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dimanche 3 novembre 2024

Au marché de Versailles, vieillissement de la population et consumérisme médical. Histoire de santé publique sans consultation 24.



Ce matin, comme tous les dimanche matins ou presque (j'ai le droit à des vacances, des RTT, des jours de carence) je suis allé au marché de Versailles qui se situe, accrochez-vous bien, place du Marché.

Le marché de Versailles, contrairement aux idées reçues, on y fait aussi de bonnes affaires. Pas autant qu'au marché du Val Fourré, j'avoue, le vendredi où tout tombe du camion... Mais on y trouve, un comté 24 mois excellent, fruité, granuleux (les fameux grains de tyrosine) pour la modique somme de 16,99 € le kilo, du vieux salers à 22, 70 et un camembert au lait cru, bien fait, sentant l'étable, à 4 € l'unité...

Bref, revenons à notre balade dominicale et matutinale.

Je rencontre de nombreux hommes au teint pâle, à l'obésité gynoïde qui ont dû céder aux sirènes des dépistologues ou à qui des médecins paternalistes leur ont dosé le PSA à l'insu de leur plein gré et dont les traitements anti androgènes et autres analogues de la LH-RH ont provoqué, outre la pâleur et l'obésité favorisée par un appétit dévorant, des fuites urinaires, un organe sexuel pendouillant en continu, et le contentement de leurs femmes qui n'ont plus à céder aux devoirs conjugaux (elles n'ont plus droit qu'aux plaisanteries idiotes de fins de repas). 

Et, parmi ces hommes, je salue Monsieur A, 82 ans, le barbour vert un peu passé et recouvrant une doudoune matelassée à manches courtes, le pantalon saumon un peu serré et les chaussures Timberland basses qui auraient mérité un coup de cirage, à qui je demande sans espoir "comment ça va" et qui me pond une tartine sur ses injections mensuelles, ses médicaments, ceux pour le cancer, la tension, le coeur et le cholestérol. Je ne lui demande pas par charité chrétienne, nous sommes à Versailles, faut pas rigoler avec ces trucs-là, s'il ne tache pas trop son slip, si Madame est contente et s'il consulte son cardiologue tous les six mois...


Les vieux paniers à provision roulants en osier sont désormais remplacés par des déambulateurs très chics (et remboursés) qui attestent que les troubles musculo-squelettiques sont devenus à la fois la plaie du monde moderne et le bonheur chronique des marchands de matériel, des médecins, des rhumatologues, des ostéopathes, des kinésithérapeutes et des vendeurs de chaussures orthopédiques, de semelles dans le même métal et d'autres orthèses, sans oublier les pharmaciens et les industriels du médicament. 




Il y a du monde sur le marché.

Je ne vous parle pas des jeunes, des familles versaillaises éclatantes de santé...

Je rencontre aussi la tribu des insuffisants cardiaques qui marchent à petits pas, qui reprennent leur souffle,  dont les ordonnances mériteraient très souvent un passage devant le conseil de guerre (il y a aussi beaucoup de militaires à Versailles) et dont certains se félicitent à haute voix d'avoir eu la chance de rencontrer à l'hôpital ou en ville le fameux docteur B, cardiologue de son état, qui, non content d'avoir publié un livre sur l'amylose cardiaque (une maladie trop souvent sous-diagnostiquée prétend-il, pas seulement par ces ânes de médecins généralistes, mais aussi, malheureusement, soupire-t-il, par mes confrères cardiologues), ne cesse d'en diagnostiquer chez les patients qui consultent chez lui, et de le prescrire au prix encore plus modique de 7261 € par mois.

Quand on se fait prescrire un médicament qui vaut ce prix, ça le vaut bien, on peut en parler à ses copains, ses copines ou ses relations : on en est. Eh bien Monsieur C, 86 ans, fait partie de ces heureux mortels à qui on a prescrit ce médicament si cher ("on a quand même de la chance, nous les Français, c'est remboursé)et, s'il ne semble pas aller beaucoup mieux sur le plan cardiovasculaire, il a gardé le verbe vif et nous pouvons parler à loisir de la situation internationale qui n'est pas fameuse, de sa femme qui le fait suer, de Poutine qui va finir par gagner et du conflit à Gaza qui est une vraie saloperie "mais ils l'ont bien cherché" (je ne saurais pas de qui il parle des Israéliens ou des Gazaouis ou des Libanais parce que sa femme se pointe et qu'il n'est pas convenable de parler politique dans la rue)...


“The problem with the world is that the intelligent people are full of doubts, while the stupid ones are full of confidence.” - Charles Bukowski


Mais la cohorte des personnes qui vont bien est quand même impressionnante (bien que j'aie oublié de vous parler, mais ça se voit peu au marché, des gens âgés qui sont réveillés la nuit depuis des siècles par des myalgies, des crampes ou qui présentent des douleurs polyneuropathiques des extrémités, et qui ont consulté deux ou trois neurologues, ont eu des trois EMG, douze scanners, six IRM, pris des médicaments inefficaces et remplis d'effets indésirables, sans oublier les insomniaques à qui on a fortement déconseillé de ne rien prendre pour dormir sinon des tisanes, de faire plus souvent l'amour et des séances de relaxation en pratiquant le yoga, le Tai-chi, le reiki, la méditation transcendantale ou l'hypnose ericksonienne).


L'industrie du bien-être aux 30 milliards de dollars rend malades les Etats-Unis.
ICI


Heureusement qu'au marché de Versailles on peut acheter des produits bios (souvent tombés du camion non bio), qu'il y a aussi des boutiques spécialisées... Que les intolérants au gluten et les allergiques dans le même métal (dont le nombre est en chute libre depuis la pandémie de covid, sans doute la vaccination, le port du masque, et l'aération des lieux de vie) peuvent aussi se fournir dans des boutiques spécialisées (je ne donne pas les noms car je n'ai pas encore signé de contrats avec les firmes, je m'abstiens donc par éthique).

Ad libitum.

Interrogez n'importe quelle personne de plus de soixante-dix ans au marché de Versailles, celle qui achète du dos de cabillaud (26 € le kilo), des poivrons de toutes les couleurs (4,98 € ce matin), et cetera, ils ou elles vous diront toutes et tous combien de lignes de médicaments ils ont sur leurs ordonnances (trop), le nombre d'IRM et de scanners qu'ils passent continuellement, et aussi, surtout chez les hommes, le nombre de stents qu'on leur a posés dans leurs coronaires.

C'est un sport versaillais (on me dit dans l'oreillette, on l'a entendu dans un confessionnal, que c'est partout pareil, même chez les mécréants, les protestants, les juifs, les musulmans, les bouddhistes ou les zoroastriens) que de compter ses stents, comparer ses taux de cholestérol, le bon et le mauvais, faire des concours dans les salons, "ton médecin ne t'a pas prescrit de vitamine D, de compléments alimentaires, un régime ? ... - Mais si, mais si...")

Le stent est l'avenir de l'humanité.

N'oubliez pas que l'espérance de vie à la naissance stagne, que l'espérance de vie en bonne santé décroit, mais le marché s'agrandit.


Via @Dr646464
Littérature apportée par un patient pour que son futur médecin traitant s'instruise

jeudi 1 août 2019

Quand les associations de patients déconnent.



medicaladvisor

**NOTATION DES MÉDECINS SUR GOOGLE?** Sur France Assos Santé demande une plate-forme d'évaluation des soins pilotée par l'Etat, basée sur des critères objectifs et concertés. Afin de "rendre plus efficient notre système de santé". Le sujet du 20H:


Les associations de patients sont nées de l'insatisfaction des patients dont les médecins et les professionnels de santé en général communiquaient peu sur leurs maladies, sur leurs traitements, sur leur avenir.

Les associations de patients sont nées de la médicalisation de la santé et de la vie qui promettait le paradis sur terre aux non malades, aux non futurs patients et aux futurs patients (sans compter les ex patients).

Les associations de patients sont nées des sur promesses et des fausses promesses de la médecine : un monde sans douleurs, le droit à l'indolence, le silence des organes, l'injustice de la maladie, la préventologie a posteriori, la dépistologie sans nuances, la mort douce, pas de mort du tout.

Les associations de patients sont nées de la constatation que les inégalités sociétales, sociales, culturelles et éducationnelles devant les maladies et les accès différentiés au système de soins n'étaient pas assez combattus par la médecine et, souvent, exacerbés.

(Ce n'est pas la peine de revenir sur le fait qu'ontologiquement un ouvrier risque plus un accident de travail qu'un cadre supérieur mais cet exemple caricatural ne doit pas masquer les faits durs que sont le manque cruel d'éducation à la santé qui est en relation avec l'effondrement du système éducationnel en général au profit -- le mot est tellement bien choisi-- de la débrouillardise individuelle et relationnelle, des réseaux culturels, professionnels et financiers, de la reproduction et de l'intensification des écarts de revenus entre les citoyens...)

Les associations de patients sont nées du déficit d'information du système de soins en général et des médecins en particuliers incapables qu'ils ont été de "dire" la médecine, de "dire" le droit des patients à être renseignés sur leurs maladies et surtout sur leurs non maladies, de fixer des limites, de savoir dire non, de savoir dire peut-être, de reconnaître que la médecine n'y peut rien encore ou n'y pourra jamais rien, que les médicaments actifs ont forcément des effets indésirables...

Les associations de patients sont nées de l'arrogance de certains médecins à prendre les patients pour des khons parce qu'ils n'ont pas fait dix ans d'étude en leur imposant des diagnostics et des traitements qui n'ont parfois pas fait la preuve de leur efficacité (cf. le livre de Cifu et Prasad --ICI-- et un article récent publié sur 396 volte-faces de la médecine --LA--) avec un aplomb incroyable et en prétendant que "La science, c'est ça... bla bla, se remettre en cause tout le temps et que bien entendu on peut se tromper, bla bla..." et en même temps de l'arrogance de certains autres (parfois les mêmes) qui se vautrent sur les plateaux de télévision et dans les studios de radiodiffusion pour mettre en avant des traitements alakhon qui, malheureusement, donneront de faux espoirs aux patients, et qui, encore plus malheureusement mettront encore plus de temps à disparaître de la panoplie médicale pour des raisons qui tiennent, rayer la mention inutile, aux croyances, aux structures, au fric et aux intérêts essentiels de la nation.

Donc, les associations de patients, victimes d'un système du "Toujours plus" non fondé sur l'intérêt des non patients (surtout eux) et des patients mais sur l'intérêt des firmes et des professionnels de santé qui ont intérêt à médicaliser la santé et la vie et, dans le même temps, se plaindre de ne plus avoir le temps de s'occuper des "vrais" patients (qui sont les "vrais" patients, à vrai dire?), déconnent.

Elles déconnent, mais n'oublions pas qu'elles ont forcément raison. Parce que que nous sommes dans un système de pensée mixte, celui de la pensée néo libérale d'inspiration rawlsienne (1) (le citoyen toujours bien informé qui prend toujours de bonnes décisions dans son intérêt et dans celui du marché), celui de la pensée des Lumières (l'individu rationnel a toujours raison d'exprimer son point de vue), celui de la pensée des libéraux-libertaires qui placent le droit individuel au dessus du droit collectif en oubliant que l'individu est avant tout un être social, celui de la pensée des libertariens adeptes de la liberté négative, et celui de la liberté des minorités intersectionnées à penser leurs droits en tant que minorités (vu l'Etat de la société on a un peu de mal à croire que les malades seraient minoritaires).

Les associations de patients ont raison par essence, sachez-le, braves gens, que les professionnels de santé se le tiennent pour dit, il n'est pas possible de les critiquer puisque le simple fait de consulter traduit une demande, parfois cachée, les malades, a fortiori s'ils sont experts, leurs membres ont le droit de s'exprimer et d'exprimer leur maladie parce qu'ils le valent bien. Les malades ont toujours raison. Et les associations de patients sont des organisation de droit divin que l'on n'a pas le droit de critiquer.

Les lucides parleront de changement de paradigme (les truismes ne nous effraient pas).

Mon conflit d'intérêts est majeur : je suis médecin, peut-être déjà malade, peut-être futur malade, peut-être encore malade.

Mais moi, citoyen lambda, médecin par ailleurs, je suis soit futur malade, soit malade déjà ou soit encore malade, pourquoi n'aurais-je pas le droit de parler en mon nom propre qui pourrait être celui d'un patient non affilié à une association de patients ?

Je rajoute, pour faire juste, que, selon la loi je suis contraint de déclarer mes liens d'intérêts avec des entreprises de santé : nada. Aucun.

Décret n° 2012-745 du 9 mai 2012 relatif à la déclaration publique d'intérêts et à la transparence en matière de santé publique et de sécurité sanitaire 

Le billet de Luc Perino parle de cela (ICI), les liens d'intérêts majeurs des soignants avec la sur médicalisation les rend suspects quand ils tentent la prévention quaternaire, le choix avisé ou la dé prescription.

Je ne dis rien des associations de patients états-uniennes qui sont toutes ou presque soutenues, oxygénées par des firmes pharmaceutiques, contre rien, sans doute (voir LA). Comme en France ça fait moche (enfin, de moins en moins) de se faire financer par l'industrie pharmaceutique dont on connaît la philanthropie intrinsèque, les associations veulent être financées par des fonds publics au nom sans doute de la démocratie sanitaire.

Reprenons.

Les associations de patients déconnent quand elles souhaitent instaurer un MedicalAdvisor googlisé par l'Etat.

Je ne trouve pas les mots pour cette imposture totale.

Rien ne va.

France Assos Santé se réfère-t-elle à TripAdvisor ? Qui est une société privée capitaliste qui se moque des usagers comme d'une guigne et qui a pris, par l'intermédiaire de ses sociétés annexes comme Booking, des positions sur la réservation en ligne.

Quant à Google... La fiction colportée par les marchands de savonnettes que le partage des données de santé va faire avancer la science alors que cela ne va qu'augmenter les profits de ceux qui vont les exploiter.

Et l'Etat : quand comprendra-t-on que l'Etat n'est pas un organisme neutre qui aurait pour but définitif le bien-être des populations ?

La Santé publique est certes devenue un marché.

Les "usagers" du système de santé sont certes des consommateurs et vice-versa.

Les établissements de santé sont devenus des entreprises comme des autres.

Mais que recherche France Assos Santé ? Une meilleure médecine, une meilleure santé, une meilleure satisfaction des désirs du consommateur/usager ?

Nous recherchons tous, les personnes de bonne foi, de meilleures relations de confiance, une meilleure compétence, ce que l'on appelait dans le temps le professionnalisme, un sens commun de la la morale commune, un sentiment d'éthique partagé, de la démocratie en santé sans doute, la prise en compte des facteurs sociaux dans la survenue des maladies, dans leur prise en charge, dans leur suivi, dans leur taux de guérison, des entretiens moins asymétriques entre consultants et professionnels de santé, certes, mais un système de notation avec des commentaires, des photographies, des menus et des prix ?

Cette proposition est mauvaise car elle acte définitivement l'entrée de la médecine dans l'ère néolibérale de la médecine. C'est ce que veut France Assos Santé ?

PS. J'ai tenté de trouver sur le site un chapitre financements. Rien. J'ai dû mal chercher. J'ai consulté la liste des associations (LA) qui sont membres et j'ai vu des sigles connus dont une partie du financement est lié au sponsoring de l'industrie pharmaceutique et des matériels. OK.

PS2 du 4/08/19. France Assos Santé est financée uniquement par de l'argent public, m'informe-t-on. Est-ce une garantie d'indépendance ? La réponse est dans la question.

PS3 du 5/8. Le rapport d'activité (voir LA) de France Assos Santé m'avait échappé. On peut donc lire à la page 57



A suivre

La suite, la voici (premier octobre 2019) : ICI.

Le comité de déontologie de France assos santé démissionne collectivement

Par courrier, le comité de déontologie de l'union des associations d'usagers annonce sa démission collective. Une décision notamment motivée par le manque d'indépendance de l'union et de ses membres vis-à-vis de l'industrie et des pouvoirs publics."J'ai coutume de dire que j'ai des liens d'intérêts avec tout le monde et de n'avoir de conflit qu'avec Servier", a clamé Gérard Raymond, le président de France assos santé, lors des 2esuniversités du dispositif médical, le 24septembre. Concomitant au…


jeudi 29 juin 2017

La médecine consuméro-ubériste est là. Avec quelques réflexions annexes. Histoire de consultation 200.


Madame A, 50 ans, elle en paraît beaucoup plus, consulte avec sa dernière fille de 13 ans qui l'accompagne pour la traduction.

Madame A est arrivée en France il y a plus 20 ans et parle trois mots de français. Elle est originaire de l'Anatolie profonde.

Madame A, merci de ne pas être choqué par ma taxinomie, fait partie d'un groupe de femmes fréquentant le cabinet dont la frustration intersectionnelle s'exprime par une hypochondrie tenace qui est devenue un mode de vie et qui se nourrit de la compétition affective existant entre ses enfants (celui ou celle qui s'occupera le plus de sa mère), du désintérêt marital, de l'isolement affectif, de l'isolement familial et linguistique, de l'incompréhension du monde dans lequel elle est plongée (changement de culture), et cetera.

J'ai déjà évoqué de nombreuses fois ces cas pour lesquels je n'ai pas de solution. La barrière linguistique et culturelle étant infranchissable pour tenter d'initier un dialogue. Je suis par ailleurs étonné par le fait que ces cas touchent tout autant des femmes maghrébines que turques mais plus rarement des femmes de l'Afrique sub saharienne (musulmanes) dont l'expression du mal être est différente (dépression "vraie" voire "délire").

Le dialogue entamé se fait par l'intermédiaire d'un tiers, rarement le mari, presque toujours les enfants, filles ou garçons, plutôt filles, ce qui est encore plus malaisé : comment faire comprendre aux enfants, surtout quand ils ont treize ans, que le mal être de leur mère pourrait remettre en cause les structures familiales d'appartenance, qu'il s'agit d'une hypochondrie de compensation, d'une manifestation d'angoisse existentielle, et que cela ne peut conduire qu'à des catastrophes médicales. Mais dans le cas des filles, cette jeune fille de 13 ans qui fréquente l'école de la République, il existe un autre problème (je ne généralise pas mais cette situation est tellement fréquente) qui est la jalousie de la mère à l'égard des filles qui ne sont plus soumises à toutes les contraintes qu'elles ont connues : mariage froc, perte de sa propre famille, exil. 

Il est aussi intéressant de constater que dans ces cas de non communication linguistique, la seule réponse possible est la prescription de médicaments ou d'examens complémentaires. Et ainsi, par une sorte de rapprochement paradoxal, ce sont les populations les plus aisées et les populations les moins intégrées qui demandent le plus de "médecine". C'est le consumérisme, idiot ! Les populations les moins intégrées ne peuvent comprendre le discours déprescripteur voulant mettre un terme à l'emballement mimétique familial (comme si on leur faisait comprendre une fois de plus en leur refusant de la médecine qu'ils appartenaient aux classes défavorisées) et les populations des groupes socio-professionnels aisés et cultivés n'en ont que faire, ils ont déjà leur opinion, des conseils d'un médecin généraliste puisque les examens complémentaires et les médicaments sont l'expression du progrès.

Je voudrais, en passant, souligner la complexité culturo-anthropo-religieuse de la Turquie, loin des clichés résumant le pays au kémalisme, à l'islam ou à la grosse minorité kurde. En Turquie il existe une diversité religieuse et intellectuelle très forte.

Revenons à notre consultation.

Madame A, qui est une ancienne patiente de mon ex associée, a toujours mal à la tête.

Elle a mal à la tête de façon constante.

Interrogatoire compliqué, comme on l'a vu, pression artérielle normale, examen clinique (difficile) dans le même métal, et donc : "Ma mère voudrait qu'on lui fasse un scanner." Son dossier est rempli de prises de sang, d'examens chez les spécialistes, et cetera.

Je lui dis qu'elle n'en a pas besoin et que je ne le prescrirai pas.

Cela se passe mal. La patiente n'est pas contente, la fille aussi mais un peu moins. Fin de la première partie.

La suite.

Une semaine après, Madame A revient en consultation avec sa fille de 13 ans et son mari (que je vois pour la première fois en 10 ans).
Je reconnais la pochette semi cartonnée des urgences.

Avant hier elle est allée aux urgences. Elle avait vomi dans la matinée.

Le compte rendu des urgences, automatisé (on indique bien qu'on lui a mis un bracelet d'identification), est désespérant de "gravité". Quoi qu'il en soit : ELLE A EU "SON" SCANNER.

A votre avis, le scanner, il est :
  1. Normal
  2. Normal
  3. Normal
Je sais, je sais, on n'a rien résolu. Mais je parie un jeton de caddie Auchan contre une Rolls Royce Silver Shadow que la prochaine fois qu'elle viendra au cabinet elle demandera, par le truchement de sa charmante fille, une IRM.