dimanche 20 juillet 2008
Histoires de consultations : troisième épisode
jeudi 10 juillet 2008
Histoires de consultations : deuxième épisode.
Marie-Pierre, dans sa vingt-et-unième année flamboyante, dont j’apprendrai plus tard qu’elle est élève infirmière de deuxième année, s’installe en face de moi avec résolution et pose sur mon bureau une boîte de Gardasil. Je ne la connais ni des lèvres ni des dents.
- Bonjour.
- Bonjour, je viens pour que vous me fassiez le vaccin.
Ma surprise est totale et, bien malgré moi, elle s’exprime sur mon visage.
- Qui vous l’a prescrit ?
- Un médecin à l’école. Il nous a dit qu’il fallait le faire.
Je la regarde avec un air amusé et dubitatif.
- Et qu’est-ce qu’il vous dit ?
- Ben, il a dit que c’était pour empêcher le cancer du col de l’utérus. Que c’était important de le faire.
- Et quoi d’autre ?
- Ben, rien… On a eu un cours.
- Et c’est tout ce que vous avez retenu ?
Elle commence à s’impatienter. J’imagine qu’elle est venue chez le médecin pour être vaccinée, pas pour qu’on lui parle du pourquoi et du comment, ni pour subir une interrogation orale surprise. Elle a croisé ses jambes, signe qu’elle est sur le point de partir pour trouver un médecin un peu plus « moderne ».
- Vous êtes contre ? demande-t-elle, soudain agressive.
Je souris.
- Non, non. Disons que je ne suis pas totalement pour. Et je vais vous expliquer pourquoi.
Je commence par imprimer le petit mémo que j’ai écrit sur le Gardasil et je le lui tends.
« Prenez d’abord cela. C’est ce que je donne à toutes les jeunes femmes avec lesquelles je parle du Gardasil.
Elle prend la feuille du bout des doigts. Je ne peux m’empêcher de penser que c’est une sacrée belle fille. Ce qui me donne instantanément une idée.
« Vous savez, le vaccin contre le papillomavirus ne prévient pas tous les cancers du col… Vous a-t-on parlé de la nécessité de continuer à faire des frottis tous les deux ans à partir de 25 ans, disons ?... (a priori non)…
Je continue mon argumentaire et, m’arrêtant brusquement, je lui demande brutalement : « Ca fait combien de temps que vous avez des rapports ? »
Elle n’a pas l’air surprise de la question.
- Chais pas, trois ans, peut-être…
Je n’ai pas vacciné la future infirmière.
A partir de là, comme dirait Didier Deschamps, je vous laisse, cher lecteur, vaticiner sur les conséquences de la publicité pharmaceutique grand public approuvée par les Pouvoirs Publics.
A vos croyances !
mardi 8 juillet 2008
Le docteur House et le médecin généraliste
Il exerce en institution (Princeton).
Il est chef de service d'une unité de diagnostic (Department of Diagnostic Medicine).
Il est le supérieur hiérarchique de trois assistants avec lesquels il pratique à propos de chaque malade brain storming, maïeutique et perversité.
Il combat la notion d'empathie avec les malades (au point de ne les voir ou, pire, de ne les examiner, qu'à regret et quand il ne peut pas faire autrement) et la dénonce même comme un danger permanent à l'exercice de la médecine.
Il a lu toute la littérature mondiale fût-ce en hindi ou en portugais.
Il ne fait confiance à personne et veut faire tout lui-même ou en ne déléguant à ses assistants que lorsqu'il est frappé de fainéantise ou qu'il veut les ennuyer : du séquençage de l'ADN aux visites à domicile quand les malades sont absents et, au besoin, en crochetant les serrures, et en passant par les ponctions intracraniennes...
Il contrôle les prescriptions de a jusqu'à z, allant même s'assurer de la couleur des comprimés à la pharmacie de l'hôpital, voire dans une pharmacie de ville, ou vérifier les dates de péremption ainsi que vérifier les affaires personnelles des patients.
Il pense que tout le monde ment, à commencer par les patients, et il n'hésite donc ni à mentir, ni à tromper, ni à exercer un chantage à l'égard des malades comme de ses collègues s'il s'agit de trouver un diagnostic ou de faire prendre un traitement (qui est parfois un placebo).
Il croit de façon pure et dure à la sémiologie clinique et radiologique au point de prescrire des examens complémentaires à tour de bras, fussent-ils dangereux voire potentiellement mortels ou seulement justifiés par l'établissement d'une preuve a contrario.
Il se fout du service juridique de l'hôpital même quand l'avocat est son ex femme ou quand un de ses collègues est obligé de se parjurer pour lui éviter des poursuites.
Il se moque des médecins qui considèrent que le thérapeute est le meilleur médicament mais il se sert de ce procédé pour arriver à ses fins.
Il méprise la bobologie au point de refuser les consultations de porte et de répéter partout "Moi, je sauve des malades...", il réfute la fonction sociale de la médecine et des médecins et, selon son ami Wilson, dit qu' "il n'est pas là pour sauver le monde mais pour résoudre le puzzle diagnostique."
Enfin, il déteste les spécialistes. Serait-ce le seul point commun avec le médecin généraliste ? Qui, on le sait, n'éprouve désormais qu'une seule ambition : être reconnu comme spécialiste.
Finalement Gregory House ne peut être un modèle pour nous qui exerçons la médecine de premier recours, la médecine de la famille, la famille de l'individu (non, je ne plaisante pas) mais il peut aussi nous faire entendre que la médecine, c'est aussi une science dure qui ne supporte pas l'à-peu-près et qui exige des connaissances et pas seulement psychologiques de l'approche des patients.
PS du 5 mars 2020
« Celui qui étudie la médecine sans livres navigue sur une mer inconnue, mais celui qui étudie la médecine sans voir les patients ne va même pas en mer. » (William Osler)
jeudi 3 juillet 2008
Les médecins généralistes vont-ils disparaître ?
Tout le monde s'en fout.
Faut-il s'en offusquer ou faut-il essayer d'en rechercher les raisons ?