Affichage des articles dont le libellé est ENURESIE. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est ENURESIE. Afficher tous les articles

jeudi 17 décembre 2020

Jour 17 des pratiques médicales répandues françaises et internationales non fondées sur les preuves : le traitement pharmacologique de l'énurésie primaire.

Trois médicaments sont utilisés en France : la desmopressine en première intention et, en deuxième intention, les imipraminiques et, encore un peu en retrait, les anticholinergiques.

Une méta-analyse Cochrane de 2002 (comportant des essais de faible niveau de preuves) indiquait une amélioration significative du nombre de nuits sèches (-1,34 jour/semaine) et une meilleure capacité à obtenir 14 nuits sèches dans le groupe desmopressine vs le groupe placebo mais aucune différence entre les deux groupes à l'arrêt du traitement : ICI.

En 2017 une méta-analyse Minerva analysait d'ailleurs une stratégie de retrait de la desmopressine avec comme conseil de faible niveau de preuves de diminuer progressivement les doses.

L'utilisation des imipraminiques n'a pas non plus fait la preuve de son efficacité à long terme (sans oublier les problèmes posés par l'utilisation de tels produits chez l'enfant).

Les anticholinergiques purs (oxybutynine) ont fait l'objet de peu d'essais et ont de nombreux effets indésirables.

Par ailleurs l'intervention par alarme (LA) a donné les résultats intéressants mais ne garantit à long terme que pour un enfant sur deux.

Quant aux méthodes comportementales simples (ICI), on ne dispose pas de suffisamment d'essais et il faut d'emblée envisager ses conséquences négatives sur un plan familial (querelles et investissement affectif très fort).

Certains auteurs ont proposé de mêler ces différentes interventions mais la littérature ne renseigne pas sur des niveaux de preuve suffisants.

Cet article de 2005 est, me semble-t-il, très bien écrit et très prudent : ICI, beaucoup moins affirmatif qu'un article de l'AFU : LA.

vendredi 8 octobre 2010

UN ENFANT ENURETIQUE DIURNE - HISTOIRES DE CONSULTATION : QUARANTE-QUATRIEME EPISODE


En recevant Madame A et son enfant, le petit A, trois ans et deux mois, j'ai ressenti, au bout de quelques minutes de consultation, une impression de déjà vu (cf. ici). Il se trouve que cet enfant est, comme l'enfant de la consultation vingt-deux, d'origine négro-africaine et la coïncidence ne pouvait en être que plus frappante dans mon esprit (vous avez sans doute remarqué que sur ce blog, j'essaie de ne pas -trop- parler de l'origine ethnique de mes patients pour ne pas induire de réflexes conditionnés de la part du lecteur ou de susciter un sentimentalisme anti raciste ou un sentimentalisme social -les pauvres populations immigrées- mais je finis par croire que j'ai tort : j'ai tort car il s'agit probablement d'autocensure de ma part, une autocensure bien pensante ou une autocensure signifiant Voyez comme je ne suis pas raciste... ). L'enfant de la consultation vingt-deux a changé d'école, on a fini par le mettre sous ritaline et les choses se passent mieux : est-ce une victoire de la pharmacopée ? Une victoire de la médecine ? Je n'en sais rien. Toujours est-il que sous ritaline l'enfant est scolarisé, la mère n'est pas contente, mais les choses rentrent dans l'ordre...
Revenons à notre petit A, trois ans et deux mois.
Voici ce que me raconte la maman : une semaine après la rentrée scolaire chez les "petits" A s'est mis à faire pipi dans sa culotte à l'école (nous sommes le cinq octobre). Réaction de l'institutrice : S'il continue, il faut l'exclure et il ne reviendra que lorsqu'il sera propre.
Le bon docteur du 16 a des idées préconçues sur l'Education Nationale mais il essaie de ranger cela dans sa poche et de mettre un mouchoir par dessus. C'est difficile.
J'interroge la maman alors que l'enfant, assis dans un fauteuil à côté de celui de sa maman, ne dit rien. J'essaie de lui poser des questions mais il ne veut pas répondre. Les analystes en auront déjà fait des tonnes. Le petit A ne fait pipi dans sa culotte qu'à l'école. Jamais à la maison, jamais chez sa grand-mère, il est propre la nuit et ne présente pas, dans la vie courante, d'impériosité.
Le versant social : la maman a longtemps vécu seule (le père est parti peu de temps après la naissance de l'enfant et il commence à revoir, mais de de temps en temps, son fils qui le réclame. Nous sommes toujours dans le discours maternel.), elle a un nouveau "compagnon" (c'est le terme qu'elle a utilisé, connaissant les habitudes linguistiques actuelles) qui habite chez elle depuis environ six mois "Et ça se passe bien."
Je résume : cet enfant demande son père qui a quitté sa mère qui vit avec un autre homme depuis six mois et présente une énurésie diurne uniquement scolaire.
L'institutrice (et la directrice) ont demandé à la maman qu'elle consulte un psychiatre et, à l'extrême rigueur son pédiatre (ce pauvre garçon est suivi par un généraliste), afin qu'il lui prescrive un médicament.
Je rassure la maman. J'essaie de lui expliquer qu'il y a probablement une cause à l'école : un conflit caché, institutrice, Atsem (agent spécialisé des écoles maternelles), camarade de classe, et cetera.
Elle doit revoir la maîtresse demain. Elle me demande un certificat que je refuse. Allez la voir, nous verrons après. Je l'informe toutefois que l'Education Nationale est un Grand Corps Sain d'où ne peuvent naître des conflits, les conflits constatés dans l'enceinte de l'école étant par définition extra scolaires, liés aux conditions de vie (la misère), aux conditions sociales (la monoparentalité), à des troubles neurologiques (dyslexie), à des troubles psychiatriques (hyperactivité), et j'en passe et ne peuvent être attribués au Corps Enseignant, aux Techniques d'Elevage, aux Théories d'Enseignement, à l'Idéologie régnante bafouée constamment (l'enfant au centre des préoccupations de l'Ecole).
Je vous donnerai des informations après que la maman m'aura raconté son entretien avec l'institutrice mais vous en connaissez déjà la teneur : Votre médecin est un con.

dimanche 30 mai 2010

ENURESIE - HISTOIRES DE CONSULTATION : VINGT-SIXIEME EPISODE

Madame A est une "nouvelle patiente" qui vient consulter pour son fils de six ans qui fait pipi au lit. C'est elle qui se met en avant. Tout est centré autour d'elle. N'interprétons pas, écoutons-là. "Il me fait pipi au lit tous les soirs... Je commence à en avoir marre... C'est pour lui, c'est un grand... J'ai tout essayé, je ne l'ai pas grondé, je l'ai grondé, je l'ai privé de télé, de DS et j'en ai assez... Il me saoule... Bien sûr (et nous sommes dans l'intégralité de son discours...) que le divorce n'a pas arrangé les choses... Il ne voit plus son père... Mais je n'y suis pour rien... C'est la vie... Alors, docteur, il faut faire quelque chose, vous devez bien avoir une solution, ça finit par coûter cher, les couches..." Pendant ce temps le petit garçon n'écoute pas. Il monte sur le fauteuil, il met les doigts sur le bureau, il s'empare du cachet, il touche les fils de l'ordinateur, il se lève... Et Madame A ne dit rien. Elle parle d'elle-même. C'est elle qui souffre de l'énurésie de son fils. Mais est-ce que l'énurésie est une souffrance pour l'enfant ? "J'ai essayé de ne pas le culpabiliser... Mais j'en ai marre... Il me pourrit la vie..."
Bien entendu cette maman a déjà consulté plusieurs médecins auparavant. Je suis un recours. Je me demande bien pourquoi.
Je suis un recours et elle me pose le marché en des termes clairs : "Vous devez trouver une solution ! C'est vous le médecin ! Ce n'est pas normal un enfant qui n'est pas propre... Faites quelque chose !"
Je ne reviens pas sur un des fonds du problème : cette femme m'insupporte. J'ai du mal avec ce discours englobant qui ne laisse aucune autonomie à l'enfant. Bien que je me méfie comme de la peste du concept d'autonomie qui revoie à nombre de concepts qui m'exaspèrent sur l'école centrée sur l'enfant et non plus sur l'enseignement, je pense que cette maman en fait trop dans l'autre sens. Encore que... D'un côté elle confisque sa parole et de l'autre elle lui laisse faire ce qu'il veut dans mon bureau (selon mes critères, entendons-le bien). Ce que j'aime le moins (et que nous faisons tous, surtout avec nos patients) : elle change de technique tout le temps ; la carotte puis le bâton, l'engueulade puis la valorisation, la trique et le bisou ; dans la même phrase. Je connaissais un dirigeant d'entreprise qui disait : Il vaut mieux une mauvaise politique que pas de politique du tout. Il exagérait, bien entendu. Mais, c'est mon avis, je ne voudrais l'imposer à personne, les enfant sont besoin de repères, je n'ai pas dit limites, des repères pour savoir exactement où ils en sont.
Mais la vraie question : l'énurésie est une sacrée difficulté dans nos pratiques. La diversité des traitements proposés rend compte de leur inefficacité globale. Plus je lis des articles et plus je suis moins convaincu. Il fut un temps, quand je me suis installé, il y a un peu plus de trente ans, on tenait déjà un discours de responsabilisation de l'enfant ("Tu es un grand, mon bonhomme... Il faut que tu contrôles tes urines, c'est la preuve que tu es devenu grand...") et, dans le même temps on prescrivait des antidépresseurs à petite dose (imipramine). C'était la mode. Des antidépresseurs pour des enfants de six ans. On avait aussi les parasympatholytiques comme l'oxybutinine qui donnait de nombreux effets indésirables dont la sécheresse de bouche et des troubles neurologiques parfois importants. Puis sont apparus d'autres produits dont l'efficacité était aussi peu importante que leurs effets indésirables étaient établis... Il y avait aussi la psychologie et, bien entendu, venant de l'Amérique du Nord, les thérapeutiques cognitivo-comportementales avec des images pour des nuits "sèches". Il y avait aussi le pipi stop, la couche qui réveille l'enfant quand il fait pipi.
Chacun faisait sa petite cuisine, on faisait des mélanges et le gamins continuaient de pisser à leur rythme ballotés entre la honte de ne pas être propre et les alternances carotte / bâton. Je ne me rappelle plus ce que racontaient les freudiens, j'ai oublié ou je l'ai intégré dans mon inconscient, les histoires de régression, le 'Je le fais payer à mes parents' avec la naissance du petit frère, la jalousie et l'image de la mère et l'image du père... l'angoisse de castration, que sais-je encore ?
Bon, je m'égare. Rien ne marche.
Cette maman m'énerve et je n'ai pas réussi à placer un mot à cet enfant qui ne savait pas manifestement qu'il allait chez le médecin pour qu'on parle de pipi au lit, ce visiteur nocturne, mon prêchi prêcha classique à mi chemin entre la responsabilisation, l'autonomisation, l'analyse freudienne, l'aplomb des urologues, et l'affreux bon sens.
De toute façon, le gamin, il avait déjà eu tout cela, ou presque. Donc j'ai fait le bon docteur Balint, c'est à dire celui qui est conscient que le médicament c'est le médecin et j'ai couru à l'échec avec un entrain exceptionnel.
Quant à la mère, il lui aurait aussi fallu un cours sur tout ce qu'il ne faut pas faire avec les enfants mais j'ai déjà donné, je me suis déjà trompé, donc j'ai battu retraite en rase campagne.
Je ne crois pas que ces deux là, je les reverrai.