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lundi 20 juin 2011

Actos : le rapport de la CNAMTS à l'origine de la suspension est d'une douteuse qualité !


J'avais prévu, à la suite de la suspension de commercialisation de la pioglitazone (Actos et Competact) par l'AFSSAPS - ICI- (que j'avais trouvée justifiée a priori), de me moquer de la FDA (que j'avais beaucoup louée sur ce blog pour ses alertes ICI pour la simvastatine / ZOCCOR et LA pour la finasteride / PROSCAR) qui avertissait à propos de la pioglitazone mais qui ne suspendait pas : voir le communiqué de la FDA ICI.
J'ai eu raison de ne pas me moquer.
Car voilà qu'un collègue me transmet le fameux rapport de la CNAMTS sur la pioglitazone, rapport que tout le monde a vanté comme exemplaire (et le collègue me l'a transmis pour implicitement en louer les mérites).
Je vous invite à le lire ICI et à revenir sur le blog pour lire mes commentaires. A moins que vous ne vouliez me faire confiance (ce qui est pour le moins aventureux).
Je veux préciser également, mais il semble qu'il s'agit d'une précaution superfétatoire, que je n'ai aucun lien et encore moins de conflit d'intérêt avec la maison Takeda. Mon penchant pour Tanizaki, auteur japonais parfois génial, ne pouvant, à mon avis, être l'esquisse de l'esquisse d'une preuve que j'ai des liens avec l'Empire du Soleil Levant qui ne soient autres que littéraires.
J'imagine maintenant que vous avez lu le rapport de 41 pages (et je suis désolé, il n'est pas signé).

Préliminaires : les essais antérieurs et notamment les essais développés aux US indiquent qu'il est probable que les cancers de vessie induits par la pioglitazone le sont après environ deux ans d'exposition. Par ailleurs, il est admis que la pioglitazone est un promoteur du cancer dont les premières cellules cancéreuses apparues sont liées essentiellement au tabac et à des substances cancérigènes contenus dans certaines peintures (dont on me dit qu'elles sont retirées du marché).

Le rapport. Je vais prendre 4 exemples montrant la qualité du rapport de la CNAM, son sérieux et sa véracité scientifique.
  1. Comment sont attestés les cancers de vessie incidents (page 11 du rapport) : Les cas incidents de cancer de la vessie ont été identifiés par les hospitalisations rapportées dans le PMSI avec un diagnostic principal ou relié de cancer de la vessie et dans le même séjour un acte chirurgical traceur lourd et/ou une instillation vésicale d'agent pharmacologique par cathétérisme urétral et/ou une chimiothérapie et/ou une radiothérapie (tableau I)
  2. Comment sont attestés les patients ayant reçu de la pioglitazone (page 18 du rapport) : L’exposition à la pioglitazone est décrite comme suit : au moins deux délivrances au cours d’une période de 6 mois entre 2006 et 2009. L’exposition a été codée comme une variable unidirectionnelle dépendante du temps : un patient est considéré comme exposé à partir du 4ème mois calendaire après la première délivrance et jusqu’à la fin du suivi.
  3. Comment sont attestés les patients fumeurs (page 19 du rapport) et là, on touche au sublime : Par ailleurs, l’exposition au tabac n’étant pas directement mesurable dans les bases de données, la comparabilité des groupes pour ce facteur a été mesurée : 1. par la comparaison des taux d’incidence dans les deux groupes exposés et non- exposés de l’incidence du cancer du poumon et des cancers ORL qui constituent des marqueurs de l’imprégnation tabagique de chaque groupe
    2. par un indicateur prenant en compte la consommation de médicaments de la bronchopathie chronique obstructive en 2006 et/ou une hospitalisation avec un codage de tabagisme. Pour la consommation médicamenteuse on retenait au moins trois dates de délivrance différentes en 2006 de Combivent® ou de Spiriva® dont les indications sont traitement bronchodilatateur continu destiné à soulager les symptômes des patients présentant une bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO). Pour les hospitalisations les codes CIM10 spécifiques enregistrés dans le PMSI entre 2006 étaient pris en compte (tableau IV).
  4. Sans oublier le facteur confondant suivant, la situation sociale (sic) (page 19 du rapport) : De plus la situation sociale est un déterminant de cancer, le taux de couverture à la couverture malade universelle complémentaire (CMUc) chez les personnes de moins de 60 ans a été comparé entre les groupes. D’ailleurs les ALD liées à la consommation tabagique sont plus fréquences chez les personnes titulaire de la CMUc [21].
Ainsi, selon le bon vieux principe que la multiplication des à peu près corrige l'erreur globale, le rapport conclut avec force (mais peut-être pas avec la robustesse souhaitée) : L’analyse de cette cohorte de 1,5 million de patients diabétiques suivis en France entre 2006 et 2009 conforte l’hypothèse de l’existence d’une association statistiquement significative entre l’exposition à la pioglitazone et l’incidence du cancer de la vessie. et passez muscade. Grâce à cet attrape nigaud rigolo, l'AFSSAPS est la première agence qui suspend la pioglitazone (bientôt suivie par l'agence allemande) et la base de données de la CNAM devient une référence universelle.

On l'aura compris, cette étude souffre de défauts majeurs : pas d'anatomopathologie pour les cancers de vessie ; peu d'éléments concernant l'exposition véritable des patients à 24 mois de pioglitazone (aucun élément sur l'observance et a fortiori sur les dosages sanguins) ; l'exposition au tabagisme est "mesuré" de la façon la plus farfelue qui soit sans éléments rétrospectifs (nombre de paquets/ années), utilisation de critères de gravité sans commune mesure avec la banalité du tabagisme (nombre de cancers du poumon et ORL), corrélation avec la prise de médicaments utilisés dans la BPCO (Combivent et Spiriva) dont on connaît la surutilisation en dehors de l'AMM et des pathologies liées possiblement au tabac.

Mais le rapport a réponse à tout (il faut lire la discussion pour s'en convaincre).

Je comprends un peu mieux que la FDA ait été plus prudente.

Je voudrais terminer en disant ceci : je n'ai jamais initié de traitement par actos ou competact.

Je me moque comme d'une guigne de la suspension de la pioglitazone par l'AFSSAPS.

Je suis atterré par le niveau scientifique de l'Agence qui ne pourrait pas faire de publication dans une revue ayant un Comité de Lecture indépendant.

(Photographie : la CNAMTS a tordu les cuillers de pioglitazone grâce à la technique d'Uri Geller)

Addendum du 31 mars 2016 : Une étude canadienne de cohorte confirme que la pioglitazone entraîne un sur risque de cancer de vessie (et non avec la rosiglitazone). ICI L'étude CPAM n'est pas citée mais ils avaient raison avant tout le monde.... Hum...

Erratum du 13 mai 2016 : L'étude canadienne cite l'étude de la CPAM comme le dit un commentateur de ce jour : "En réponse à l'addendum du 31 mars 2016: ben si l'étude CNAM est citée, référence 5


Neumann A, Weill A, Ricordeau P, Fagot JP, Alla F, Allemand H. Pioglitazone and risk of bladder cancer among diabetic patients in France: a population-based cohort study. Diabetologia2012;55:1953-62. doi:10.1007/s00125-012-2538-9 pmid:22460763.

Elle a d'ailleurs été publiée dans un journal avec IP correct, Diabetologia, la deuxième revue avec le plus fort IP en diabétologie.

A bon entendeur.
" Petit commentaire associé : l'IP "correct" de Diabetologia est un avis d'expert.

PS du 26 décembre 2016 : un essai rétrospectif infirme l'essai de la CNAMTS : ICI
Mais c'est un essai labo !

jeudi 28 avril 2011

Un spécialiste en endocrinologie addict au competact / actos / pioglitazone. Histoire de consultation 79.

Gynécomastie féminine ?

ACTE I
Monsieur A, 72 ans, est un homme charmant, plein de ressources conversationnelles, apte à tous les raisonnements, à toutes les ouvertures politiques ou religieuses, enfin, dans certaines limites que je ne me suis pas permis de franchir, je ne suis quand même pas un téméraire capable de livrer mon moi intime dans une simple colloque, fût-il singulier, mais, brisons-là, venons-en à l'essentiel : Monsieur A n'aime cependant pas beaucoup parler de ce qu'il faut ou de ne ce qu'il faut pas manger quand on est diabétique non insulino-dépendant.
(On me dira : il y a belle lurette que les diabétiques de type II ont le droit de manger ce qu'ils veulent. Même du sucre ? Même du sucre ! Il n'y a donc plus qu'à tirer l'échelle. Je rentre chez moi et je fais de la télé-médecine ou j'écris une rubrique de conseils médicaux pour Voici ou Veillées des Chaumières. L'article de Prescrire que je voulais vous faire lire n'est pas en ligne mais je vous mets en relation avec un article que vos patients peuvent lire, peu contraignant et, à mon avis, peu informatif, sauf pour les initiés : ICI)
ACTE II
Pourquoi vous parlé-je donc de Monsieur A ? Parce que, ce matin, la presse grand public est remplie de nouvelles sur le nouveau Mediator, nous voulons dire les deux nouveaux monstres de la pharmacie mondiale qui donnent des migraines aux pharmacovigilants de l'AFSSAPS, Actos et Competact des laboratoires Takeda (et, au fait, a-t-on passé le compteur Geiger sur les boîtes d'anti-diabétiques japonais ? Le principe de précaution l'exigerait m'a dit mon citoyen écologiste favori) qui ne savent toujours pas sur quel pied danser entre l'Europe qui va se décider et le pouvoir politique qui écoute le lobby diabétologique qui aime les "nouveaux" médicaments parce que le lobby a compris que le diabète n'est pas une maladie que l'on peut traiter avec des médicaments, de nouveaux permettant de noyer le problème, qu'il s'agit d'une maladie de civilisation, la trop bouffe et la mal bouffe, et que, dans un mouvement de valse particulièrement réussi Big Pharma danse avec Big Junk Food pour pousser à la fois les Mac Do et les antidiabétiques non évalués.
ACTE III
Donc, Monsieur A est diabétique non insulino-dépendant, avec un IMC au plafond et des médicaments à n'en plus finir pour "traiter" "son" diabète, "son" hypertension artérielle, "sa" dyslipidémie et "ses" rhumatismes, et, il y a un an, cédant à l'insistance de ses fils qui trouvaient que son HbA1C était trop élevée (ils lisent Que Choisir Santé et parcourent le web à la recherche d'informations leur permettant de comprendre pourquoi leur père n'est pas "équilibré" pour ce qui concerne "son" diabète, nonobstant le fait qu'il mange beaucoup, vraiment beaucoup, gras et le reste, et que, pour l'exercice physique quotidien de 20 minutes, il en est loin, très loin, d'une part parce qu'il n'aime pas ça et d'autre part parce que son arthrose bilatérale des genoux l'empêche de marcher plus de cinq minutes, sans compter le surpoids qui n'améliore pas la dite arthrose, cercle vicieux bien connu des praticiens mais non connu des diabétologues, des promoteurs d'essais cliniques et des ghost-writers de ces mêmes essais) et que son médecin "ne faisait pas le boulot", je l'ai adressé chez le (la) diabétologue (je précise : dans mon coin il y a une et un diabétologue).
Le (la) spécialiste a changé le traitement, ce qui n'est pas surprenant, et a prescrit competact en arrêtant la metformine (normal) et en laissant le daonil (je parle comme dans le monde des "vraies" gens ou des "vrais" docteurs quand les ordonnances comprennent la dci et / ou le nom de marque selon l'inspiration du moment où selon l'inspiration du moment du pharmacien). A ce propos il faudrait quand même savoir si, quand la metformine, par exemple, ou le daonil, autre exemple, utilisés seuls deviennent "inefficaces" sur le critère intermédiaire ou de substitution (pour les discussions sémantiques, nous le ferons à un autre moment) HbA1C, on ajoute soit du daonil soit de la metformine au traitement initial les risques de mortalité sont si importants...
ACTE IV
Quand j'ai revu le malade au bout de six mois (il fallait que notre spécialiste prenne son temps pour évaluer le patient si mal pris en charge par le médecin généraliste) l'HbA1C avait baissé, preuve que Competact était efficace ou preuve que le malade, qui était allé consulter avec l'un de ses fils (un privilège qui m'a été refusé jusqu'à présent), a saisi que manger moins ne pourrait pas nuire à sa santé.
Malgré mes réticences, exprimées, pour le competact, j'ai represcrit.
ACTE V
Je l'ai revu trois mois après (il n'était pas allé au laboratoire se faire doser l'HbA1C mais comme je n'ai pas signé le CAPI, je n'en ai rien à faire, mais il l'a refait quand même dans les jours suivants et elle était remontée en flèche : effet lune de miel pour le (la) diabétologue ou le competact ?). Autre chose : il m'a signalé une gynécomastie. Je me suis plongé dans les mentions légales du competact : la gynécomastie est indiquée. J'ai noté dans ma déclaration d'effets indésirables (il faut que je publie) et j'ai fait une lettre à le (la) diabétologue dans laquelle...
ACTE VI (je sais, je ne respecte pas la loi des trois unités pas plus que la syntaxe classique...)
La lettre de le (la) diabétologue : "Je crois que la gynécomastie n'est pas due au competact mais à une hyperoestrogénie relative (sic) -- et j'ai droit au bilan avec testostérone, et cetera... mais la gynécomastie a disparu à l'arrêt du competact..." Car le malade avait arrêté sur mes conseils et bien que le (la) diabétologue lui ait dit de continuer. Et maintenant, que vais-je faire ? Je signale, entre parenthèses, que l'HbA1C ne s'est pas aggravé à l'arrêt du competact et à la reprise du traitement précédent (daonil et metformine).

Je ne sais pas trop (ou je sais trop) quoi penser de cet "attachement" diabétologique au competact (ou actos pioglitazone), contre toute évidence. Je ne peux pas croire qu'il s'agit seulement des largesses du laboratoire Takeda...

Voici en outre un article "lisible" de Prescrire sur pioglitazone : ICI.