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dimanche 19 juin 2022

Bilan médical du lundi 13 juin au dimanche 19 juin 2022 : sans masques, paxlovid et EBM, corruption (oncologie), statines aspirine et Covid, mentir à son médecin, médecin traitant en cancérologie, vaccination covid enfants, mélatonine,



La société française de pharmacologie et de thérapeutique se réunit dans un lieu clos et sans masques le 14 juin 2022 : la pandémie est finie, semble-t-il.



Mais en mai 2022 (aux US), il y avait ça : 


Quand la HAS recommande le paxlovid chez des patients non inclus dans les essais cliniques, elle bafoue l'EBM

La HAS recommande ICI l'usage du paxlovid chez des patients vaccinés alors qu'il n'y avait pas de patients vaccinés non à risques dans les essais cliniques paxlovid (LA).

Dans cet essai EPIC-SR enrôlant patients non vaccinés non à haut risque et patients vaccinés à haut risque, les résultats pour ce dernier groupe (n=721) sont les suivants : 57 % de diminution du risque relatif d'hospitalisation, Paxlovid (3/361) et placebo (7/360). De qui se moque-t-on ?

La meilleure prévention des formes sévères est la vaccination.

Les indications du paxlovid devraient être : patients immunodéprimés qui ne répondent pas bien à la vaccination  et qui attrapent le Covid.

Lire ICI le communiqué du Collège National des Généralistes enseignants : parfait.


Corruption en oncologie (mais aux US)

Un article (LA) a analysé les liens et les conflits d'intérêts des oncologues états-uniens en 2018 : 1 % des 10600 oncologues états-uniens, soit 136,  touchent 37 % de tout l'argent "distribué" par l'industrie pharmaceutique en oncologie, soit 100 000 dollars/an. Soixante pour cent ont des responsabilités hospitalières importantes, 21 % ont des responsabilités importantes dans des sociétés savantes, 24 % appartiennent à des comités éditoriaux et 10 % ont rédigé des recommandations.

Une étude (française) alakhon menée sur 4 millions de personnes.

Des auteurs français ont montré (LA) que la prescription de statines en prévention primaire diminuait le risque d'hospitalisation pour Covid et le risque de décès lors de l'hospitalisation !

On s'en tamponne.

Et, pendant ce gaspillage de ressources humaines et financières, toujours pas d'essais randomisés robustes sur le port du masque dans des clusters, sur l'aération dans les classes ou à la machine à café...

Et les chercheurs français remettent ça (avec des MG participants).

Il n'a pas été trouvé d'association entre la prise d'aspirine à faible dose et la diminution des formes sévères de Covid (ICI) : je résume : A partir d'une hypothèse alakhon, on réalise une étude alakhon et on a des résultats alakhon. Prodige.

Un des auteurs me répond que ce n'était pas si Khon que cela puisqu'une étude randomisée a été menée et publiée dans The Lancet : ICI. Une étude négative menée entre novembre 2020 et mars 2021 dans 177 hôpitaux avec une dose de 150 mg d'aspirine.

58 % des patients états-uniens mentent à leurs médecins.

Une étude peu robuste (ICI) rapporte donc que les patients ne disent pas complètement la vérité à leurs médecins.

Pourquoi rapporter une étude peu robuste ? Pour réfléchir au problème. A partir des commentaires rapportés par un article de presse (ICI) intitulé "Une vérité inconfortable : pourquoi les patients mentent-ils à leurs médecins ?"

La première question à se poser : est-il possible que 42 % des personnes interrogées n'aient jamais menti à leurs médecins ?

Les 3 motifs de mensonge les plus fréquents : la santé mentale, la pratique de l'exercice physique et la consommation d'alcool. Puis viennent : le régime alimentaire, l'utilisation de drogues, l'activité sexuelle et le tabagisme.

Est-il possible qu'un médecin traitant puisse s'opposer aux décisions thérapeutiques d'un oncologue et/ou d'une réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP) ?

Intéressant cas clinique développé sur twitter (LA) avec les commentaires ad hoc.

En gros, une fois que le ou la patiente ont eu un entretien avec un.e oncologue, consultation d'annonce puis choix thérapeutique partagé (?), que peut faire un médecin traitant pour s'y opposer ou pour demander des aménagements en constatant que le ou les traitements choisis ne font pas l'objet d'un consensus ou sont problématiques. Et comment savoir si le ou la patiente ont été informées selon les règles de l'art (y a-t-il des règles de l'art ?)

Il y a bien entendu plusieurs angles d'approche :

  1. La compétence supposée du médecin traitant
  2. L'information loyale du ou de la patiente
  3. L'absence du ou de la patiente et du ou de la médecin traitant lors du RCP
  4. Le suivi médical hors hôpital
  5. Quid de la perte de confiance du ou de la malade en cas d'intervention non consensuelle du médecin traitant ?
A vos réflexions.

Vaccination anti Covid des enfants 6-23 mois : les chiffres d'efficacité tirés des documents Pfizer sont médiocres.



Existe-t-il des raisons scientifiques pour proposer la vaccination des enfants de moins de 5 ans ? 

Pour l'instant : non.

Malgré le fait que la FDA ait accordé une autorisation d'urgence (EAU) au vaccin Pfizer.

Dans l'étude Pfizer chez les enfants de 6 à 23 mois on retrouve l'intervalle de confiance le plus ridicule qui ait été publié dans un article sérieux.



Si vous voyez passer cette diapositive, c'est un faux, même si elle est transmise par des gens de bonne foi.


Voici les explications (LA). Et donc : 



La mélatonine pour le traitement de l'insomnie : absence de preuves

Une revue de littérature analyse ICI les essais cliniques contrôlés qui ont comparé mélanine à un placebo ou à pas de traitement : pas de preuves d'efficacité.

Faut-il prescrire des antibiotiques en cas de suspicion d'infection urinaire basse chez des personnes âgées fragiles ?

Une étude quantitative et qualitative menée dans 4 pays européens (LA) n'arrive pas à conclure.

Nous voilà bien avancés !


dimanche 13 mars 2016

L'angoisse et la solitude du radiologue au moment du compte rendu et de l'annonce.


L'autre jour, un patient me téléphone : "Je sors du scanner, est-ce que je peux venir vous voir ? - Le radiologue ne vous a rien dit ? - Non. Et je ne comprends pas le compte rendu."
Ma première réaction : "Les radiologues..."
Ma deuxième réaction : "On va dire encore que je n'aime pas les spécialistes..."
Je vais donc recevoir le patient "entre deux".

J'ai demandé un scanner car je craignais que quelque chose n'aille pas.

Le plus souvent, trop à mon goût, les radiologues en font trop. Ils commentent les clichés, ce qui est le moins que l'on puisse leur demander, mais ils "prescrivent" également. Ils prescrivent de façon large. C'est à dire qu'ils donnent une tonalité à leurs commentaires de "Rassurant" à "Préoccupant". Une tonalité que le patient, qui n'a pas toujours l'oreille fine ou qui ne comprend pas les subtilités de l'interprétation, va ressasser, réinterpréter, mal interpréter à partir du moment où il va se retrouver sur le trottoir, les clichés entre les mains, et jusqu'à ce qu'un clinicien lui donne des informations plus ou moins précises et, j'ajoute, pas toujours pertinentes. C'est selon.

Ne vous inquiétez pas, chers radiologues, nous en sommes tous là. Malgré toute absence de formation ou en dépit d'une formation approfondie, un Diplôme Universitaire de communication (je ne sais pas si cela existe), il est impossible de tout contrôler, il est impossible (rappelez-vous que les praticiens en théorie les mieux formés en ce domaine, les psychiatres, les psychologues, ratent eux aussi leur message, il suffit d'entendre les patients parler de leurs séances ou de leurs consultations...) de maîtriser et surtout pas l'anxiété du patient. Ce que nous disons, ce que nous ne disons pas, les mimiques que nous faisons (le non verbal) ou que nous ne faisons pas, le patient les interprète à sa guise.

Les radiologues, parfois, souvent, ça leur arrive, prescrivent trop, disent qu'il faut faire de la kiné, qu'il faut opérer, ne pas opérer, prendre des AINS, des antalgiques, infiltrer, mais surtout "Que pour compléter les investigations il faudrait faire un scanner... ou une IRM..." Quand le radiologue ne prend pas déjà rendez-vous avec le rhumatologue ou le chirurgien de la clinique ou de l'hôpital...

Cela nous met tous (les praticiens comme les radiologues en porte-à-faux) : le patient ne sait plus où donner de la tête.

C'était pour la charge.

Voici la décharge.

Le radiologue est parfois bien embêté en remettant les clichés à un patient qu'il ne connaît pas, pour lequel il a eu si peu de renseignements cliniques, patient à qui il faut dire ou ne pas dire qu'il vaudrait mieux consulter le médecin prescripteur, patient qui a besoin d'être informé, rassuré ou non inquiété, ou qui désire quelque chose que nous ne savons pas.

Et il y a, malheureusement, de très nombreux cas où le radiologue fait lui-même la consultation d'annonce, il y est contraint par ce qu'il a vu sur les clichés, il est obligé en raison des regards expectatifs du patient, il est donc contraint de le faire sans antécédents, sans contexte, cette putain de consultation d'annonce, cette invention oncologique qui fait partie de la démarche qualité, parce qu'avant on ne savait pas comment cela se passait, et maintenant on sait, il y a des procédures, des normes, des cases à cocher, des notes à se donner, et peut-on dire que cela se passe mieux ? peut-on dire que le patient  soit mieux informé ? peut-on dire que le nombre de cases cochées rende moins horrible l'annonce sidérante, l'annonce qui sidère ? L'information brute, c'est : "Vous avez un cancer." Les oncologues ont inventé la consultation d'annonce parce que cela se passait mal auparavant, sans doute, mais les normes de la consultation d'annonce ont, me semble-t-il, encore aggravé les choses. Or les médecins n'ont pas changé, c'est la procédure qui a changé et la procédure, au lieu d'empathiser (ne cherchez pas, c'est un néologisme) les relations, on me dira que c'est toujours comme cela, les ont rendues encore plus inhumaines et incontrôlables. "J'ai fait ma consultation d'annonce et ainsi ne pourra-t-il rien m'arriver, j'ai coché, j'ai fait le boulot..."

Mais revenons au radiologue : est-il prêt, dans le couloir, dans une salle d'examen, dans son bureau dans les meilleurs des cas, à annoncer une saloperie à une personne qu'il ne connaît pas ? A l'inverse, peut-il laisser un patient partir dans la nature avec un compte rendu où, en lisant entre les lignes, voire même en lisant les lignes, il va fantasmer, s'apeurer, se lamenter, se faire des films, regarder sur internet, lire des choses horribles ? Il faut bien lui dire quelque chose, le rassurer, lui dire que cela aurait pu être pire, mais peut-on vraiment rassurer quelqu'un en lui disant qu'il a un cancer ?

Donc, le radiologue n'a pas un métier facile. Rappelez-le vous quand vous râlerez... Le radiologue n'a pas un métier facile et, de plus, on compte sur lui. On compte sur lui pour faire le diagnostic, pour ne pas se tromper, pour être aussi exhaustif que possible, car le radiologue, c'est le boss, combien de médecins généralistes savent lire un scanner, une IRM, une mammographie ou un pet scan ? On est bien obligés de lui faire confiance.

Et pire : les oncologues font de plus en plus confiance aux radiologues, il y en a qui ne lisent pas les scanners, les IRM, les mammographies ou les pet scans, sinon, comme moi, les comptes rendus... Et il y a aussi des spécialistes d'organes, des médecins qui font encore de l'oncologie, encore, car nous assistons à une terrible dérive, les spécialistes d'organes finissant par ne plus faire de cancérologie pour les organes dont ils sont les spécialistes, laissant les oncologues faire le boulot, et donc, je disais,  il y a certains spécialistes d'organes qui savent mieux lire un scanner, une IRM, une mammographie ou un pet scan que des radiologues lambda et mieux qu'un oncologue lambda. Nous sommes en pleine incohérence. Je ne dis pas que tous les radiologues lisent mieux des clichés qu'un oncologue et que tous les spécialistes d'organes lisent mieux des clichés qu'un radiologue, je dis : faisons attention. Je dis que le saucissonnage des patients entre organes, spécialistes, radiologues, oncologues et autres n'est pas bon.

Et ainsi, un protocole trucmuche XYZ est décidé pour un patient à partir de clichés non lus ou non interprétés par un oncologue mais par un radiologue et pas par un spécialiste ad hoc de l'organe.

Ah, zut, j'avais oublié les RCP ou Réunions de Concertation Pluridisciplinaires dont nous avons parlé ICI et LA.

J'avais oublié.

Donc, je voulais souligner lourdement la solitude du radiologue au moment du compte rendu et encore plus de l'annonce.

Il est tout à fait possible que le patient qui va venir me voir tout à l'heure avec son scanner me désoriente, que je ne puisse pas le recevoir dans mon bureau, mais dans un coin sans témoins de mon cabinet, et que je doive, en lisant le compte rendu, improviser. Ce serait une putain de consultation d'annonce à la con.

Donc, respect pour les radiologues.

PS. On me dit que les pet scans, ce n'est pas de la radiologie mais de la médecine nucléaire. Cela ne change rien.


dimanche 17 janvier 2016

La mort, quand tu nous tiens. Histoire (s) de consultation 187, 187 bis, 187 ter, 166 et 187 quater.


L'oncologue Z "voit" dix personnes à l'heure. En moyenne. Parfois un peu plus, parfois un peu moins.
Ecoutons madame A : "Le docteur Z est sympathique. Le plus souvent il me reçoit allongé dans son fauteuil, parfois un ou deux pieds sur le bureau, il regarde mon dossier, jette un œil sur mes radios en se tournant vers la fenêtre, puis annonce : 'Dix séances de plus'" Il s'agit de radiothérapie.


Monsieur B est suivi depuis dix ans par l'oncologue Y, avec lequel il s'est toujours entendu parfaitement. Ce lymphome vient de virer au drame. Nous sommes au delà de tout. Pas de protocole "compassionnel" envisagé (je suis "assez" contre), pas de nouveau médicament sans AMM à "essayer" (je suis aussi contre). L'oncologue Y dit à Monsieur B que ce sont désormais les soins palliatifs qui vont s'occuper de lui. "Et vous, vous n'allez plus vous occuper de moi ?" Regard évasif et désespéré de l'oncologue... mais institutionnel.


Madame D est en pleurs au téléphone. Son père, un malade que j'ai suivi pendant 15 ans et qui a changé de médecin ensuite pour les 10 années suivantes, pour des raisons que j'ignore (ou que je subodore), est en HAD à domicile. Le médecin traitant du patient qui a pris la succession d'un médecin partant à la retraite il y a environ trois ans ne fait pas de visites (je répète : un médecin généraliste qui ne fait pas de visites pour un patient en HAD -- et bien que je ne pense pas que du bien de l'HAD, voir ICI). Madame D, donc, dont je suis le médecin traitant (et celui de sa fille), me supplie de prendre la suite. Que dois-je faire ? Faut-il que je dise non ? Faut-il que je me drape dans mon orgueil de médecin généraliste qui a été "délaissé" ? Faut-il que j'écoute ma secrétaire qui me dit que je suis en train de me faire avoir ? J'essaie de me mettre à la place du patient, de la famille du patient... Je vais accepter, sans doute.



Madame C, 92 ans, sort de mon bureau après un entretien (à l'hôpital on appelle cela une consultation d'annonce et comme sa fille était présente cela doit donner des points. Quant à la RCP (Réunion de Concertation Pluridisciplinaire, elle a eu lieu, sans moi, et les conseils étaient clairs : chirurgie, radiothérapie, chimiothérapie (1)) où je lui ai parlé de son cancer et le fait que, vu son âge, on n'allait quasiment rien faire, sinon des mesures de confort, et que cela allait certainement très bien se passer. Je la revois une semaine après pour faire le point, elle n'est pas désespérée, elle n'est pas joyeuse, elle semble confiante. Au moment de se quitter, elle est face à moi, assise, je suis aussi assis, heureusement, elle me dit (mais elle ne plaisante pas) : "Heureusement encore que ce n'est pas un cancer." (c'était le cas onco 003 - histoire de consultation 166 du 27 février 2014 où la patiente ne savait pas qu'elle avait subi des séances de radiothérapie : ICI).



Monsieur  E, 57 ans, a un lymphome (je trouve, en passant qu'on voit beaucoup de lymphomes ces temps derniers), il est suivi en hématologie. Il signe pour un protocole d'oncologie et on lui attribue un groupe. Il refuse la biopsie osseuse pour convenances personnelles : le médecin qui s'occupe de lui : "Pas de problème, on vous met dans l'autre groupe..." C'est un essai randomisé.

(Incise : Le PET scan: quels sont ses réseaux ? Pourquoi les oncologues en sont-ils si friands ? Dans combien de cas sont-ils inindiqués ? Sont-ils devenus aussi des examens compassionnels ?)


Note :
(1) Définition ancienne de la RCP : 1) Une annexe de big pharma ; 2) un tirage au sort de protocoles ; 3) une usine à fric ; 4) une conjuration des imbéciles ; 5) un déni du patient..

Illustration : Jérôme Bosch (1450-1516) - La mort du réprouvé.
Edward Hopper : A Woman in the Sun (1961).
Francis Bacon : Tête III (1969).
Egon Schiele : Nu, Autoportrait  (1910).
Pierre Soulages : Peinture 181 x 405 cm, 12 avril 2012.

jeudi 27 février 2014

Actualités oncologiques en médecine générale : seuls les morts ne seront pas traités. Annexe au plan cancer.


(Il s'agit d'une annexe pragmatique au Plan Cancer dont nous avons parlé ICI et dont nous reparlerons LA -- pas encore de lien)

Cas onco 001 - histoire de consultation 164. Monsieur A, 85 ans, va mieux. Je me suis battu pendant un mois (le patient est en HAD) pour que l'on arrête la (lourde) et ancienne chimiothérapie carboplatine - vepeside pour cancer du poumon chez cet homme  triple ponté, hypertendu, bronchitique chronique et diabétique. Le pneumologue est têtu et l'oncologue le regarde par dessus son épaule pour s'assurer qu'il ne va pas lâcher. Il faut lâcher. Mais cela ne fait pas partie de la culture des médecins. Lâcher c'est avouer non son incompétence mais son incapacité à réaliser les rêves imposés par la société à savoir que la médecine a des pouvoirs infinis de promettre la vie éternelle. Je me suis battu car il fallait aussi convaincre la famille à qui les faiseurs de rêves avaient promis des mille et des cents, à la famille qui pensait que renoncer allait signifier pour leur mari, père, grand père, ami, que c'était fini, qu'il n'y avait plus qu'une seule issue : la mort. Et il y avait le pauvre khonnard de médecin traitant qui ne sait pas combien les chimiothérapies ont fait de progrès, combien l'onologie est une science dure qui sauve des vies, combien les essais cliniques ont montré que la survie était allongée de trois jours (p < 0,05) dans des essais contrôlés menés par des firmes philanthropiques qui pourront obtenir des prix pharamineux grâce à ces merveilleux trois jours avec, cerise sur le gâteau, un score de qualité de vie au top. Monsieur A va mieux mais il va mourir et il sait qu'il va mourir et il souhaite (ici, nous pourrions écrire une thèse de doctorat entière : "Le signifié et le signifiant chez le patient en fin de vie") mourir. Il va mieux mais il a des métastases partout. Il est conscient et il sait qu'il va mourir. Il ne souffre pas. Il passe sa vie dans un fauteuil. Et s'il voulait mourir chez lui au début de sa prise en charge, maintenant qu'il est conscient de sa mort prochaine il veut mourir à l'hôpital pour ne pas embêter sa femme. Et il change encore d'avis et décide qu'il serait mieux qu'il revoit son milieu familier avant de mourir. Mais il n'en aura pas le temps. Il meurt à l'hôpital. Sans avoir souffert.

Cas onco 002 - Histoire de consultation 165. Monsieur B, 64 ans, souffre d'une carcinose péritonéale secondaire. Comme personne ne lui avait dit qu'il avait un cancer initial mortel et qu'au contraire il allait guérir grâce à la médecine moderne qui garantit la vie éternelle, personne ne lui a pas plus dit que cela allait être la fin. Comme je suis le médecin traitant je suis au milieu des mensonges (et je suis le premier à mentir) et je suis celui qui va annoncer la mauvaise nouvelle. Facile. Difficile. Mais je connais la famille, la femme, les enfants, les petits-enfants. J'assume. Je fais une parenthèse majeure : dire la vérité au malade semble être un impératif "post moderne" (j'en ai déjà parlé LA) et il me semble que ce n'est pas une mauvaise idée en soi. Mais la façon de dire est plus importante que ce que l'on dit. Sans parler de l'arrière plan. J'ai le souvenir d'un médecin des hôpitaux annonçant à "ma" patiente et à son fils (son fils m'a dit ensuite qu'il avait été tellement sidéré, au sens paralysé par ce qu'il avait entendu, qu'il n'avait pas eu le courage de retourner dans le bureau et d'aller casser la gueule au médecin des hôpitaux pour lui apprendre la politesse et la vie, il le regrette encore) qu'il n'y avait plus d'espoir et qu'elle allait mourir. N'aurait-il pas pu entrouvrir la porte ? Laisser filtrer un brin de lumière pour que la dame âgée puisse encore croire à quelque chose ? Ainsi, je me répète, dans le temps (ma jeunesse et en France) on ne disait rien au patient par paternalisme (ne pas désespérer la vie) puis on a tout dit par libéralisme (au sens philosophique anglo-saxon) et maintenant on dit tout et on ment sur l'issue quand elle est désespérée (on voit que cette critique est contradictoire avec celle que je faisais à propos de ce professeur qui ne laissait aucun espoir) pour prescrire ! Non seulement pour prescrire mais pour expérimenter ! Pour prescrire des traitements de deuxième, troisième, voire quatrième ligne, qui vont permettre 1) de faire des essais cliniques, 2) d'obtenir des AMM au rabais et des prix insensés et justifiés par l'innovation, 3) de vendre des boîtes très chères, 4) de rapporter de l'argent aux services expérimentateurs, 5) d'arroser des oncologues avec de l'argent et des congrès au bout du monde (l'ASCO, voir LA), 6) d'écrire des articles de merdre en anglais mais répondant aux normes de la rédaction scientifique en les faisant relire (?) par leurs auteurs désignés et 7) de leur faire signer (les professeurs devenant des pontes  internationaux ou nationaux ou régionaux ou locorégionaux et, pour les premiers, KOL (Key Opinion Leaders) sans parler un mot d'anglais ou 8) par de jeunes internes et / ou chefs de clinique qui pourront étoffer leur dossier pour devenir PU-PH et, dans le même temps et par la suite, ambassadeurs de big pharma (voir LA pour l'expert mongering)... on est donc passé du paternalisme alapapa, si j'ose dire, au libéralisme anglo-saxon puis, maintenant, au business pur et dur (néolibéralisme ?).
Où en étais-je ? Comme le patient a été traité par un service parisien (et les lettres que j'ai reçues sont d'un grand professionnalisme et d'une compétence technique absolue) assez éloigné de Mantes, il n'a pas envie d'y retourner pour consulter et le médecin traitant, ma pomme, se retrouve au centre d'un imbroglio mensonger et tente de se dépatouiller comme il peut avec l'aide efficace, compétente et humaine du réseau de soins palliatifs local. Mais le service parisien n'a plus d'ambitions thérapeutiques et pour le moment le patient ne souffre pas.

Cas onco 003 - histoire de consultation 166. Madame C, 92 ans, est venue au cabinet me demander pourquoi on l'avait emmenée deux fois à B. en ambulance pour faire des radios bizarres. Il s'agissait après enquête du début de sa radiothérapie. Nous étions pourtant convenus avec le chirurgien qu'on enlevait la tumeur pour ne pas qu'elle nécrose la peau du sein de la patiente et qu'on la laissait tranquille (la patiente). Mais le chirurgien a passé la main à l'oncologue qui n'était pas d'accord (la réunion dite de concertation s'est bien entendu passée à l'écart du médecin traitant et de la patiente -- parenthèse encore : on comprend qu'il soit difficile de se réunir avec le médecin traitant en fin de matinée à l'hôpital, une réunion qui commence en retard et qui se termine dans le même métal,  un médecin traitant qui, contrairement aux médecins hospitaliers, ce n'est pas une critique, c'est une réalité, fait du soin et non de l'administratif ou de l'ordinateur (1)) et la patiente a commencé une radiothérapie sans le savoir ! Et sans que je le sache. J'ai envoyé un mail très poli car je ne voulais pas m'énerver au téléphone et les séances ont été interrompues. La patiente va bien mais elle m'a dit l'autre jour, ce n'était pas la première fois, elle en avait parlé alors que son fils était dans le cabinet, "Du moment que ce n'est pas un cancer..." Pensez-vous que je lui ai dit la vérité ? Elle ne supportait pas son inhibiteur de l'aromatase (nausées) et, plutôt que de lui prescrire motilium - domperidone (joke), je lui ai demandé d'arrêter. Elle revoit l'oncologue dans trois mois (je me suis fendu d'un courrier explicatif) le chirurgien dans un an.

Cas onco 004 - histoire de consultation 167. Monsieur D, 76 ans, cancer de la prostate diagnostiqué il y a 5 ans, opéré, radiothérapé, infarcté du myocarde il y a six mois, ponté, stenté, à qui on découvre une tumeur pulmonaire, lors d'un cliché pré opératoire (avant dilatation d'une sténone fémorale), tumeur non vue auparavant bien entendu, est embarqué dans une chimiothérapie lourde (ils ne savaient pas ue le médecin traitant pouvait éventuellement avoir un avis) et meurt le lendemain de la première séance faite en hôpital de jour sur le parking de ce même hôpital dans l'ambulance qui l'y ramenait au décours d'un malaise à domicile. Loin de moi l'idée que... Mais quand même.

J'espère donc avoir un de ces jours le temps de détailler enfin le plan cancer.

Note.
(1) Qu'est-ce qu'une réunion de concertation oncologique ? (plusieurs réponses possibles)
 1) Une annexe de big pharma ; 2) un tirage au sort de protocoles ; 3) une usine à fric ; 4) une conjuration des imbéciles ; 5) un déni du patient.

PS du sept mars 2013
1) Les chimiothérapies en fin de vie sont-elles bien nécessaires ? ICI pour un commentaire et LA pour l'article original
2) Un billet de Martine Bronner qui commente : LA