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dimanche 12 novembre 2023

Bilan médical du lundi 6 au dimanche 12 novembre 2023 : traiter médicalement l'obésité, dépistage cardiovasculaire inutile, stents, Vaccination anti grippale chez l'enfant : non, mortalité et brancards aux urgences.


297. Traiter l'obésité de façon médicamenteuse : une impasse morale et budgétaire.

Nous vous avons déjà parlé du semaglutide (Ozempic ou Wegovy) comme traitement de l'obésité : point 126 : (LA) et comme le fait que toutes ces molécules (analogues du GLP-1) prenaient le chemin du Mediator, celui de l'indignité, de la corruption et des effets indésirables ( ICI : 171 et LA : 102 ).

Eh bien le Barnum continue avec une étude publiée dans le NEJM (ICI) qui est commentée de façon plutôt satisfaisante par Eric Topol (LA).

L'essai a montré que chez des patients en surpoids et obèses présentant des antécédents cardiovasculaires et n'étant pas diabétiques la prescription d'une injection par semaine de 2,4 mg de semaglutide entraînait une diminution significative par rapport au groupe placebo des décès par causes cardiovasculaires, du nombre des infarctus non fatals et des AVC non fatals sur une période de 38,9mois.

MAIS : 

Sur le critère principal composite il existe une réduction de 1,5 % du risque absolu obtenu au bout de 36 mois. Il faut traiter 67 malades pour obtenir un bénéfice ! A noter qu'en France le semaglutide est commercialisé à la dose maximum de 1 mg au prix de 76,58 € par semaine. Aux US le prix est de 337 $ par semaine !

On imagine si on s'était adressé à des patients obèses sans antécédents cardiovasculaires !

MAIS : il est probable qu'il est difficile, moralement, de proposer un traitement aussi coûteux si on ne fait rien en amont de façon préventive contre la malbouffe.

(J'apprends également que la moyenne de valeur de l'HbA1C était de 5,7, ce qui, pour Topol, peut être considéré comme du pré diabète !).


Sisyphe fait du télétravail

298. Le dépistage cardiovasculaire ne sert à rien.

Une étude danoise randomisée (LA) parue dans le NEJM :

  • Suivi pendant 5 ans d'une population d'hommes âgés de 65 à 74 ans. Ils sont assignés de façon randomisée à un groupe dépistage (n=16736) et à un groupe contrôle (n=29790)
  • Le groupe dépistage : score calcique, recherche d'anévrismes, de FA, mesures de la pression artérielle et de l'index de pression bras/cheville, recherche sanguine de diabète et d'hypercholestérolémie
  • Le groupe contrôle n'est pas informé sur l'attribution des groupes
  • Pas de différence sur le nombre de décès toutes causes.

Campagne de dépistage du cancer du testicule en GB : aucune preuve de son intérêt.



299. Orbita 2 montre que les stents marchent mieux que pas de traitement dans l'angor stable.

L'étude randomisée vs placebo est parue dans le NEJM (ICI)

Nul doute que nos amis cardiologues et le sous-groupe des cardiologues interventionnels vont s'en donner à coeur joie !

Voici le commentaire d'un de mes cardiologues favoris qu'il complètera sans doute en son blog où il a déjà beaucoup écrit sur le sujet de l'angor stable (LA) : 


40 % de sur traitements en France dans l'angor stable

C'est fait : il a publié ! C'est ICI

300. La Revue Prescrire se prononce contre la vaccination généralisée des enfants contre la grippe.

Vous pouvez lire ICI ses arguments.



 

88 ans (pas sur cette photo)

301. Les médecins sont de dangereux gauchistes.


302. Une nuit sur un brancard aux urgences majore de 40 % la mortalité hospitalière.

On se demande si on aurait cru à l'inverse...

C'est une étude française parue dans le JAMA (LA)

Bien entendu, pour ce qui est du niveau de preuves, il faut noter qu'il s'agit d'une étude multicentrique de cohorte rétrospective sur dossiers électroniques concernant des patients âgés de 75 ans et plus.

Cette étude serait importante si elle pouvait faire changer les choses.

Peut-on en espère plus qu'un rapport de la Cour des comptes ou qu'un un rapport d'une commission ad hoc ? Ou qu'un article du Canard Enchaîné ?






lundi 29 mai 2023

Bilan médical du lundi 22 au lundi 29 mai 2023 : le système de santé est en crise et la réponse des soignants : C'est pas moi, c'est les autres. Avec : urgences, gynécologie, essais contrôlés, fluoroquinolones, SCI-HUB, infections nosocomiales, l'oncologie en folie, conflits d'intérêts, angioscanners, RSA, IHU.

 


Le système de santé est en crise.

Tout le monde le reconnaît ou presque.

Tout le monde a des solutions : de l'argent, de l'argent, de l'argent. Et nous ferons le reste.

Cette semaine, plus que les autres semaines, les acteurs de santé répètent à l'envi : c'est pas moi qui dois changer, c'est l'autre.


180. Le problème des urgences ne vient pas des urgences (c'est du deuxième degré).

La crise de la santé publique est unanimement admise dans tous les pays développés (bis repetita).

Un urgentiste nord-américain nous donne son avis dans un fil twitter qui n'a pas manqué d'être applaudi par les urgentistes de ce côté de l'Atlantique.

Voir le fil : ICI.

Ça commence fort : 


C'est pourquoi, en France, sachant que les urgentistes ne pouvaient rien avoir à se reprocher, le Ministre de la Santé est un ancien urgentiste, Frédéric Braun. On voit le massacre.

On n'avancera pas beaucoup si on continue comme ça : 
  1. Il y a une crise de la Santé publique
  2. C'est pas moi c'est l'autre
  3. Le problème des soins primaires ne vient pas des soins primaires
  4. Le problème des soins palliatifs ne vient pas des soins palliatifs
  5. Le problème de la psychiatrie ne vient pas de la psychiatrie.
  6. Ad libitum.
  7. Tout va le mieux dans le meilleur des mondes possible (Leibniz).

181. Le problème du respect des patientes en gynécologie ne vient pas de la gynécologie (c'est du deuxième degré).

Vu sur internet

On n'avancera pas beaucoup si on continue comme ça : 
  1. Il y a une crise de la Santé publique
  2. Le problème sera résolu par les médecins
  3. Les patients, et ici les patientes, n'ont qu'à la fermer
  4. Sinon, qu'elles aillent voir ailleurs.
  5. Les gens qui savent, qui disent la médecine, qui savent mieux que les concitoyennes (pas encore malades) ce qui est bon pour elles, continuent de dire : 3circulez, y a rien à voir".


182. Le problème de l'absence d'essais contrôlés ne vient pas des essais contrôlés (c'est du deuxième degré).

Damien Barraud (@fluidloading) revient sur la (vieille) affaire de la flécaïnamide dans un thread (fil) qui souligne combien les essais bien menés sont nécessaires en médecine. Voir LA.

Damien Barraud, c'est le médecin qui s'est opposé dès le début aux raoulteries et aux autres charlataneries perronno-douste-blazyennes, et qui a dû subir les assauts des hordes de débiles hors-la-loi éructant à Marseille comme à C-News, à France-Soir ou à RMC (ils se reconnaîtront).

Mais Damien Barraud, c'est aussi le médecin qui n'a pas commencé par Raoult et qui ne s'est pas arrêté à Raoult pour dénoncer les essais cliniques frauduleux, les prises en charge médicales non fondées sur les preuves (ils se reconnaîtront aussi) et l'exigence de toujours plus d'éléments de preuves pour décider de traiter.

Ce thread/fil montre combien le bon sens, les idées préconçues, la physiopathologie ou l'étiopathogénie, ne suffisent pas pour emporter l'adhésion sur un traitement qui n'a pas, selon les normes actuelles (bien dégradées) des essais cliniques contrôlés, montré son efficacité sur des critères validés.

Et, fait rare, il y a plus de morts dans le groupe flécaïnamide que dans le groupe placebo !




Phase I pour la transmission du Sars-CoV-19



183. Le problème de la sur prescription de fluoroquinolones n'est pas liée aux prescripteurs de fluoroquinolones (c'est du deuxième degré).

L'ANSM rapporte LA les règles de prescription des fluoroquinolones.

Il est probable, pour que l'ANSM s'en mêle, et pour que l'agence européenne (EMA) mette son grain de sel  (elle qui est d'une passivité déconcertante quand il s'agit de dénoncer les industriels qui la finance), qu'il s'est passé quelque chose.

Eh bien, les défenseurs du système, pour les fluoroquinolones, ont une stratégie un peu différente :

  1. Les fluoroquinolones sont des produits majeurs : il ne faut pas les interdire. On se demande qui aurait eu cette idée folle.
  2. On exagère.
  3. Moi, je les prescris toujours bien.
  4. Il n'est jamais bon de dénoncer les brebis galeuses.
  5. Il n'y a pas tant d'évènements indésirables que cela dus aux fluoroquinolones







184. Le problème de la marchandisation de la connaissance scientifique n'est pas liée aux marchands (c'est du deuxième degré).




Le problème de l'accès aux articles scientifiques est peu abordé sur ce blog mais largement développé par le blog Rédaction Médicale d'Hervé Maisonneuve : ICI.

L'atomisation des titres, le nombre de publications, la cherté des abonnements font que nombre d'étudiants, de thésards, de doctorants et autres rédacteurs d'articles ont beaucoup de mal à se procurer des articles gratuitement.

C'est interdit, donc, ne diffuser pas une méthode pour passer outre : LA.


185. Le problème des infections nosocomiales sera résolu en ne les déclarant pas (c'est du deuxième degré).

Un rapport de Santé publique France (voir LA) relate l'augmentation des infections nosocomiales en 2022 qui serait due au Covid.

Le fait majeur : les établissements de santé ne déclarent pas massivement les infections nosocomiales comme les événements indésirables liés aux médicaments.

Et là, on peut dire : Circulez, y a rien à voir.







186. L'oncologie en folie et le problème ne vient pas des oncologues (c'est du deuxième degré)






Et l'article est  LA


Clara Locher fait feu de tout bois






Et


For 21 years, novel cancer drugs have typically been approved based on one single, often uncontrolled, clinical trial, measuring surrogate endpoints. This leaves cancer patients without solid evidence that novel drugs improve their survival or QoL and there is no indication towards improvement.

C'est LA





187. Les conflits d'intérêts pour les nuls (c'est pas moi c'est les autres)


Le professeur Didier Dreyfus sur Youtube



188. Quand l'extrême-gauche participe au cirque macronien du dépeçage de la Santé publique




189. Quand les recommandations ne sont pas suivies : à propos des angioscanners pour suspicion d'embolie pulmonaire aux urgences


Voir ICI le thread/fil complet de @FreundYonathan qui vous explique que malgré les recommandations le nombre d'angioscanners demandés aux urgences explose sans qu'il n'y ait de diminution de la mortalité !


Conclusion : 




190. Le tiers des foyers ayant droit au RSA n'en profite pas (salauds de pauvres : c'est du deuxième degré)




Voir l'article de Libération LA


191. Nous n'avons pas parlé de La Tribune parue dans le journal Le Monde contre l'IHU de Marseille

Parce qu'elle nous a fait rire (c'est du premier degré).

C'est ICI.

Pourquoi nous a-t-elle fait rire ?

Juste le titre : "En l'absence de réaction des institutions, les graves manquements constatés pourraient être la norme." 

Hu hu hu : elles le sont (presque) déjà.

Cf. supra : 186.



dimanche 29 mai 2022

Bilan médical du lundi 23 au dimanche 29 mai 2022 : Randomisons !, diabète de type 2, Covid Long, surdiagnostic, dermatologie, urgences et autres

Ray Liotta (1954 - 2022)


Il n'est pas possible de randomiser est l'expression la plus abusive en biomédecine


On l'entend et on la lit ceci de façon trop fréquente en médecine. 
  1. Aération des lieux clos : ICI
  2. Port du masque en lieux clos en fonction du type de masque, du lieu, de l'âge, bla-bla...
  3. Fermeture des crèches, écoles, collèges, lycées, universités
  4. Couvre-feu selon toutes ses modalités.

Les recommandations du NICE anglais pour l'évaluation et le traitement des patients présentant un diabète de type 2

Ces recommandations (LA) datent de mars 2022 et ont été commentées dans le BMJ (ICI)


Les coûts sont en train d'augmenter de façon vertigineuse.

Vous trouverez LA une infographie trop complète pour être applicable.

Bon courage pour les praticiens.

Un essai US récent (LA), de cohorte, comparant SGLT2 (canaglifozin, empaglifozin et Dapagliflozin) et metformine (!) ne montre pas de différences sur les critères cardiovasculaires (survenue d'événements, mortalité relative, mortalité globale) mais au prix de plus d'infections génitales ! 

Comme dirait La Revue Prescrire : restons-en à la metformine (dont on sait que les preuves de son efficacité sont très faibles).

Le Covid long suscite des recherches.

Des données non comparatives US : ICI

Une étude comparative de cohorte : LA. Les résultats sont assez étonnants. La lecture du papier est intéressante.

A high burden of persistent symptoms was observed in persons after COVID-19. Extensive diagnostic evaluation revealed no specific cause of reported symptoms in most cases. Antibody levels were highly variable after COVID-19.

... Et les faiseurs de peur font des déclarations fracassantes.


Un article non rassurant en pré print : ICI.

@kunstjonas


Le surdiagnostic : la pandémie silencieuse des pays riches.

Les lecteurs de ce blog sont habitués à cette notion de surdiagnostic qui ne concerne pas seulement le cancer (rappelons qu'un surdiagnostic de cancer est un authentique cancer qui ne gênera pas le ou la patiente tout au long de sa vie). Le surdiagnostic d'une hypertension artérielle est une authentique hypertension (selon les critères de normalité utilisées) qui ne gênera pas la patiente ou le patient tout au long de sa vie).

Cet article (LA) invite les médecins à prendre des précautions lors de l'établissement d'un diagnostic qui entraîne pour la personne une entrée dans une maladie (anxiété et/ou changement de son statut de personne en bonne santé en personne malade), des traitements non ou pharmacologiques et une chronicité. Les normes de diagnostic de l'hypertension artérielle et du diabète de type 2, par exemple, ont entraîné une augmentation considérable du nombre des hypertendus et des diabétiques (abaissement des seuils) et de personnes traitées (cela peut être assimilé au disease mongering ou fabrication des maladies).

En prenant l'exemple du cholestérol les auteurs signalent que le passage du seuil de 240 à 200 mg a permis de traiter 42 millions d'Etats-uniens de plus ! Et ils nous rappellent de parler en risque absolu et non en risque relatif.

Et Cancer Rose en a fait la traduction en français : ICI.

Des données concernant le Covid chez les moins de 5 ans aux US : rassurantes.

Comme d'habitude, il faut être prudent avec ces données (LA) qui sont US dans un pays où le système de santé est très différent du nôtre et où l'obésité chez les moins de 5 ans est fréquente. Mais il faut aussi souligner que le port du masque est conseillé, voire obligatoire chez les enfants de ce groupe d'âge dans nombre de villes et d'Etats US.


Les décès dans les transports aux US entre 2000 et 2009



La HAS prend les devants sur la "variole du singe": vaccinons.


Les urgences à la une.

La crise des urgences est mondiale.

Elle n'épargne pas la France.

Personne n'est content : les usagers ou plutôt les patients. Les urgentistes. Les médecins généralistes. Le pré-hospitalier. Le post-urgence. Les patrons d'hôpitaux.

J'avais analysé LA un article de Mathias Wargon.

Le poids du lobby académico-hospitalier a trouvé un bouc-émissaire facile : le médecin généraliste.

Tout ce qui va mal à l'hôpital est dû aux médecins généralistes libéraux "qui n'assurent pas la permanence des soins, qui terminent leurs activités à 18 heures" et on a de la chance on n'a pas encore entendu "c'est à cause de la féminisation de la profession".

Je ne reviendrai pas sur le mépris profond que tout ce qui n'est pas MG professe à l'égard des MG.

On va en reparler quand même.

Quand, un certain nombre de médecins, des MG notamment, posait le problème du "tout urgence", il y a 20 ans, personne ne les calculait.


Un peu de dermatologie "de terrain"


Hors sujet




jeudi 4 juin 2020

Accès aux urgences


L'accès aux urgences a longtemps été un sujet tabou et un lieu de discussion sans fin sur les raisons de cet accès libre et de ses conséquences.

Le docteur Mathias Wargon écrit beaucoup et il serait malvenu de lui reprocher de ne traiter aujourd'hui qu'un aspect du problème des urgences. Et sa contribution est la bienvenue.

Ce billet (LA) est important car il indique des pistes qui, jusqu'à présent, n'étaient évoquées que par les critiques non urgentistes des urgences.

Il est important car l'auteur aborde la question d'un point de vue ouvert sans oublier de pointer du doigt les défaillances du système et l'inadéquation fréquente des structures d'accueil.

L'accès aux urgences ou plutôt les raisons pour lesquelles les citoyens se rendent aux urgences ne sont pas toujours médicales ou, écrit MW, relèvent de la médecine ambulatoire ou de premier recours avec souvent des problèmes sociaux...

Oui.

L'accès aux urgences serait-il le reflet du fonctionnement de la société tout entière ? (1)

Oui.

MW nous indique que seulement 20 % des motifs de consultation ne seraient pas du ressort des urgences. Il se fonde sur un article récent de Naouri D et al. (ICI) Rappelons que 3 scores ont été utilisés pour juger de cette pertinence et que les résultats rapportent des pourcentages, respectivement de 23,6, 27,4 et 13,5 % La limitation de ce jugement : ce sont les urgentistes qui décident qui aurait dû venir et qui n'aurait pas dû le faire. Or, mon expérience personnelle de médecin généraliste, et nul doute que ces cas feraient partie des pourcentages sus cités, que lorsque je revois un patient au décours de son passage aux urgences, je me demande, je lui demande, ce qui lui a pris... Et les réponses : "Mais j'avais mal ! Mais je voulais savoir ce que j'avais ! Mais je voulais être rassuré..."

Naouri D et al. indiquent que la vulnérabilité sociale est importante pour le recours aux urgences. Tiens, ça tombe bien, ce sont les plus vulnérables socialement qui ont le plus de difficultés de santé...

MW n'omet pas de parler des conséquences financières pour l'hôpital de cette sur fréquentation des urgences. Mais nous serions tentés de croire, nous sommes bienveillants, qu'il s'agit plus d'un effet d'aubaine que d'une volonté délibérée.

Avant de proposer des solutions MW pointe le doigt sur un fait majeur et que peu abordent : l'accès aux urgences pour ce qui relève, selon les urgentistes, de la médecine ambulatoire est, je cite, catastrophique pour la bonne prise en charge du patient.

Oui.

Et MW n'omet pas de suggérer que la prise en charge en premier recours par un médecin de premier recours sera sans doute plus efficace de façon longitudinale.

Cela dit, les médecins généralistes qui prescrivent en leurs cabinets de médecine générale des médicaments et/ou des examens complémentaires, inutiles et/ou inappropriés dans des pathologies communes ne font souvent pas mieux que les urgentistes en transversal... Et vice versa.

Si je pouvais me permettre une incise : c'est un problème sociétal. Je ne développerai pas ici mes idées fixes sur le consumérisme médical, sur le zéro douleur, sur les indications d'examens complémentaires posées par le patient, sur le chantage juridique (si je ne le fais pas je vais avoir un procès)...  Et, du point de vue des médecins, sur le refus de l'incertitude qui conduit à l'excès de prescriptions...

Quand MW en arrive au chapitre solutions, je suis un peu plus circonspect. Car il ne parle que de l'amont. Les solutions qu'il suggère se situent toutes en dehors de son périmètre, c'est à dire la médecine de premier recours, comme si c'était aux urgences, c'est à dire les administratifs et les personnels de soin, de décider ce qui conviendrait le mieux aux libéraux... 

Il commence par proposer des solutions pour les patients insérés dans le parcours de soin mais, sauf erreur de ma part, il a écrit ailleurs que les maisons médicales de garde, cela ne marchait pas, et les autres solutions en sont au stade du berceau : téléconsultation, structures de soins non programmées avec plateau technique...
Mais, comme je l'ai écrit plus haut "mes" patients inscrits dans le parcours de soin vont aussi aux urgences en dehors des heures de bureau.

Quant à son paragraphe sur les exténués, les pauvres, les sans-papiers, les déshérités, n'est-ce pas un peu exagéré ? 

MW n'a pas envisagé l'adressage des patients aux urgences par le médecin traitant et la suite en ville. C'est un problème important car il devrait être une porte d'entrée pour une discussion loyale.

MW arrive dans la partie plus politique de son discours, politique au sens de la cité, je précise.

La mise en place d'un service d'accès aux soins (SAS).

C'est une tradition française, celle du millefeuilles : on rajoute aux structures existantes une autre structure sans supprimer les précédentes. Quant à la possibilité que des IDE et/ou des masseurs-kinésithérapeutes puissent être intégrés au processus, ce en quoi un médecin généraliste ne peut que souscrire par intérêt corporatiste (eh oui, en cette période de pénurie de l'offre, le corporatisme consiste à se défausser sur les autres, contrairement à une idée reçue) MW ne connaît pas les délais pour obtenir des séances de kinésithérapie et/ou la surcharge de travail et les horaires des infirmières libérales...

Cela dit, MW met les pieds dans le plat, il envisage enfin la possibilité d'une régulation de l'accès aux urgences, il reconnaît avoir changé d'avis, mais ne se rappelle pas combien il a agoni ceux qui le proposaient antérieurement.

Les CPTS, les communautés professionnelles territoriales de santé, lui semblent un outil adapté. Il suggère l'utilisation d'un mode de financement particulier et l'organisation de centres de santé, certes, et, à ma grande surprise, de structures positionnées à côté des urgences, solution qu'il avait fustigée à juste titre comme inefficace (voir les expériences menées à Manchester --Whittaker et al. LA -- et plus généralement en Angleterre -- Cowling TE et al ICI et LA).

Le problème de la médecine libérale de ville, c'est sa saturation.

Aucune étude ne montre que l'accès aux urgences est significativement amélioré (diminué) par le fait que les médecins généralistes réservent des plages d'urgences non programmées, ce que la plupart d'entre eux font depuis très longtemps.

Il n'y aura pas de solution miracle.

Ce billet de MW est très important car il suggère un revirement de stratégie : mais les urgentistes sont-ils convaincus de le comprendre ? En revanche, essayons d'organiser des rapports ville hôpital (et cliniques) plus sereins dans un respect mutuel (arrêtez de rire derrière mon épaule). La politique des petits pas est plus importante qu'une révolution qui ne surviendra pas d'un jour sur l'autre.

Dans tous les pays du monde se pose le problème de l'accès aux urgences.

Il y a sans doute une solution française ou plutôt des solutions adaptées à la France.

Mon expérience des urgences de spécialité, notamment en hématologie, m'a appris qu'une collaboration efficace ville hôpital est possible et bénéfique.

En me relisant je comprends qu'il y avait un million d'autres choses à dire. Ce sera pour une autre fois.


Note : 
(1) Il paraît évident de le penser. Sans parler de la misère sociale et sanitaire, il est possible de comparer selon les pays, et notamment pour les pays nordiques, le taux de consultation annuel par habitant qui, notamment au Danemark, est très faible...


mercredi 28 août 2019

Ce que l'on peut partiellement retenir de juillet et d'août d'un point de vue médical.

Bali : rizières de Jatiluwih (photo personnelle)

C'est un pêle-mêle non exhaustif :
  1. Il n'est pas nécessaire d'indiquer le nombre de séances lors de prescriptions de kinésithérapie : voir ICI. J'ajoute qu'à Mantes et dans son territoire (chic, non ?) les patients reviennent non seulement pour que je prescrive le nombre de séances (j'avais tenté de faire ce que me disait twitter) mais pour les "renouveler". On m'a déjà dit, c'était l'extrême-droite, que le Val Fourré, c'est pas la France, les patients et les kinésithérapeutes doivent avoir un profil particulier.
  2. Les visiteurs médicaux manipulent les médecins (enfin, les mauvais médecins, ceux qui ne savent pas résister aux sirènes des visiteurs médicaux même quand ils sont formés par des Key Opinions Leaders, tout en sachant que les vrais mauvais médecins sont ceux qui ne reçoivent pas les visiteurs médicaux) : voir un article canadien (qui est, selon *** un article d'inspiration complotiste puisqu'il prête des mauvaises intentions délibérées aux laboratoires pharmaceutiques et à leurs salariés) : LA. (Note 1)
  3. Pour faire sens : la crise des opiacés est un exemple en grandeur réelle de ce qu'est la philanthropie humaniste de l'industrie pharmaceutique si elle mêle appât du gain, disparition de l'éthique et hédonisme contemporain. Un entretien avec Richard Sackler de Purdue Pharma : banal ? LA
  4. The Australian Heart Fondation accepte de l'argent de n'importe qui, pas seulement de l'industrie pharmaceutique (on ne peut pas faire autrement, hein ?) mais aussi de la Junk Food Industry. ICI. Tout le monde ou presque s'en fout.
  5. La FDA, l'agence gouvernementale la plus connue dans le monde (on me dit que les fonctionnaires français de l'Agence du Médicament émettent des protestations mezzo voce), permet la commercialisation de molécules qui n'ont pas fait la preuve de leur efficacité ou sur des critères non pertinents acceptés pourtant par les experts de la dite agence gouvernementale en exigeant des études post marketing (après commercialisation) pour confirmer/infirmer le rapport efficacité/tolérance des dites molécules, études qui ne sont soit jamais menées soit menées sur des critères tout aussi impertinents que les précédents : voir (encore) un article canadien ICI.
  6. Les méthodes de la FDA contestées pour la mise sur le marché des médicaments anti cancéreux. Les experts confirment et rien ne changera : ICI. Cela suit en Europe (EMA) et en France. Les oncologues en roue libre. Et merci à F Maisonneuve pour son blog qui se radicalise avec le temps, tant sa prudence initiale est bousculée par les faits.
  7. Combien se faire payer en EHPAD à budget global ? Richard Talbot est un vulgarisateur hors pair de l'enfer administratif. A lire urgemment : LA.
  8. Il existe une liste d'experts indépendants (sans liens/conflits d'intérêts) aux EU d'Amérique que l'agence gouvernementale FDA n'utilise pas (cela pourrait être risqué pour l'obtention d'une AMM, sans doute) : LA.
  9. Article de l'excellente Aurélie Haroche sur la sur médicalisation (ICI) et je me rends compte qu'elle cite Luc Perino qui a "pompé" mots pour mots un de mes billets de blog de 2014 (LA) concernant Jules Romain qui aurait "pompé" Proust : l'albumine mentale. J'ajoute que j'ai moi-même pompé Le dictionnaire amoureux de Proust (mais je l'ai cité). Donc, soit Luc Perino a une mémoire d'éléphant pour se rappeler l'albumine mentale, soit il a lu mon billet, soit il a lu les Enthoven mais il ne cite personne.
  10. Un article qui peut (et va) faire du bruit. Peter Goetzsche a analysé deux essais (LA) rapportant les effets dus à la vaccination Diphtérie/tetanos/polio dans des zones rurales africaines chez des nourrissons sur le critère mortalité globale. C'est renversant car on y apprend que ls données de l'OMS sont manipulées et que le mortalité globale ne varie pas. (Note 2)
  11. Je discute avec un juriste pendant les vacances et je comprends de nombreuses erreurs que je commets en médecine. Sur les conflits d'intérêts, sur la décision partagée. Selon lui (PA), qui se reconnaîtra, la décision partagée en médecine est d'une part une aporie et d'autre part une dérive juridique du droit anglo-saxon qui permet de déplacer la responsabilité des choix du médecin vers le patient.
  12. Le rôle du spin dans les revues leaders en psychologie et psychiatrie est aussi important qu'ailleurs (on se dit d'ailleurs que les spécialistes du spin sont les psys en général : on n'est jamais mieux servis que par soi-même : ICI.
  13. "Militer pour la science", un entretien à propos du livre de Sylvain Laurens qui retrace l'histoire des mouvements rationalistes : LA. Ce qui me permettra de consacrer un billet à : La médecine n'est pas une science.
  14. Les médecins invités à prescrire par l'industrie (cela s'appelle de la corruption) sont aussi invités à ne pas le dire : LAMore than four in ten British health professionals who take money from drug companies don't disclose those payments or say where the money came from. On s'en doutait un peu... 
  15. Au commencement de la crise des urgences certains urgentistes, dont le distingué Thomas Mesnier, avaient stigmatisé l'attitude générale des médecins généralistes (feignants, désorganisés, incompétents), et le rapport du distingué prétendu urgentiste avait proposé des horaires encore plus importants et des gardes encore plus nombreuses et obligatoires. La nouvelle doxa est celle-ci : les généralistes n'y sont pour rien, ce qui manque, c'est l'argent, le personnel et les lits d'amont. Ne vous réjouissez pas trop vite, amis MG, nous continuons à ne servir à rien dans ce système de soins qui va très bien sans nous et comme ce sont les mêmes qui nous font disparaître : tout baigne.
  16. La polémique avec les associations de patients (ou plutôt l'association des associations de patients) qui désiraient une sorte de MedAdvisor pour évaluer les médecins (voir ICI) a tourné court car elles ont prétendu que c'était plutôt SoinsAdvisor, c'est à dire évaluer les soins en fonction des recommandations et des consensus considérés comme neutres a priori. Mais le problème demeure ; ce qui s'est passé avec les opiacés est tout à fait démonstratif du rôle que l'on fait jouer aux associations mais ce n'est pas ici, c'est dans la patrie du libéralisme et du capitalisme triomphants, rien ne peu se passer ainsi en France. Retour sur un article de Vinay Prasad (je précise qu'il ne me verse pas d'argent, qu'il ne m'a pas promis un poste de porteur d'eau à Portland où il exerce et qu'il m'arrive de ne pas être d'accord avec lui...) paru en décembre 2018 sur les relations idéales entre les patients et l'EBM : 

    True Patient Advocates Must Be Students of Evidence-Based Medicine (ICI).

  17. On connaît en théorie la faible valeur explicative des études observationnelles mais on continue de les prendre en considération avec trop d'attention. On nous avait dit que les inhibiteurs de la pompe à protons pouvaient, lors d'une utilisation prolongée, entraîner de nombreux effets indésirables, ce qui avait conduit nombre de confrères à déprescrire (avec des résultats intéressants mais non démontrés) et, surtout à initier les prescriptions pour des temps courts en renseignant les patients. Or, un essai randomisé récent montre le contraire : ICI. Le problème vient de ce que l'étude a été sponsorisée par Bayer et que la liste des investigateurs ayant des conflits d'intérêts avec les firmes commercialisant les IPP est impressionnante. Donc : méfiance sur les premières informations et sur les réfutations ultérieures.
  18. La vitamine D à haute dose ne sert à rien chez les personnes en cas d'ostéoporose  saines et peut même entraîner une diminution de la densité osseuse (trois ans)  : ICI. (J'ai fait cette correction grâce à kyste et à son commentaire.)
  19. La relation sur twitter des grossesses de deux tweetteuses que j'aime beaucoup (qu'elles n'en prennent pas ombrage) m'ont confirmé dans l'idée simple et simpliste que la GPA pose des questions éthiques fondamentales qui, pour moi, sont indépassables. Nous y reviendrons.
  20. Vingt-cinq perles (vérités qui ont mis des siècles à être appliquées et mensonges que l'on nous a fait avaler) depuis 25 ans ! LA pour la première partie.
  21. Et l'aspect juridique des mensonges : un rapport décoiffant (ICI) sur les jugements concernant l'industrie pharmaceutique depuis 25 ans aux Etats-Unis d'Amérique. En 2015, date de publication du rapport, big pharma (voir la note 3 sur le caractère "complotiste" de l'utilisation de ces deux mots) a payé 35 milliards de dollars de pénalités !
  22. Le "problème" des certificats demandés par les assureurs au mépris des règles du secret médical n'est toujours pas résolu. Certes, le Conseil de l'Ordre des médecins a publié des documents ad hoc qui sont, en théorie, d'une grande clarté, mais ils laissent toujours le médecin isolé en son cabinet entre les desiderata des assureurs, l'anonymat le plus fréquent des médecins des assurances, la mauvaise foi de ces mêmes assureurs et l'incompréhension des patients. J'ai rédigé, avec l'aide de confrères, des documents afin de répondre aux demandes mais c'est une perte de temps et une détérioration de la relation médecins/malades...
  23. Un certain nombre de mentions sont faites relatant l'éventuelle dangerosité du vapotage. Comme toujours, en raison d'informations partielles et demandant à être confirmées/infirmées, il faut être circonspect et se poser la question simple du rapport bénéfices/risques par rapport au tabac (si l'on considère que le vapotage est un traitement de substitution et non un mode d'entrée pouvant se substituer d'emblée au tabac). J'avais demandé en 2013 d'être prudent : LA. Réflexion plus générale : en étant prudent on risque moins de se tromper (baclofène, vape, étude sprint...)
  24. Il y a encore plein de trucs...
  25. Rajout du 30/08/19 : Psychiatry defends its antipsychotics: a case Study  of institutional corruption : ICI.



Un des symboles du Québec : le dépanneur  (Montréal)




Notes 
  1. Selon les médecins libéraux (non au sens de l'exercice libérale la médecine, celui qui consiste à subir les contraintes de l'Etat sans profiter des avantages du mode libéral, mais au sens de l'acceptation aveugle et sourde de la loi d'airain du marché) il existe deux types de médecins résistants à la visite médicale : ceux qui ne la reçoivent pas et qui sont donc ignorants et mauvais par principe puisqu'ils ne sont pas immédiatement mis au courant des dernières innovations qui vont sauver la vie de leurs malades et qui leur font donc courir une perte de chance et ceux qui la reçoivent et ne sont pas influencés, écoutant d'une oreille distraite et critique, les argumentaires (pour les lacaniens, les argumenteurs), pour ne pas les appliquer. N'oublions pas non plus, mais ceux-là on les cache ouin ne les mêt pas en exergue, les non résistants, les compliants, les médecins libéraux (la CARMF, l'URSSAF, le secteur 2, le black) libéraux (voir supra la loi du marché) qui reçoivent la visite médicale et qui appliquent laborieusement ses préceptes au nom de la modernité...
  2. Je ne vous renvoie pas à tout ce que j'ai écrit sur le fait ou non d'émettre des critiques scientifiques sur les vaccins mais quand même : ICI. Je suis inquiet car les vaccinolâtres vont en profiter pour mettre en question tout ce que Peter Goetzche a écrit antérieurement, notamment sur le dépistage du cancer du sein et les psychotropes. Ajoutons que l'article ne fera finalement pas de bruit car la consigne sera de ne pas le commenter. La phrase à retenir de notre ami danois : les vaccins sont des médicaments comme les autres, il est donc possible de les évaluer.
  3. Il est vrai que pour les quidams lambda dont la culture médicale, politique, sociologique, littéraire, et j'en passe, passent par Wikipedia, la lecture de ce qui est dit sur ce media neutre et bienveillant, est édifiante : voir ICI pour ce trésor de bêtise.
    Donc, quand vous parlez de Big Pharma vous êtes complotiste. Il est possible de parler de lobbys mais de Big Pharma : non.
    En France.
    De nombreux auteurs anglo-saxons utilisent l'expression et sont des académiques de haute volée.
    Donc, Marc-André Gagnon RT (retweete) des articles complotistes comme celui-ci : LA.
    L'association français Formindep est complotiste quand elle RT un article montrant comment l'industrie des laits maternisés corrompt les pédiatres : LA.
L'homéopathie au Canada :


La réflexologie plantaire en Indonésie :


dimanche 3 juillet 2016

Trois coups de fil pendant la consultation. Un samedi.


Le samedi, après 11 heures et demi, je suis seul au cabinet. J'ai commencé mes rendez-vous à 8 heures trente, un patient par quart d'heure, et mon dernier patient, je le vois à 14 heures trente. Demi journée continue.
Dans l'intervalle il y a des appels filtrés par ma secrétaire parmi lesquels certains me sont passés, un résultat d'INR (conseil téléphonique), un muguet chez un nourrisson (conseil téléphonique), une prétendue otite chez un enfant (conseil téléphonique), et cetera. Sans oublier une erreur de date sur un arrêt de travail.
Je reçois ensuite, une fois la secrétaire partie, plusieurs appels dont trois que je vais détailler. 
Appel 1. (Une voix de femme) "Ma maman âgée est tombée à son domicile, son médecin traitant est absent le samedi. Est-ce que vous pouvez passer ?" J'explique à la dame que ce n'est pas de mon ressort. Je ne suis pas le médecin de garde. Il n'y a d'ailleurs pas de médecin de garde à 13 heures le samedi. Je l'interroge (et je vous rappelle que je suis en consultation, que j'ai un patient en face de moi, qui a pris rendez-vous, qui pourrait se fâcher que je réponde, longuement, au téléphone en sa présence...) et j'en conclus qu'il est possible, c'est une très vieille dame, qu'elle ait pu se casser quelque chose. "Vous avez deux solutions : soit, si elle peut se déplacer, vous la mettez dans votre voiture et vous l'emmenez aux urgences, soit vous appelez le 15." Elle n'est pas contente que je ne passe pas.
Appel 2. "Est-ce que vous consultez cet après-midi ? - Vous ne vous êtes pas présentée... - Oui, je ne suis pas une malade du cabinet. Mon médecin est absent. - Qu'est-ce que vous avez ? - Ce n'est pas moi, c'est mon mari. - Ah... - Il a une angine. - Hum. Je n'ai pas de place. - Je fais comment ? - Vous lui donnez du paracetamol et vous appelez le 15 vers 19 heures trente afin que la personne de permanence vous donne le code pour aller à la Maison Médicale de Garde qui ouvre à 20 heures... - A 20 heures ? - Oui. - Mais il lui faut un médecin tout de suite. - Si c'est le cas, vous pouvez toujours aller aux urgences de l'hôpital. - Mais il y a trop de monde... - Je suis désolé mais je ne vois pas d'autre solution. - Merci docteur."
Appel 3. "Allo, bonjour, est-ce que vous faites des visites à domicile cet après-midi ? - Non. Jamais. - Mais ma femme souffre énormément. - Vous êtes des patients du cabinet ? - Non, nous venons d'arriver dans la région. - Qu'est-ce qu'elle a, votre femme ? - Des douleurs de règles. - Des douleurs de règles ? Je ne pense qu'aucun médecin ne se déplacera pour des douleurs de règles un samedi après-midi. - Je ne vous demande pas de me juger, je vous demande si vous pouvez passer... - Non. - Mon ancien médecin passait, lui... - Ce n'est pas mon cas. Mais il y a des solutions. - Lesquelles ? - Eh bien, si elle a vraiment trop mal, les urgences, si elle peut attendre un peu la maison médicale de garde... - Mais je n'ai pas de moyen de transport. - Appelez un taxi. - Vous pourriez mieux me parler...  - Un médecin n'est pas un chauffeur de taxi. Bonne journée."

J'ai essayé de faire court.

Imaginons maintenant les réactions.

Qui pourrait bien réagir ?
  1. Une association de patients.
  2. Une revue de consommateurs.
  3. Une association d'urgentistes.
  4. Un syndicat médical.
  5. Un journal grand public.
  6. Un blog citoyen.
  7. Un blog médical.
  8. Monsieur/Madame Tout le Monde
  9. Un homme/femme politique


Quelques éléments de langage et vous brassez.
  1. On peut mourir.
  2. Les inégalités de l'accès aux soins.
  3. Les médecins libéraux de ville ne font pas leur boulot.
  4. Le système de garde est déficient.
  5. Que fait le conseil de l'ordre des médecins ?
  6. Il devrait y avoir un système de garde de ville 24/24 et 7/7
  7. De mon temps...
  8. C'est un cas typique de refus de soins.
Des commentaires ?



Un peu de lecture : Des données sur l'inverse care law (LA) et un commentaire humoristique : ICI.


jeudi 18 septembre 2014

Billet ouvert destiné à l'urgentiste de l'hôpital Lariboisière (Paris) entendu sur Europe 1 le 17 septembre 2014 vers 8 heures et qui a parlé de désorganisation de la médecine de ville.


(Ce billet n'est pas exhaustif, plus d'humeur qu'autre chose)
Je zappais ce matin dans ma voiture en roulant vers Mantes (1) et je tombe sur les informations d'Europe 1 (2) et un reportage sur les urgences de l'Hôpital Lariboisière (Paris). Bla bla de la journaliste sur l'encombrement des urgences, pas sur le temps d'attente, non, sur l'augmentation considérable du trafic (pardon, j'ai oublié les chiffres), des témoignages de patients, pourquoi mon copain est allé aux urgences, bla bla bla, et la journaliste de commenter les propos d'un urgentiste (j'ai oublié son nom), donc, on n'est pas certain qu'il ait vraiment dit cela, on connaît les journalistes, des propos rapportés, coupés ou déformés, qui raconte pourquoi rien ne va aux urgences. En substance, l'urgentiste (vous savez le type qui dit du bien des médecins généralistes en public et de l'extrême mal en privé et... aux urgences -- et, parfois, je ne saurais trop le contredire) n'a pas besoin de conférences, de commissions d'enquêtes, de réunions de consensus, de rapport Steg, non, il sait d'où viennent tous les maux des urgences, oui oui, c'est un génie absolu, attention les amis, accrochez-vous à vos sthétoscopes, vos tiroirs-caisses ou à vos logiciels métiers qui font de la publicité, La profonde désorganisation de la médecine de ville.
Le mek docteur des urgences, y se la raconte pas, y nous la fait mesuré, dans le genre, l'hôpital, ce hâvre d'organisation, cette pépinière de jeunes pousses, ce nid d'économies, ce paradis du travail bien fait dont tous les personnels épanouis redemandent, va donner la leçon à la médecine de ville désorganisée...
Le mek, y manque pas d'air.
Reprenons quelques uns de ses arguments, pas piqués des hannetons : y a trop de monde aux urgences (le Josep Prudhomme de la médecine d'urgence a pris des cours avec le Pelloux de Koh-Lanta) ; y a des gens qui n'ont rien à y faire (pour l'instant, on suit et on ne dit rien, nous les désorganisés de la cervelle et du libéral associés) ; le délai est tel pour avoir des IRM que les gens préfèrent aller aux urgences pour en avoir une (là, le mek docteur organisé dans sa tête, y commence à déraper grave du ciboulot) ; donc, il faut créer des maisons de garde avec du matériel pour que les médecins généralistes puissent faire (enfin) de la (vraie) médecine.
Docteur Lariboisière du Service Public, y connaît qu'un modèle, celui de l'hôpital organisé et qui marche, celui où tout le monde a envie d'aller même en n'étant pas malade, et donc y propose aux médecins de ville, ces khonnards inorganisés du cerveau, de faire des urgences en petit... avec des petites IRM, sans doute...
Ce qu'il n'a pas compris c'est que la majorité (je fais cela à la louche mais mon oreillette me dit que je ne suis pas loin de la vérité) des citoyens qui vont aux urgences n'ont rien à y faire, non parce qu'ils mériteraient des soins ambulatoires (une consultation en Maison Médicale de Garde par exemple), mais parce qu'ils ne sont pas malades... ou qu'ils pourraient attendre. Mais aussi : que la majorité des patients consultant en médecine ambulatoire ne sont pas malades du tout ou pourraient bénéficier clairement de l'utilisation de kleenex ou de paracetamol ou d'un régime approprié pour combattre une diarrhée aiguë. Et je ne parle pas d'automédication, je parle d'abstention pure et simple. Mais les malades, me dit un copain pharmacien, quand ils ont un rhume, ne pourraient-ils pas aller "consulter" en officine ? Ben, ça pose problème : quand un citoyen sort d'une pharmacie après qu'il a consulté over the counter (OTC) pour un rhume, il n'est pas rare qu'il ait eu droit d'acheter des saloperies dans le genre Actifed, Dolirhume, qui contiennent des saloperies comme la pseudo éphédrine... Quand il ira chez Leclerc, cela ne s'arrangera pas : "50 % sur la pseudoéphédrine et des points sur la carte du même nom !" qu'elle dira la pub dans les télévisions et les radios... Mais ne me faites pas dire qu'il n'existe pas des médecins généralistes dans le même métal qui prescrivent rhinadvil et derinox à tours de bras dans la même indication...
Donc, Monsieur l'organisé des urgences de l'hôpital Lariboisière (Paris), si je peux me permettre une incise de médecin de ville désorganisé, si les non malades n'encombraient pas les consultations de médecine générale (et y compris, comme disent les énarques de gauche, les certificats de merdre pour le sport, la pétanque, l'école, la crèche, la prise de paracetamol à la crèche, les certificats de bonne santé, les arrêts de travail non faits aux urgences, passez voir votre médecin traitant, les effets indésirables des médicaments prescrits aux urgences -- je veux dire, ouvrez vos oreilles l'organisé de Larib, le tramadol, le tramadol et encore le tramadol, les allez voir votre médecin traitant pour qu'il vous prescrive un écho-doppler veineux parce que je ne sais pas le faire aux urgences et que votre malade il a peut-être une phlébite), si les non malades n'encombraient pas les consultations de la médecine de ville désorganisée, eh bien nous aurions plus de temps (ah, j'oubliais, enlevez de votre tête organisée que nous sommes des feignants, des flemmards, des planqués libéraux qui faisons les 35 heures et pour qui un sou gagné est un sou net...) de voir des (vrais) patients qui n'iraient pas aux urgences parce que cela ne serait pas urgent...
N'oubliez pas non plus, Monsieur l'organisé des urgences de l'hôpital Lariboisière, que, dans la majorité des cas, ce ne sont pas d'examens complémentaires dont nous avons besoin, en soins ambulatoires, mais d'une capacité (les meks modernes, y disent compétence) que vous avez sans doute perdue dans vos locaux organisés, algorithmés, normativés, avec des protocoles (et nul doute que la protocolisation des urgences pour certaines pathologies a rendu les nuls moins nuls mais les bons moins bons) de plus en plus longs et qui ne sont plus que des croix sur des formulaires, qui est de gérer l'incertitude. J'ai écrit un billet qui s'appelait, par provocation, "Ne pas être curieux", où je développais l'idée que l'expérience, l'intuition et la mesure devaient être les qualités primordiales du médecin généraliste afin de rassurer le patient sur sa maladie et ne pas le rendre malade (ICI). Des Spence, médecin généraliste écossais éditorialiste au BMJ, actuellement en année sabbatique, a écrit des choses merveilleuses sur le sujet.
Voici par exemple et, d'une certaine façon, cela va dans votre sens, mais pas dans celui des centres médicaux avec possibilité de faire des examens complémentaires (LA) : Spence commence par ceci : un aspect économique négligé est celui de la fonction primordiale de la médecine de premier recours qui est de faire barrière (gatekeeper). Les coûts de la santé publique sont liés aux coûts hospitaliers, poursuit-il. L'efficience de la médecine générale doit être jugée ainsi : une analyse de sang coûte quelques dizaines d'euros, une consultation externe quelques centaines, une admission en urgence quelques milliers. La valeur de la médecine générale ne tient pas à ce qu'elle fait mais à ce qu'elle ne fait pas.
Pour cela il faut avoir du temps. Mais on pourrait appliquer cette dernière phrase aux urgences : La valeur des services d'urgence tient à ce qu'ils font en cas de maladies urgentes graves et à ce qu'ils ne font pas en cas de maladies "urgentes" bénignes.
Pour cela il faut avoir du temps.
Nous en convenons. Les protocoles des urgences prennent du temps et de l'argent (n'oublions pas, on omet souvent de le dire, du poids économique que représente le service des urgences dans un hôpital, je veux dire du poids économique bénéficiaire pour les finances de l'hôpital malgré la montagne des impayés dont le recouvrement, parlez-moi du Tiers Payant Généralisé délocalisé en médecine de ville désorganisée, est fait aussi par le Trésor Public) et il serait utile que les urgentistes seniors ou non connussent des notions banales en médecine comme les couples spécificité / sensibilité et Valeur prédictive positive / valeur prédictive négative, ce qui permettrait de résoudre quelques impatiences dans les laboratoires et les services de radiologie attenants.
Trop d'IRM aux urgences tue l'IRM.
Plus le médecin urgentiste est expérimenté et moins on fait d'IRM.
Je n'ai pas encore parlé des Services d'Urgences Non programmés dans les cliniques privées pour lesquelles un billet entier serait nécessaire.

Ainsi, l'afflux aux urgences est aussi lié, vous n'y êtes pour rien, au Droit Imprescriptible des Citoyens à être en Bonne Santé et Tout de Suite !

J'ajoute, pour faire bonne mesure, que si des critiques sont émises sur la façon dont certains médecins généralistes "adressent" leurs patients aux urgences, je les prends en compte.
Mais il serait également utile que les patients adressés par leur médecin traitant aux urgences (avec une lettre tapuscrite éclairée) soient pris en charge avec plus de soin, si j'ose dire, que le patient tout venant qui vient pour un arrêt de travail.

Donc, si les urgences de l'Hôpital Lariboisière (Paris) sont débordées c'est à cause de la désorganisation de la médecine de ville. 
Circulez, y a rien à voir.

Amen.


Notes
(1) Je n'ai jamais compris, mais on va m'expliquer, que sur France-Culture les informations de 8 heures soient à la même heure que celles de France-Musique, certainement une exigence syndicale pour qu'il y ait deux rédactions distinctes et qu'ils disent la même chose, ou presque, au même moment, et moi, quand j'écoute l'une ou l'autre des radios, je veux écouter de la culture et de la musique, pas des infos générales avec des resucées des différentes chaînes de radio-France... je passe, c'est pas le sujet...
(2) J'aimais écouter Philippe Meyer à 7 heures 56 et on me l'a enlevé, le Meyer, et les émissions de Marc Voinchet devenant d'un gnan gnan terrible, je tente d'écouter la chronique de Dany le rouge sur Europe 1 à 7 heures 55... d'où...

Crédit photographique : Bali-Sanglah Public hospital. ICI pour illustrer l'hôpital Baliboisière (Paris)