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dimanche 20 octobre 2024

A quoi servent les recommandations si elles sont biaisées (méthodologie insuffisante et conflits d'intérêts) ? A propos d'Antibioclic.



Un article paraît sur l'évaluation (la validation interne) des recommandations en infectiologie (Antibioclic) dont le but essentiel est la prescription (ou non) d'antibiotiques dans le cadre des soins primaires (ICI).


Les résultats sont atterrants (corruption la méthodologie, corruption des auteurs des recommandations).


Un des signataires de l'article, Rémy Boussageon, pose les questions suivantes sur X : 


Il se trouve que Florian Zores publie 2 articles sur la prise en charge de l'HTA à partir de Recommandations élaborées par des sociétés savantes de cardiologie.

Le premier article (LA) parle du diagnostic.


Et le second (ICI) de la prise en charge.


Florian Zores aborde le problème de la validation interne et de la validation externe des études et souligne la complexité des mesures et de leur interprétation ainsi que du faible niveau de preuves des chiffres seuils.

Je fais quelques commentaires en élargissant le débat : ICI.



Et voilà que paraît un article (LA) qui compare la façon de mesurer la pression artérielle selon la position du bras.

Et l'on est ahuri tant les différences dans les résultats des mesures dépendent de facteurs dont on n'entend jamais (ou si peu) parler dans les études épidémiologiques ou dans les essais thérapeutiques en fonction de la position du bras du patient, de sa position, de son état, et cetera. Ces différences peuvent paraître à la fois importantes et mineures mais les conséquences de ces approximations de mesures peuvent influencer la vie tout entière de millions de patients à travers le monde en fonction des seuils d'intervention établis. 


On est typiquement dans le cas, avec l'Hypertension Artérielle, d'une affection courante

selon l'Observatoire de la médecine générale en 2009, l'HTA est en France le premier motif de consultation en médecine générale, soit 14,8 % (LA)



d'une affection mesurable par la prise de la Pression Artérielle qui est en théorie un geste simple

Il existe des recommandations concernant la prise de la pression artérielle dans le cabinet d'un médecin généraliste ou d'un spécialiste, recommandations largement diffusées que tout professionnel de santé délivrant du soin devrait connaître. Qui les connaît vraiment ? Qui les respecte vraiment ?

Je google-ise à la volée sur la façon de mesurer la pression artérielle : 


La HAS (ICI).


Cardio Online (LA) qui "représente" la SFC (la société française de cardiologie)

L'article est volumineux, il y a 2 lignes sur la méthode de la prise de la PA


La SFHTA (ICI) ou Société Française de l'HTA

Il y a 13 recommandations dont 7 sur la mesure courante de l'HTA.

La recommandation 5 est vague


Le site RecoMédicales (LA) ne représente que lui-même mais arrive en position 4 d'une Recherche Google !

Peu informatif.

Un document lunaire de l'Assurance Maladie (ICI) :


Une source belge, Louvain Médical, (LA), qui ne parle pas du tout des techniques de mesure.

Tout le monde s'en fout : on est en plein dans le vieux sketch de Fernand Raynaud : "Combien de temps l'affût du canon met-il à se refroidir ? - Un certain temps." Fermez le ban.




Revenons à l'essentiel.

1. Pour une pathologie aussi fréquente que l'HTA les recommandations pour mesurer la pression artérielle sont relativement précises mais quand même relativement floues : types de brassard, position du patient, façon de noter les mesures consécutives, interprétation des résultats.

2. L'imprécision sur la méthodologie de la mesure de la PA n'est rien quant aux valeurs (fluctuantes) épidémiologiques retenues pour les mesures de prédiction et les mesures d'intervention. Elles sont même non mémorisables si l'on ne dispose pas de prise de décision automatisée.

3. Sans oublier les études cliniques dont la taxonomie des preuves selon leur poids et, plus particulièrement, les conditions de mesure de la PA, sont éminemment critiquables tout autant que les résultats obtenus... 

4. Sans oublier le contexte des scores de risque cardiovasculaires qui sont des modélisations à partir de chiffres vagues dont on ne connaît pas la simple reproductibilité.

5. Le résultat de tout cela : de très nombreuses personnes (pas encore patientes ou patients) entrent sans doute dans la catégorie des sudiagnostics : ils sont traités pour une HTA qui n'aurait jamais fait parler d'elle avant la mort du ou de la patiente.

Bref : 

1. Une étude remet en cause la méthodologie et les conflits d'intérêts qui permettent à Antibioclic de recommander en infectiologie communautaire.

2. Rémy Boussageon, signataire de l'article, pose la question de savoir s'il vaut mieux suivre des recommandations biaisées que de ne pas les suivre du tout.

3. La question subsidiaire est celle-ci : si vous savez que les recommandations sont biaisées, les suivrez-vous quand même ?


Commentaires personnels : 

1. Pour ce qui est d'Antibioclic, il vaut mieux que cela existe plutôt que cela n'existe pas.

2. Mon expérience des médecins praticiens montre que les médecins qui connaissent l'existence de recommandations et les utilisent (le % vient de chuter prodigieusement) sont plutôt les plus à même de moins prescrire de C3G dans l'angine.

3. Les médecins qui utilisent les recommandations de façon automatique se facilitent la vie et se posent moins de questions que certains autres.

4. Les médecins qui ne savent même pas qu'antibiollic existe ont une MSP à Lascaux (dans les grottes).

5. Il existe peu de médecins qui appliquent à la lettre les recommandations quand ils les connaissent : ils profitent de leur liberté individuelle et du manque de contrôle de leurs activités. Et peut-être, soyons optimistes, de la spécificité du malade qu'ils ou elles ont dans leur cabinet. Mais il est toujours possible que le contrôle soit fait par des incompétents en méthodologie ou par les personnes qui ont écrit, commandité ou réalisé les recommandations avec des liens/conflits d'intérêts patents.

6. Tout est dans tout et réciproquement.


En conclusion, que répondez-vous aux 2 questions posées par Rémy Boussageon ?

dimanche 13 octobre 2024

Quelques informations pratiques pour la médecine praticienne : Antibioclic, la prévention, c'est pas le dépistage, syndrome de sevrage des antidépresseurs.


1. Antibioclic : attention, gardons l'esprit critique.

Nous savions déjà : 

  • Il vaut mieux préférer un médecin praticien qui utilise Antibioclic qu'un praticien qui ne l'utilise pas. 
  • Il vaut toujours mieux suivre des recommandations, fussent-elles erronées, corrompues ou promotionnelles que de suivre ses propres recommandations fondées sur son seul ego (l'expérience interne).
  • Il existe (encore) des médecins prescripteurs d'antibiothérapie qui n'utilisent jamais Antibioclic, voire même qui n'en connaissent pas l'existence
  • Il existe effectivement un problème avec Antibioclic lié à des conflits d'intérêts potentiels et à un manque de réactivité (constaté) par rapport à la littérature.
  • Il faut pouvoir adapter en fonction des circonstances particulières mais sans retomber dans les erreurs de l'ego.




Nous apprenons à partir de cet article :

  • Sur 43 recommandations de pratique clinique (RPC) analysées en fonction d'un score de fiabilité agrégant "rigueur de développement" et "indépendance éditoriale" et considérées comme fiables si elles atteignent un seuil de 60 %
  • 1 RPC obtenait les 60 % pour le premier critère
  • 3 RPC obtenaient les 60 % pour le deuxième critère
  • et 1 seule RPC atteignait 60 % pour le critère composite.

Pas fameux.

Une revue de littérature était mentionnée pour 10 RPC (23,3 %)

La conclusion est claire : il existe un manque de qualité lors du processus d'élaboration des recommandations françaises en infectiologie pour les soins primaires.





2. Le Ministère de la Santé est en roue libre : attention, la prévention, ce n'est pas le dépistage.

Voici un avis sur X du Ministère de la Santé et de l'Accès aux soins.


Notez la deuxième phrase : La prévention, c'est aussi le dépistage.

On pourrait en rire s'il ne s'agissait d'une idiotie sans nom.

Définition de la prévention (selon l'Académie de médecine) : 

Ensemble des moyens médicaux, médicosociaux et sanitaires destinés à prévenir la survenue d’une maladie  (prévention primaire) ou à en empêcher sa propagation (prévention secondaire).

Définition du dépistage (selon l'Institut National du Cancer) : 

Recherche d'une maladie chez une personne en bonne santé apparente avant l'apparition de tout symptôme.

Je ne vais pas vous citer pour la énième fois 1984 Orwell.


Si !

Bon, on passe.

Non, on ne passe pas. Voici le complément du message sur X.


J'ai déjà répondu 100 fois sur ce blog.

Vous pouvez aussi trouver des informations sur le site Cancer Rose : LA.

Rappelons : 

  • Un cancer du sein diagnostiqué à la mammographie évolue déjà depuis 10 ans
  • Un cancer du sein détecté à un stade précoce peut être un surdiagnostic, c'est à dire un cancer indolent (gentil, pas méchant, dont la femme ne souffrira jamais) et/ou un pré-cancer (gentil, pas méchant, dont la femme ne souffrira jamais)
  • Ne pas parler de la possibilité de surdiagnostics et de surtraitements dans le cadre du dépistage peut être considéré comme une violence faite aux femmes.
  • Des références sur le surdiagnostic (il y en a des centaines) peuvent être consultées ICI sur le site Cancer Rose



3. Les 2 meilleures façons de prévenir le syndrome de sevrage lié à l'arrêt des antidépresseurs

Premièrement : lire l'article de Stéphane Korsia-Meffre sur le site Vidal : LA



Quelques réflexions 

  • Selon les essais entre 26 et 86 % des patients chez qui on arrête le traitement sont sujets à un syndrome de sevrage

  • S'agit-il d'un syndrome de sevrage ou d'une rechute de la dépression ? 

  • Il est curieux de constater que ce syndrome a longtemps été nié par les psychiatres.

  • Il est tellement nié qu'ils donnent désormais des conseils pour y échapper.

Deuxièmement : ne pas prescrire d'antidépresseurs quand il n'en faut pas. Prévention quaternaire !