L'annonce (ah, les effets d'annonce...) de la majoration de 3,5 à 7 % du taux de la taxe spéciale sur les contrats d'assurance (TSCA) applicable aux contrats d'assurance maladie dits "responsables et solidaires" (voir ICI) qui sera discutée au Parlement ces jours ci, suscite l'ire des mutuelles et de l'opposition.
Rappelons quelques faits.
L'assurance maladie obligatoire est, en France, définie pour un périmètre de soins donné, "le panier de base", défini comme des soins fondamentaux auxquels tous les membres de la société doivent avoir accès sans restriction.
Ce qui n'est pas jugé fondamental : les médecines alternatives (sauf l'homéopathie et d'autres activités pratiqués par des médecins à l'intérieur de leur spécialité), le confort à l'hôpital et les dépassements d'honoraires.
L'obligation de l'assurance maladie a pour but théorique de mutualiser les risques à l'échelle de la population (on sait par exemple que 5 % des patients les plus "coûteux" représentent environ 50 % des dépenses globales). En France, son financement est fondé sur des prélèvements obligatoires qui peuvent être progressifs, proportionnels ou dégressifs.
Les assurances facultatives non "payées" par l'employeur ont des primes fixées de façon indépendante du revenu et qui tiennent compte de l'âge.
Ce qui signifie qu'une assurance facultative hors employeur représente 2,9 % de part de revenu chez les plus aisés contre 8 % pour les plus modestes.
Ces assurances facultatives participent pour 13,7 % de la totalité des dépenses de soins et pour 20,9 % des dépenses de l'ambulatoire.
Enfin, malgré l'existence de la CMU-C, 14,4 % des ménages à bas revenus ne disposent pas d'assurance facultative.
Alors que dans certains pays dotés d'un système d'assurance obligatoire les assurances facultatives se cantonnent à une fonction d'assurance supplémentaire, en France, ces mêmes assurances facultatives cumulent complément et supplément.
La discussion se situe ici : qu'est-ce que le "panier de base" ? faut-il transférer des dépenses obligatoires vers des dépenses facultatives ? faut-il séparer de façon nette complément et supplément ? faut-il rendre obligatoires les complémentaires en homogénéisant les primes des assurés quelles que soient leurs caractéristiques et, notamment, en décourageant la sélection des risques ?
J'ajouterai quelques commentaires personnels : certaines mutuelles favorisent les dépassements d'honoraires, ce qui peut être un bien pour les professionnels en secteur 2 mais ce qui décourage les patients qui ne peuvent payer ou dont les mutuelles ne veulent pas payer ; le panier de base doit-il être indexé sur les Recommandations de l'AFSSAPS ? sur les préconisations de Prescrire ? faut-il continuer de construire des hôpitaux où toutes les chambres ne sont pas individuelles ? faut-il continuer de rembourser certains actes "inutiles" ?
La mutualisation du risque est un fait majeur d'égalité entre les citoyens. On devrait faire des économies en faisant le forcing sur des choix de santé Publique et non sur des options individuelles, voire des opinions individuelles de patients et de médecins les confortant dans leurs options. Le système des ALD est probablement à réévaluer ou à sous-évaluer en fonction des données récentes de la science.
(Je me suis largement inspiré de l'article suivant : Dormont Brigitte. Le vieillissement ne fera pas exploser les dépenses de santé. Esprit. Juillet 2010 ; 7 : 93 - 106. Pour vous abonner à ESPRIT)
(Illustration : Saint-Antoine distribuant ses richesses aux pauvres. Circa 1430 - 1435. Sur le site : http://www.insecula.com/oeuvre/O0027468.html)