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dimanche 14 janvier 2024

Bilan médical du lundi 8 janvier au dimanche 14 janvier 2024 : prévention morale quaternaire, l'hospitalo-centrisme, maladie infantile de la Santé publique, allergie à l'iode, Harmonie, loi inverse des soins, DSM-5 corrompu, le petit p, entorse latérale de cheville.

On est désolés. Si on avait su que tu deviendrais une écrivaine, nous aurions été de meilleurs parents. 
Le titre du livre : "Ma vie misérable."


14/2024. Prévention morale quaternaire.

1. 

Un patient me demandait un jour comment faisaient les médecins pour que leur sens moral (au sens des relations interpersonnelles qu'ils entretiennent avec leurs patients) ne se heurte pas pas à leur éthique personnelle (au sens des valeurs générales qu'ils entretiennent avec eux-mêmes et qu'ils clament à toutes et à tous).

La distinction est spécieuse et discutable et personne n'est d'accord sur les définitions comparées de l'éthique er de la morale.

Je lui dis ceci : Imaginons que toutes les consultations soient filmées. Imaginons chaque instant que les enregistrements ne soient pas destinés à un tribunal mais possiblement visionnés par la femme, le mari, les enfants, les parents, les grands-parents, le copain, la copine, et cetera... du soignant ou de la soignante. Les soignant.es se comporteraient-ils différemment ?"

Le malade : Je comprends ce que vous voulez dire mais d'abord ce n'est pas possible, ensuite, nos proches ne sont pas les meilleurs juges de ce que nous faisons ou pas."

Moi : Disons que nos comportements pourraient nous faire honte par rapport à l'image que nous voulons donner de nous-mêmes à nos proches...

Le malade : Vous oubliez aussi la pression des patients...

2. 
Imaginons donc, et je lis partout que X est devenu un cloaque, nazi, raciste, et cetera, que, comme moi et comme d'autres, vous ne reteniez de X que les bonnes vibrations.

Eh bien, quand vous êtes sur le point de prescrire une IRM pour un genou qui n'en a pas besoin, pensez à vos amis de X qui pourraient vous regarder et qui ne cessent de vous dire, amicalement et depuis longtemps, que ce genou n'a pas besoin d'IRM...

Eh bien, quand vous êtes sur le point de prescrire des antibiotiques à un patient qui présente une toux trainante non fébrile qui ressemble comme deux gouttes d'eau à une pathologie virale, pensez à vos amis de X qui pourraient vous regarder et ne cessent de vous dire, amicalement et depuis longtemps, que cette virose chez ce patient jeune en bonne santé n'a besoin ni d'antibiotiques, ni de sirop.

Eh bien, quand vous êtes sur le point de prescrire un antidépresseur et/ou une benzodiazépine à un patient qui n'en a pas besoin, pensez à vos amis de X qui pourraient vous regarder et qui ne cessent de vous dire, amicalement et depuis longtemps, que ce malade n'a besoin ni d'antidépresseur, ni de benzodiazépine...

Eh bien, quand vous êtes sur le point d'écrire un courrier pour un cardiologue dont vous connaissez la tendance à prescrire des examens complémentaires inutiles, coûteux et générateurs d'autres examens complémentaires coûteux, dont la valeur prédictive positive est médiocre, et qui sont générateurs eux-mêmes, on ne sait jamais, de traitements à vie  pensez à vos amis de X qui pourraient vous regarder et qui ne cessent de vous dire, amicalement et depuis longtemps, soit que l'avis cardiologique n'est pas nécessaire, soit qu'il vaudrait mieux l'écrire pour un autre cardiologue.

3.
La prévention morale quaternaire est entretenue par les dialogues, parfois tendus, avec des collègues, professionnels de santé ou autres, assistantes sociales, que l'on a eux sur Twitter puis sur X.

Et je parle pas non plus de la façon dont nous parlons à nos patients, la façon dont nous nous comportons, les mots que nous utilisons et que nous n'utilisons pas, les gestes, les attitudes, les sourires, les grimaces qui en surprendraient plus d'un ou d'une qui nous connaissent dans notre vie privée, amoureuse, amicale ou de voisinage.

Vous allez en faire ce que vous voulez mais la caméra hypothétique placée derrière chacun d'entre nous dans notre cabinet de consultation devrait nous conduire à dresser une liste de personnes que nous connaissons et que nous ne connaissons pas IRL, une liste de personnes qui pourraient visionner les enregistrements et nous reprocher de ne pas avoir fait coïncider notre morale et notre éthique.

Nous avons, chacun d'entre nous, notre garde rapprochée. Des correspondants qui nous conviennent sur les différents plans que sont la recherche d'un diagnostic, les respect des recommandations, la prise en compte du point de vue des patients, la compétence technique, la politesse et/ou la gentillesse, bla-bla-bla.

Eh bien, grâce à X, j'ai rencontré des médecins généralistes futés, humains, pertinents, armés, bourrés de principes, astucieux, pleins de ressources, respectueux des patients et je m'en délecte chaque jour.

J'ai aussi rencontré, dans le même métal,  par ordre alphabétiques, des cardiologues, des dermatologues, des épidémiologistes,  des infirmières, des kinésithérapeutes, des néphrologues, des oncologues, des orthophonistes, des patients, des pneumologues, des physiologistes, des profanes, des réanimateurs, des urgentistes, et tous ceux que j'ai oublié.es, des soignantes et des soignants que j'aurais aimé avoir derrière mon dos au moment de prendre des décisions difficiles, des décisions inutiles, des décisions faciles, et cetera.

Pas vous.


L'hôpital de Grasse se tamponne de l'amorale, de l'éthique, du primum non nocere, de la prévention quaternaire... 


15/2024. L'hospitalo-centrisme est la maladie infantile de la Santé publique et vaut une promesse de 32 milliards 



Gabriel Attal et sa ministre de je ne sais quoi dont la Santé ne connaissent rien à la Santé publique. Ils ne sont pas les seuls. C'est leur seule excuse.

La déliquescence des soins primaires n'est ni une cause ni une conséquence de quoi que ce soit.

C'est de la politique.

Les politiciennes et les politiciens sont nourries par les discours de leurs conseillers experts qui sont tous ou presque des hospitalo-universitaires ou des médecins qui n'ont jamais reçu un malade de leur vie.

Je ne parle pas que des politiques de droite et d'extrême-droite qui pensent que l'argent ou les passe-droits sont le moyen le plus simple de voir un médecin avant tout le monde, je parle aussi des politiques de gauche et d'extrême-gauche qui pensent que les soins primaires sont de la merdre en barre puisqu'il existe un système libéral. 


16/2024. L'allergie à l'iode n'existe pas.

Ce thread explicatif, didactique et ouvert, auquel manque des précisions bibliographiques plus exhaustives, est un bijou.

Voir LA pour le lire, l'ingurgiter et le comprendre. 



17/2024. VRS, Harmonie, Beyfortus (niservimab)




L'étude Harmonie vient de paraître. Il s'agit de l'étude qui montre, selon les experts (j'allais écrire ceci mais il semble que cela serait insultant : les experts payés par l'industrie, les experts payés par leur ignorance, les experts payés par leur fatuité, les experts de l'industrie ignorants et infatués que les agences gouvernementales engagent pour donner des avis), que le niservimab "marche" sur le critère primaire chez les enfants non à risques, non prématurés. 

Voir ICI l'étude publiée dans le "prestigieux" NEJM.

N'oubliez pas que NEJM, je l'ai répété cent fois, ne veut pas dire New England Journal of Medicine mais New England Journal of Marketing.

Or cette étude est dans la hiérarchie des preuves méthodologiques aussi valide qu'un cours de Raoult sur la différence entre la médiane et la moyenne (LA).

L'étude est 

  • Pragmatique (c'est à dire sur un coin de table)
  • Faite dans le monde réel (c'est à dire de façon non contrôlée)
  • Avec comme critère principal l'hospitalisation (un critère classiquement reconnu comme flou (surtout en raison du dernier point : pas d'aveugle)
  • Randomisée
  • Non aveugle.
Fermez le ban.

Poubelle.

Une publication de la Drees (abonnez-vous) qui dit ceci  à propos de la bronchiolite (LA) : 



19/2024. Loi inverse des soins

Ce patient a toute notre sympathie.

Il oublie un point important en écrivant "tous les autres malades du cancer" : les patients de certains pays riches.

Le prix exorbitant de certaines molécules anticancéreuses (mais pas seulement), et je n'oublie pas, mais cela mériterait un chapitre entier, le prix exorbitant de certaines molécules anticancéreuses dont l'efficacité et le rapport bénéfices/risques ne sont pas démontrés, et dont le prix peu varier du simple au triple en fonction des pays, est accepté par le complexe santéo-industriel dominé par les industriels des médicaments et des matériels.






20/2024. Le DSM-5, la Bible de la psychiatrie moderne est corrompue par les conflits d'intérêts.

Un article du British Medical Journal, LA, a analysé les liens/conflits d'intérêts des participants, rédacteurs, et cetera du DSM-5/ Un total de 60 % recevait des "compensations" de l'industrie et cette situation s'est aggravée depuis 10 ans.

Nul doute que nos amis de la psychiatrie heureuse sur X ne feront jamais de commentaires nuancés.

J'en profite pour vous dire combien les commentaires sur X de Florian Naudet (@NaudetFlorian) sur de nombreux sujets sont pertinents. Suivez-le. Vous apprendrez des choses et pas du mainstream académique plan plan.

Notons que le grrrrrrrand professeur Griscelli, ancien directeur de l'INSERM (vous savez, le machin qui a décerné son grand prix au professeur (?) Raoult en 2010) a touche beaucoup, beaucoup d'argent de Servier (90 000 euros par an) et a joué les agents d'influences (Toutes ces choses révélées entre autres par Anne Jouan). (ICI pour le résumé du livre).




21/204. La surestimation des résultats dans les essais randomisés.

Une analyse (ICI) portant sur 23551 essais contrôlés, c'est à dire randomisés, comparatifs, en double-aveugle (le contraire d'Harmonie, voir 17/2024), on se demande d'ailleurs (c'est un commentaire personnel), comment on peut analyser autant d'essais à moins d'être des moines et des nonnes retranchées dans un monastère perché au sommet d'une montagne, montre (elle est parue dans NEJM Evidence, il existe en effet des revues avec des sous-revues, des sous-sous revues, et cetera...) : 

  • l'interprétation naïve des valeurs de P
  • La surestimation de la taille de l'effet (effect size) et sa signification

JPR Williams (1949-2024)
Je l'ai sûrement surestimé car il était un numéro 15 exceptionnel et pourtant un orthopédiste...


22/2024. Un médecin du sport qui déchire...

@NoSuperDoc nous délivre un thread formidable sur l'entorse latérale de cheville, un sujet diablement curant en médecine générale.


Son thread (LA) rend plus intelligent pour ce qu'il nous apprend et plus bête en nous rendant compte de ce que nous ne savions pas !


Roland Topor (1938-1997)


lundi 16 décembre 2019

Deux nouveaux syndromes dans le monde délirant de la psychiatrie : le BSD et le CSD-HD.

Calendrier de l'Avent médical 2019 : Jour 16

























Cela commence comme cela sur twitter :



Allen Frances réagit à un article allemand que relate le Daily Mail publié dans le journal Comprehensive Psychiatry. Ces chercheurs ont, selon eux, découvert une nouvelle entité clinique le Buying-Shopping Disorder (BSD) qui affecterait 5 % de la population. On pourrait traduire cela par le Trouble de l'Achat et du Magasinage (TAM).

Lead investigator Astrid Muller of Hannover Medical School said: ‘It really is time to recognise BSD as a separate mental health condition.


Il faut traiter. Et les auteurs de se désoler que ce nouveau syndrome ne soit pas inclus dans la classification internationale des maladies.

Dans l'article de Allen Frances la conclusion est la suivante :

The ambitious medicalizing of our interests, passions, indulgences, and eccentricitIes has unfortunate practical consequence. But even worse, it somehow cheapens respect for the wonderful diversity and intensity of human experience. It will be a very dull brave new world indeed when all passionate interests are seen as a pathological targets for treatment.

La médicalisation ambitieuse de nos intérêts, de nos passions, de nos complaisances et de nos excentricités a des conséquences pratiques malheureuses. Mais, pire encore, elle rabaisse en quelque sorte le respect pour les merveilleuses diversité et intensité de l'expérience humaine. Nous entrerons effectivement dans un terne meilleur des mondes quand tous nos intérêts passionnés seront vus comme des cibles pathologiques de traitement.

Je vous invite à lire les commentaires sur twitter.

Mais ce qui a retenu le plus mon attention, c'est ceci : 



Un certain Legedin a donc identifié un nouveau syndrome, le CSD-HD, qui peut être considéré comme une maladie mentale. Les gens qui ont un CSD-HD présentent des stéréotypies (1) urgentes ou compulsives qui incluent la recherche d'étiquettes diagnostiques pour chaque comportement ou émotions humaines.

C'est ce que recherche le DSM V : Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders.

On pourrait traduire cela par Trouble d'Hypermédicalisation par Déficit du Sens Commun (TH-DSC)


(1) Définition : Tendance à conserver la même attitude, à répéter les mêmes mouvements ou les mêmes paroles.




mardi 15 mai 2012

Ne pas être curieux.


Quand j'étais étudiant en médecine j'entendais souvent, venant de nos enseignants, la phrase suivante, "En médecine, il faut être curieux...", et j'ai continué de l'entendre venant de mes pairs et j'ai même continué de la dire à mes collègues ou à des patients. Cette phrase signifiait, et signifie encore, qu'il ne faut pas se contenter d'une impression, d'une intuition ou d'une attitude probabiliste, il faut être certain, et certain de ne pas passer à côté de quelque chose de grave et / ou de curable qui permettrait au patient de "guérir". Les conséquences pratiques en étaient de poursuivre les investigations cliniques, paracliniques et autres jusqu'à ce que le diagnostic soit nommé et le malade traité.
Je suis devenu beaucoup plus sceptique sur ce point.
Il est clair que mon statut de médecin généraliste exerçant de façon extra institutionnelle a pu m'influencer. Ne disposant pas d'un plateau technique aussi développé que dans un hôpital de l'Assistance Publique, ne disposant pas de ressources intellectuelles aussi partagées que dans le milieu hospitalo-universitaire, il est possible que j'aie réduit mes ambitions, non de façon consciente mais de façon pragmatique et que, constatant mes insuffisances, j'ai mis mes ambitions diagnostiques totalisantes dans ma poche et les ai recouvertes de mon mouchoir cache-misère de ma culpabilité.
Renoncer à aller plus loin est pourtant une attitude beaucoup plus appropriée dans nombre de cas et ce renoncement, non appris dans les écoles de médecine, ne peut naître et se construire, que de l'expérience acquise par la pratique, que par la lecture assidue de la presse médicale et que par la fréquentation de la patientèle qui, non seulement à des avis sur tout comme tout un chacun, mais a aussi des avis sur son propre cas. 
Renoncer est une attitude difficile à décider et à tenir pour justifiée tant le médecin est soumis à des pressions jusqu'au-boutistes qui ne concernent pas seulement la fin de vie et ce que l'on appelle, improprement, l'acharnement thérapeutique, mais aussi à des pressions que l'on pourrait qualifier de sociétales (la construction d'une pensée dominante ou d'un bon sens commun partagé) et qui sont fondées sur, pêle-mêle, d'une part la médicalisation de la société, la médicalisation de la vie, la médicalisation de la Santé, et, d'autre part, le Droit à être pris en charge, traité, soulagé et guéri, tout cela dans un contexte de judiciarisation de la Santé oscillant entre le Primum non nocere, la Perte de Chance et le Principe de Précaution... Mais n'oublions pas que le médecin s'est aussi construit une image de lui-même avec, au centre de tout, sa fonction chamanique et sa croyance inconsciente d'une sorte de toute-puissance attribuée à la fois à sa compétence et à son rôle magique... 
Ne pas être curieux.
Il apparaît que cette absence de curiosité, on se rappellera quand même la sentence La curiosité est un vilain défaut, peut être aussi considérée comme une faute majeure pour un médecin. Mais il ne faut pas se laisser impressionner. Car l'absence voulue de curiosité s'inscrit dans un monde où il est certes des maladies diagnostiquées trop tard mais où, surtout, il est des maladies diagnostiquées trop tôt ou sur diagnostiquées. La société, comme nous l'avons vu (et ne me faites pas le coup de la société n'existe pas, c'est une vue de l'esprit, c'est un montage adroit ou maladroit, je connais les arguments, car il est possible d'identifier cette société par les actes qu'elle produit, les comportements qu'elle suscite, les lois qu'elle engendre, et cetera), oscille entre la sur médicalisation et le n'importe quoi de l'hygiène. D'un côté on invente des maladies, on sur diagnostique des maladies, on dramatise des maladies, on explore trop, on traite trop des maladies (et probablement on traite trop des stades pré cliniques et on traite mal des stades avancés), et de l'autre c'est le laisser-faire de la Santé Publique qui est "libérale" de gauche et de droite (boissons sucrées, aliments salés, alcoolisme, tabagisme, addictions multiples et variées), les uns pour des raisons de diversité, les autres pour des raisons de liberté individuelle, tant et si bien que le médecin généraliste est assis "le cul entre deux chaises" dans une position inconfortable.  
Prenons l'exemple des maladies mentales.
Notre ami Des Spence du BMJ (ICI) vient d'écrire un papier "Les oligarques psychiatres qui médicalisent la normalité."qui, par sa vigueur, ne peut que choquer et les spécialistes de la maladie mentale et les spécialistes des sciences de l'éducation. Que nous dit Spence ? Il stigmatise le DSM (Diagnostic and Statistic Manual of Mental Disorders) écrit par ces fameux oligarques, dont 75 % présentent des conflits d'intérêt (maladie grave et peu traitée) et il souligne la conception réductionniste de la maladie mentale véhiculée par cette classification fondée presque exclusivement sur des désordres chimiques (potentiellement traitables par des médicaments) qui conduit au fait que, selon le CDC d'Atlanta, 25 % de la population américaine est atteinte de pathologie mentale (une preuve explicite de la médicalisation de la normalité).
Bien plus encore, et dans une stratégie que l'on ne peut s'empêcher de penser concertée ou "marketing" ce sont les jeunes enfants qui sont les plus ciblés. Trois crises de colère par semaine et un comportement négatif suffisent à cataloguer un enfant pour le reste de sa vie ! Il ne faut être ni inattentif ni timide, et cetera. Ainsi, en Caroline du Nord, 15,6 % des enfants sont diagnostiqués  "hyperactifs", au New Jersey un garçon sur trente est catalogué "autiste", et les diagnostics de troubles bipolaires chez l'enfant ont été multipliés par 40 en 10 ans aux Etats-Unis ! Mais les adultes ne sont pas en reste dans ce champ de tir de la psychiatrie opérationnelle : sont ciblés des syndromes bizarres, infondés, contre intuitifs, comme "disruptive mood dysregulation disorder" ou "attenuated psychosis syndrome".
Ne pas être curieux, c'est donc, devant un enfant inattentif ou turbulent en classe, ne pas se précipiter sur son futur DSM V, pour lui coller un diagnostic comme on colle une fessée, lui coller un diagnostic pour lui prescrire une drogue censée le traiter et, surtout, traiter le malaise sociétal qui conduit non pas à créer des enfants turbulents ou inattentifs, il y en a toujours eu, mais à créer des comportements institutionnels rejetant ces enfants comme ne pouvant être évalués par la norme Iso 9001. 
Ne pas être curieux c'est tenter d'échapper à cette fatalité de la maladie biochimique qui conduirait des enfants, des adolescents et des adultes à se sentir mal et résister à la médicalisation de la normalité.
La tâche est immense.
La disparition des médecins généralistes va raccourcir le circuit décisionnel : un enfant qui ne tient pas en place va être adressé directement par l'enseignant à la structure CMPP la plus proche où un freudien, un comportementaliste ou un rien du tout prescrira de la ritaline, condition sine qua non du retour dans le cadre de l'Education Nationale.
Ne me dites pas que c'est déjà comme cela : c'est déjà comme cela.

Addendum (17 mai 2012) : un éditorial du NEJM (ICI) dénonce le futur nouveau DSM V qui voudrait que le chagrin (grief) d'intensité légère soit plus volontiers attribué à un état dépressif (et traitée) et que le deuil (bereavement) soit d'emblée rattaché à la dépression. Et l'éditorialiste d'écrire (RA Friedman) :The medical profession should normalize, not medicalize, grief. . On ne saurait mieux exprimer une pensée de bon sens.