La vieille croyance arrogante, condescendante et moralisatrice des médecins, et pas seulement des hygiénistes, La maladie est le salaire du péché, est devenue, en cette période de cinquième vague pandémique, une obsession morbide s’exprimant à la fois par une mantra scientiste, Les non vaccinés sont des égoïstes et des assassins, et par une fausse interrogation éthique, Faut-il soigner ces gens-là ?
Les nouveaux médecins éthiques affirment dans la foulée : nous avons le droit, voire le devoir, de nous poser la question et de donner des réponses mais, rassurez-vous, nous traiterons ces gens-là comme les autres.
Or, toute la littérature médicale indique le contraire : les préjugés perturbent la relation de soins. Il n’est qu’à lire et à écouter ce que racontent les personnes en surpoids, ce que racontent les usagers de substances addictives, les étrangers parlant mal français, les travailleurs manuels blessés ou les détenteurs de la CMU, et cetera…
Ce discours décomplexé, Faut-il traiter les non vaccinés ?, est devenu banal, normal, évident, frappé de bon sens, au point que s’en émouvoir fait passer les contradicteurs pour des naïfs, des moralisateurs ou des idéalistes.
La longueur de la crise, la fatigue, l’épuisement, la maladie elle-même qui a touché les soignants, peuvent expliquer cette exaspération et cette prise de parole énervée. Mais peuvent-elles l’excuser ?
Une autre hypothèse est celle-ci : au moment de cette cinquième vague qui met à mal la science, le pouvoir médical, la croyance dans le progrès indéfini du progrès, les vaccins pour lesquels l’efficacité s’épuise au bout de trois mois, il fallait trouver un coupable idéal, et c’est le non vacciné. Le non vacciné qui ne peut présenter son pass vaccinal ou, pire, le non vacciné qui présente le pass vaccinal de son voisin ou son faux pass vaccinal, voilà le bouc-émissaire, celui qui explique tous les maux de la santé publique française. Le non vacciné qui entraîne la multiplication des variants…
Il y a même des soignants et des non soignants qui proposent des hôpitaux dédiés aux non vaccinés où il n’y aurait ni réanimation, ni personnel qualifié, ni antibiotiques…
Il y a même des médecins, très rares, des soignants en général, des non soignants, qui se réjouissent en sourdine et sur twitter, que des antivax déclarés comme Alain Decaille, le chauffeur de taxi martiniquais, soit mort du covid… La maladie est le salaire du péché.
Il est plus facile de stigmatiser la minorité des non vaccinés que de désigner ceux qui ne respectent pas quotidiennement les mesures-barrières à titre individuel, professionnel ou dans la vie quotidienne. Car qui respecte vraiment les gestes-barrières ? Qui n’a jamais dérogé ? Et surtout : qui peut voir les coupables ? Il n’y a pas de pass mesures-barrières, il y a seulement des déclarations de bonnes intentions et des C’est pas moi c’est l’autre.
Faire du non vacciné un bouc-émissaire permet d’éluder les mauvaises politiques de santé publique menées avant, pendant et après la vaccination. Cela permet également d’oublier les inégalités sociales et géographiques du taux de vaccination et de mettre sous le tapis les populations des pays pauvres non vaccinées (92 % à ce jour).