La communication Beyfortus®/nirsevimab est une histoire triste car c'est la répétition, le bégaiement et la palingénésie de la déliquescence avancée de la santé publique française et internationale.
Au centre de cette affaire, nous observons la corruption des esprits, la corruption des savoirs et la corruption des comptes en banque.
Avec comme contexte plus général, l'importance du complexe santéo-industriel (comme on parle du complexe militaro-industriel).
Je vous raconte l'histoire française.
1. La Haute Autorité de Santé (HAS)
1.1 La HAS fait paraître ICI un avis le premier août 2023, un avis favorable au remboursement du produit pour, simplifions, le traitement préventif de la bronchiolite aiguë du nourrisson :
Le pitch est celui-ci : "Un progrès dans la stratégie dans la prise en charge de la population non éligible au Synagis®/palivizumab"
Le Synagis®/palivizumab a déjà obtenu le remboursement à 100 % dans l'indication "bronchiolite aiguë du nourrisson" en 2007, (voir LA les détails). Le problème avec cette molécule vient de que l'injection préventive doit être faite avant le déclenchement de l'épidémie de bronchiolite, mensuellement, au maximum 5 fois selon les études, que son prix est important (c'est un euphémisme : 403 à 670 € par injection), et que les études ne montrent pas de diminution significative du taux d'hospitalisation !
Le SMR est faible, l'ASMR est IV (mineure).
Ainsi le Synagis®/palivizumab est-il un produit peu efficace et sur prescrit hors AMM.
Par quoi va-t-il être remplacé?
Par une molécule dont l'ASMR est IV (mineure) et le SMR V (absent) !
Et dont le prix, n'en doutons pas, sera élevé.
Ainsi, la HAS est favorable au remboursement d'une molécule qui, comparée à une molécule sans intérêt médical (et c'est l'HAS qui le disait), n'est pas supérieure à celle-ci.
1.2 Les méthodes de la HAS pour évaluer
L'évaluation des molécules est confiée à la Commission de la Transparence dont vous pouvez voir la composition : LA.
L'HAS a aussi dans son avis cité l'opinion de la Société Française de Néonatalogie (SFN) et du Groupe de Pathologie Infectieuse Pédiatrique (GPIP), qui est inclus dans la précédente, en date du 05/06/2023. "Il a été approuvé à l’unanimité par le bureau de la SFN à l’exception de ceux de ses membres ayant des liens d’intérêt, qui n’ont pas participé au vote."
Voici le bureau de la SFN (son site ne rapporte pas de "Mentions légales" contrairement à ce qu'exige la loi) :
(A noter que le président a 91 déclarations de liens d'intérêts financiers avec l'industrie dont 12 avec Sanofi et qu'à part 2 d'entre elleux, toustes ont des liens avec Sanofi et/ou Astra Zeneca).
1.3 La présentation des résultats.
La HAS, agence gouvernementale, présente les résultats des essais en faisant preuve d'un innumérisme institutionnel qui avait déjà été dénoncé par Benoit Soulié (ICI) puisqu'elle ne fait part que de la réduction du risque relatif (RRR) et non de la réduction du risque absolu (RRA) et, ainsi, omet de préciser combien il faut traiter de sujets pour éviter un événement (nombre de malades à traiter).
La HAS, agence gouvernementale, ne connaît pas non plus la hiérarchie de valeur des essais cliniques puisqu'elle met en avant les résultats positifs d'un essai "ouvert" (HARMONIE) contre les résultats négatifs d'un essai contrôlé (MELODY).
Rappel :
En résumé pour le Beyfortus®/biservimab :
- Les études contrôlées ne montrent pas de bénéfice significatif chez les enfants bien portants
- sur le nombre d'hospitalisations
- sur la nécessité de proposer une oxygénothérapie
- sur la mortalité
- Il faut traiter 27 enfants pour éviter une crise de bronchiolite dans l'étude MELODY
- A noter que pour l'étude ouverte HARMONY, il faut traiter 83 enfants pour éviter une hospitalisation.
2. Le complexe santéo-industriel.
2.2 La Direction Générale de la Santé.
Un communiqué DGS Urgent : LA.
2.3 Le Collège de la Médecine Générale qui n'a fait preuve d'aucun semblant de critiques et qui a montré, mais on est habitués, son innumérisme et ses croyances : LA.
2.4 L'AP-HP
2.5 Le meilleur infectiologue de toutes les terres émergées : Nathan Peiffer-Smadja
2.6 La presse grand public
2.7 La Revue Prescrire, qu'on a connue plus travailleuse et mieux éclairée, approuve éventuellement l'anticorps monoclonal (ICI).
2.8 Quant à Sanofi, après avoir fait travailler son service de presse, publié des commentaires élogieux sur sa molécule (LA), passé des coups de fil ad hoc, le laboratoire se tourne les pouces tout en essayant d'obtenir le meilleur prix possible.
L'argumentation est simple : une étude ouverte diminue le risque d'hospitalisation, les hospitalisations pour bronchiolite, ça coûte cher, donc on va produire une étude médico-économique favorable et passer muscade.
Félix Vallotton |