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lundi 16 mai 2022

Bilan médical du lundi neuf au dimanche 15 mai 2022 : réintégrer les soignants non vaccinés ?, CNGE, pansements, chagrin, BPCO, score calcique, MG

Rio de Janeiro : cabinet royal portugais


 Faut-il réintégrer les soignant.e.s non vacciné.es ?


J'ai été considéré à tort comme un antivaxx (et pour certains, dont le caractère binaire, buté, sponsorisé, meutier, bas du front, et, pour tout dire, assez crétins, je suis toujours considéré comme).

La lecture de ce blog montre à l'évidence combien j'ai été sceptique et le suis resté en lisant la propagande vaccinale, en lisant des confrères qui se sont moqués de moi quand les premiers résultats des vaccins Pfizer et Moderna sont apparus et que j'ai osé  poser des questions sur le contenu de leur efficacité (mortalité, morbidité, transmission, immunité, et cetera...), bref, je suis vacciné (2 + 1), et je suis toujours aussi sceptique quand je n'ai pas de données, quand je lis des données peu ragoûtantes, quand je lis des communiqués de presse destinés aux actionnaires, quand le lis des articles que les éditeurs auraient mieux fait de garder dans les poubelles de la bêtise, bla-bla-bla...

Bref, je suis vacciné (2 + 1) et je connais des soignants respectables qui ont refusé le booster et qui ont été "désintégrés".

J'ai parlé avec elleux et j'ai compris certains de leurs arguments mais j'ai trouvé qu'illes se trompaient.

J'ai trouvé anormal qu'illes se coupent du milieu des soins car je savais combien illes pouvaient rendre des services au-delà de ce refus vaccinal. 

(Je ne vous parle pas, bien entendu, des soignants délirant sur les puces nazies, la 5G, les forces quantiques et autres idioties qui témoignent à l'envi de l'incompétence de la formation médicale

Et pourtant, tous les arguments des soignants respectables m'ont paru futiles en considérant les enjeux, pas seulement les enjeux en termes de diffusion du virus et de protection des patients fragiles qui fréquentent volontiers les établissements de soins, mais aussi en termes de santé publique en général.

Illes se trompent à mon avis.

Illes pouvaient se faire vacciner en continuant de regarder d'un oeil critique les déclarations fracassantes et les publicités.

Mais, imaginons que je me mette à leur place, peut-être était-ce la goutte, pour eux, qui a fait déborder le vase, imaginons que j'ai raisonné ainsi depuis le jour où je me suis installé (en 1979)...

Eh bien, je ne ferais plus de médecine... depuis longtemps.

Si j'avais dû, en conscience, me mettre en retrait chaque fois que la médecine déraillait...

Si mes collègues avaient dû se mettre en retrait chaque fois que la médecine déraillait, il y aurait encore moins de soignants en France...

J'ai travaillé avec des correspondants de merdre. J'ai parfois dû adresser, en désespoir de cause, à des correspondants de merdre.

J'ai adressé des patients à des urologues fous de la gâchette.

J'ai adressé des patient.e.s à des chirurgiens viscéraux fous de la gâchette.

J'ai adressé des patient.e.s à des cardiologues fous de la gâchette.

J'ai adressé des patient.e.s à des oncologues fous de la gâchette.

J'ai adressé des patient.e.s à des masseurs-kinésithérapeutes fous de la gâchette.

Je ne pouvais faire autrement.

Et quand je constate ce qui continue de se passer, je me dis que si ce n'était pas mieux avant ce n'était pas non plus pire...

Je ne pense pas qu'il faille réintégrer les soignants non vaccinés pour des raisons de manque de personnel mais je ne doute pas qu'un certain nombre d'entre elleux sont des personnes respectables qui ont refusé la vaccination pour des raisons non délirantes.


Est-ce qu'une société savante peut et doit collaborer avec la Caisse nationale d'Assurance Maladie ?

Bien entendu oui.

Est-ce qu'une société savante doit accepter un financement de la CNAM ? 

A mon avis : non.

Le Collège national de Médecine générale (CNGE) et l'ebmfrance.net ont renouvelé (ICI) leur convention pour trois ans.

Est-ce que ce sponsoring peut avoir des effets sur l'indépendance de la société savante ?

Sans doute.

Personne ne met en doute l'intégrité des membres de cette société savante mais tout le monde peut penser qu'il pourra exister, ici ou là, des conflits d'intérêts. Surtout quand sont citées en exemple les recommandations de la HAS dont on connaît, parfois, la non pertinence et la soumission aux lobbys.

Voici, en anglais, les différents biais qui peuvent intéresser les associations médicales lorsqu'elles participent à des recommandations.



La"Science" ne serait-elle pas universelle ? La prise en charge de l'infarctus du myocarde dans 6 pays ou régions à hauts revenus

Une étude parue dans le BMJ (LA) compare 


les traitements et les devenirs de patients admis à l'hôpital pour un diagnostic initial d'IdM avec élévation ou non de ST. Etats-Unis, Canada (Manitoba et Ontario), Angleterre, Pays-Bas, Israël et Taïwan.


Grosso modo, les performances sont bonnes mais ne sont pas "régulières" : il existe des différences en fonction des items choisis.


Le CNGE conseille de ne pas utiliser en routine le score calcique

pour évaluer le risque cardiovasculaire en complément d'un score clinico-biologique (SCORE2 validé en Europe de l'Ouest). Voir ICI pour le communiqué et LA pour le score.


Quand un dermatologue sur twitter parle de sa pratique pour les pansements (Ce n'est pas EBM sur la forme mais on s'en moque)


Et voici le fil : LA.

Quand le chagrin ne devrait plus être considéré comme un trouble mental (DSM-V)

Allen Frances (voir ICI) critique le DSM-V à propos du "chagrin". Cela pourrait paraître curieux mais le chagrin (grief) est inclus dans les maladies mentales à prendre en compte et à traiter !
  1. Il n'y a pas de date de péremption
  2. Cela insulte la dignité de la perte
  3. Cela stigmatise les émotions normales
  4. Cela augmente les prescriptions inutiles

Les morts du Covid par classes d'âge aux US


L'article : ICI

L'agence américaine de prévention (USPSTF) ne recommande pas le dépistage de la BPCO chez les personnes asymptomatiques


Où sont passés les médecins généralistes ? Une interrogation britannique.

Un commentaire d'Helen Salisbury dans le BMJ (ICI) sur la "disparition" des MG dans le NHS me permet de faire les commentaires suivants :
  1. La "crise" de la médecine générale est mondiale
  2. Cette crise est présente quels que soient les modes d'exercice (libéral, salarié, étatisé) 
  3. La crise de la médecine générale est une crise de santé publique
  4. Les médecins généralistes ne font pas une meilleure médecine en étant mieux payés, ils font une meilleure médecine en étant mieux formés et en sachant quelles sont leurs tâches dans le système de santé
  5. Les médecins généralistes, une hypothèse, feraient de la meilleure médecine s'ils travaillaient moins or ils sont de moins en moins nombreux.


mercredi 5 février 2014

La fin de l'histoire pour la médecine générale. Histoire de consultation 161.


Monsieur A, 56 ans, est venu consulter pour un torticolis.
Je l'examine, il est raide, douloureux, il a un torticolis unilatéral qui touche volontiers les chefs mastoïdien et cléioidien du sternocléidomastoïdien. Et un peu le trapèze. 
Je lui demande comment cela s'est passé. Il faisait du jardinage et en portant un pot...
Il me dit également, en se rasseyant, qu'il a consulté lundi un ostéopathe sur les conseils de l'un de ses collègues de travail.
La lettre que m'a adressée ce nouvel ostéopathe lors de son installation était un poème : il traite tout. A part peut-être les cancers et la schizophrénie.
Monsieur A vient ce mercredi pour obtenir 1) des médicaments (l'ostéopathe n'est pas médecin) et notamment de la pommade saint-bernard conseillé par notre spécialiste ; 2) un arrêt de travail ; 3) ses médicaments habituels (puisqu'il était là) et, last but not least, parce qu'il n'a pas été soulagé par la séance non remboursée de l'ostéopathe.
"Vous avez pris quelque chose ?
- Je suis allé acheter de l'ibuprofène chez le pharmacien.
- Chez votre pharmacien habituel ?
- Oui. Pourquoi ?"
Nous sommes passés dans un autre monde.
Jadis, les patients nous demandaient notre avis après qu'on les avait vus, soit aussitôt, soit quelques jours après pour savoir s'il était nécessaire d'aller consulter un ostéopathe.
Puis les patients nous ont demandé de leur prescrire des séances de kinésithérapie qui leur prmettaient d'obtenir une séance gratuite chez l'ostéopathe.
Puis encore, dans le cadre du parcours de soins, de leur rédiger une lettre pour qu'ils puissent aller voir un ostéopathe.
Maintenant ils vont voir l'ostéopathe de leur propre chef, paient en moyenne 50 euro, et viennent chez nous, les médecins généralistes, pour le service après vente de l'ostéopathie.
Nous sommes passés dans un autre monde.
Le torticolis n'est plus une affection de médecine générale mais un produit d'appel de l'ostéopathie comme le lumbago, le doigt tordu ou l'entorse.
Vous me direz : c'est tout bénéf puisque cela va désengorger les salles d'attente...
Pourquoi pas ?
Mais l'histoire n'est pas tout à fait finie puisque le patient est allé voir "son" pharmacien qui lui a délivré de l'ibuprofène.
Le pharmacien aurait pu jeter un oeil sur son écran radar, mais peut-être ne l'a-t-il pas fait, l'ibuprofène a été vendu sur le comptoir puisque le patient ne m'a pas fait marquer la boîte sur son ordonnance, et il aurait pu remarquer que le patient qui vient chercher ses médicaments tous les trois mois, c'est ce que m'indique mon ordinateur, est en arythmie par fibrillation auriculaire et qu'il est traité, par mes soins, par de la coumadine.
Nous sommes passés dans un autre monde. Pas plus de parcours de soins que de beurre en broche. La rebouto-ostéopathie, à force de passer sur les plateaux télévisés, est devenue une spécialité comme les autres. Le pharmacien qui, il est vrai, ne supervisait pas l'INR de ce patient, a délivré inconsidérément  un anti inflammatoire non stéroïdien à un patient de sa patientèle sans même regarder ce qu'il prenait comme médicament.
Nous sommes vraiment passés dans un autre monde.
Comme j'étais mal luné (la face cachée) je ne lui ai pas refait son ordonnance et lui ai demandé, puisqu'il devait faire un INR vendredi, de compléter son bilan et de revenir me voir après (il avait des réserves).
Je ne lui ai pas demandé de changer de pharmacien.
Je n'ai pas prescrit de baume saint-bernard.
Je vous rappelle que j'ai déjà écrit sur les ostéopathes et leur rôle magique sur le versant nourrissons : ICI et LA. Que j'ai aussi parlé de l'INR chez le pharmacien : ICI.
Pour des informations "délirantes" sur l'ostéopathie, c'est ICI, sur Le site de l'ostéopathie.

lundi 23 septembre 2013

#PrivésDeMG Annexe à Refondation de la Médecine Générale

#PrivésDeMG
Ce matin Marisol Touraine fait une annonce (la voici ICI).
Les 24 buzzers refourguent les mêmes propositions que lorsqu'ils luttaient contre les déserts médicaux. Y a-t-il vraiment des déserts médicaux ?
Je n'étais pas d'accord sur les propositions (voir ICI).
Je ne le suis toujours pas puisqu'elles n'ont pas changé.
Je défends la défense de la médecine générale. Mais les propositions sont farfelues.

Je n'ai cessé sur ce blog de dire que l'Etat avait acté pour des raisons plus sociétales que politiques la disparition des médecins généralistes et de la médecine générale. Ce texte est de juin 2012 : je n'en ai pas modifié une ligne. Excusez-moi de faire du recyclage. C'est la première fois et j'espère la dernière.

La face cachée de la disparition des médecins généralistes


Tout le monde s'accorde à le dire : les médecins généralistes vont disparaître. Une des incertitudes tient au terme de cette disparition.
Chacun est capable, comme au Café du Commerce, d'expliquer le pourquoi et le comment de cette inéluctable destruction. Les causes sont multiples et les responsabilités nombreuses, les commentaires sans fin, et, comme toujours, chacun s'emploie à rejeter sur l'autre son manque de clairvoyance ou sa simple incompétence. Mais il semble que la partie soit perdue d'avance et qu'il ne reste plus qu'à tenter de se sauver de ce naufrage en choisissant le bon canot, non sans avoir éliminé auparavant ceux qui seraient capables d'y monter avant vous. C'est plus sûr. Et pendant ce temps, pour continuer de filer la métaphore du Titanic, l'orchestre joue sa partition, avec, en simultané, les lamentations des médecins et les rodomontades des politiques, on le voit, des airs entraînants, mais personne n'écoute, bien heureusement.
Je me permets d'ajouter quelques pierres à cet édifice ou, plutôt, d'enlever quelques pierres à ce champ de ruines pour expliquer pourquoi nous avons tous raison de croire que tout va s'effondrer.

Quelques réflexions, donc, qui, me semble-t-il, ont été peu notées ici et là.

Première réflexion : la disparition des médecins généralistes va-t-elle entraîner la disparition de la médecine générale ?
  1. La médecine générale n'existe pas en tant que discipline académique : elle ne peut donc pas disparaître
  2. La médecine générale est une pratique qui englobe des actes, des gestes, des prescriptions, des adressages, des délivrances d'arrêt de travail, des certificats, des paiements, et cetera, qui peuvent être individualisés, cotés, remboursés en dehors de toute théorie qui prendrait en compte une activité globale que l'on appellerait la prise en charge d'un patient unique selon la Médecine par les Preuves (questionnement individualisée comprenant les trois volets bien connus que sont l'expérience externe ou les études contrôlées, l'expérience interne ou les compétences du médecin, et les valeurs et préférences du patient ou la prise en compte des désirs du patient), soit, en quelque sorte, la médecine générale telle qu'elle a du mal à être théorisée (cf. 1.)
  3. La médecine générale peut donc être saucissonnée en différentes actions indépendantes que seraient, par exemple, la prise de la pression artérielle, la réalisation d'un Test de Dépistage Rapide du streptocoque, la prescription d'un dosage de l'HbA1C, la vaccination contre la grippe, la réalisation d'un frottis vaginal, l'auscultation cardiaque, l'initiation de séances de kinésithérapie, la délivrance d'un hemoccult, et cetera. C'est, dans le domaine industriel, ce qu'on peut appeler la taylorisation de la médecine générale
  4. Il suffit alors, en raison de la raréfaction des médecins généralistes, d'attribuer chacune de ses tâches, à des médecins non généralistes, à des paramédicaux, à des secrétaires administratives, à des institutionnels fonctionnarisés, puisque chacune de ces tâches est facile à effectuer, demande une formation courte et n'exige pas de compétences particulières, sinon de se conformer à des référentiels contrôlés... L'administration se satisfera de ces solutions car, dans l'ensemble, cela lui permettra d'une part d'annoncer une diminution apparente des coûts (un leurre, bien entendu) et, d'autre part, d'élargir le champ des compétences des paramédicaux et des non médicaux, ce qui ne pourra que faire mieux passer la non augmentation des honoraires et des salaires
  5. Les actes de la médecine générale ne vont pas disparaître mais la médecine générale, en tant que prise en charge globale du patient va, elle, disparaître, et notamment dans son rôle de tampon amortisseur entre le patient et la grande consommation (Big Junk Food), le patient et la médecine d'organe, le patient et l'hôpital, le patient et son employeur, le patient et la CPAM, le patient et la CAF, le patient et le gouvernement, le patient et l'administration en général, le patient et le marché...


Deuxième réflexion : la disparition des médecins généralistes est un cadeau fait à Big Pharma et à Big Matériel.
  1. La taylorisation de la médecine générale et la dévolution des tâches vont entraîner une rationalisation des comportements et une normalisation des référentiels.
  2. La politique des normes et des index va rendre l'interprétation individuelle difficile, voire impossible, non parce que les médecins d'organe, les paramédicaux ou les administratifs seraient plus idiots que les médecins généralistes (les lecteurs de ce blog pourraient aisément faire comprendre aux sceptiques que la critique des médecins généralistes n'est pas exempte de mes propos) mais parce que l'expérience récente montre :
  3. que les spécialistes d'organes sont plus que d'autres soumis aux influences de Big Pharma et qu'ils en sont, en plus, souvent les moins conscients : vioxx, actos, mediator, pilules de deuxième génération, molécules dites anti Alzheimer, et j'en passe (remplissez les pointillés)
  4. que les paramédicaux et les administratifs n'ont pas la formation initiale pour interpréter, relier, confronter, analyser, critiquer, les indices et les données individuelles avec le contexte médical de chaque patient et, je dirais même, le contexte non médical de chaque patient... et ainsi  la moindre pression artérielle hors norme, et on définira comme pour les radars routiers, des seuils de tolérance (pouvant également être interprétés loco-régionalement par des préfets zélés comme les directeurs d'ARS non médecins ou médecins, d'ailleurs), la moindre glycémie à jeun hors limites, le moindre oubli de clés, le moindre sifflement dans les bronches, la moindre agitation scolaire... conduiront-ils à des investigations, des traitements, validés ou non, des re contrôles, des primes et du temps perdu et du temps gâché... 
  5. Ainsi, Big Pharma continuera de faire passer des messages via les agences gouvernementales largement infiltrées à destination des fonctionnaires paramédicaux ou non, qui, soumis au devoir de réserve, diront amen et, au contraire, en redemanderont, seront plus royalistes que le roi, ainsi, Big Pharma continuera à édicter des recommandations, continuera à sponsoriser des services, des hôpitaux, des fondations, des syndicats professionnels, des associations, de faire de la visite médicale gratuite par l'intermédiaire des décrets et des notes de service de l'Etat et de la visite médicale payante chez les paramédicaux trop contents d'être enfin pris en compte, ainsi, Big Pharma continuera de subventionner la Formation Médicale Continue qui s'appellera Formation Para Médicale Continue et de fournir des échantillons gratuits aux infirmiers et ères pour aider à la santé du vaste monde...


Troisième réflexion : la disparition des médecins généralistes est la porte ouverte à la médicalisation totale de la vie.
  1. Les médecins généralistes, malgré qu'ils en aient, sont des emmerdeurs, ils râlent, ils ne sont jamais contents et même si nombre d'entre eux se sont longtemps peu interrogés sur leur pratique, sur le rôle éventuel de Big Pharma sur leurs activités, ils traînent des pieds, ils contestent, ils ne croient pas toujours ce que la visite médicale leur dit, ils doutent même, tout en continuant de prescrire, bien entendu, tout en étant silencieusement influencés par cette propagande active, il en est même certainement une majorité, malgré le cynisme affiché, qui confondent hygiène et médecine, qui confondent baisse de la mortalité infantile et progrès des sciences, ou recul du rhumatisme articulaire aigu et effets des antibiotiques... Il existe même des médecins généralistes qui sont abonnés à Prescrire, et qui le lisent, et qui tiennent compte de ses conseils, il existe même des médecins qui lisent d'autres revues que le Quotidien du Médecin, qui ne prennent pas pour argent comptant les recommandations de l'ex AFSSAPS, qui vaccinent et qui ne croient pas à la politique vaccinale, qui traitent la douleur sans se référer au Lyrica, et cetera, et cetera.
  2. Mais quand les médecins généralistes auront disparu, quand ils ne seront plus là pour recevoir un enfant qui dérange la classe, pour l'examiner, pour parler avec lui et avec sa famille, pour ne pas croire que ce sont seulement les conditions psycho-cognitivo-oedipéennes ou les conditions socio-politico-capitalistes incluant le divorce, la monoparentalité et la consommation de coca cola non light devant la télévision qui l'ont mené jusque là... quand les médecins généralistes auront disparu, qui refusera par principe la ritalinisation ?  Eh bien, n'en doutez pas, cela existe déjà maintenant, quand les médecins généralistes auront disparu, l'institutrice, en accord avec la directrice et l'inspecteur d'académie enverra cet enfant directement entre les mains du Centre Médico Psycho Pédagogique local où une équipe multidisciplinaire (c'est la mode coûteuse et inefficace du moment) interrogera son Oedipe, sa Jocaste, l'alcoolisme du père, les moeurs légères de la mère, la propreté du logement, l'origine ethnique, et, par une sorte de passe passe idéologique enseigné par Philippe Meyrieu et ses séides, "révolutionnaires" institutionnels, négligera les méthodes d'enseignement conformes en tous points aux données actuelles des sciences de l'éducation, et ne seront soulagés que lorsque la ritaline aura été donnée et les cours de soutien institués...
  3. Mais quand les médecins généralistes auront disparu, quand ils ne seront plus là pour recevoir une personne âgée qui ne cesse de perdre ses clés, elle sera adressée directement par sa famille ou par l'assistante sociale vers un centre de gérontologie où, MMS aidant, scanner ou IRM aidants, les médicaments dits anti Alzheimer seront prescrits... 
  4. Mais quand les médecins généralistes auront disparu, quand ils ne seront plus là pour recevoir des petits enfants ayant des problèmes respiratoires, ce seront les directrices de crèche, sous le couvert d'un plan bronchiolite avec affichage dans les locaux municipaux, et avec l'adoubement des médecins de la territoriale, qui enverront les petits patients chez le kinésithérapeute pour des séances à la française de ventilation...
  5. Mais quand les médecins généralistes auront disparu, quand ils ne seront plus là pour mesurer la pression artérielle, que les référentiels indiqueront que 140 / 90 est de la pré hypertension, eh bien les infirmières déléguées à la prise de la PA enclencheront le plan vigie tension...
  6. Mais quand les médecins généralistes auront disparu, quand ils ne seront plus là pour lire les glycémies ou les cholestérolémies, les futurs malades seront dirigés directement par les secrétaires des laboratoires d'analyse médicale vers, respectivement, les Centres du Diabète ou les Centres du Cholestérol, où les recommandations pour le traitement du pré diabète et du pré cholestérol seront appliquées strictement avec bilans, conseils et... nouveaux médicaments coûteux, dangereux et inefficaces...
  7. Mais quand les médecins généralistes auront disparu, quand ils ne seront plus là pour dire que les laits de croissance sont inutiles, chers et inefficaces, les puéricultrices les prescriront avec enthousiasme, fières de leurs nouvelles responsabilités (on me dit que c'est déjà le cas)...
  8. Mais quand les médecins généralistes auront disparu, quand ils ne seront plus là, les moindres déséquilibres du bassin, la moindre inégalité des membres inférieurs conduiront les infirmières scolaires à adresser les enfants vers les Centres de Podologie où des semelles inefficaces et coûteuses et peu remboursées seront façonnées par les podologues... 
  9. Mais quand les médecins généralistes auront disparu, quand ils ne seront plus là, les INR seront gérés par les cardiologues, les pharmaciens et les Centres de la Coagulation (c'est ce que demande une association de patients)...
  10. Mais quand les médecins généralistes auront disparu, quand ils ne seront plus là, la moindre impériosité urinaire chez l'homme conduira au dosage du PSA et à ses conséquences néfastes
  11. Mais quand les médecins généralistes auront disparu, quand ils ne seront plus là, ce seront les conseillères d'éducation qui "prescriront" du desogestrel ou le gardasil aux jeunes collégiennes ou lycéennes dont les parents, non plus, ne pourront plus exprimer leurs avis ni entendre des conseils autres
  12. Mais quand les médecins généralistes auront disparu, quand ils ne seront plus là il n'y aura plus de voix pour s'opposer à l'idéologie tenace de la prévention, mieux vaut prévenir que guérir, à l'idéologie tenace qui prétend que rendre malades les gens bien portants est une avancée déterminante dans le chemin semé de roses qui conduit vers la libération de l'homme... 
  13. Mais quand les médecins généralistes auront disparu, quand ils ne seront plus là .... il n'y aura plus de limites à la médicalisation de la vie... à la médicalisation de la procréation, de la contraception, de l'accouchement, de l'élevage, de la nutrition, de l'éducation, de la douleur, de la tristesse, de la mort... Il y aura partout des vaccinodromes, des vasculodromes, des alzheimerodromes, des douleurodromes, des sénodromes, et des distributeurs de lait de croissance dans les pédiatrodromes... 


Il ne s'agit bien entendu que d'hypothèses farfelues, tout le monde l'aura compris, cela n'arrivera jamais. Elles ne peuvent aboutir pour la seule raison qu'elles seront trop coûteuses. Mais pour l'instant, les Autorités, les mêmes, et avec l'aval des syndicats, qui avaient instauré en 1972 le numerus clausus des études médicales, car elles ne voulaient pas d'une France peuplée d'officiers de santé, y croient quand même et tentent de rouler tout le monde dans la farine.
Quand les patients se rendront compte que les médecins généralistes auront disparu, que les maisons médicales seront vides de médecins, que l'accès aux soins sera devenu hors de prix et difficile, il sera trop tard.
Bonne nuit, braves gens. 

PS. Vous avez bien noté que je me suis gardé de parler des responsabilités, de la main invisible, du complot caché, cela a été décrit des milliers de fois et dans tous les pays... Il suffit de lire.

mercredi 7 novembre 2012

Les médecins généralistes disparaissent du champ sociétal. Histoire de consultation 135.


Madame A, 42 ans, 21 ans de cabinet, a suivi à la lettre les instructions de l'Education Nationale et vient me faire un rapport circonstancié.
Sa fille Z, 9 ans, a été repérée par l'institutrice qui lui a conseillé d'aller voir une orthophoniste (je n'attends pas de compte rendu puisque on m'est passé au dessus de la tête). Madame A m'a dit que l'orthophoniste n'avait rien trouvé. L'orthophoniste a conseillé à la maman d'aller voir une orthoptiste qui a trouvé quelque chose et proposé des "séances". Madame A n'est pas d'accord car Z doit aller voir l'ophtalmologiste dans un mois. Mais les deux orthos (la phoniste et la ptiste) ont conseillé à la maman de faire voir la petite par un neuropédiatre pour lui prescrire quelque chose. Madame A est, quand même, allé demandé un avis à son médecin (mais, comme vous le savez, les enfants n'ont pas de médecin traitant).
La petite Z a du mal à se concentrer à l'école, a du mal à se concentrer à la maison, a du mal à faire ses devoirs, a du mal à écouter ses parents, a du mal à supporter ses frères et soeurs.
Dois-je aller dire un mot à l'institutrice, je veux dire, la frapper intellectuellement ?
Ah, j'oubliais un truc : j'ai battu la petite Z aux échecs lors d'un mémorable blitz au cabinet. Et elle avait l'air drôlement concentrée...
Son médecin lui a dit ceci, à Madame A et en présence de sa fille Z qui voulait refaire une partie d'échec mais je n'avais pas le temps, mes C sont tarifées à 23 euro le quart d'heure et j'étais à la fin du rendez-vous : "Toutes ces braves dames..." (et qu'on ne me dise pas que je fais de la misogynie galopante, je voulais souligner ici, à ceux qui veulent remplacer le patriarcat par le matriarcat, mais cela fera l'objet d'un post un jour ou l'autre, en prétendant que les femmes sont  moins méchantes, plus prévenantes, moins autoritaires, plus douces, moins attirées par le pouvoir, et cetera, que les femmes, comme les hommes, et toutes choses égales par ailleurs font aussi mal le boulot que les autres...) "... voulaient que notre petite Z soit mise sous amphétamines et qu'elles puissent mieux se concentrer, surtout en classe, une enfant remise dans le rang en quelque sorte..." 
Où voulais-je en venir ? A ceci : la gestion de la classe de CM1 par l'institutrice passe par la prescription de la recherche de dyslexie chez l'orthophoniste, de troubles visuels chez l'orthoptiste (elle a oublié l'audiogramme mais Madame A a dû lui dire que Z avait déjà été suivie par un ORL pour des otites à répétition) et de séances de neuropédiatrie avec ritaline pour favoriser la socialisation.
L'institutrice a encore des armes dans sa sacoche (outre les théories de Monsieur Meyrieu) : le médecin scolaire ou l'inspecteur d'académie. On attend de pied ferme.
Et le médecin généraliste, il est où ?
N'oubliez pas que dans quelques années il n'y aura plus de médecin généraliste pour freiner les amphétamines chez l'enfant et d'autres joyeusetés du même ordre (voir ICI).

(Le livre de Christian Lehmann n'a pas pris une ride : ICI)

DPI : Je n'ai pas d'actions Amazon, aucun membre de ma famille proche n'en a. CL n'est, me semble-t-il, qu'un ami, pas une relation d'affaires, sinon sentimentales chez Philip Roth).

PS du 27 novembre : Armance raconte la même chose ICI

jeudi 18 octobre 2012

Lundi 15 octobre toute la journée : la médecine de papa ?


Voici quelques raisons d'être un bon et un mauvais médecin généraliste : une journée trop chargée où j'ai vu sans doute trop de malades, mais qui pourra dire que la médecine générale n'a aucun intérêt ?
Cette journée n'est pas représentative de mes activités habituelles (il est des jours où je travaille moins et des jours où je travaille plus, ma moyenne annuelle étant de 31 actes par jour travaillé), pas représentative car une infime partie de mes activités se sont retrouvées par hasard en cette journée (de nombreux épisodes annuels sont manquants et surtout le travail accumulé sur chacun de ces nombreux patients que je connais depuis longtemps, sur chacun de tous ces autres patients  ici qui m'ont inspiré pour cette journée là... mais j'ai pensé que me livrer à cet exercice de reconstitution (forcément incomplète et subjective car j'aurais dû écrire  beaucoup plus de 12 heures pour rapporter les 12 heures de travail...) un intérêt documentaire.
(Il ne s'agit pas d'un verbatim car sinon il m'aurait fallu des pages et des pages pour tout recenser... En rouge, ce sont des notes...)

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Je commence les rendez-vous à 8 H 30 (je suis arrivé à 8 H 15 et la secrétaire à 8 H, et mon associée arrivera vers 8H 45). Madame A, 52 ans, 30 ans de clientèle, (C1), est la première patiente inquiète parce qu'elle doit passer demain une fibroscopie en raison de brûlures épigastriques post prandiales tardives qui n'ont pas  cédé sous IPP. Elle veut un arrêt de travail pour aujourd'hui car son angoisse l'a empêchée d'aller travailler. Je l'interroge sur ses problèmes de boulot "Toujours pareil... Pourquoi voulez-vous que cela change ?...", la réorganisation, dit-elle, la rentabilité, ajoute-t-elle, faut-il la croire ?,  et je finis par "tomber" sur les raisons de son angoisse : sa mère est morte d'un cancer de l'oesophage il y a quelques années. Elle ne m'en avait jamais parlé. Elle me raconte en plus qu'il y avait des métastases partout et qu'elle a beaucoup souffert. Nous parlons de métastases, de chimiothérapie, d'Helicobacter Pylori, et surtout du fait que je pense qu'elle n'a pas grand chose. (I)  Monsieur A, 27 ans, deuxième fois que je le vois, (C2), est angoissé pour deux raisons : des problèmes de travail (une chef qui lui veut du mal, dit-il) et sa femme qui est partie sans donner de nouvelles il y a quelques jours (et avec leur petit garçon d'à peine 2 ans). Il revient parce qu'il ne va pas mieux, il me redonne des détails sur sa situation professionnelle, je lui fais mon numéro habituel sur les conflits du travail, le harcèlement, le fait qu'il ne faut pas déclarer ses troubles en maladie professionnelle, le fait qu'il vaudrait mieux en parler au médecin du travail (au cas où sa chef serait connue dans cette grande entreprise pour des faits similaires) et à l'inspection du travail en raison de la gravité des faits rapportés (II). Et, en plus, me dit-il, "J'ai la grippe." Le patient a autant la grippe que moi mais nous continuons de parler de ce qu'il faut faire ou ne pas faire vis à vis de sa chef "qui ne l'aime pas." Le troisième rendez-vous, (C3), Madame A, 49 ans, 20 ans de cabinet, me tend les résultats de sa prise de sang avec beaucoup d'inquiétude car il y a des croix partout. (Que l'on me permette de dire un mot sur les critères de normalité dans les résultats de prises de sang : c'est une source d'incompréhension infinie. Ne parlons pas des données fantaisistes comme la limite supérieure de la glycémie qui, dans 90 % des cas, ne correspond à rien de tangible en termes de décision diagnostique ; sans compter les commentaires sur le degré de l'insuffisance rénale, les patients ne comprenant rien et s'attribuant des insuffisances indues, sans compter les facteurs de risque pour le cholestérol...). Cette patiente n'a pas de cholestérol (je fais exprès d'utiliser une expression triviale) et n'est pas diabétique. Mais elle n'est pas contente parce qu'elle n'est pas rassurée. Pourquoi y a-t-il des croix si tout va bien ? Le laboratoire ne peut se tromper (III). Son médecin, si. Je lui donne des CHD (conseils hygiène-diététiques) et une prise de sang à faire dans trois mois (entre temps j'ai pris la PA...). Madame A, 84 ans, (C4), a toujours été pimpante et enjouée depuis que je la connais, 4 ans de cabinet, elle est vive, elle marche bien, elle est hypertendue diabétique bien équilibrée et la seule chose qui l'embête, et que la prescription d'un IPP a améliorée (hors AMM, cela va sans dire, ou presque hors AMM, c'est plus précis), c'est une hypersalivation et des renvois acides. On a cherché, on a regardé, on a ORLé, on a gastroentérologisé, et nous sommes convenus avec la patiente qu'il n'y avait rien à faire et qu'il ne servait à rien de continuer les investigations ou de donner des médicaments qui ne servaient à rien. Echec de la médecine générale qui aurait dû confier la patiente à des spécialistes professeurs parisiens ou constat que tout ne peut être fait et qu'il existe une part de douleur dans la vie humaine qu'il est impossible de combattre ? Ou faute majeure de ne pas combattre la douleur, la souffrance, le mal être par tous les moyens ? A vous de choisir (voir LA et LA sur l'anhédonie). Le jeune Monsieur A, 23 ans, 23 ans de cabinet avec des interruptions de contact liées à la PMI, (C5), est asthmatique et depuis qu'il a eu droit à plusieurs engueulades et des démonstrations à n'en plus finir sur la façon de se servir d'un aérosol (voir ICI), ne fait pratiquement plus de crises. Il a droit à une ordonnance pour six mois et revient deux fois par an sauf aujourd'hui parce qu'il a la diarrhée. Interrogatoire habituel, pas de TIAC, CHD habituels pour lui et pour son entourage, lavage des mains et alimentation et il ressort, déçu, avec un jour d'arrêt de travail et du pinaverium. Monsieur A, 32 ans, et 32 ans de cabinet, (C6) arrive en portant des lunettes noires de star qui cachent une conjonctivite bilatérale pour laquelle je tente, bien malencontrueusement, de rechercher une origine virale ou bactérienne, je ne fais pas de prélèvements, je donne des CHD (il a deux enfants et une femme) et je prescris du sérum physiologique et du tobrex. Ah, j'oubliais un truc : il a été arrêté par mes soins, il doit venir vendredi pour enlever les fils, au décours d'un accident de travail (plaie de l'index doit avec trois points de suture, l'interne des urgences n'ayant pas jugé bon de lui faire un arrêt de travail, le Monsieur A lui a pourtant dit qu'il travaillait les mains dans l'huile de vidange, mais Monsieur l'interne de l'hôpital, dont le nom est illisible sur le certificat médical initial, n'a pas jugé bon d'en tenir compte. L'interne est un zêlé défenseur des économies) (IV). A vendredi. Monsieur A, 60 ans, 29 ans de cabinet, (C7), comptable, travaille en mi-temps thérapeutique depuis six mois et attend sa retraite avec impatience. Cet homme est charmant, ainsi que sa femme et que ses enfants, mais je ne crois pas qu'il aurait obtenu cela s'il avait travaillé dans une petite boîte. Ce n'est pas un jugement, seulement une constatation : on dit que les arrêts de travail entretiennent les douleurs. Pourquoi pas ? Nous parlons de kinésithérapie, il continue des séances de kinésithérapie du rachis cervical, il rechigne en revanche pour mes conseils d'auto kinésithérapie, mon dada, et tout va aller pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles. Il est content. Le médecin conseil a accepté. Le médecin du travail itou. La DRH a l'air également contente. Madame A, 25 ans, (C8), un an de cabinet, a mal au pied : elle présente un durillon rétrocapital et le port de semelles n'y a rien fait. Elle est d'accord pour se faire opérer malgré le fait qu'elle va perdre de l'argent, elle est femme de ménage et son mari est dans le même métal (homme de ménage), avec deux enfants en bas âge et la convalescence post opératoire est souvent longue. J'écris un courrier pour le chirurgien de l'hôpital parce qu'elle ne veut pas payer de dépassements à la clinique (V). Madame A, 76 ans, est une femme que j'aime beaucoup, dix ans de cabinet, (C9), et dont le principal souci, hormis une hypertension équilibrée, un diabète de type II équilibré (HbA1C à 7,8 -- et que les puristes ne me cassent pas les pieds avec le 7,8, je veux dire les diabétologues, les ophtalmologues, les cardiologues et les néphrologues, en me disant que cela pourrait être mieux), une arthrose généralisée,  des douleurs musculaires (mais oui, on a arrêté les statines, mais oui les CPK sont normales) et un "vieux" diagnostic de jambes sans repos fait il y a quelques années par un neurologue de l'hôpital qui avait été "sensibilisé" par la campagne pharmaceutique d'un médicament "étudié pour", dont le principal souci, dis-je, est son isolement par rapport à ses enfants, vivant très loin de Paris, et le fait que ses voisins n'aient pas son niveau d'exigences intellectuelles. Je passe mon temps à pratiquer de la psychothérapie de soutien. J'ai appris, au cours de ces années, des détails de biographie sur cette femme qui pourraient permettre à des journalistes malins d'écrire des articles de sociologie pendant des semaines et à des romanciers en mal d'inspiration d'écrire au moins un livre dans le flux. Je l'aime bien mais je ne peux pas faire grand chose pour elle, c'est à dire soulager vraiment ses douleurs squelettiques et ses douleurs morales. Je la vois donc tous les 15 jours pour des séances  de psychothérapie de soutien. Madame A, 43 ans, 33 ans de cabinet, (C10), fait une angine. Je regarde sa gorge, je n'annonce pas angine mais pharyngite (il s'agit en fait d'une angine rouge), je l'examine, j'écoute ses poumons, je regarde ses oreilles, je prescris du rhinotrophyl et du paracétamol, je réponds avec gentillesse à sa question "Ca n'irait pas un peu plus vite avec des antibiotiques ?" et elle repart au travail. Tout prêt du cabinet. Non sans m'avoir demandé un certificat indiquant qu'elle est bien venue consulter, son chef, dit-elle, et non sans m'avoir rappelé que son ancien chef, que je connaissais, c'était autre chose, exigeant qu'elle se justifie (et que je la justifie) (VI). C'est l'époque qui veut cela, en avons-nous conclu. Le petit A, neuf mois, première fois au cabinet, (CMNO11), mais je connais sa mère, est suivi à la PMI. Aujourd'hui il est enrhumé et à peine fébrile, ses vaccins sont à jour (toute la cavalerie), une petite trace de bécégéite à la face interne du bras doit (jamais déclarée au CRPV), allaitement mixte, bon, y a rien à dire, rien à faire, quelques CHD. Je n'ai même pas eu besoin de dire qu'il n'y avait pas besoin d'antibiotiques tant la maman était persuadée qu'il n'avait rien et qu'elle avait seulement besoin d'être rassurée. Monsieur A, 34 ans, une dizaine d'années de cabinet, (C12), est mon malade hypochondriaque préféré. La liste de ses maux est impressionnante. La liste de ses symptômes est quasiment inaudible. A part cela, c'est un charmant garçon, marié, père de deux enfants, mais il souffre de son corps et cette somatisation, facile à dire, depuis le temps que je le connais, par ignorance vraisemblablement, je n'ai jamais pu la faire remonter au cerveau. Son inconscient se bloque. Et le mien fait la même chose. J'ai déjà confié le patient à mon associée et à mon ex associé. Ils n'ont pu débloquer la situation. Le dernier rendez-vous de la matinée, je le reçois en retard de 15 minutes : Monsieur A, 49 ans, 7 ans de cabinet, (C13), est toujours désagréable mais je me demande bien pourquoi parce qu'il n'est ni bête ni méchant. Asthmatique sévère, il consulte pour des douleurs du dos qui s'avèrent être une lombalgie gauche associée à de vagues irradiations fessières. Il a mal. Ce n'est pas la première fois, il a fait un effort bénin, un faux mouvement et la douleur s'est déclenchée. Je suis un bon interrogateur dans les lombalgies et les lombo-sciatalgies car j'ai été à bonne école mais surtout parce que j'ai déjà souffert d'une sciatique mixte L4L5 et L5S1. (Mon expérience en ce domaine peut être considérée comme doublement interne, mon expérience de praticien et mes propres douleurs. Je ne veux pas dire que l'on ne peut connaître une pathologie que si on l'a subie, cela rendrait l'exercice de la médecine difficile, ce que je veux dire : lorsque j'ai eu un mal de chien, que j'ai posé des questions ici ou là, un rhumatologue, un neurologue, un médecin généraliste, un radiologue, enfin, des confrères, j'ai été surpris de la diversité des réponses et, finalement, je suis allé faire un tour sur le net, d'abord les publications, ensuite les cours et, enfin, je me suis refait, je devrais dire fait l'anatomie vertébrale en détail, l'espace foraminal et tutti quanti et, à la fin, je me suis fait ma propre idée, une idée subjective, cela va sans dire, et cette idée subjective m'a fait remettre en cause les dogmes et les avis d'experts que j'avais entendus et lus ici ou là. Je n'ai donc plus jamais regardé un patient de la même façon et les questions que je lui posais sur la nature de ses douleurs, c'était du vécu. J'ai été impressionné par un médecin du sport qu'un collègue m'avait conseillé de voir, une consultation de réassurance, un type très cool, et j'en ai conclu : pas d'intervention sauf urgence du siècle, pas de kinésithérapie mais de l'auto kinésithérapie. Bien entendu que j'ai vu des opérations qui se sont bien passées et pour lesquelles l'indication urgente n'était pas évidente, mais cette expérience unique m'a à la fois fortifié et inquiété : fallait-il que pour chaque pathologie je me mette à réapprendre l'anatomie, à contester les recommandations, à me faire ma propre idée ?... On voit que cette journée de travail que je décris, et dont vous n'avez vu que les premiers 13 patients, rendrait mon existence intenable si je devait TOUT réapprendre...) J'ai donc interrogé, examiné ce patient, je lui ai prescrit des médicaments, AINS et antalgiques, je lui ai fait un arrêt de travail jusqu'à la fin de la semaine et je me suis rendu compte qu'il était midi moins le quart.
Il y avait des papiers à signer, un bon de transport à remplir (un patient se rendant à la Salpêtrière), un carnet de santé à regarder et un appel téléphonique à recevoir de la CPAM.
J'ai vérifié qu'il ne manquait rien dans ma sacoche.
La première visite, disons que je ne peux pas détailler, parce que les gens se reconnaîtraient. Disons que c'est une visite particulière, parce qu'il y a une grand-mère de 91 ans que je connais depuis 33 ans (V+MD14) (ICI) et deux adultes, dont un ne peut se déplacer (C15 et C16). Le patient 16 se déplace régulièrement à mon cabinet mais en profite quand je viens voir sa mère pour que je "renouvelle" ses médicaments ou autre. (VII).
La deuxième visite est un poème. Monsieur A, 78 ans, (V+MD17), connu par moi depuis 20 ans, est hypertendu diabétique (je ne rajoute pas qu'il est bien équilibré, mais j'ai les chiffres, parce que je vais me faire rougir et que les lecteurs vont finir par ne pas me croire si je leur dis que tous mes diabétiques sont équilibrés, c'est bien entendu faux, mais disons que je tombe bien aujourd'hui), souffre d'une AC/ FA et est porteur d'un cancer de la prostate évolué localement. Il vient d'être opéré d'une hernie inguinale bilatérale, il sort de la clinique, il est paumé. Il était traité par antivitamine K, previscan (non, ne râlez pas, il était équilibré à sa sortie de son hospitalisation en cardiologie il y a 3 ans, et il l'est resté, je n'ai pas prescrit de coumadine, et voir plus bas C32 et la note afférente XIV), et, sorti le samedi, ne pouvant pas aller chez le pharmacien avant le lundi, c'est sa voisine qui le fait, il n'avait donc ni previscan, ni rien (lovenox, on le verra plus tard) pour l'anticoaguler... J'ai piqué une crise et j'attends encore, au moment où j'écris ces lignes, que la clinique me rappelle... Je signale que c'est l'infirmière à domicile qui a apporté les boîtes de lovenox... Bon, on rattrape, on rattrape.
Un petit sandwich acheté à la boulangerie : formule à 6 euro avec jambon gruyère + éclair au café + coca zéro. Un café bu au cabinet.
13H30.
Les deux enfants A, 4 ans et 27 mois, (C18 et C19) sont accompagnés par leurs deux parents et ont une rhino-pharyngite banale. Poids, mensurations, vérification du carnet de santé, bien que je les connaisse bien tous les deux. Prescription minimaliste. Puis c'est Madame A, 67 ans, environ 8 ans de cabinet, (C20), très sourde, inappareillable, "De toute façon je ne peux pas payer un appareil." (VIII). Elle vient pour "ses" médicaments et "son" vaccin contre la grippe (IX). Elle est allergique à tout. Son ordonnance est immuable. Elle a peur de changer de marque de génériques. Mais il y a un point curieux : le rhumatologue lui a prescrit un jour un produit inutile, voire dangereux, le chondrosulf, non remboursé, et elle continue de l'acheter malgré le fait qu'elle doive le payer... Elle présente depuis des années de grosses lésions dermatologiques liées à son allergie mais elle a fini par comprendre qu'il n'était pas nécessaire de s'exciter, il fallait faire avec... Madame A, 27 ans, première fois au cabinet, (C21) a attendu une heure et demie devant ma porte puis dans la salle d'attente, son médecin traitant ne pouvant lui accorder un rendez-vous, pour un rhume et une toux. Elle ne m'a même pas demandé d'arrêt de travail car elle ne travaille pas le lundi. Elle m'a payé en chèque (je veux dire, pour les grincheux : ce n'était pas une CMU) (X). Je n'ai pas traîné. Je ne lui ai pas prescrit : derinox ou rhinadvil, pas plus que toplexil, pas plus que maxilase ou de solupred...  Monsieur A, 27 ans, 27 ans de cabinet, (C22), consulte pour diarrhée / vomissements. Il sait pourquoi : il a fait réchauffer de la viande qui était conservée depuis 24 heures à l'extérieur. On discute de choses et d'autres et je lui dis que son rappel de DTPolio est pour l'année prochaine. Monsieur A, 35 ans, 5 ans de cabinet, (C23), a lui aussi des douleur abdominales et ne vomit pas. C'est une gastro-entérite probablement virale. L'examen est sans particularité. Nous parlons de son fils qui présente un retard psychomoteur qui est en train de se combler. Une prescription de CHD. Du paracétamol. Deux jours d'arrêt de travail. Mademoiselle A, 17 ans, première fois au cabinet, (C24), elle vient d'arriver dans le coin, est enceinte et veut avorter. Mais elle ne veut pas, mineure, que ses parents le sachent. Nous parlons de la date des dernières règles (elle est dans les clous), nous parlons du test de grossesse qu'elle a fait en pharmacie, nous parlons des conditions de survenue (elle n'avait plus de pilule, le préservatif a éclaté), nous parlons des IST, elle dit oui à tout ce que je lui dis, facile, la vie. (XI) Je téléphone au centre 'Aide Ados' de mon coin, nous sommes en milieu d'après-midi, à la deuxième sonnerie une voix de femme me répond, très douce, je lui explique le cas, je lui demande si je dois programmer une échographie, elle me dit que non, et elle donne un rendez-vous pour mercredi 11 heures. "Cela vous convient ? - Oui." J'aimerais bien savoir ce qui s'est passé ensuite mais il est probable que je ne reverrai jamais cette jeune fille qui avait choisi mon cabinet au hasard. Le jeune A, 5 semaines, deuxième fois au cabinet (la première fois, c'était mon associée), (CMNO25), est enrhumé. L'examen montre effectivement une petite rhinite, j'en profite pour expliquer, ré expliquer, comment on administre le sérum physiologique, j'interroge sur l'allaitement (maternel), et bla bla bla et bla bla bla (vitamines). C'était une consultation de courtoisie au cas où. Je n'ai pas eu besoin de prescrire les vaccins du deuxième mois, mon associée l'avait fait. Monsieur A, 32 ans, 32 ans de cabinet, est le père du précédent (C26). Il en "profite" pour son renouvellement : il est asthmatique et est traité par le pneumologue, enfin, le pneumologue lui a prescrit cela il y a deux ans et il ne fait plus de crises ou presque sous seretide. J'aime bien lui faire un peak flow à ce jeune père de famille c'est son premier enfant, parce qu'il a un peak flow d'enfer quand il va bien : 750 ml.  Il faut donc en tenir compte quand il va mal : les valeurs de base sont élevées. Mademoiselle A, 32 ans, 25 ans de cabinet, (C27), est fatiguée, pense qu'elle a perdu du poids, alors que, comme elle dit, "tout roule..., je travaille, j'ai un copain..." La connaissant depuis, donc, 25 ans, je sais qu'elle traverse parfois des périodes d'intranquillité, je ne sais pas comment dire autrement, je la rassure, je lui mesure sa PA, basse comme d'habitude, je palpe et ausculte sa thyroïde, je surveille depuis 4 ans une augmentation modérée de volume et plusieurs kystes infra centimétriques, elle est cliniquement euthyroïdienne, je l'interroge sur ses dysménorrhées et ses spanioménorrhées qui persistent malgré la prise d'oestroprogestatifs, et je cède à sa demande, mais ce n'est pas totalement injustifié, de prescrire une numération et une tsh. "Vous pouvez me prescrire des vitamines ? - Heu, tu sais, (XII), les vitamines, ça sert pas à grand chose..." et de me remettre en position disque rayé sur les CHD pour "mieux vivre" : alimentation sommeil et tout le tralala. Sa gynécologue lui fait faire un frottis tous les 2 ans (XIII). Madame A, 26 ans, 3 ans de cabinet, (C28), mais avec des intermittences, elle aime bien changer, présente à n'en pas douter un syndrome viral des voies respiratoires hautes mais elle préfère consulter, dit-elle, parce qu'elle est enceinte de 4 mois. Elle a attendu longtemps. Je l'examine avec le plus grand sérieux, elle me dit qu'elle a pris du doliprane, "je pouvais ?", je lui conseille le site du CRAT (Centre de Références sur les Agents Tératogènes, LA) en lui expliquant, bla bla, et elle ressort avec du paracétamol, du sérum physiologique et des bonnes paroles (et un arrêt d'une journée). Monsieur A, 61 ans, 14 ans de cabinet, est un homme charmant (contre transfert quand tu nous tiens), (C29), dépendant de l'alcool, qui a déjà consulté moult addictologues, moult centres de désintoxication, un homme cultivé et intelligent et travaillant comme préparateur de commande chez un grand transporteur, avec lequel nous tentons de tuer les démons. Nous avançons pas à pas et commençons à déchiffrer. Pas de baclofène prévu (XIV) : ce patient veut, comme il dit, "extirper la bête". C'est son droit. Sort sans ordonnance.
16 H 30 : Départ de notre secrétaire. Nous répondons au téléphone, mon associée et moi. Et nous ouvrons le portier.
 Monsieur A, 45 ans, au cabinet depuis 10 ans, (C30), est un disco-lombalgique chronique qui travaille comme préparateur de commande (c'est le deuxième de la journée). Il travaille bien qu'il souffre mais il n'a pas le choix, dit-il. Kinésithérapie abandonnée depuis longtemps et remplacée par auto kinésithérapie, piscine et antalgiques à la demande (paracétamol / codéine). A part cela : hémorroïdes. Madame A, 83 ans, malade du cabinet depuis 9 ans, (C31), forme olympique en général, bien qu'un peu amaigrie ces derniers temps, aucune pathologie chronique à signaler (elle ne prend aucun médicament), consulte pour des douleurs abdominales accompagnées d'une vague diarrhée. Le ventre est souple, la pression artérielle normale : CHD + pinaverium. Monsieur A, 84 ans, malade du cabinet depuis 9 ans, le mari de la précédente, (C32), tient avec du scotch (c'est une expression) depuis des années et on peut se demander s'il tient grâce à sa résistance naturelle, grâce aux médicaments ou en dépit des médicaments ; mais certainement en raison de l'entente fusionnelle avec sa femme que je perçois à chaque consultation (voilà que je sentimentalise). Je résume : infarctus du myocarde (à une époque où on ne revascularisait pas tout de suite) ; HTA ; dyslipidémie depuis 20 ans ; AC / FC ; antécédents d'embolie pulmonaire ; pace maker ; obésité morbide ; vous voulez autre chose ? Ils reviennent de vacances. Avant les vacances le cardiologue avait suggéré que l'on remplace le previscan (cf. plus haut pour la coumadine et V+MD17) (XV) par dabigatran. Nous sommes convenus que puisque l'INR était stable depuis des années, et qu'il était difficile de savoir ce qui pouvait se passer avec le dabigatran, et en raison de la "fragilité" de ce patient, que nous continuerions avec previscan. Mademoiselle A, 14 ans, 14 ans de cabinet, (C33), se présente avec un impétigo sur peau propre. On discute avec le papa qui accompagne. Je réponds aux questions. Je m'aperçois que j'aurais dû prendre une photographie. Je remplis le carnet de santé. Je prescris des antibiotiques. je donne des CHD. Mademoiselle A, 15 ans, 11 ans de cabinet, (C34), vient pour une simple ampoule à la face interne du pied droit attrapée à la patinoire. La cicatrisation commence. Traitement local : protection. Nous parlons de ses problèmes de poids qu'elle est en passe de résoudre. L'intervention de la diététicienne (première consultation 45 euro et la deuxième 25 non remboursées) a été très contributive. Vaccins à jour. Ni hépatite B, ni gardasil. Monsieur A, 51 ans, sportif vétéran de haut niveau, au moins 30 ans de cabinet,  (C35), a fait une chute de vélo à l'entraînement (sur le côté droit). Je ne peux manquer de l'embêter à propos d'Armstrong et consorts (XVI). Nous en avons parlé si souvent... Problèmes : six mois après la chute et bien qu'il s'entraîne normalement, il a une zone d'insensibilité étendue sur la face externe de cuisse, qui a tendance à s'améliorer mais qui le gêne (je connais le phénomène, je lui explique; je lui dis qu'en revanche je ne sais pas quand cela disparaîtra : encore une fois des choses nous échappent et nous devons les accepter) et son poignet droit est sensible en hyper extension. Il existe un point douloureux exquis au niveau cubital. Je demande une IRM. Les sportifs ont besoin de réponses. Les sportifs de haut niveau, et j'en ai peu l'expérience, mais les sportifs passionnés en général, considèrent que leur corps est un outil qui doit être en parfait état de marche et les performances sont très affectées par le moindre doute de leur cerveau sur l'intégrité de cet outil (on voit que la journée avance et que les truismes font flores). Monsieur A, 23 ans, depuis 2 ans au cabinet, mesure deux mètres zéro trois, (C36), est une victime du business system américain : après une fracture de fatigue d'un métatarsien alors qu'il avait été drafté par une équipe universitaire américaine, on l'a fait reprendre trop tôt, il n'a plus pu jouer et il a dû partir, ruiné, pour la France, il est Sénégalais, et on essaie de le traiter. Il recommence à shooter, il court un peu à l'entraînement. Il vient parler avec moi en anglais de la NBA pour oublier ses soucis, prendre des médicaments (le secret médical m'interdit de dire lesquels), et demander des séances de kiné balnéothérapie. Mademoiselle A, 22 ans, 22 ans de cabinet, (C37), présente une drépanocytose hétérozygote, elle est Française d'origine sénégalaise, des spanioménorrhées qui n'arrangent pas son taux d'hémoglobine, et voudrait continuer à faire du sport (hand ball). Elle a besoin d'un certificat. Elle a également besoin de sa contraception oestro-progestative, qu'elle prend mal, qu'elle oublie, elle n'aime pas les comprimés en général (dans son dossier, au chapitre Allergie il y a noté "gélules et comprimés"), et refuse un implant (les progestatifs utilisés auparavant (levonorgestrel) avaient, en outre, provoqué des spottings très gênants. Madame A, 29 ans, 8 ans de cabinet, (C38), revient de vacances au Maghreb, nous en profitons pour parler de la façon dont elle voit la situation là-bas, j'écoute, j'enregistre, j'interviens à peine, et elle présente une classique diarrhée du retour. CHD et antinauséeux. Un jour d'arrêt de travail. Pour le frottis : l'année dernière. Mademoiselle A, 24 ans, 24 ans de cabinet, ne paie jamais, non, j'exagère, paie rarement les maigres 6,90 € que je lui demande au titre du tiers payant, (C39) (XVII), et vient ce soir pour une poussée d'herpès labial. Je prescris local et hors AMM et lui renouvelle sa pilule (remboursée). Mademoiselle A, 32 ans, et 18 ans de cabinet, (C40), est radieuse mais malade. Radieuse parce que le conflit du travail qu'elle avait eu avec une de ses collègues, conflit qui, avant les vacances, aurait pu la mener à la démission tant elle était angoissée, voire à la limite de la déprime (nous étions convenus de lui donner des anxiolytiques "légers"), le conflit s'est donc terminé par le licenciement de sa collègue.  (XVIII). Malade en raison d'une banale virose des voies aériennes supérieures ne requérant, bien entendu, que des soins "légers" sans vasoconstricteurs nasaux, sans dérivés opiacés pour calmer la toux, sans corticothérapie... Mademoiselle A, 14 ans, malade fréquentant le cabinet depuis 14 ans, (C41), revient pour des douleurs abdominales intermittentes et récurrentes, basses, sans troubles du transit, sans signes urinaires, qui ne cèdent pas sous pinaverium. La jeune fille n'est pas réglée et il pourrait s'agir de dysménorrhées... J'examine, je temporise et je rassure. On discute de choses et d'autres et, tout d'un coup, la maman se rappelle qu'elle a eu le même genre de douleurs avant d'avoir ses règles. Cela ne rassure pas la jeune fille mais il s'agit d'une réaction que je décrypte ainsi (d'habitude la jeune fille vient seule et j'ai souvent discuté de ses problèmes --mineurs-- par rapport à sa maman) : je ne veux pas ressembler (trop) à ma maman. Monsieur A, 26 ans, malade du cabinet depuis quatre ans, (C42), a besoin de son traitement que je lui prescris habituellement tous les six mois : il présente un diabète insipide. Je lui remplis également un certificat pour qu'il puisse pratiquer le tennis de table. Il est tard, nous sommes tous les deux fatigués.
Il est 19 H 45. Je ferme la porte. Je fais la recette, c'est à dire que je compte les chèques et les cartes bancaires et cela correspond à ce que me dit l'ordinateur. J'imprime la liste pour la secrétaire demain. Je télétransmets, ce qui met un peu moins de trois minutes. Je ferme mon poste. Je me rends dans le bureau de mon associée qui est partie vers 19 heures, déconnecte les utilisateurs et sauvegarde. Je commence à fermer les volets. Je mets le répondeur. J'éteins le fax. Je retourne dans mon bureau consulter mèls et tweets que je n'ai cessé de regarder tout au long de la journée. Pendant que les malades se déshabillent, se rhabillent... La sauvegarde s'est bien passée sur le disque dur. Je sauve sur la clé USB. Je ferme tout. Je pars et il est 20H 5.

Epilogue : je vous assure que j'ai pris cette journée de lundi au hasard, il y avait longtemps que j'avais envie de le faire.. J'ai mis toute cette journée de jeudi, mais je n'ai pas fait que cela, pour la rapporter. Sera-ce un épouvantail pour les jeunes générations ? Je n'ai pas tout raconté, pas tout dit, ce n'est pas possible, mais on peut se rendre compte qu'au delà du temps passé avec les patients, il y a des connaissances accumulées, de l'expérience, du travail, de la réflexion en arrière-plan, cela s'appelle le métier. Je crois que je ne recommencerai plus : trop épuisant mais c'était aussi très intéressant pour moi de me retourner. Car le moindre des gestes que nous faisons, la moindre des attitudes que nous montrons à nos patients, jouent un rôle dans notre métier. A vous de juger.
Dernière précision : je me suis installé le 5 septembre 1979.


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Notes :
(I) Au moment où j'écris ces lignes j'ai eu le résultat de la fibroscopie : rien de chez rien. Nous pourrions, si nous en avions le temps, aborder la surconsommation délirante d'IPP chaque fois qu'une aigreur d'estomac est ressentie, chaque fois qu'un patient digère mal, et la surconsommation de fibroscopies négatives... Je rajoute le 29/10/12 : une étude américaine montre la surconsommation d'IPP à l'hôpital (LA)
(II) Le problème du harcèlement au travail demande une certaine clairvoyance et un certain recul vis à vis des déclarations des travailleurs, un certain recul vis à vis de notre propre conception du monde (idéologie, patronat, syndicat), un certain recul vis à vis de notre empathie / antipathie (cf. contre transfert), un certain recul vis à vis des attitudes stéréotypées à la mode dans la menée de la consultation  : entretien motivationnel, psychothérapie de soutien, approche analytique, et cetera...). J'ai abordé ICI ou LA ces problèmes et il est difficile de ne pas être informé sur le droit (par exemple ICI), avoir lu les classiques de la question puisque les malades les ont lus soit directement, soit indirectement sur le net ou dans les médias audiovisuels : ICI. Question annexe : que doit dire le médecin généraliste à son patient ? Jusqu'où doit-il l'informer de ses droits ? Non, n'écarquillez pas les yeux : certains médecins généralistes font le minimum pour ne pas se substituer au patient, pour ne pas être celui qui induit le recours au médecin du travail ou à l'inspection du travail, il faut rester neutre et ne nous occuper que des conséquences médicales de ce conflit. Je ne fais pas cela. (voir aussi la note XVIII)
(III) Les laboratoires d'analyse médicale (qui vont bientôt disparaître physiquement grâce (?) au SROSS) sont obligé de fournir des valeurs limites lors de la remise des résultats. Or, pour de nombreuses valeurs (voir plus haut), c'est faux, cela inquiète, cela déroute, cela rend floue la décision du médecin qui peut faire ce qu'il veut selon qu'il est activiste, attentiste, alarmiste, normal ou négligent (mais la négligence de certains médecins est souvent bénéfique pour le patient)
(IV) Vaste débat sur les forums pour comprendre pourquoi : a) les hôpitaux et les spécialistes libéraux rechignent à faire des arrêts de travail et renvoient vers les médecins traitants. Explication 1 : ils ne veulent pas que les arrêts de travail entrent dans leurs profils (c'est faux car leurs profils d'IJ -- Indemnités Journalières) ne sont pas étudiés par la CPAM) ; Explication 2 : ce sont des flemmards ; Explication 3 : ils agissent ainsi pour que le médecin traitant soit au courant (hum, hum) ; Explication 4 : ils sont tellement habitués au à moi à toi des hôpitaux et des cliniques qu'ils pensent que cela fera plaisir au médecin traitant de faire un acte deplus...  b) les bons de transport pour aller à l'hôpital : voir les explications plus haut.
(V) Les dépassements d'honoraires, nous avons, nous les glorieux médecins généralistes du secteur 1 qui ne pratiquons jamais de dépassements (et nous ne nous en vantons pas, nous constatons), à les gérer dès que nous adressons un malade à un spécialiste. Et j'exerce dans un coin où il existe encore des zones de non dépassement, mais cela devient rare. Il faut donc que nous fassions la part entre ce que peut admettre le patient (et ce n'est pas toujours évident de juger bien que 18 % des actes que j'effectue le sont en CMU), ce que je peux admettre moi-même (en fonction de mon opposition de principe aux dépassements mais aussi à la compréhension que je peux avoir de la nécessité de dépassements en consultation dans des spécialités non techniques comme la psychiatrie -- temps passé en consultation-- ou techniques comme l'ophtalmologie -- matériel à amortir et à changer), ce que je juge être raisonnable, ce que je juge en valoir le coup, et cetera, et cetera...)
(VI) D'aucuns de mes collègues prétendent que c'est la CPAM et ses annexes qui les envahissent de paperasserie tatillonne et inutile, plus qu'il y a cent ans, c'est évident, mais c'est plutôt la société civile qui nous contraint : certificats en tout genre pour l'école, la mairie, la crèche, les clubs de sport les plus farfelus, l'employeur, et cetera.
(VII) Les visites à domicile sont un vaste problème qui mettent en jeu différents points de vue (disons, pour déclarer mes liens d'intérêt, que je fais partie des médecins généralistes qui ont fait beaucoup, beaucoup, de visites, jusqu'à 13 par jour en moyenne -- et j'étais atypique dans mon coin -- ; c'était une autre époque que les moins de 30 ans ne peuvent pas comprendre et je ne regrette vraiment pas alors que je fais, grosso modo 7 visites par semaine désormais) : certains médecins généralistes ne font jamais de visites (par principe, parce que les spécialistes d'organes n'en font pas, parce que les malades n'ont qu'à se déplacer, parce que c'est de la mauvaise médecine, parce que cela prend du temps, parce que cela n'st pas assez rémunéré...) et je pense qu'il n'est pas possible, je répète et je souligne, pas possible, de faire de la médecine générale sans faire de visites ; certains médecins généralistes en font le moins possible pour les mêmes raisons que précédemment et ils ont probablement raison, d'autres continuent d'en faire beaucoup (parce qu'ils n'ont pas su s'arrêter ou en raison de la structure de leur clientèle ?) ; il paraît, selon la CPAM, qu'il faut faire moins de visites à domicile, inutiles cela va sans dire, pour des raisons d'économie... Convenons que nombre de visites à domicile sont des visites de convenance (même en n'en faisant que 7 par semaine) mais qu'il n'est pas possible de faire autrement pour les malades isolés, pour les malades en fin de vie, pour les malades impotents (à moins de faire exploser le budget transports de la CPAM), et que la vision de l'habitat du patient, de son habitus en général, est parfois très instructive et évite certaines erreurs de jugement. N'oublions pas qu'un des sport favoris de Docteur House est d'envoyer des enquêteurs sur le terrain. Mais il faudrait écrire un post entier sur la question...
(VIII) Il est tragique de constater dans ce beau pays que pour trois des valeurs de base de la santé et de l'hygiène de l'être humain, entre autres, les dents, la vue et l'audition, les soins ne sont pratiquement pas remboursées par le panier de soins ordinaire... Si l'on pense que la marge brute des médicaments est d'environ 95 %, que dire de celle des prothèses dentaires, optiques ou auditives ?... Au moment où les mutuelles complémentaires, que l'on devrait plutôt appeler des mutuelles supplémentaires (ICI), font de la publicité sur les ondes pour le remboursement de l'ostéopathie ou des consultations de diététique, le remboursement oculodentoditif n'est toujours pas assuré... au contraire des anti Alzheimer inefficaces, des strippings de varice à but esthétique ou des chambres individuelles dans les hôpitaux (dans ce cas le problème est aux hôpitaux qui n'ont pas de chambres individuelles)...
(IX) Les habitués de ce blog connaissent sans doute ma position sur la vaccination anti grippale chez les personnes de plus de 65 ans : elle est peu efficace. Il est amusant de constater que les vaccinologues patentés ont changé d'argumentation : avant que l'on ne vienne voir leurs dossiers, le vaccin marchait chez les personnes de plus de 65 ans, ensuite, le vaccin marche moins bien chez les personnes de plus de 65 ans que chez les adultes sains, et, maintenant, cela ne marche que dans 50 % des cas mis il faut le faire en cas de grande épidémie car c'est mieux que rien... ICI, un document savoureux et brut de décoffrage, d'un des spécialistes mondiaux (français) de la vaccinologie. Pour en revenir à "ma" patiente. Je lui ai expliqué (en hurlant, car elle est sourde) que le vaccin était peu efficace, que si elle avait envie de le faire, je le lui ferai, et que si elle ne le faisait pas cela n'avait pas une grosse importance. Elle a été vaccinée.
(X) Il est possible que cette patiente ait pu répondre, lors d'un sondage sur la qualité des soins en France, qu'elle a eu des difficultés à se faire soigner, voire, qu'elle a failli renoncer à des soins (urgents ?) pour cause d'encombrement dans les cabinets médicaux.
(XI) Pour connaître, un peu, mon avis sur l'IVG, voir sur ce blog : ICI. Mais cela mérite de longs développements.
(XII) Question que je n'ai pas encore résolue : Faut-il tutoyer les nourrissons, les enfants, les jeunes gens et donc, comme je les suis jusqu'à l'âge adulte, continuer de le faire ? Françoise Dolto, qui a dit beaucoup de khonneries, affirmait qu'il fallait vousoyer les enfants, fussent-ils nourrissons. Je ne l'ai jamais fait mais ce conseil lacano-doltoïen m'a toujours interrogé. Les parents me regardent déjà d'un drôle d'air quand je parle aux nourrissons, avant de les examiner, en leur disant ce que je vais leur faire, écouter leur coeur, regarder leurs tympans, je dis dans le désordre, regarder leur moineau, mâle ou femelle, les mesure, les peser, et cetera... Les parents qui me regardent étonnés quand je leur demande s'ils ont prévenu le nourrisson qu'il allait se faire vacciner, quand je parle au nourrisson pour lui annoncer que j'allais le vacciner contre la diphtérie... et pas contre l'hépatite B. Mais c'est un autre problème... Quoi qu'il en soit, je commence à vouvoyer les enfants / adolescents que je n'avais jamais vus auparavant à partir, disons, il n'y a pas de règle, de 16 ans. Pour les autres, ceux que j'ai tutoyés plus tôt, je continue, sauf quand le mari de la patiente n'apprécie pas. Enfin, il ne me viendrait pas à l'idée de tutoyer mes patients adultes comme on le voit sur certains blogs (LA).
(XIII) Les gynécologues médicales vont manquer. Les rendez-vous sont difficiles à obtenir chez elles. Mais si elles ne faisaient pas faire des frottis tous les ans pour certaines, tous les deux ans pour d'autres, alors que le consensus est tous les 3 ans quand tout va bien...
(XIV). Baclofène : nous sommes en pleine irréalité. En gros, à mon avis, et il arrive que je ne le partage pas, j'attends le résultat des études. Nous avons tellement été trompés par le passé sur des médicaments  et des procédures qui résolvaient tout, surtout entre les mains de leurs prescripteurs et opérateurs, médicaments et procédures sans effets indésirables, bien entendu, que je me méfie. Ensuite, et là, j'avoue, c'est mal de penser ainsi, j'ai un peu de mal avec l'arrogance, le mépris pour les autres et la personnalité pour le moins alambiquée de son promoteur Olivier Ameizen, (LA). Puis, il est amusant de constater que ceux qui contestent en général les utilisations de médicaments hors AMM (sous la houlette de Big Pharma) utilisent désormais les arguments inverses pour dire qu'il faut utiliser le baclofène hors AMM parce que Big Pharma ne fait pas d'essais. Quitte à passer pour un passéiste incapable d'applaudir au progrès, mais surtout incapable de croire que l'alcoolisme est seulement un problème de récepteurs (les neuroscientistes, holà !), j'attends et je vois.
(XV) Qui pourra m'expliquer pourquoi les cardiologues français n'aiment pas la coumadine. Ce n'est pas une question de prix, alors ?
(XVI) Un blogueur connu a une opinion très tranchée sur le dopage et je ne comprends pas son point de vue : ICI. J'y repense en parlant avec Monsieur A.
(XVII) Bon, je vous entends d'ici, les conseilleurs et pas les payeurs, c'est le cas de le dire, pourquoi continuer à la recevoir ? Je ne sais pas. Nous avons nos pauvres et, dans le quartier, ce n'est pas ce qui manque, disons que nous avons nos pauvres favoris, et que Mademoiselle A, elle a fait trois heures de queue, elle sait que je l'engueule toujours parce qu'elle ne prend pas bien ses médicaments (elle a fait un paludisme gravissime et on l'a rattrapée par les cheveux), parce qu'elle oublie sa pilule, parce qu'elle oublie les préservatifs, parce que, parce que... Parce que je connais sa famille, son père, sa mère, sa belle-mère, ses frères et soeurs, ses neveux... 
(XVIII en complément de la note II) Dans les conflits du travail la seule mesure véritablement efficace est d'exfiltrer le salarié de l'entreprise, non seulement en lui faisant un arrêt de travail mais en lui demandant de couper tout lien (mèl, téléphone). Et ensuite on voit au coup par coup.

(Photographie : grève des internes à Strasbourg)

vendredi 12 octobre 2012

De (très) bonnes raisons de ne pas être généraliste.


On dit partout que les jeunes étudiants en médecine ne veulent pas devenir médecins généralistes.
On dit partout que les jeunes étudiants en médecine ne veulent pas devenir médecins généralistes libéraux.
On dit partout que les jeunes étudiants en médecine ne veulent pas devenir médecins généralistes libéraux exerçant à la papa.
Mais qu'ils ont raison, ces jeunes.
Je ne peux que les encourager.
Je ne peux que leur dire qu'ils doivent persister dans leur volonté de ne pas exercer ce métier médiocre qui est celui de médecin généraliste libéral sans exercices particuliers permettant des dépassements ad hoc.
Ils méritent mieux.
Ils valent plus que cela.
Ils valent mieux que tous ces anciens généralistes, ces généralistes à la papa, ceux qui ont mis la médecine générale dans la merdre actuelle, ceux qui dirigent les syndicats, ceux qui s'occupent des URML, ceux qui siègent dans les commissions paritaires, ceux qui gèrent la Carmf, ceux qui acceptent le paiement à l'acte, ceux qui se contentent de 23 euro, ceux qui ont accepté le paiement à la performance, ceux qui ont accepté la fermeture du secteur 2, ceux qui ont contribué à l'enterrement de l'Option Médecin Référent...
Imaginez un peu la vie de ces anciens qui acceptaient tout, qui acceptaient les gardes de nuit, qui acceptaient des consultations sans rendez-vous, qui acceptaient des salles d'attente bondées, qui acceptaient sans barguigner de prescrire des antibiotiques dans les rhino-pharyngites, des antibiotiques dans les angines non streptococciques, des antibiotiques dans les bronchites aiguës, des antibiotiques dans les otites moyennes aiguës, qui faisaient des diagnostics de sinusite avec autant de fréquence que des diagnostics de pendulums, qui faisaient des diagnostics d'appendicite à la volée et qui, en plus, les envoyaient chez le chirurgien, qui prescrivaient des radios pour un oui ou pour un non sans se poser de questions, qui accordaient des arrêts de travail à la demande, qui adressaient des patients à des spécialistes en écrivant des mots sur un coin de table, qui vaccinaient à tours de bras, qui faisaient des visites à domicile de convenance, qui acceptaient les invitations des visiteuses médicales, qui se formaient dans des réunions sponsorisées par des laboratoires, qui lisaient le Quotidien du Médecin et pas seulement pour les locations de vacances, qui recevaient Impact Médecin en ne le jetant pas à la poubelle, qui travaillaient plus de sept heures par jour, qui faisaient de leur femme la secrétaire du cabinet, qui trônaient au Rotary en compagnie du pharmacien et du notaire, qui croyaient dur comme fer que le Halstedt n'était pas un geste dégradant, qui pensaient que la paracentèse était toujours justifiée, qui prescrivaient des phlébotoniques, des vasodilatateurs artériels, du déturgylone et / ou du lipanthyl, des vitamines B1 B6 B12, de la calcitonine dans les syndromes algodystrophies, des hormones oestroprogestatives aux femmes ménopausées, des séances de kinésithérapie respiratoire en cas de bronchiolite, sans compter de la ventoline sirop, du stediril aux jeunes femmes pour prévenir les kystes de l'ovaire, du magnésium aux femmes spasmophiles, de la cystine B6 pour enrayer les chutes de cheveux, des céphalosporines dans les syndromes viraux, qui conseillaient aux mamans de coucher leurs nourrissons sur le ventre, de donner des biberons à heure fixe, de prescrire du talc en cas de varicelle, de l'aspegic 100 en cas de fièvre, qui prescrivaient des sirops aux enfants de moins de deux ans, qui croyaient que les vincamines amélioraient les performances cérébrales, qui adressaient des femmes pour qu'on leur enlève leur utérus ou qui laissaient des obstétriciens envever des utérus comme des lipomes...
On comprend pourquoi les anciens sont tant haïs, on comprend pourquoi les jeunes ne veulent plus revivre ces situations horribles, ces gardes inutiles, ces réunions ennuyeuses, ces visites médicales dévoreuses de temps, ces prescriptions abracadabrantesques, ces hospitalisations injustifiées, ces gestes barbares. Et n'oublions pas non plus les exaspérantes tâches administratives qu'il faudrait voir confier, gratuitement, cela va de soi, à un comptable, un urssafologue, un MdPHologue ou un longuemaladiologue, sans compter la prise de la pression artérielle par une infirmière diplômée d'Etat ou  l'explication de l'hemoccult dans les mêmes conditions...

Les jeunes ont raison de préférer l'existence plus exaltante des vrais spécialistes, des cardiologues interventionnistes, des rythmologues, des neurogériatres prescripteurs d'anti Alzheimer, des algologues prescripteurs de lyrica, des ophtalmologistes cataractectomisants, des chirurgiens bariatriques, des coelioscopistes de tout poil, des arthroscopistes de tout acabit, voire des capillaro-greffeurs, des prothéseurs de seins, des diabétologues glitazolinés,  des addictologues les bras remplis de méthadone, de subutex, et bientôt de baclofène, des sidéologues CD4ophiles, des liposucceurs agréés, des sectoristes deux, des dépasseurs d'honoraires, des fibrocoloscopistes, des racleurs itératifs de prostate, des poseurs de plaques abdominales, des périduralistes, des yoyoteurs transtympaniques ou des myringoplasteurs émérites, des anti hypertensologues sartanophiles, des néphrologues inhibosartanobloqueurs, des ORL vastarologues et / ou bétaserquiens, des oncologues de première, deuxième ou troisième ligne, des pneumo nodulologues, des arthroscannerologues,  ...
A moins qu'ils ne veuillent, nos jeunes internes, pour éviter le déshonneur des rhumes, des bouchons de cerumen, du P4P, de la rémunération à l'acte, des hernies inguinales ou des "boutons" non identifiés ou des plaques dans le même métal, être vraiment des salariés comptant les jours d'arrêt de travail à la CPAM, vérifiant que les recos de l'HAS ont été suivies, ou décidant d'une longue maladie ou d'une invalidité, des salariés recherchant l'albumine dans les urines, les conflits du travail ou refaisant le monde de l'ergonomie dans les entreprises, ou cochant des MP sur une liste, ou harcelant les harceleurs, des salariés vaccinant sous l'égide d'Infovac les enfants des prolétaires dans les PMI en leur collant des bécégéites non déclarés dans les CRPV, des salariés comptant les décès de la grippe dans les ARS ou enquêtant sur les maltraitances dans les EHPAD ou... des capillarogreffeurs devenus ministres du budget ou des découvreurs du traitement du sida devenant pharmacologues ou des pandemrixologues refusant le zolpidem mais acceptant la narcolepsie...

Je rêve d'un monde où des jeunes médecins auraient envie de devenir des généralistes après avoir lu, et éventuellement rejeté, cela vient dans le désordre, Michaël Balint, Ivan Illich, Sigmund Freud, ou David Sackett, après avoir compris comment lire un article de recherche, comment reconnaître un lien et un conflit d'intérêt, comment interpréter un rapport de cote, savoir ce qu'est l'EBM et non la caricature de l'EBM et la pratiquer, savoir comment prendre en compte un nombre de malades à traiter ou inclure dans son raisonnement une faible valeur prédictive positive, après s'être abonné à Prescrire, au BMJ ou au NEJM, après avoir lu Minerva, après avoir rangé dans ses favoris des sites comme CRAT ou mémobio et pouvoir consulter Tweeter et demander l'avis en direct de Pierre, Paul ou Jacques... Je rêve de jeunes médecins participant à un groupe de pairs, réunion autrement plus intéressante qu'une rencontre machine à café avec la secrétaire, l'infirmière, l'orthophoniste et l'ex visiteuse médicale transformée en interface, en faisant du à toi à moi sans concurrence aucune avec d'autres structures, je rêve donc de jeunes médecins lisant des blogs pertinents et, surtout, tentant de se faire un avis par eux-mêmes.

Ces perles rares existent, je les ai rencontrées.
Mais tout cela ne s'apprend pas à la Faculté de Médecine où le système des QCM a remplacé celui de la réflexion, où le lèche-cutage, le népotisme familial et politique, la compromission et le suivisme, ont remplacé les têtes bien pleines et bien faites qui avaient lu Claude Bernard, qui avaient des notions d'anthropologie, d'ethnologie, d'analyse freudienne, de behaviorisme ou qui s'informaient sur les neuro-sciences, je le répète, pour y adhérer ou pour les réfuter...

J'ai oublié beaucoup de choses.

Mais un conseil : quittez le navire. Ne restez pas médecins généralistes, passez une sous-spécialisation en médecine du sport, naturopathie, angiologie, homéopathie, auriculothérapie, gériatrie, allergologie, nutrition, ergothérapie, mésothérapie et, bien entendu, ostéopathie.

Quittez le navire comme genou des alpages (ICI) car c'est beaucoup plus difficile d'être un, ouvrez les guillemets, "bon généraliste" qu'un sous secrétaire d'Etat au ménisque interne gauche. Vous aurez le temps de lire, d'écouter de la musique, de voir des expositions, d'écrire, de faire de la musique, de peindre ou de dessiner.

Lisez ce post (écrit ensuite), peut-etre vous dégoutera-t-il définitivement ? ICI

A un médecin spécialiste qui me demandait comment on pouvait être généraliste, j'aurais aimé lui répondre, comme Tommy Lee Jones (I would not dignify your question by answering it) ou dire, comme Michel Audiard (Je ne réponds pas aux cons, ça les instruit).

(Illustration - Dodo)

PS - Un blogueur n'est pas d'accord avec moi, semble-t-il : ICI