemple ? Un nouvel anti hypertenseur prouve qu'il fait aussi bien sur les chiffres tensionnels que le précédent mais il montre également qu'il protège la santé du patient : moins d'AVC, moins d'infarctus, et cetera. On peut dire que les données de la science ont évolué parce que le nouveau critère n'est plus Baisse de la pression artérielle mais protection cardiovasculaire.

Pour les deux auteurs, en finir avec les volte-face thérapeutiques signifie qu'il faut agir en amont pour éviter que des pratiques médicales ne deviennent la règle alors qu'elles n'ont pas démontré leur efficacité.

Ils insistent également sur ceci : quand il est démontré qu'une pratique largement répandue, et depuis de nombreuses années et sur des milliers ou des centaines de milliers de malades, n'est pas plus efficace qu'un placebo, elle n'est pas toujours abandonnée immédiatement. Pourquoi ?

Ils insistent encore sur ceci : quand il est avéré qu'une pratique fait plus de mal que de bien (le dépistage du cancer du sein par mammographie chez les femmes entre 40 et 49 ans) il est difficile de l'abandonner comme ça. On ne se demande pas pourquoi on l'a instituée mais comment on va faire pour la désinstituer sans perdre la face.

Mais il ne faut pas croire que cela n'arrive qu'aux autres, que cela n'est le fait que des institutions ou que c'est à cause de l'industrie pharmaceutique ou de l'industrie des matériels ou des méchants experts.

Je vous donne des exemples tirées de ma pratique.

Lors de mon installation en septembre 1979, mon dernier poste était Faisant Fonction d'Interne dans un service de neuro-chirurgie : les PL étaient mon domaine, et cetera. J'aimais bien manier les aiguilles.

Eh bien, au cabinet, j'ai très rapidement pratiqué des épidurales dans l'indication sciatique, des injections intra-articulaires de corticoïdes dans les genoux (comme d'ailleurs des infiltrations extra-articulaires : tendinite de la patte d'oie), et des infiltrations extra-articulaires des coudes (épicondylites). J'ai aussi infiltré des canaux carpiens, des aponévrites plantaires, et cetera. Sans oublier, et nous en reparlerons sans doute, les infiltrations intra et extra articulaires de l'épaule.

Aujourd'hui je ne pratique plus d'épidurales, non pour d'initiales raisons scientifiques mais parce qu'il y a déjà très longtemps j'avais vu que mon assurance civile professionnelle ne me couvrait pas. Je ne pratique plus d'injections intra articulaires dans le genou pour des raisons légales et pour des raisons scientifiques : cela ne "marche" pas. Je ne pratique plus, ou presque, d'infiltrations des épicondyliens après que j'ai expliqué au patient.e quels étaient les résultats à un an (autant de malades douloureux et impotents que les patient.e.s aient ou non été infiltré.e.s).

Je raconte cela avant-hier à l'un de mes collègue spécialiste. Il me dit ceci : il y a dix ans j'ai vu un orthopédiste qui m'avait demandé de le rappeler dans la semaine pour me faire opérer d'un ménisque. Je ne l'ai jamais rappelé. Je n'ai plus mal depuis dix ans. Je lui réponds ceci : il y a 9 ans j'ai fait une sciatique L4L5 hyper algique. Mes amis généralistes, rhumatologues, neurologues, tout le monde m'a dit que je devais me faire opérer. J'ai résisté. Aucun traitement antalgique ne me soulageait. J'ai tout arrêté. Je me suis arrêté de travailler huit jours. Mes muscles fondaient. Un collègue radiologue m'a infiltré dans l'espace foraminal (des études récentes ont montré que cela n'avait pas montré son efficacité) et 36 heures après je reprenais le travail. Un collègue médecin du sport m'a félicité de ne pas m'avoir fait opérer et il m'a donné des conseils d'auto kinésithérapie. J'ai un peu forcé et j'ai récupéré mon jambier antérieur en trois jours (et accessoirement mon quadriceps homolatéral car l'atteinte radiculaire était mixte). Je continue à faire du sport.

Ainsi, dans mon cabinet, et au delà des problèmes légaux, j'exerçais des pratiques qui n'avaient pas fait la preuve de leur efficacité mais qui me paraissaient intuitivement justifiées : Ego Based Medicine. Cela me valorisait, j'obtenais des résultats (rappelons que l'effet placebo est en moyenne de 30 % quelle que soit la pathologie et que dans le domaine de l'antalgie il peut atteindre 70 à 80 %), les gens se donnaient le mot, et cetera.

Je suis revenu en arrière.

Mais, je le rappelle, j'ai fait volte-face non parce que des pratiques justifiées ont été invalidées par la science et sont devenues injustifiées mais parce que des pratiques injustifiées ont été confirmées dans leur injustifiabilité.

La critique principale est celle-ci : s'il avait fallu attendre des justifications scientifiques pour l'utilisation de l'aspirine dans les céphalées ou en prévention cardiovasculaire on aurait laissé souffrir et/ou mourir beaucoup de gens. OK. Mais c'est aussi l'exception.


Voilà un début d'introduction à ce livre que je vous conseille d'acheter.