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dimanche 20 octobre 2024

A quoi servent les recommandations si elles sont biaisées (méthodologie insuffisante et conflits d'intérêts) ? A propos d'Antibioclic.



Un article paraît sur l'évaluation (la validation interne) des recommandations en infectiologie (Antibioclic) dont le but essentiel est la prescription (ou non) d'antibiotiques dans le cadre des soins primaires (ICI).


Les résultats sont atterrants (corruption la méthodologie, corruption des auteurs des recommandations).


Un des signataires de l'article, Rémy Boussageon, pose les questions suivantes sur X : 


Il se trouve que Florian Zores publie 2 articles sur la prise en charge de l'HTA à partir de Recommandations élaborées par des sociétés savantes de cardiologie.

Le premier article (LA) parle du diagnostic.


Et le second (ICI) de la prise en charge.


Florian Zores aborde le problème de la validation interne et de la validation externe des études et souligne la complexité des mesures et de leur interprétation ainsi que du faible niveau de preuves des chiffres seuils.

Je fais quelques commentaires en élargissant le débat : ICI.



Et voilà que paraît un article (LA) qui compare la façon de mesurer la pression artérielle selon la position du bras.

Et l'on est ahuri tant les différences dans les résultats des mesures dépendent de facteurs dont on n'entend jamais (ou si peu) parler dans les études épidémiologiques ou dans les essais thérapeutiques en fonction de la position du bras du patient, de sa position, de son état, et cetera. Ces différences peuvent paraître à la fois importantes et mineures mais les conséquences de ces approximations de mesures peuvent influencer la vie tout entière de millions de patients à travers le monde en fonction des seuils d'intervention établis. 


On est typiquement dans le cas, avec l'Hypertension Artérielle, d'une affection courante

selon l'Observatoire de la médecine générale en 2009, l'HTA est en France le premier motif de consultation en médecine générale, soit 14,8 % (LA)



d'une affection mesurable par la prise de la Pression Artérielle qui est en théorie un geste simple

Il existe des recommandations concernant la prise de la pression artérielle dans le cabinet d'un médecin généraliste ou d'un spécialiste, recommandations largement diffusées que tout professionnel de santé délivrant du soin devrait connaître. Qui les connaît vraiment ? Qui les respecte vraiment ?

Je google-ise à la volée sur la façon de mesurer la pression artérielle : 


La HAS (ICI).


Cardio Online (LA) qui "représente" la SFC (la société française de cardiologie)

L'article est volumineux, il y a 2 lignes sur la méthode de la prise de la PA


La SFHTA (ICI) ou Société Française de l'HTA

Il y a 13 recommandations dont 7 sur la mesure courante de l'HTA.

La recommandation 5 est vague


Le site RecoMédicales (LA) ne représente que lui-même mais arrive en position 4 d'une Recherche Google !

Peu informatif.

Un document lunaire de l'Assurance Maladie (ICI) :


Une source belge, Louvain Médical, (LA), qui ne parle pas du tout des techniques de mesure.

Tout le monde s'en fout : on est en plein dans le vieux sketch de Fernand Raynaud : "Combien de temps l'affût du canon met-il à se refroidir ? - Un certain temps." Fermez le ban.




Revenons à l'essentiel.

1. Pour une pathologie aussi fréquente que l'HTA les recommandations pour mesurer la pression artérielle sont relativement précises mais quand même relativement floues : types de brassard, position du patient, façon de noter les mesures consécutives, interprétation des résultats.

2. L'imprécision sur la méthodologie de la mesure de la PA n'est rien quant aux valeurs (fluctuantes) épidémiologiques retenues pour les mesures de prédiction et les mesures d'intervention. Elles sont même non mémorisables si l'on ne dispose pas de prise de décision automatisée.

3. Sans oublier les études cliniques dont la taxonomie des preuves selon leur poids et, plus particulièrement, les conditions de mesure de la PA, sont éminemment critiquables tout autant que les résultats obtenus... 

4. Sans oublier le contexte des scores de risque cardiovasculaires qui sont des modélisations à partir de chiffres vagues dont on ne connaît pas la simple reproductibilité.

5. Le résultat de tout cela : de très nombreuses personnes (pas encore patientes ou patients) entrent sans doute dans la catégorie des sudiagnostics : ils sont traités pour une HTA qui n'aurait jamais fait parler d'elle avant la mort du ou de la patiente.

Bref : 

1. Une étude remet en cause la méthodologie et les conflits d'intérêts qui permettent à Antibioclic de recommander en infectiologie communautaire.

2. Rémy Boussageon, signataire de l'article, pose la question de savoir s'il vaut mieux suivre des recommandations biaisées que de ne pas les suivre du tout.

3. La question subsidiaire est celle-ci : si vous savez que les recommandations sont biaisées, les suivrez-vous quand même ?


Commentaires personnels : 

1. Pour ce qui est d'Antibioclic, il vaut mieux que cela existe plutôt que cela n'existe pas.

2. Mon expérience des médecins praticiens montre que les médecins qui connaissent l'existence de recommandations et les utilisent (le % vient de chuter prodigieusement) sont plutôt les plus à même de moins prescrire de C3G dans l'angine.

3. Les médecins qui utilisent les recommandations de façon automatique se facilitent la vie et se posent moins de questions que certains autres.

4. Les médecins qui ne savent même pas qu'antibiollic existe ont une MSP à Lascaux (dans les grottes).

5. Il existe peu de médecins qui appliquent à la lettre les recommandations quand ils les connaissent : ils profitent de leur liberté individuelle et du manque de contrôle de leurs activités. Et peut-être, soyons optimistes, de la spécificité du malade qu'ils ou elles ont dans leur cabinet. Mais il est toujours possible que le contrôle soit fait par des incompétents en méthodologie ou par les personnes qui ont écrit, commandité ou réalisé les recommandations avec des liens/conflits d'intérêts patents.

6. Tout est dans tout et réciproquement.


En conclusion, que répondez-vous aux 2 questions posées par Rémy Boussageon ?

dimanche 24 mars 2024

Bilan médical de la semaine du lundi 18 au dimanche 24 mars 2024 : pauvreté des enfant, ASE, agenda de la recherche orienté, conflits d'intérêts en oncologie, recommandations : peu de preuves, surdiagnostic, prévention quaternaire, metformine, enseignement de la médecine : fiasco, fausses pistes en oncologie.

Hôtel Belvédère (Conches-le-Haut - Valais - Suisse) (1882-2015)
via @hiddenlibuara


Une belle allégorie des soins primaires ou comment les éviter



La pauvreté chez les enfants entraîne une augmentation des troubles mentaux (en GB).

L'article est ICI

La British Psychological Society est d'accord (LA)


Un problème majeur de Santé publique : les enfants placés.


Il existe des tensions entre les intérêts publics et commerciaux pour prioriser les aspects de la santé liés au biomédical, au social et à l'environnemental dans l'agenda de la recherche.

L'article est LA

Nous avons toujours signalé en ce blog combien la recherche biomédicale était (pour de multiples raisons dont la principale est le financement) devenue quasiment en France l'exclusivité des industriels et que l'agenda des industriels était essentiellement lié aux profits espérés et non à la santé des populations. Pareil ailleurs.


Conflits d'intérêts financiers en oncologie : les paiements se font-ils aux frais des patients ?

Magnifique éditorial (ICI) de Sandford NN et Gyawali B qui proposent 4 solutions en indiquant que la simple déclaration des liens d'intérêts ne suffit pas (je résume).

  1. Les médecins participant à des Recommandations officielles ne devraient pas recevoir d'argent pendant la période de rédaction et de publication. Par ailleurs il faudrait fixer un plafond de rémunération pour les membres des comités gouvernementaux (en général). L'objectif étant : zéro.
  2. Les sociétés savantes devraient exiger de leurs membres qu'ils ne reçoivent pas d'argent de l'industrie.
  3. Les investigateurs et co-investigateurs des essais cliniques ne devraient pas posséder d'actions de la compagnie qui commercialise les molécules. A la fois pour les concepteurs d'essais, les "interprétateurs" et les rédacteurs.
  4. De la même manière, les éditorialistes des revues ne devraient pas non plus avoir des conflits d'intérêts financiers avec les firmes.

On toussote.

Lisez l'article en entier, c'est bien.

La plupart des recommandations reposent sur des preuves de faible qualité (Professeur Rémy Boussageon).

Les chiffres sont catastrophiques.


Lors du 17° Congrès de Médecine Générale France

Nous avons parlé plusieurs fois de ce point sur ce blog mais en insistant sur les pratiques hospitalières (les chiffres sont moins calamiteux) : voir ICI par exemple.


Pourquoi il faut enseigner ce qu'est un surdiagnostic.

Bel article en anglais et facile à lire pour comprendre pour quoi il faut enseigner cette notion aux étudiants et aux médecins praticiens. L'article est ICI.  

J'ajouterai : pour savoir ce qu'est et ce que n'est pas un surdiagnostic. Un surdiagnostic de cancer est un cancer. Prendre une lésion non cancéreuse pour un cancer est une erreur diagnostique.




La prévention quaternaire : pourquoi de nombreux médecins prescrivent des prises en charge inutiles.

Bel article encore : LA.

Il s'agit d'une étude qualitative pour inventorier les facilitateurs et les barrières pour mener une politique de prévention quaternaire.

La prévention quaternaire, pour simplifier, vise à protéger la population et le patient de la surmédicalisation (mais aussi la simple médicalisation et/ou de la médecine non nécessaire).

En français : ICI ou LA

La metformine a été mal étudiée dans le diabète de type 2 et les résultats sont : 

mauvais pour la Revue Cochrane : ICI

acceptables pour la Revue Prescrire : LA

On fait quoi ?

Quand on traite mal les étudiants en santé comment voulez-vous qu'ils traitent bien les patients ?


Ajoutons le fiasco complet des épreuves blanches des ECOS (Examens cliniques Objectifs et Structurés).

Et leur côté fortement discriminatoire.

Voir le billet précédent et le commentaire de Stanilkiewicz : LA


L'utilisation des molécules cardiovasculaires et/ou anti-inflammatoires repositionnées en cancérologie : ça ne marche pas.

Une étude combinant revue systématique et méta-analyse (ICI) montre que les produits comme l'aspirine, les inhibiteurs de l'enzyme de conversion, les statines, la metformine et les anti-inflammatoires non stéroïdiens ne produisent pas d'effets soit en prévention soit en récurrence des cancers.

Faut-il croire un article indiquant que la vaccination contre le Covid diminue pendant un an les complications thrombose-emboliques et cardiovasculaires ? NON

Un article paru dans Heart (LA) est commenté de façon virulente d'un point de vue strictement méthodologique par Vinay Prasad : ICI.

Le livre de la semaine (anthropologie, ethnologie, préhistoire)



Fabuleux !




dimanche 11 décembre 2022

Calendrier de l'avent médical - Jour 11 (les recommandations)

Suivre de mauvaises recommandations vaut mieux que ne pas suivre de recommandations du tout

Lorsque je classais les dossiers avant mon départ à la retraite, outre l'émotion de revoir ce que j'avais écrit à la main dans les dossiers papiers, j'ai ressenti la surprise, la honte, le dégoût en voyant les prescriptions de produits inefficaces, voire dangereux, dont la majorité a disparu de la pharmacopée remboursée ou non.

Tout ceci pour ne pas que l'on pense que ce que je vais dire est une critique anti confraternelle :
  • La lecture de certaines ordonnances rédigées en 2022 laisse parfois pantois
  • Qu'elles émanent de médecins généralistes, de spécialistes d'organes, de l'hôpital ou non, des urgences surtout
  • Mais il ne m'étonnerait pas que des ordonnances anonymisées dont les prescripteurs pourraient se moquer ou pourraient simplement critiquer avec un manque de contexte évident, ne soient les nôtres...
  • A bon entendeur, salut.
Et donc, il y a de bonnes et de mauvaises recommandations, liées à la qualité des participants et/ou à leurs conflits d'intérêts, mais, sauf exceptions notables (coucher les nourrissons en procubitus ou décalotter les enfants pour ne donner que des exemples pédiatriques), il vaut mieux les suivre (plus ou moins) que d'inventer ses propres avis d'experts (ce que l'on a vu dans le cas du covid).

dimanche 13 mars 2022

Bilan (partiel) de la semaine entre le lundi 7 mars et le dimanche 13 mars 2022 : l'Eglise de dépistologie en majesté.



Cette semaine est tellement riche d'informations que je vais oublier plein de trucs...

Plus d'IRM, plus de diagnostics, plus de sur diagnostics, plus de sur traitements !

Le secrétaire d'Etat anglais à la santé, Sajid Javid, annonce un plan ambitieux sur 10 ans pour mener la guerre contre le cancer et faire de l'Angleterre le meilleur endroit du monde pour recevoir des soins contre le cancer (sic).

Il prévoit d'implanter des IRM et des scanners dans les centres commerciaux et dans les stades de foot-ball, ce qu'il appelle faire une IRM en se promenant... (voir ICI l'article du Daily Mail)

Michael Baum, voir LA, rappelle sur twitter la fameuse formule de Gilbert Welch (en 2007 dans le New-York Times) que je traduis : 

La plus grande menace qui pèse sur la médecine aux Etats-unis est qu'un nombre plus important d'entre nous vont être aspirés dans le système non pas en raison d'une épidémie de maladies mais à cause d'une épidémie de diagnostics qui conduit à une épidémie de traitements.

Sans oublier que le secrétaire d'Etat fait du hyper hype en annonçant que le développement des vaccins à ARNm va permettre le développement de vaccins contre le cancer.

Au même moment, des sociétés privées proposent ceci :


Ce sont des réservoirs de sur diagnostics !


L'Eglise des Présomptions : un raisonnement curieux

Joey Fox, un ingénieur, rédige un thread (voir ICI) indiquant que selon ses calculs (on ne dispose pas de l'étude) la ventilation des pièces 6 fois par heure associée à la technique intitulée en anglais Ultraviolet Germicidal Irradiation diminue (LA) de 87,5 % la transmission du SARS-Covid19.

Boîte Corsi-Rosenthal


Pour l'instant, tout va bien. Mais la suite est assez savoureuse. Voici ce qu'écrit Joey (je traduis) :

Suis-je trop optimiste ?
Est-ce que je fais trop confiance aux mesures d'ingénierie ?
Bien. Faites des études contrôlées pour me prouver le contraire.


45 % des auteurs qui rédigent les recommandations de pratique clinique présentent des liens d'intérêts financiers

Vous devez être lassés par ce genre d'étude.

Vous devez vous dire que tout le monde sait ça.

Vous connaissez les arguments des "liés" : 1) on ne peut pas faire autrement, 2) nous on est des chercheurs, 3) cela ne nous influence pas

Mais rien ne change au niveau des conférences de consensus, des recommandations des sociétés savantes ou des agences gouvernementales.

Cent fois sur le métier...

Un article émanant de la Mayo Clinic (LA) a analysé 37 études rassemblant 14764 auteurs de recommandations de pratiques cliniques : 45 % des auteurs présentaient des liens d'intérêts financiers. Ces liens concernaient des honoraires en général (39 %) et des honoraires de recherche (29 %) en particulier. De 6 à 100 % des auteurs ne déclaraient pas leurs liens et, dans les 10 études qui les exigeaient, 32 % ne les déclaraient pas.


Dépistage du cancer du poumon : les dépistologues à la manoeuvre

Cette semaine est celle de l'offensive prédicatrice et évangélisatrice de l'Eglise de dépistologie.

Avec, en corollaire, l'offensive anti scientifique de l'Eglise des Présomptions.

Le poids économique des scanners n'est pas non plus étranger à cette action médiatique, ce hype.

Le dépistage du cancer du poumon est en première ligne.

Au moment où les pneumologues et les scannerologues, sont en train de recruter dans les EHPAD pour une étude genrée (ça fait chic) sur le cancer du poumon chez les femmes fumeuses et ex fumeuses avec l'aide de l'AP-HP, c'est l'étude CASCADE, LA,


une étude dont le protocole annoncé (ICI) est une sorte de gloubi-boulga A La Française qui fait un marketing-mix entre le dépistage du cancer du poumon par scanner faible dose, l'intelligence artificielle, la population féminine, et, je cite, l'adhésion au dépistage, son impact sur le sevrage tabagique, le retentissement psychologique et les coûts induits...

Ce n'est plus un programme électoral, c'est la promesse du Paradis sur terre !

Mais, et c'est là que l'on se rend compte de la vanité holistique de la dépistologie à tout va, voici ce que l'on lit aussi et c'est renversant :

Ce scanner permettra le dépistage de plusieurs pathologies liées ou favorisées par le tabac : cancer pulmonaire mais aussi maladie coronaire, emphysème ou encore ostéoporose.

J'imagine que l'Eglise de dépistologie a aussi enrôlé des dépistologues cardiologues et des dépistologues rhumatologues.

Ces personnes sont des génies.

Elles se proposent de régler une bonne fois pour toutes le problème des dépistages chez les femmes. Mais elles ne parlent pas du cancer du sein (voir plus loin).

Le raisonnement est renversant : on utilise le scanner faible dose pour dépister le cancer du poumon chez la femme (dans l'étude Nelson il y avait d'ailleurs peu de femmes), sans nul doute pour diminuer la dose d'irradiation, sans prendre en compte le fait que les femmes entre 50 et 69 ans sont invitées également au dépistage organisé du cancer du sein avec une mammographie tous les deux ans ! A ce sujet vous pouvez lire un billet de Cécile Bour (LA) qui donne des informations et sur le dépistage du cancer du poumon et sur le niveau d'irradiation attendu chez les femmes.

Je ne suis pas spécialiste et donc je vais me faire crucifier par les prêtres comme par les laïcs de l'Eglise de Dépistologie, sans compter les philosophes qui hurlent "Une seule vie compte", mais j'ai un peu lu sur le dépistage et je reconnais au premier coup d'oeil où sont les loups.

Cette étude n'est pas faite dans l'intérêt des patientes, elle est faite dans l'intérêt du complexe scannero-industriel.

A aucun moment, la notion de sur diagnostic n'est abordée, notion qui est niée en France par les autorités oncologiques, or c'est le problème central de TOUS les dépistages et le problème crucial des études sur le dépistage du cancer du poumon. Et chez les femmes le sur diagnostic et le sur traitement sont bien connus pour le cancer du sein (nous vous parlerons un jour d'une étude US modélisée qui vient de paraître et qui assume le sur diagnostic à 15 % ! ICI pour l'article et LA pour les premiers commentaires) (1), comme pour l'ostéoporose et comme pour les coronaropathies asymptomatiques. Si vous voulez des informations sur l'étude NELSON : 2)

Le vrai but de l'étude CASCADE est celui-ci : les scannerologues généralistes français ne sont pas équipés pour l'analyse volumétrique évolutive des nodules selon NELSON... Donc, ils doivent s'adapter :

Son objectif est de démontrer que la lecture des scanners par un radiologue formé au dépistage, aidé d’un logiciel de détection, a des performances similaires à une double lecture experte, en prenant comme référence l’étude NELSON.

Parce que les programmes pilotes qui ont été acceptés et demandés par la HAS, il n'est pas possible de les pratiquer au niveau national.

Une étude chinoise qui tombe à pic : dépistage du cancer du poumon avec un seul scanner basse intensité

Un seul scanner pulmonaire chez les personnes à risque de cancer du poumon et passez muscade : la mortalité relative due au cancer du poumon diminue (- 31 %) et la mortalité absolue également (- 32 %).

Cette étude chinoise non randomisée illustre à merveille le concept néo moderne de la médecine promu à la fois par les raoultiens et les académiques progressistes : 
  1. Quand les résultats d'une étude non contrôlée correspondent à nos préjugés, pas besoin d'études randomisées
  2. Quand les études d'une étude non contrôlée démentent nos préjugés, il faut faire des études contrôlées

Et le lobby des scannerologues embraye (cf. supra le secrétaire d'Etat à la santé anglais).



Avec l'oxymore de la semaine. 



Encore de la dépistologie non maîtrisée : en psychiatrie

Une saisie d'écran sur twitter. 


Pour Allen Frances : Wiki.

Les lésions lombaires décelées par l'imagerie IRM ne sont pas corrélées aux douleurs lombaires présentes et à venir

Une étude de cohorte prospective menée sur 6 ans (ICI) montre une absence de corrélation entre les lésions décelées à l'IRM et l'intensité des douleurs ressenties par les patients. 
Cette étude confirme un certain nombre de données déjà connues : elle souligne à mon sens la nécessité de peser les indications de l'imagerie lombaire (il existe des recommandations -- peu suivies) et de contrôler le discours qui peut être tenu aux patients lombalgiques qui entraîne notamment un effet nocebo, des phrases du genre : "Vous ne pourrez plus jamais porter", "C'est pour la vie", "Il faut vous interdire de faire certains mouvements", et cetera.

Cette étude devrait rendre prudents les cliniciens : d'une part en prescrivant moins de scanners et d'IRM en suivant les recommandations, d'autre part en modérant leurs propos devant les malades (et les radiologues sont visés également) et en leur expliquant que des lésions vues à l'IRM ne les condamnent ni à la souffrance éternelle, ni à la chaise roulante.

Mortalité liée au Covid vs sur mortalité

Un article du Lancet sur la sur mortalité dans le monde : ICI. Il existe des différences importantes et, notamment, une sous-estimation des morts liés au Covid... On attend des éclaircissements de la part des autorités compétentes françaises sur les différences... Pour commencer, et selon l'INSEE, depuis le premier janvier 2022 : LA.

Pour l'instant, belle infographie de @NicolasBerrod dans Le Parisien.


Une première réaction danoise qui devrait exciter les épidémiologistes français : 



Je n'ai donc pas eu le temps de vous parler :

  1. D'une analyse de la situation suédoise : LA qui est nuancée et qui, sur l'échelle du ZéroCovid au Circulez y a rien à voir, se situe en plein milieu.
  2. De l'obésité aux États-Unis d'Amérique : ICI qui mériterait une analyse non nuancée des ZéroObésité
  3. D'une remarquable étude soulignant encore les biais en termes de survie totale de l'utilisation comme Critère principal en oncologie du PFS (Progression Free Survival) : ICI
  4. Des liens avec l'industrie des associations de patients canadiennes : LA
  5. Et enfin, mais j'oublie des trucs, de la scandaleuse déclaration du Président de la République sur la retraite à 65 ans (il faudrait y revenir longuement en parlant de l'espérance de vie à la naissance, de l'espérance de vie en bonne santé et de l'espérance de vie à 40 ans)

A plus.


Notes

1) L'étude UKLS (ICI) va dans le même sens et la discussion sur le sur diagnostic est intéressante.

Overdiagnosis is a potential issue in all cancer screening programmes, as well as in lung cancer CT screening []; overdiagnosis is defined as the diagnosis of cancer, histologically confirmed, as a result of screening, which would never have been diagnosed in the host's lifetime if screening had not taken place. NELSON reported 8.9% overdiagnosis [
], the NLST initially reported 18% [
], however, more recent follow-up has suggested only 3% overdiagnosis in the LDCT arm [
]. Estimates from the other trials vary considerably [
,
]. In the UKLS the absolute incidence after a median follow-up of 7.2 years (Fig. 3, 75 vs 86 cases) indicates a potential 15% excess incidence in the lung cancer screening arm, which represents an estimate of the worst-case scenario for over-diagnosis, since screening stopped after the single screen. The MISCAN lung cancer model estimated overdiagnosis to be 10% in screened populations [

2) Une analyse de 2020 du site d'EBM Minerva (LA) rend compte des résultats de l'étude NELSON préfigure  les raisons pour lesquelles CASCADE a été mise en route.  Je remarque avec effroi que la notion de sur diagnostic n'est pas non plus abordée par Minerva ! Commentaires de l'université de Sherbrooke : LA NNT = 131






mardi 7 avril 2020

Covid-19 le mardi sept avril 2019 à 17 heures


Quelques nouveautés par rapport aux épisodes précédents : ICI, notamment.


Le site stop-postillon pour confectionner soi-même des masques et pour savoir comment et où les porter : LA

Bon, c'est du copinage... mais c'est bien fait, ça donne des idées et, surtout, cela convainc de l'utilité de ces masques à défaut de rien.


Mise à jour des recommandations pour la prise en charge des patients Covid-19 en ambulatoire : LA


Commentaire : en pratique, l'obtention des PCR en ville est très problématique. Et peu praticable. En tous les cas dans mon coin.

La nouvelle attestation de sortie numérique : à charger ICI sur votre téléphone intelligent.




L'attestation pour les employeurs : à charger ICI.




Les ORL recommandent LA



dimanche 17 juin 2012

Comment, à partir d'une réflexion sur un concept, l'inertie clinique, tenter d'augmenter la soumission ? Une contribution du docteur MG



Tout médecin généraliste est confronté chaque jour à la lutte contre la survenue de complications dans le cadre de la prise en charge des maladies chroniques.
Cette lutte quotidienne est basée sur un traitement adapté et son suivi sur le long terme.

L'adhésion des patients à leur traitement conditionne l'observance de ceux-ci aux traitements prescrits.
Depuis quelque temps l'attitude des médecins dans cette prise en charge des pathologies chroniques a été étudiée et le concept d'inertie clinique défini.
L'inertie clinique peut être définie (http://www.cnrtl.fr/lexicographie/inertie) comme une immobilité dans la relation thérapeutique médecin/patient, ou, pour le dire autrement, comme le fait de ne rien changer au fil du temps dans le traitement d'un patient.
Un article de mai 2011 dans Consensus cardio pour le praticien écrit par le Professeur Serge Halimi a attiré mon attention  (http://www.consensus-online.fr/IMG/pdf/p34-36).

En médecine, il est important de se questionner en permanence.

Préoccupé comme beaucoup par la prise en charge optimale de mes patients atteints de pathologies chroniques je me suis dit que j'allais apprendre quelque chose pour l'amélioration de ma pratique. 

Première remarque sur l'auteur : le Professeur Serge Halimi, diabétologue, a déjà pas mal fait parler de lui pour ses liens avec l'industrie pharmaceutique.
Ainsi, en 2009 UFC Que Choisir avait porté plainte contre lui (et 8 autres professeurs). (http://www.atoute.org/n/breve30.html), http://www.mypharma-editions.com/industrie-pharmaceutique-lufc-que-choisir-depose-une-plainte-contre-neuf-medecins-pour-conflit-d%E2%80%99interet) pour conflit d’intérêts.
Mais ne faisons pas de procès d'intention, ne condamnons pas avant même d'avoir pris connaissance de ce qu'il écrit.

 L'accroche est d'emblée intéressante :" un concept émergent."
C'est en effet une notion récente qui augure donc des informations prometteuses. 

"Cette incitation à l’atteinte des objectifs « durs » et précis est un concept assez récent. Il découle nécessairement de l’établissement préalable de recommandations, de leur rédaction, de leur diffusion et disponibilité, de leur connaissance et appropriation par les praticiens."Ce concept d'inertie clinique n'est donc pour l'auteur rien d'autre que l'attitude consistant à ne pas atteindre les objectifs fixés dans les recommandations .
J'avoue être déçu car c'est être très partial dans son approche.

 "Ces études aboutissent ainsi à des «preuves » suffisamment robustes pour que l’on parle d’Evidence Based Medicine (EBM) ou médecine basée sur les preuves. Sont ainsi établies des « Recommandations » ou « Guidelines » qui devraient être connues de tout praticien.Ces recommandations c'est EBM (http://fr.wikipedia.org/wiki/Evidence_Based_Medicine), je suis rassuré car qui peut être en désaccord avec cette notion ?
Cependant j'ai souvenir que l'atteinte des objectifs « durs » a été évalué et que justement cette attitude était délétère c'est à dire qu'elle faisait plus de mal que de bien.  (ICI : http://docteurdu16.blogspot.com/2009/03/diabete-le-mieux-est-lennemi-du-bien.html   et LA : http://qualitysafety.bmj.com/content/16/1/6.abstract)
Alors, où sont-elles  ces « preuves suffisamment robustes » ?
Est-ce bien EBM comme annoncé ?
Aucun renvoi dans le texte sur une référence, j'aurais pourtant apprécié.

 La définition de l'inertie clinique est donc :  « non-suivi des recommandations par le médecin » 

Quelles en sont les causes ? "Il n’est pas rare de voir des spécialistes attribuer cette attitude prioritairement aux médecins généralistes, les considérant insuffisamment motivés et actifs face à des résultats n’atteignant pas les objectifs recommandés, alors qu’ils sont informés de la teneur des recommandations publiées et disponibles." Mais tout de même:"Mais les médecins généralistes ne sont pas seuls concernés. Dans le domaine du diabète ou de l’hypertension artérielle, des études montrent que certains spécialistes s’avèrent aussi insuffisamment actifs"
J'avoue que pointer ainsi du doigt une partie de la profession médicale n'est pas « sain », mais c'est, il me semble un « sport national » ( ref  http://www.atoute.org/n/article257.html).
Cependant, hors de toute polémique, il aurait été intéressant que l'auteur s'interroge sur le pourquoi de l'attitude peu motivée et peu active des médecins qu'il dénonce.

 "Les limites du concept : vraie et fausse inertie
. Cette attitude peut aussi résulter d’un choix plus délibéré du praticien pour diverses raisons." A bon quand même !!!!!Mais c'est un peu « court »



"La faute aux recommandations ?"
Enfin elles vont être étudiées avec un regard critique et peut être même remises en cause ?Eh bien non,  juste la forme est critiquée, pas le fond:"En somme, nombre de recommandations sont trop complexes ou à l’inverse trop générales pour être applicables au plus grand nombre ou laissent de côté nombre de situations particulières, quoique non rares, qui ne sont pas abordées, du moins pas suffisamment détaillées."
Cela aurait été surprenant car il est à noter que le Pr Halimi faisait parti du collège d'expert de l'HAS responsable des recommandations pour le traitement du diabète de type 2, recommandations qui ont été abrogées par le Conseil d'état (le 27 avril 2011) sur plainte du Formindep pour cause de conflits d’intérêts.
Cependant il aurait été intéressant que l'auteur s'interroge sur le fond des recommandations qui n'étant pas conformes aux dernières données de la science, pourraient expliquer au moins en partie la faible motivation d'une partie des médecins à ne pas les appliquer.

Quelles solutions propose donc le Pr Halimi pour réduire l'inertie clinique et donc améliorer le suivi des recommandations pourtant pour le moins problématiques ?

"Des solutions concrètes à l’inertie clinique ?"

1) " Les recommandations :.....  la participation à leur rédaction des omnipraticiens (voire de paramédicaux) aux côtés d’experts de spécialité est indispensable."
 Pourquoi faire une telle différence entre les professionnels de santé. Le système des « experts » qui prévalait jusqu'à présent est donc perfectible ? Ou est-ce « démagogique » ? Je laisse chacun se faire son opinion.


2) " La FMC : on reste, en France, dans l’attente d’une FMC organisée et financée par des fonds publics, si l’on tient à s’affranchir de l’influence supposée « perverse » des firmes pharmaceutiques. Pour ma part, diffuser un message sain dans le cadre d’une réunion sponsorisée par une firme pharmaceutique ne m’a jamais posé le moindre problème."
J'adore cette phrase. A elle seule , elle résume bien l'état d'esprit de l'auteur.


3) "L’organisation des soins est certainement en mesure de pallier, pour partie, cette difficulté d’appropriation des bonnes pratiques grâce à un travail en groupe sur des situations cliniques spécifiques. Ce travail « en réseau » (formation, coordination) est sûrement un facteur de réussite." Là je renvoie au billet du docteurdu16 qui fait parfaitement le point sur cette problématique   http://docteurdu16.blogspot.com/2012/06/les-reseaux-une-mode-qui-mennuie.html


4) " Les innovations thérapeutiques : n’en sous-estimons pas les contributions"
La aussi , les choses sont claires: l'auteur n'oublie pas ses « chers partenaires de l'industrie pharmaceutique ».


5)" Enfin, l’impact des paramédicaux est de plus en plus évalué."



Je vous fais grâce de la conclusion.
En tout cas la mienne est qu'un article comme celui là est symptomatique de l'état catastrophique de notre système de santé.
Le pire, je crois, est qu'un Professeur de médecine puisse écrire de telle chose en affirmant qu'il n'a aucun état d'âme, alors que justement il devrait en avoir en tant que médecin et par la fonction d'enseignant qu'il occupe.
Cet article est par ailleurs particulièrement problématique sur le fond car au lieu d'inciter les médecins à s'interroger sur leurs pratiques, à remettre en question en permanence leurs connaissances pour les actualiser, il incite à une seule chose : suivre des recommandations élaborées par les « experts ».
Quand on sait l'influence de l'industrie pharmaceutique à tous les niveaux de responsabilité de notre système de santé, développer de telles positions dans cet article,  ne cherche qu'à renforcer ce qui se faisait jusqu'à présent.
Or l'affaire récente du Médiator nous a montré de façon criante qu'il est urgent que les médecins  ne se laissent plus dicter leurs conduites thérapeutiques par ces experts manipulés par l'industrie pharmaceutique.

Cependant, on ne s'étonnera donc pas des propos rapportés récemment sur un forum de réflexion de nos pratiques , par une consœur au sortir d'une réunion :
"...aucun des médecins présents ne savait que l'HAS ne recommande pas de dépistage (dosage des PSA ) !!!! pour tous, la question de l'intérêt du dépistage ne se pose pas.
La première (et seule) réaction qu'ils ont eu quand je les ai informés de la position de l'HAS c'est "ce n'est pas normal, ça a du être truqué, la CPAM ne veut probablement pas payer pour le dépistage, les salauds" …

Ainsi, même quand la HAS prend des positions conformes aux données de la science (ce qui n'est pas le cas pour toutes les recommandations comme nous l'avons vu plus haut), beaucoup de médecins restant sous influence n'ont plus la capacité de faire la part entre « le bon grain et l’ivraie »

Docteur MG

Illustration : Sur l'image du haut on voit une bille s'éloigner en ligne droite depuis le centre d'un disque en rotation vers la bordure, c'est le point de vue d'un observateur extérieur. Sur celle du bas, on note la trajectoire parcourue par cette même bille sur le disque, c'est le point de vue du repère en rotation.

mardi 1 mai 2012

Des arrêts de travail peu recommandables. Histoire de consultation 116.


Monsieur A, 46 ans, est chauffeur livreur dans une grande entreprise. Il y a bien un an que je ne l'ai pas vu alors qu'il était un habitué, pendant des années, des arrêts de travail à répétition, un jour par ci, un jour par là, parfois un peu plus... Nous avons parlé longuement pendant cette période et il me racontait d'une part ses conditions de travail, d'autre part ses mauvais rapports avec son chef, et encore le fait qu'il soit brimé, qu'il existe des injustices dans l'entreprise, que ses horaires fussent toujours pourris, que d'autres s'en tiraient mieux que lui, soit parce qu'ils étaient délégués (les délégués qui s'entendent avec le patron pour avoir la paix sociale et des avantages personnels), soit parce qu'ils étaient des chouchous, soit parce qu'ils "fermaient leur gueule", soit parce qu'ils étaient des hypocrites, soit parce qu'ils étaient effectivement mieux traités... A un certain moment j'ai cru qu'il allait, vraiment, "péter les plombs", c'est un solide gaillard qui a fait des conneries dans sa jeunesse, nerveux, une musculature d'athlète, mettre un pain à son chef, démissionner, mais nous sommes toujours parvenus à un compromis, il y avait sa famille, ses trois enfants, le fait qu'il s'en était sorti, une famille de huit enfants, et qu'il n'allait pas tout gâcher à cause d'une saloperie de chef.
Et ainsi, au cours des années, je lui ai prescrit des arrêts de travail, jamais très longs, qui auraient pu paraître, vus de l'extérieur, comme franchement injustifiés, sans médicaments associés (n'oublions pas que l'Assurance maladie, par le truchement de ses médecins conseils, conseille d'une part de peu prescrire et, d'autre part, qualifie souvent l'authenticité et la gravité de la pathologie selon qu'il y ait prescription ou non et, si prescription il y a, selon les molécules utilisées, voire, plus intéressant, si un spécialiste a été consulté), sans suivi psychothérapeutique extériorisé, et, pire que tout, n'entrant pas dans le cadre des recommandations édictées ex nihilo par la CNAM, sur la longueur souhaitable et souhaitée du nombre de jours d'arrêts de travail à prescrire en fonction des pathologies (et non des patients, ce qui est un contre sens absolu en situation de médecine générale, sans compter l'aspect moral de ces "recommandations", les bons médecins en donnant peu, les méchants malades en demandant beaucoup, l'enfer c'est les autres, sans parler de l'équilibre des comptes de l'Assurance Maladie et autres considérations générales sur la fraude des travailleurs, la fraude des médecins, sur les phrases dans le genre "Moi, je m'arrête jamais..." ou "Moi, je coûte rien à la sécu..."...) et ainsi, au cours des années j'ai fini, infiltré bien malgré moi par les flux pervers et incontrôlables de la bien-pensance généralisée (de droite comme de gauche), par a) me sentir coupable de lui prescrire des arrêts de travail à répétition, de ces petits arrêts de travail, soit dit en passant, qui coûtent très cher au patient en raison de la règle des trois jours et de l'absence de convention collective la corrigeant, et par b) finir par penser que, finalement, ce brave garçon, c'était quand même, au bout du compte, un tire-au-flanc...
Monsieur A consulte aujourd'hui pour des douleurs de la hanche gauche qui le gênent quand il débraye et quand il sort de sa camionnette. Je passe sur les détails : banale tendinite du moyen fessier qui va, selon mon expérience interne, céder avec une infiltration de corticoïdes loco dolenti.
Il a besoin aujourd'hui d'un arrêt de travail d'une journée.
Et, au décours de la conversation, je lui ai demandé des nouvelles de sa femme et de ses trois enfants (l'aîné vient d'être embauché en CDI à la BNP comme informaticien réseau), il me tient ces propos proprement stupéfiants : "Vous savez, docteurdu16, je voulais vous remercier, vous m'avez soutenu au cours de ces années, quand j'allais mal, vous m'avez empêché d'exploser en vol, vous m'avez compris, et maintenant que mon chef a changé, mon nouveau chef est un type bien, il me donne des horaires qui me conviennent, je peux m'occuper de mes deux derniers à la sortie du collège, je ne viens plus vous voir, si j'avais démissionné, je serais où, dans la rue, au chômage, mes enfants et ma femme se plaindraient de moi, à mon âge c'est difficile de retrouver du travail... Je vous remercie, tous les arrêts que vous m'avez faits, je sentais bien que vous n'étiez pas d'accord, mais vous les faisiez quand même, cela m'a beaucoup aidé, je vous en suis reconnaissant... nous en savons souvent parlé avec ma femme... c'était vraiment bien..."
Je ne crois pas qu'un jour les recommandations de la CNAM intègreront ce genre d'arrêts de travail.
Et tant mieux.

(Alekseï Grigorievitch Stakhanov (en russe : Алексей Григорьевич Стаханов ; 1905-1977) est un célèbre mineur soviétique né à Lougovaïa près d'Orel.)