Vide passager dans mon esprit
quand la patiente assise en face de moi et à qui je viens d’expliquer que,
malgré ce qu’a dit le radiologue, il n’était certainement pas nécessaire
d’opérer, me demande pourquoi je n’ai pas regardé le scanner…
« Heu, mais parce que je ne
sais pas le lire… »
Elle a tout d’un coup des doutes
sur mes capacités médicales. Et je ne lui en veux pas. Cela fait partie de mes
nombreuses faiblesses.
On récapitule : j’ai demandé
un scanner du rachis lombaire chez une patiente qui présente des
lomboradiculalgies gauches avec des signes mélangés L5 et S1 qui signifient
probablement une migration de la hernie. L’impression clinique est
confirmée par les images radiologiques. Heu, je me trompe : l’impression
clinique est confirmée par le compte rendu du scanner.
Je me rappelle tout d’un coup ce
que m’a dit une amie radiologue, scannériste et iérèmologue sur la façon dont
les différents examens sont lus dans la clinique C et à l’hôpital H. Pas
simple.
Que faire ?
Un ami neurologue :
« Les IRM cérébrales faites en ville sont ni faites ni à faire et je n’en
lis même pas les compte rendus pour protéger mes coronaires. » Je lui pose
la question suivante : « Et au CHU, c’est comment ? » Il me
regarde en souriant : « Cela dépend des radiologues. » Et c’est
un grand CHU parisien.
Un ami pneumologue :
« Les radiologues, en généralisant, ne savaient pas lire une radio de
thorax, enfin, dans l’ensemble, moins bien que les pneumologues. Ils ne savent
pas plus lire un scanner pulmonaire, d’où l’explosion du nombre des nodules
pathologiques qui s’avèrent souvent ne rien être. »
Un ami cardiologue :
« Les échographies cardiaques faites par certains cardiologues sont nulles
et non avenues car elles sont sources de confusion, de faux positifs et
négatifs, inquiètent le plus souvent et, plus rarement heureusement, retardent
le vrai diagnostic. »
Pas terrible tout cela.
Et le généraliste, ma brave dame…
Pour les examens sanguins il
suffit de ne demander que ceux qu’il est possible d’interpréter. Un cardiologue
de ma ville m’a dit un jour d’arrêter de demander des D-Dimères, ça faisait
chier tout le monde. Mais comme il est difficile de demander en urgence un écho-doppler
veineux et qu’à l’inverse les angio-scanners sont pratiqués à la louche…
Un ami interniste :
« Les oncologues lisent à peine les scanners ou les IRM et se fient le
plus souvent à l’interprétation des radiologues » Moi : « Ils
n’ont qu’à avoir de bons correspondants » Lui : « Il n’est pas
toujours facile de savoir qui va faire et lire l’examen. »
Pour les mammographies, c’est un
binz absolu. Je vous renvoie au livre de Rachel Campergue sur les doubles
lectures, garanties de ne pas faire d’erreurs selon le syndicat des
radiologues, l’INCa et les instances officielles, mais une double lecture qui n’est
faite qu’en cas de résultats négatifs, pas en cas de résultats positifs. Quand
le radiologue trouve une lésion, pas de double lecture mais un diagnostic et, souvent, un adressage (parlerons-nous un jour de la dite consultation d'annonce dans le cabinet de radiologie ?)… Il ne
peut donc y avoir de faux positifs…
Ainsi la prescription d’un examen
radiographique, d’une radiographie simple comme d’un scanner, d’un echodoppler
veineux ou artériel, d’une IRM ou d’une simple échographie vésiculaire,
est-elle soumise aux aléas de l’opérateur. Tout le monde le sait mais tout le monde feint de l'ignorer.
Je suis devenu totalement incompétent en radiologie.
Je sais lire les compte rendus et je sais voir qui fait son boulot et qui ne le fait pas. Mais je ne peux exercer mon esprit critique et dire si le compte rendu correspond aux images.
Connaissant ce que je connais sur les avis d'expert, je suis bien ennuyé.
Comment faire pour être certain de faire le boulot ?
Vous avez un avis ?
(René Magritte : 1898 - 1967 ; La clairvoyance : 1936)