Le Guépard (Scène du Bal) - Lucchino Visconti (1963)
Irène Frachon et Xavier Bertrand
Tout a commencé le 7 mai 2011 par une déclaration incontrôlée et devenue intempestive de Xavier Bertrand indiquant que les prescripteurs de Mediator "pourraient rentrer (sic) dans la procédure" d'indemnisation puis l'affaire s'est poursuivie le lendemain par un virage sur l'aile de notre ex Ministre de la Santé du Mediator devenu, par un tour de passe passe idéologique, le Ministre de la Santé du post Mediator, qui précisait, avec l'assurance qu'on lui connaît, que "les médecins ne seront pas les payeurs". Voir ICI.
Et c'est alors que le bal des faux-culs a continué.
Claude Leicher, pour le syndicat de médecins généralistes MG France, a dit, dans une belle envolée lyrique que rapporte le journal Le Monde, et après avoir critiqué les laboratoires Servier et les Autorités, que les médecins (généralistes, je suppose, pardon, spécialistes en médecine générale) avaient prescrit de bonne foi et, là on nage dans le sublime, que "Nous avons des documents qui montrent que lorsque des médecins ont eu des doutes et ont interrogé le laboratoire, on leur a répondu que ce produit ne posait aucun problème particulier"
Il est probable que les médecins généralistes ne savaient pas lire la presse indépendante et qu'ils prenaient leurs informations uniquement par les canaux de la visite médicale et / ou en lisant le Quotidien du Médecin (pour leurs locations de vacances ?). Nul n'est censé ignorer la loi, dit-on, mais dans le cas précis Nul n'est censé ignorer des informations scientifiques quand on a fait de nombreuses années d'étude.
La CSMF, dont le grand chef, Michel Chassang, doit passer son temps à s'entraîner à passer une carte vitale dans le sabot avant de s'en procurer une, n'est pas restée de marbre et son communiqué (voir ICI) devrait faire jurisprudence dans les écoles de mensonge organisé. Après avoir salué la décision de Xavier Bertrand (ils se rencontrent dans les mêmes isoloirs ?), voici ce que l'on apprend : En effet, les médecins, qui ont prescrit du Médiator, n’ont pas prescrit un produit illicite, mais un médicament dont la mise sur le marché a été autorisée par l’Etat via l’AFSSAPS. La question de la prescription dans le cadre ou en dehors de l’AMM ne doit pas conduire à des erreurs de jugement. Si le médicament incriminé a pu générer des effets secondaires indésirables, dans le cadre d’une utilisation conforme à l’AMM, ils ont pu se produire de la même façon en dehors de l’AMM.
Puis la FMF est passée à la vitesse supérieure. Son président, Jean-Paul Hamon, sorti indemne de son coup d'état interne, a lancé des missiles et, avec un courage exemplaire, celui des résistants de la première heure, a annoncé qu'il allait porter plainte contre l'AFSSAPS (ICI) pour "manquement à l'obligation d'information" et pour "faute".
Auparavant l'Assurance Maladie et la Mutualité Française avaient porté plainte pour "escroquerie" et "tromperie aggravée".
Quelle belle pantalonnade !
Si dans ces divers communiqués vous entr'apercevez le mot victime vous aurez de bons yeux.
Les syndicats de médecins se tamponnent des malades à qui ils ont prescrit des merdes (pardon merdiator), ils s'inquiètent des plaintes au civil.
Les syndicats de médecins s'en remettent à l'AFSSAPS pour dire la médecine et quand la médecine est mal dite, ils se lavent les mains de leurs péchés, puisque l'AFSSAPS l'avait dit.
Ces médecins qui se moquent d'habitude comme d'une guigne des avis de l'AFSSAPS et préfèrent écouter la visite médicale avec ses aides-visuelles en couleur, ses post-it, ses gommes, ses crayons fluorescents, ses invitations à déjeuner ou à dîner, ou ses séjours dans les congrès, se plaignent maintenant du fait que l'AFSSAPS n'a pas fait son boulot mais ne se plaignent pas d'eux-mêmes, incapables d'esprit critique, incapables de se poser des questions d'EBM (qu'est-ce qui est bon pour mon patient ?) ou capables de ne pas lire Prescrire ou les articles du New England Journal of Medicine, ou incapables de ne pas se rendre dans des formations sur le diabète sponsorisées par Servier, Euthérapie ou autres officines de Monsieur Servier...
Responsables mais pas coupables. C'en est trop ! Non : irresponsables et non coupables.
Et les syndicats médicaux, c'est leur rôle, défendent les prescripteurs de Mediator qui ne savaient pas, qui ont été trompés, pauvres petits animaux tristes, même les diabétologues qui continuent de prescrire des glitazones cancérigènes, les yeux fixés sur la ligne bleue de l'HbA1C et de leurs cadeaux en tout genre...
Car, si la CNAM a produit des statistiques qui ont permis de déterminer les "morts" dus au Mediator (nous avons vu que les données sont assez fantaisistes), elle connaît aussi les médecins qui ont prescrit larga manu le produit, des médecins qui s'appellent des diabétologues, des cardiologues, des obésologues, des charlatonologues ou des médecins généralistes qui se sont pris pour des obésologues distingués, je ne parle pas des médecins généralistes (qui n'étaient alors pas des spécialistes en médecine générale) qui ont prescrit de façon occasionnelle, pour suivre une prescription, pour faire plaisir à une malade obèse, pour ne pas laisser sortir de leur cabinet une patiente ou malade ou les deux sans traitement, eh bien, la CNAM, elle se tait. Elle se tait, heureusement pour ces charmants médecins prescripteurs de chirurgie cardiaque, elle se tait, la CNAM, car elle a peur que les vénérés syndicats médicaux ne se retournent contre elle au cas où des objectifs CAPI seraient tout aussi fallacieux et tout aussi dangereux. Elle se tait, elle qui s'est toujours tue malgré son Conseil Scientifique dirigé par le fameux Hubert Allemand, elle se tait comme elle s'est toujours aplatie devant le pouvoir politique, les experts, la DGS, l'AFSSAPS, la HAS et tout le toutim, peut-être dans un autre ordre, allez savoir, tous ces experts qui jouent au jeu de la chaise musicale entre tous ces organismes, j'y vais, j'en repars, j'y retourne... et je touche.
Quant aux victimes, je leur suggère de ne pas faire confiance à tous les avocats bidons qui n'y connaissent rien en médecine et qui se font avoir et par les juges d'instruction et par les commissions d'enquête et par les experts judiciaires, je leur conseille de prendre des experts qui connaissent les pathologies, les statistiques, qui connaissent la Santé Publique, qui connaissent la corruption de toutes ces agences gouvernementales...
Où en étais-je ? Ici : nous avons appris, grâce aux syndicats médicaux, que les médecins prescrivent n'importe quoi, dans n'importe quelle situation, qu'ils n'ont qu'une envie, toucher des cadeaux de Big Pharma (pourquoi s'en priverait-elle, il y a si peu d'efforts à faire), ne pas lire les articles scientifiques, croire que Impact Médecine est un journal sérieux malgré leurs sept années, voire huit, voire dix d'études, ou plus, qu'ils ne font pas la différence entre Voici et Les Cahiers du Cinéma et qu'ils préfèrent les Stabilo boss offerts aux kilos honnêtement perdus.
Qu'avons-nous fait de nos jeunes prescriptions ?
Nous étions jeunes et beaux...