Roméo et Juliette - Cazadores (quand j'étais...).
Monsieur A, 63 ans, est assis en face de moi, nous parlons de choses et d'autres (je me demande parfois si "je fais de la médecine" quand je reçois mes "vieux" patients qui viennent me voir une fois tous les trois mois et que nous parlons comme au Café du Commerce du temps qu'il fait et du temps qu'il ne fait pas), et, tout d'un coup, je me fais agresser (je précise tout de suite que ce genre d'agression me laisse froid bien que, comme vous le verrez et comme vous le voyez déjà, cela me permet d'alimenter le blog).
"Vous avez vu la liste de tous les médicaments qui contiennent des parabènes ?" Je regarde le patient d'un air distrait. "Pourquoi m'avez-vous prescrit du primperan il y a deux mois ? Il y a du parabène dedans..."
Avant de répondre, mon cerveau travaille à cent à l'heure (il n'y a pas de radar dans mon cabinet), et je pense à toute allure que je suis sur le point de faire un abus de pouvoir. Je mélange la liste des 400 médicaments contenant du parabène qu'a révélée le journal Le Monde (on révèle ce qu'on peut) (ICI) avec la Loi votée en avril par les députés français interdisant les phtalates et le parabène (sous les applaudissements et à l'initiative du groupe socialiste qui est à la fois le champion du Principe de Précaution et, en d'autres domaines, celui de la Présomption d'Innocence) (ICI) et les députés UMP, qui, dans l'ensemble (il est vrai qu'interdire les phtalates qui sont utilisés dans les plastiques mous et les conservateurs...) , sauf 19, n'ont pas voté la loi mais dont 77 (autres ou pas) ont râlé contre la désignalisation des radars sur les routes (il ne s'agit pas ici du Principe de Précaution mais du Principe de Certitude : La vitesse tue)... Il ne m'étonnerait pas, par ailleurs, que des associations écologistes demandent l'interdiction des radars en raison du fait que les ondes émises entraînent des céphalées chez les hypersensibles... même et surtout s'ils sont flashés en excès de vitesse... Donc, mon cerveau ayant connecté à la vitesse de la lumière toutes ces informations entre elles, je dis ceci (une grosse connerie) à "mon" patient dont je suis, administrativement et en pratique, le médecin traitant : "Cher ami, je vous rappelle que vous êtes diabétique, que cela fait dix ans que je vous suis ou à peu près, que vous êtes au fait des complications possibles de votre maladie et que, malgré tout, vous continuez de fumer 20 cigarettes par jour avec des artères des jambes rétrécies et une coronarographie limite... Vous n'allez quand même pas m'emmerder avec les parabènes..."
On se calme.
Je laisse aux commentateurs les commentaires sur ma façon de réagir (qui ne me ressemble pas en patientèle parce que, dans l'ensemble, je crois moins en la médecine que mes patients), commencer son autocritique étant probablement une façon de se justifier, de se dédouaner ou de faire le malin... Et, encore une fois, les Valeurs et Préférences des patients, ici les agissements, je les respecte...