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mercredi 7 juillet 2010

UN NOUVEAU MARCHE : L'INSUFFISANCE RENALE CHRONIQUE

Les néphrologues ont toujours été des spécialistes à part parce qu'ils prétendaient savoir tout mieux que tout le monde et notamment sur l'usage et les effets indésirables des médicaments. Et ils étaient d'autant plus casse-pieds que leurs moyens d'action étaient peu contributifs pour freiner la "maladie", à savoir l'insuffisance rénale chronique (IRC) ; leurs consultations étaient une longue litanie contre le mésusage des médicaments par leurs confrères cardiologues et autres schmoutzologues et, bien entendu, par les médecins généralistes ; aujourd'hui ils ne peuvent pas faire plus, sinon produire des essais peu convaincants sur la fameuse freination de l'IRC, mais ils continuent de polluer la relation thérapeutique que nous avons avec nos patients.
Je m'explique.
Le vieillissement de la population et la popularisation du calcul de seconde main de la clairance de la créatinine grâce à la formule de Cockcroft rendent toutes les personnes vieillissantes insuffisantes rénales.
Et à partir de là, comme dirait mon maître à penser Didier Deschamps, d'un point de vue tactique et technique, tout est possible. En effet, la moindre diminution de cette fameuse clairance de la créatinine, les rend excités comme des poux.
Irions-nous jusqu'à dire que le marché de la dialyse est juteux ? Que nenni ! Nous n'avons aucune mauvaise intention.
Les néphrologues se sont emparés de la baisse de la clairance de la créatinine avec l'âge pour en faire une maladie à part entière.
La stratégie de Knock est classique et facilement identifiable en ce cas : 1) Exagérer le nombre de patients atteints : prétendre que 10 % de la population serait touchée alors que les registres anglais des MG indiquent 4 % ; 2) Exagérer le risque alors que seuls 1 % des patients avec une IRC au stade 3 atteindront le stade de l'IRC terminale après 8 ans d'évolution : ici ; 3) Exagérer les effets des rares traitements proposés : dire que 25 % des 1 % précédents auront leur progression arrêtée au prix d'une baisse agressive de la pression artérielle sans mettre en avant le fait qu'il faut traiter 3200 patients par an pour y arriver : HOPE et micro HOPE study ; 4) Prétendre que le traitement de l'IRC diminuera l'incidence des accidents ischémiques coronariens alors que ce n'est pas le cas : ici ; 5) Proposer des traitements non seulement illogiques mais aussi contre productifs comme l'association de deux IEC ou de deux AA2 : KU E et al Arch Intern Med 2009;169:1015-8 (non disponible en accès libre)...

Ainsi faut-il considérer que l'IRC n'est pas une maladie sur laquelle on peut influer vraiment. Il est logique de ne pas prescrire des produits néphrotoxiques chez la hypertendus a fortiori s'ils sont aussi diabétiques, il est plutôt logique de prescrire des IEC comme anti hypertenseurs chez les patients diabétiques hypertendus mais que faire de plus sinon participer à la peur collective induite par la création d'une maladie ?
Les MG sont confrontés à cette peur. Peur de passer à côté du malade qui pourrait être amélioré ; peur de passer à côté du patient qui aurait pu être plus investigué ; peur de ne pas avoir prescrit les médicaments qui auraient pu freiner l'évolution de la "maladie" ; peur de passer pour un ignorant.
Mais l'adressage des patients chez les néphrologues est, selon mon expérience personnelle, source d'anxiété, de débauche d'examens complémentaires, de consultations à répétition, de vaccination contre l'hépatite B, de changements de traitements (diabète, hypertension) et d'élévation de la pression artérielle ou de l'HbA1C.
Je souhaite que mes collègues MG ne se laissent pas intimider par l'IRC. Que mes collègues MG ne se laissent pas intimider par les néphrologues. Que mes collègues MG ne se laissent pas intimider par le chantage du sentimentalisme médical et de la prévention comme idéologie de la bien pensance...
(Et je n'ai pas parlé des cliniques de l'IRC, des cliniques de reins artificiels...)

L'idée de cette chronique m'est venue à la lecture d'un article de Des Spence dans le BMJ : ici.