dimanche 28 décembre 2008

Histoires de consultations : quatrième épisode

Volonté des morts, volonté des vivants.

Monsieur M, cinquante-six ans ans, consulte après le décès de son père, quatre-vingt cinq ans. Il est triste, il vient renouveler son traitement habituel, il n'a pas envie de s'épancher et encore moins de médicaments. Mais il a un problème : sa mère refuse de faire incinérer son mari contrairement à des dernières volontés qu'il a toujours exprimées à qui voulait l'entendre. "Vous qui connaissez si bien maman, ne pourriez-vous pas faire quelque chose ? - Je ne comprends pas, répond le médecin en faisant l'imbécile. - Eh bien, c'est tout simple. Il faudrait que vous la persuadiez de faire incinérer papa. - Et pourquoi ? ... - Parce qu'il faut toujours obéir à la volonté des morts. Vous avez été le médecin traitant de mon père... "
La conversation est mal engagée.
"Pourquoi ne veut-elle pas ? - Elle dit qu'elle ne supporterait pas l'idée que le corps perde son apparence humaine... - C'est un point de vue. - Oui, mais ce n'était pas le point de vue de mon père... - OK, mais vous le lui avez rappelé et elle ne semble pas vouloir changer d'avis. - Elle dit qu'il est mort et que c'est elle qui reste. Elle a donc priorité. - Cela me paraît sensé. - Vous êtes d'accord avec elle ? - Non, je ne dirais pas cela : je dirais que son raisonnement se tient. - Je ne peux donc pas compter sur vous ? - Pour lui parler ? Certes. Pour le reste, je ne peux m'engager. - Je ne pensais pas cela de vous... Je suis déçu."
Silence dans le cabinet.
"Je ne sais pas si votre maman a tort ou a raison. Je peux seulement dire que c'est elle qui vit et que c'est elle qui ressent ce qu'elle peut supporter ou non. Il lui semble qu'il lui sera plus facile de vivre sans que son mari ne soit réduit en cendres. Elle a besoin d'avoir une représentation humaine de son cadavre. Pourquoi l'en blâmer ? Maintenant, il est vrai que l'on peut être choqué par le fait qu'elle ne fasse pas ce que son mari avait décidé pour lui-même mais la vie et l'histoire sont remplies de tels cas. Tel grand homme avait souhaité être enterré aux côtés de sa femme et voilà que l'Etat, plusieurs années après, décide que l'intérêt supérieur de la Nation veut que ses restes soient transférés au Panthéon. N'est-ce pas aussi aller à l'encontre de l'amour d'un homme pour sa femme au nom d'une prétendue gloire éternelle ? Qui proteste en ce cas ? Personne en général, sauf le syndicat d'initiatives de la commune d'où le corps va être déplacé. Qu'est-ce que vous en pensez ?"
Le fils de la femme qui trahit son mari après la mort n'a pas envie de comprendre ou de raisonner.
Le médecin aurait pu lui parler de Montaigne et de Saint-Augustin mais il a oublié les références et s'en tient là. L'histoire montre qu'il ne s'est fâché avec personne, que le fils a continué de venir le voir et que la mère n'a été au courant de rien.
Les choses ont été plus complexes : le fils a écouté le médecin et a soutenu sa mère devant les frères et soeurs mais le médecin n'en a rien su car l'homme n'en a pas parlé.
Montaigne, in Les Essais (I,3), citant Saint Augustin (Cité de Dieu, I,12) : "Le service des funérailles, le choix de la sépulture, la pompe des obsèques sont plus une consolation pour les vivants qu'un secours pour les morts."

jeudi 18 décembre 2008

ARGUMENTAIRE POUR CRITIQUER LES ESSAIS CLINIQUES RANDOMISES

Pour ceux qui pensent que l'expertise externe de l'EBM n'est pas adaptée à la pratique médicale courante (i.e. la "vraie" médecine des "vrais" gens), voici quelques arguments à assener dans les dîners en ville entre collègues (sponsorisés ou non par l'industrie pharmaceutique) ou dans les FMC (sponsorisées ou non).
Les études cliniques randomisées (i.e. en double aveugle versus placebo ou en double aveugle versus molécule de référence) :
  1. sont le plus souvent sponsorisées par l'industrie.
  2. éliminent les patients atypiques (trop vieux, trop malades, avec trop de pathologies associées, avec trop de coprescriptions)
  3. ont un protocole trop favorable à la molécule qui doit montrer sa supériorité
  4. ont des critères d'efficacité peu convaincants (critères de substitution, critères intermédiaires, critères composites) ou visent plusieurs cibles à la fois (critères primaires et secondaires)
  5. ne prennent pas en compte dans leur protocole le nombre nécessaire de patients pour établir les effets indésirables rares
  6. sont de durée limitée
  7. ne sont pas supervisés par les vrais moniteurs
  8. ne sont pas analysés par des statisticiens indépendants
  9. sont écrits par des "nègres" le plus souvent salariés de la firme promoteure de l'essai
  10. ne sont pas adaptés à la médecine praticienne

Il est donc nécessaire, à la lecture d'un essai clinique (la majorité des médecins généralistes ne lisent pas les essais cliniques pour des raisons multiples qui sont : ne sont pas abonnés aux revues publiant des essais, ne lisent pas l'anglais médical, ne connaissent pas la littérature, sont ignorants des statistiques médicales, la faculté ne les a pas formés à cela, et cetera...), je reprends : à la lecture d'un commentaire d'essai clinique lu dans la grande presse (Le Figaro, Le Monde, Libération, Ouest France), dans la presse grand public médicale sponsorisée (le Quotidien du Médecin, Le généraliste, Impact médecin, ...) ou dans la presse internet sponsorisée (Egora, Esculape, Univadis, Doctissimo, ...), ou dans les revues plus "sérieuses" ( La Revue Prescrire, Médecine, ...) ou sur le site des Agences (HAS, INVS) de ne retenir que ce qui caresse dans le sens du poil, d'ignorer ce qui bouscule la pratique quotidienne ou de retenir les "avancées" et de n'en faire qu'à sa tête selon le bon principe du Chacun pour Soi (mes patients ne sont pas pareils, la vraie vie, ma clientèle, la concurrence, ...).

Mais la vraie vie, c'est aussi, à la lecture de Recommandations qui sont, en théorie, alimentées par les essais cliniques randomisés (et l'excès de recommandations nuit à la santé et au pouvoir décisionnel puisque tout est dans tout et réciproquement, et il faut aussi se méfier des sources des recommandations, ce qui facilite a priori le travail critique), de ne pas se les appliquer à soi-même, de penser que les experts sont des cons, des universitaires, des spécialistes d'organes, des secteurs 2), c'est les adapter à sa pratique personnelle selon le modus operandi suivant : c'est moi qui ai raison.

Mais c'est ici le moindre mal : car peu de gens lisent les Recommandations. Trop chiant, trop long, trop compliqué, trop éloigné de mon cabinet et de ses contraintes. Le mieux : ne pas lire les recommandations et les critiquer. C'est top ! Vous pouvez, pour ce faire, reprendre les dix points précédents.

Laissons l'EBM aux universitaires qui ne voient pas de "vrais" malades et les malades seront mieux gardés.

mercredi 17 décembre 2008

LA REVUE PRESCRIRE ET L'HEPATITE B

J'ai le plaisir d'accorder cette page à mon ami Marc Girard qui a réagi aux "Recommandations" de La Revue Prescrire sur la vaccination contre l'hépatite B (numéro 302 de décembre 2008).


« Repères[1] » ? Vous avez dit repaire ?...

Marc Girard, 76 route de Paris, 78760 Jouars-Pontchartainmailto:Jouars-Pontchartainagosgirard@free.fr



Jadis – on n’ose écrire « naguère » – quand la prescription d’un nouvel antibiotique se soldait par une épidémie de nausées, d’éruptions cutanées ou, simplement, par l’échec du contrôle bactériologique en fin de traitement, il était extrêmement improbable que ledit antibiotique devienne un blockbuster, quelque imagination promotionnelle qu’y consacre son fabricant : même peu formés en infectiologie ou regrettablement sensibles aux sirènes décolletées de la visite médicale, nos confrères n’étaient quand même pas prêts à se brouiller avec leur clientèle pour les beaux yeux d’une firme… La situation a changé lorsque l’industrie pharmaceutique – avec l’assentiment communicatif de Prescrire (et de sa Pilule d’or 1981, entre autres…) – s’est avisée de faire tomber la maladie comme limite naturelle du marché pour entrer dans le domaine de « la Prévention » qui, sous prétexte d’hypertension, de cholestérol, d’obésité, de ménopause ou de virus, tend à faire de tout un chacun « un patient » pour le plus grand bénéfice d’une communauté médico-pharmaceutique tirant désormais l’essentiel de son bénéfice de la multiplication d’actes qui n’exposent pas à grand risque la responsabilité professionnelle de quiconque[2].
Entre autres gadgets réfractaires au filtre de la loi anti-cadeaux qui se sont imposés même aux boycotteurs de la visite médicale, nos confrères se trouvent désormais dotés d’une boule de cristal épidémiologique leur permettant de vaticiner sur des risques – d’infections virales qu’ils n’ont jamais vues sous forme menaçante ou de fractures du fémur tellement tardives qu’ils se seront pété une coronaire bien avant d’apprécier le bénéfice de leurs prescriptions censées les éviter. Qu’on leur amène, dans l’entre temps, un gamin de 5 ans martyrisé de coups, à l’agonie, et ils n’auront pas peur de se mettre à deux pour soutenir qu’il n’y a rien à voir : avec une boule de cristal, voyez-vous, il faut toujours un minimum de champ…
Mais avec le cristal, il faut aussi se méfier des contrefaçons. En admettant, sur la base d’une référence de Prescrire[3] dont chacun aura pu apprécier la crédibilité en termes d’evidence-based medicine (EBM), que la France verrait annuellement quelque 2 000 cas aigus d’hépatite B[4] – maladie dont il est largement admis qu’elle est bénigne dans (environ) 98% des cas – on devrait donc s’attendre donc à (environ) 40 formes compliquées (sinon mortelles) chaque année : outre que cela laisse peu de marge au retour d’expérience personnelle chez nos quelques dizaines de milliers de confrères – notamment en termes de population à risque – l’argument de l’autorité sanitaire (implicitement validé en son temps par Prescrire) lorsqu’il s’agissait de démentir un risque iatrogène qui eût pu se solder par plus de (environ) mille cas annuels de scléroses en plaques n’était-il pas qu’avec des effectifs pareils (environ), on était – hélas, trois fois hélas ! – aux « limites de détection » des méthodes épidémiologiques disponibles ? Et si, dans l’absolu, un maximum de quarante cas évités par an suffisait à justifier des vaccinations annuelles par centaines de milliers, comment Prescrire justifierait-il le rapport bénéfice/risque de l’ensemble (attendu qu’aucune méthode actuelle de pharmacovigilance ne peut garantir contre un risque iatrogène de – environ – 1/25 000 qui suffirait à annuler le bénéfice présumé), pour ne point parler des doutes légitimes qu’on peut entretenir quant à l’efficacité de ce vaccin[5], et abstraction faite du coût en termes d’allocation de ressources dans un système de solidarité sociale sinistré par les dépenses indues ?
Ce qu’illustre un article indigent qui s’affiche néanmoins sans complexe comme « Repères », c’est à quel point cette dérive de la thérapeutique vers le préventif a contribué à exiler les professionnels de santé dans leur pratique : il faut un robuste aplomb pour, au décours d’une tirade sur le bon usage des statistiques, poser comme allant de soi que, parmi tous les tests statistiques opérés dans une étude, c’est comme par hasard celui qui gêne qui ne peut être dû qu’au « seul effet du hasard » !... Il faut une singulière inconscience à l’égard des exigences pourtant élémentaires de l’EBM pour fonder un article sur un amalgame grossier de références incluant « Avis », auto-référencement et renvois – d’ailleurs sélectifs – au BEH dont l’implication dans la campagne vaccinale n’est plus à démontrer[6]. Il faut, de toute façon, une parfaite incompétence épidémiologique et une massive ignorance du sujet pour ne pas sursauter au fait qui, à lui seul, suffit à radicalement décrédibiliser les trois études pédiatriques françaises : compte tenu des conditions notoirement anarchiques dans lesquelles s’est déroulée la campagne vaccinale, il est patent que le carnet de santé eût dû être le dernier moyen pour évaluer l’exposition (facteur pourtant crucial de validité pour une étude cas/témoins). Qui a jamais cru sérieusement que, en 1994-96, alors que les instances responsables (il y en avait) se plaignaient que la médecine scolaire n’était même pas capable de respecter la chaîne du froid, les gamins de l’école s’y rendaient avec leur carnet de vaccination dans leur cartable ? L’épidémiologie, c’est ça aussi – du moins quand on ne l’a pas apprise dans les polycopiés ou dans quelque CESAM à la solde des « experts » de l’administration plus ou moins compromis…
Attendu par conséquent que nos confrères exilés ont besoin d’autres « Repères » que des considérations méthodologiques rédigées par des gens qui le sont tout autant qu’eux, contentons-nous de leur proposer quelques réflexions de bon sens – qui, en leur permettant de se réapproprier des éléments de fait, peuvent contribuer à les ramener au cœur d’une pratique effectivement maîtrisable. Alors que, exception historiquement documentable, la sclérose en plaques (SEP) est l’une des rares pathologies pour lesquelles on dispose, en France, de données épidémiologiques, pourquoi les derniers relevés antérieurs à la campagne faisaient-ils état de moins de 25 000 cas[7], alors qu’on parle couramment de 60 000 à 80 000 cas depuis la campagne[8] ? Pourquoi l’administration sanitaire française est-elle restée muette sur cette effrayante épidémie, avant de se lancer plus tardivement dans une campagne de dénégations ineptes pour contredire l’auteur de ces lignes qui prétendait s’en émouvoir ? Alors que voici 20 ans, pour un non spécialiste, avoir un sclérosé en plaques dans sa clientèle était une exception, pourquoi n’est-ce plus le cas aujourd’hui – par rapport à une maladie dont jusqu’au directeur de la DGS admet qu’elle n’est pas spontanément sujette à des variations brutales ? Pourquoi, alors que la SEP n’a jamais été une maladie pédiatrique, l’équipe de St Vincent de Paul s’ingénue-t-elle à dissimuler la portée d’une épidémie repérable d’après ses propres relevés[9], puisqu’il faut comprendre que la fréquence des SEP pédiatriques aurait été multipliée par 35 (environ) depuis la campagne vaccinale : lorsque l’évidence des chiffres crève les yeux à ce point, le seul apport du cas/témoin, lorsqu’il parvient à déliter une telle évidence iatrogène, c’est de confirmer la tromperie[10]. Pourquoi enfin, Prescrire, habituellement si sourcilleux quant aux coupables inclinaisons de notre administration sanitaire, ne s’est-il jamais ému que la spécialité GenHevac B – spécialité franco-française issue de l’Institut Pasteur qui n’a plus aucune preuve à fournir de son talent pour générer des drames de santé publique (sang contaminé, hormone de croissance…) – n’ait jamais pu obtenir d’AMM dans un pays développé autre que la France ?...
Hormis le drame sanitaire sous-jacent – et la souffrance humaine inhérente –, la question des conflits d’intérêt contribue à faire de ce « Repères » un véritable cas d’école. Car ce qu’illustre la situation, c’est bien que cette question – qui empoisonne la médecine et menace la santé publique – ne saurait, en aucun cas, se réduire aux liens d’argent. Les conflits d’intérêt, ce sont aussi les liens d’affiliation (les relations avec certains « experts » dont Prescrire s’est, de toujours, enorgueilli), les positions idéologiques (la vaccination comme lutte contre les inégalités…), la vérole des erreurs jamais assumées (ah ! cette Pilule d’or de 1981…), le refus du débat (les propositions d’article toujours traitées par le mépris), l’incompétence enfin – tant il est vrai qu’on n’est jamais aussi manipulable que quand on ne sait pas : si Prescrire ne sait pas que dans toute étude épidémiologique, l’évaluation de l’exposition est un préalable incontournable, et si à la fin de 2008, Prescrire n’a toujours pas remarqué que la campagne scolaire lancée en 1994 par M. Douste-Blazy s’était déroulée dans un climat d’effroyable anarchie, que la revue se taise enfin sur ce sujet grave et tragique – l’hypothèse alternative qu’elle batte sa coulpe pouvant être considérée comme hautement improbable (p = 0,000000… ) sur la base d’une épidémiologie même sommaire de sa rhétorique traditionnelle…
A preuve le risque élevé (p = ?) que la présente correspondance, comme d’autres, ne soit jamais publiée.

[1] Rev Prescrire 2008 ; 28 (302) : 924-5
[2] Conflits d’intérêt, vous disiez ?...
[3] Un « avis » du Haut conseil de la santé publique : ce Haut conseil à qui, au printemps 1998, il n’a pas fallu plus de 4 semaines pour réaliser les études épidémiologiques longues et complexes permettant de revenir sur ce paradoxe franco-français des rappels à un an et à cinq ans (lequel, soit dit en passant, n’a jamais ému Prescrire pourtant si sourcilleux en matière de méthodologie…)
[4] Malgré son intérêt évident à ne pas ridiculiser ses estimations antérieures grossièrement alarmistes, l’Institut de veille sanitaire peine à répertorier plus de 600 cas aigus par an dans notre pays.
[5] Petersen KM, Bulkow LR, McMahon BJ et al. Pediatr Infect Dis J 2004; 23(7):650-5
[6] De toute façon, quitte à citer cette revue qui ne craint pas, depuis peu, de se présenter comme pourvue d’un « comité de lecture » (qui a ri au fond de la salle ?), pourquoi avoir omis les relevés précédant juste la campagne, qui attestaient que, parmi les sujets contaminés par le virus de l’hépatite B, on trouvait régulièrement des sujets antérieurement vaccinés et jamais de professionnels de santé, pourtant réputés tellement à risque ?…
[7] Delasnerie-Laupretre N, Alperovitch A. Rev Prat 1991; 41:1884-7.
[8] Livre blanc de la sclérose en plaques, avril 2006.
[9] Boutin B et coll. Neuropediatrics 1988; 19:118-23
[10] Evidence frauduleuse parmi bien d’autres : pourquoi, alors qu’elle avait été formellement exclue du débat en raison de ses incohérences patentes (communiqué de l’AFSSAPS daté de février 2000), l’étude de Zipp et coll (Nat Med 1999; 5(9):964-5), favorable au vaccin, a-t-elle été ensuite systématiquement réintégrée dans les analyses des autorités sanitaires – sans que Prescrire ne se formalise jamais d’un aussi impudent coup de force ? Pourquoi les 3 premières études cas/témoins mises sur pied par l’Agence n’avaient-elles pas le minimum requis de puissance statistique, réalisant de la sorte le type même des études faites pour ne pas conclure – même si Prescrire n’a jamais craint de faire l’inverse ?

samedi 13 décembre 2008

VACCINATION CONTRE LA GRIPPE CHEZ LES PLUS DE 65 ANS : INCERTITUDES

FAUT-IL CROIRE A LA PHRASE : TOUT LE MONDE SAIT QUE LA VACCINATION CONTRE LA GRIPPE EST EFFICACE ?




Voilà une phrase qu'il n'est pas possible de critiquer sans passer pour un ringard, un sectaire, un réactionnaire, un millénariste, un crétin, un ennemi du progrès ou un ignorant des objectifs modernes (et citoyens) de la Santé Publique (avec majuscules).




Pas un homme politique, pas un Président de Conseil Général, pas un directeur d'Agence Gouvernementale, pas un Ministre de la Santé (médecin ou non), pas un Médecin des Hôpitaux, pas un médecin formateur, pas un spécialiste de ville, pas un médecin généraliste, pas un citoyen lambda (disposant ou non d'un portefeuille en actions) qui ne sachent que la Prévention, coco, c'est bon pour, respectivement, les électeurs, les citoyens, les patients, les malades qui s'ignorent, l'espérance de vie et le commerce de la Santé.



Et d'ailleurs tout le monde le sait que la vaccination anti grippale est une affaire sérieuse, documentée et QUI SAUVE DES VIES.




Comme le beaujolais nouveau, les soldes aux Galeries Lafayette, ou l'augmentation du prix des transports publics, tous les ans à la même époque, le teasing de la vaccination est lancée ou, variante, le marronnier est planté. On commence par dire que l'épidémie asiatique a été d'une exceptionnelle ampleur ; on continue en affirmant, c'est selon (il s'agit, ne riez pas, de données épidémiologiques sérieuses), que les souches virales ont muté ou qu'elles n'ont pas muté : dans le premier cas il faut absolument être vacciné et dans le second c'est encore mieux, peuple heureux, car vous serez encore plus protégés ; on rajoute le spectre de la grippe aviaire (un reportage sur un marché asiatique ou sur un malade hospitalisé à Toronto) et la confusion est soigneusement entretenue entre la grippe humaine et la grippe animale : ça va faire monter les ventes ; on mobilise les media de tous poils ; on fait des reportages sur les médecins sentinelles ; le GROG a droit à des pages de pub gratuites dans les journaux sponsorisés ; on fabrique des spots de télévision ; on enrôle les pontes de l'Institut Pasteur ; on suscite des enquêtes dans les maisons de retraite ; on convainc le patronat de vacciner gratuitement ses salariés pour diminuer le nombre d'arrêts de travail ; toutes les CPAM de France sont engagées pour délivrer la bonne parole aux prescripteurs, aux patients et aux malades, aux parents des enfants qui ont reçu ne serait-ce qu'une bouffée de ventoline dans l'année ; et les usines peuvent tourner à fond pour la bonne marche du système, des actionnaires aux travailleurs.



Mais où en sommes-nous sur les faits scientifiques ?


Prenons l'exemple de la Grande-Bretagne, pays plus civilisé que le nôtre puisqu'il existe des études épidémiologiques, des auteurs d'articles, des économistes de la Santé, des organisations gouvernementales qui travaillent et qui, non contentes de prôner des mesures de santé Publique, s'assurent qu'elles sont appliquées, dans quelles conditions, et avec quel profit, non seulement pour un patient particulier, mais pour tous les patients et qui recherchent si le rapport bénéfices / coûts a été satisfaisant.



Eh bien, même en Grande-Bretagne, où les autorités s'enorgueillissent d'être le premier pays en Europe pour le taux de couverture vaccinale anti grippale chez les plus de 70 ans (78 %) (1), il existe des voix discordantes pour demander plus de preuves.

Les auteurs d'un éditorial dans le BMJ ont beau écrire, sans citations d'articles, que "Le rationnel pour le programme [de vaccination] est fondé sur la connaissance que le vaccin est efficace et coût-efficace."(2), il existe encore des incertitudes.

Je vais tenter de vous les résumer.

  1. C'est chez les personnes âgées que le vaccin "marche" le moins bien. Une étude randomisée a montré que dans le cas de grippes, sérologiquement confirmées et cliniquement avérées, l'efficacité du vaccin était respectivement de 58 et 47 % chez les personnes de plus de 60 ans (3). Mais ce n'était pas significatif chez les personnes de plus de 70 ans, le groupe le plus visé par les campagnes de vaccination.
  2. Une étude britannique analysant les essais cliniques publiés depuis dix ans et comparant morbidité et mortalité entre les périodes sans et avec grippe a montré une réduction significative des admissions à l'hôpital pour détresse respiratoire aiguë (efficacité vaccinale 21 % ; mortalité respiratoire 23 %) mais pas d'efficacité sur la mortalité globale. (4)
  3. Les études rétrospectives sur les épidémies de grippe en collectivité montrent que le premier facteur favorisant est la non vaccination des personnels soignants.
  4. La méthodologie des essais laisse souvent à désirer (cf. infra : (5)) en raison de nombreux facteurs : gravité de l'épidémie de grippe, types de souches, pénétration différente en fonction des classes d'âge, de l'intensité et de la virulence des souches, susceptibilité individuelle, non confirmation sérologique des tableaux cliniques grippaux, non analyse des différents facteurs confondants, études observationnelles, malades les plus graves ou les plus "en fin de vie" moins vaccinés que les patient sains... et cetera, et cetera.


Les pro vaccins universels (ceux qui défendent indifféremment toutes les vaccinations, depuis l'hépatite B juqu'aux papillomavirus) ont beau produire des essais observationnels américains issus des Health Maintenance organization (dont nous éviterons de parler du simple point de vue des conflits d'intérêt) qui clament une diminution de 47 % de la mortalité globale (5) mais dont la méthodologie est assez imprécise et surtout discutable, et, dans le même temps, refuser la méthodologie des cas-témoins quand les essais non sponsorisés montrent quelques soucis sur les affections démyélinisantes (6), il y a quand même quelque chose de pourri au Royaume du Danemark.



Vaccinons, vaccinons, il en restera toujours quelque chose....


Enfin, last but not least, les auteurs de l'éditorial précité (2) écrivent ceci : "Dans les pays où la vaccination est recommandée il serait difficile d'obtenir l'autorisation de mener des essais randomisés."

Il s'agit d'un très bel exemple d'immunisation passive contre la critique, telle qu'elle a été décrite par Popper.













Références.

1 - Blank PR, Schwenkglenks M, Szucs TD. Influenza vaccination coverage rates in five European countries during season 2006/7 and trends over six consecutive seasons. BMC Public Health 2008;8:272.
2 - http://www.bmj.com/cgi/content/full/337/nov18_3/a2545
3 - Govaert TM, Thijs CT, Masurel N, Sprenger MJ, Dinant GJ, Knotterus JA. The efficacy of influenza vaccination in elderly individuals. A randomized double-blind placebo-controlled trial. JAMA 1994;272:1661-5.[Abstract]
4 - Mangtani P, Cumberland P, Hodgson CR, Roberts JA, Cutts FT, Hall AJ. A cohort study of the effectiveness of influenza vaccine in older people, performed using the United Kingdom general practice research database. J Infect Dis 2004;190:1-10.[CrossRef][ISI][Medline]
5 - Jefferson T, Rivetti D, Rivetti A, Rudin M, Di Pietrantonj C, Demicheli V. Efficacy and effectiveness of influenza vaccines in elderly people: a systematic review. Lancet [CrossRef][ISI][Medline]
6 - Hernan M, Jick S, Olek M, Jick H. Recombinant hepatitis B vaccine and the risk of multiple sclerosis. A prospective study. Neurology 2004; 63:838-42.
2005;366:1165-74.

jeudi 11 décembre 2008

PAS DE DOSAGE DU PSA CHEZ LES HOMMES DE PLUS DE 75 ANS !

De plus en plus de médecins savent combien le dépistage universel du cancer de la prostate par le dosage du PSA chez les hommes de plus de 50 ans n'a pas montré un rapport bénéfices / risques documenté.



Néanmoins, une majorité de médecins, semble-t-il, continuent de doser le PSA chez leurs patients à partir de l'âge de 50 ans dans le but de rechercher un cancer de la prostate.



Les raisons en sont multiples : la demande des patients relayée par la grande presse et par des médecins soit influencés soit de bonne foi ; le chantage au cancer : comment pouvez-vous ne pas rechercher un méchant cancer et le laisser évoluer ? ; le risque médicolégal : refuser de doser le PSA alors qu'on découvrirait ensuite un cancer ; le poids des habitudes : la prévention considérée comme un des Beaux-Arts en médecine ; la pression des urologues et de l'AFU qui recommande le dépistage malgré les recommandations contraires de l'AFSSAPS ; une méconnaissance des études épidémiologiques et des enjeux de la Santé Publique.
Que se passe-t-il chez les Américains ?
L'USPSTF (US Preventive Services Task Force), un organisme indépendant mandaté par le Congrès Américain, vient de modifier ses recommandations.


Jusqu'à présent, l'USPSTF indiquait que "the current evidence is insufficient to assess the balance of benefits and harms of prostate cancer screening in men younger than age 75 years" [les données actuelles sont insuffisantes pour apprécier le rapport bénéfices / risques du dépistage du cancer de la prostate chez les hommes de moins de 75 ans].


Aujourd'hui l'USPSTF ajoute : "Il est désormais recommandé de ne pas dépister le cancer de la prostate chez les hommes de 75 ans et plus."

Screening for prostate cancer: U. S. Preventive Services Task Force recommendation statement. Ann Intern Med 2008;149:185-191. [Free Full Text]
Pourquoi ce changement d'attitude ?
Nous reprenons une analyse faite par Michael Barry et publiée dans le New England Journal of Medicine : http://content.nejm.org/cgi/content/full/359/24/2515?query=TOC
Les arguments :
1) Dans le seul essai clinique randomisé comparant les effets de la prostatectomie à l'expectative armée (ma traduction de 'watchful waiting') chez les hommes présentant un cancer localisé de la prostate, le bénéfice de la prostatectomie a été statistiquement significatif à douze ans mais avec une différence absolue de 5,4 % sur la seule mortalité due au cancer de la prostate. Cet essai signifie qu'il faut réaliser 18 prostatectomies radicales pour prévenir un décès dû au cancer de la prostate sur une période de douze ans.

Bill-Axelson A, Holmberg L, Filén F, et al. Radical prostatectomy versus watchful waiting in localized prostate cancer: the Scandinavian Prostate Cancer Group-4 randomized trial. J Natl Cancer Inst 2008;100:1144-1154. [Free Full Text]
2) Mieux encore : dans cet essai scandinave, des analyses de sous-groupes ont montré (alors qu'aucun patient de plus de 75 ans n'avait été inclus) que seuls les patients de moins de 65 ans pouvaient tirer bénéfice de la prostatectomie totale, je le rappelle seulement sur le critère mortalité liée au cancer de la prostate.
3) Il faut noter également que seuls 10 % des patients de cet essai scandinave avaient été détectés par le biais du dosage du PSA. Ainsi, et ce point est capital pour ceux qui attendent de l'essai PIVOT des "preuves" sur la pertinence de la détection du cancer de la prostate par le biais du dosage du PSA et de son traitement, les résultats de cet essai (US Prostate Cancer Interventional versus Observation Trial) risquent d'être décevants puisque les trois-quarts des patients seront inclus sur la base de la détection : il existe un délai de 5 à 10 ans entre la détection d'une anomalie du PSA et sa manifestation clinique ; et surtout il existe un risque important de surdiagnostic de cancer à partir d'"anomalies" du PSA. Les résultats de l'étude PIVOT ne sont pas attendus avant 2010.
4) Pour en revenir aux hommes de plus de 75 ans : il est probable qu'il leur faudra plus de dix ans pour bénéficier d'éventuels avantages en terme de mortalité prostatique (cf. le délai entre l'"anomalie" du PSA et les manifestations cliniques). Et encore : une étude a montré que sur 1000 hommes de plus de 75 ans non fumeurs 19 mourront de leur prostate à dix ans contre 430 d'autres causes !

Welch HG, Schwartz LM, Woloshin S. Prostate-specific antigen levels in the United States: implications of various definitions for abnormal. J Natl Cancer Inst 2005;97:1132-1137. [Free Full Text]
5) Alors que les bénéfices de la détection diminuent avec l'âge, les risques augmentent.
- Le taux de PSA est très fortement âge-dépendant et, quel que soit le seuil de PSA choisi, les hommes seront plus à risque à la fois de subir une biopsie prostatique et de se faire diagnostiquer un cancer de la prostate.
- Par exemple, avec un seuil de PSA de 4 ng/ml, respectivement 6%, 21 % et 28 % des hommes subiront une biopsie prostatique selon qu'ils sont soixantenaires, septuagénaires ou octogénaires !
- Le dosage régulier du PSA double le risque que les hommes se voient diagnostiquer un cancer de la prostate sur une période de dix ans mais nombre de ces cancers ne se seront pas manifestés cliniquement.
- Il faut aussi savoir que le risque de cancer de la prostate est aussi dépendant de l'âge (augmente considérablement avec l'âge)
- Et enfin : les risques de décès post-opératoire et de complications de la prostatectomie radicale sont eux-aussi liés à l'âge et suraugmentés à partir de 75 ans.

Begg CB, Riedel ER, Bach PB, et al. Variations in morbidity after radical prostatectomy. N Engl J Med 2002;346:1138-1144. [Free Full Text]
En conclusion : les recommandations américaines sont claires : pas de dosage du PSA chez les hommes de plus de 75 ans !
Quant aux essais en cours à venir aux Etats-Unis (the Prostate, Lung, Colorectal, and Ovarian, or PLCO, Cancer Screening Trial), en Europe (the European Randomized Study of Screening for Prostate Cancer, or ERSPC), et en Grande-Bretagne (Prostate Testing for Cancer and Treatment, or Protect) ils n'apporteront rien de nouveau sur les hommes de plus de 75 ans puisqu'ils n'en incluent aucun !
Résultats dans cinq ans pour les deux premiers.
Thanks to Michael Barry who is always relevant to address controversial medical issues.


mercredi 10 décembre 2008

MEDIA ET PUBLICITE GRAND PUBLIC

Combien de temps les Yves Calvi, Michel Cymes et Marina Carrere d'Encausse, ou les Brigitte Fanny-Cohen, Jean-Noël Flayssakier et autres Paul Benkimoun continueront-ils de feindre d'ignorer, quand ils interrogent des médecins, de leur demander quels sont leurs conflits d'intérêt ?

Un célèbre psychiatre américain participant à une non moins célèbre émission radiophonique a dû démissionner après qu'un sénateur américain Charles Grassley (Iowa) eut révélé qu'il avait touché 900 000 euro d'honoraires et 100 000 euro de frais remboursés pour des participations à des conférences de la part de GlaxoSmithKline.
C'est ce que révèle le British Medical Journal à partir d'un article du New York Times.

http://www.bmj.com/cgi/content/full/337/dec09_1/a2934

N'existe-t-il pas une loi ?

Que fait le Conseil de l'Ordre ?

dimanche 7 décembre 2008

LES REGIMES TOTALITAIRES AIMENT LE TABAC

Après avoir signé la convention de l'OMS sur le tabac il y a environ un an la Russie ne se conforme pas à ses engagements.

Contrairement à la convention la publicité est de nouveau autorisée pour les produits "light" et l'industrie du tabac est autorisée à participer au financement des partis politiques.

Rappelons ici que 60 % des jeunes Russes fument, que l'espérance de vie des hommes se situe aux alentours de 60 ans (très loin de la moyenne des pays industrialisés).
On estime (mais nous nous méfions toujours des estimations à la louche) que 330 000 personnes meurent par an des conséquences possibles du tabac.
Le prix d'un paquet de cigarettes sans filtre à Moscou est de 0,07 euro.

Rappelons aux sceptiques que l'industrie du tabac est plus forte que l'industrie pharmaceutique et que cette industrie finance également la recherche cardiologique en Allemagne : German heart specialist received research grant from tobacco industry foundation
BMJ BMJ 2008;337:a2085, doi: 10.1136/bmj.a2085 (Published 15 October 2008)

Envoyons leur le bon Professeur Molimard pour leur expliquer l'alter tabacologie.


Cette rubrique a été écrite à partir d'un article paru dans le British Medical Journal. http://www.bmj.com/cgi/content/full/337/dec01_2/a2837

IL EXISTE DES CANCERS DU SEIN QUI REGRESSENT !

Comment dire au bon peuple que la prévention du cancer du sein par la pratique de la mammographie n'est pas aussi effective qu'il n'y paraît ?

Mais d'abord : comment persuader les médecins qui devraient être capables de comprendre et la santé publique et les statistiques que la prévention du cancer du sein n'est pas obligatoirement efficace ?

Quelques faits têtus.
  • L'incidence du cancer du sein est plus élevé dans les populations détectées que dans les populations non détectées.
C'est assez difficile à expliquer : la détection ne devrait pas trouver plus de cancers mais les trouver plus tôt
Une des explications : un certain nombre de cancers du seins régresseraient tout seuls
Une autre façon de l'expliquer : les mammographies détecteraient des cancers qui ne seraient jamais devenus cliniquement apparents.
Ou alors : le nombre de faux positifs détectés par la mammographie est tel que de nombreux cancers mammographiques n'en sont pas.

  • Aucune étude de prévention du cancer du sein par la mammographie n'a montré une diminution de la mortalité globale des femmes dans le groupe détecté.
La reprise des données de l'étude norvégienne (N Engl J Med 2008;359:2305-9[Full Text]) qui montrait une différence de 22 % de l'incidence du cancer du sein chez les femmes détectées par rapport aux autres fait dire aux auteurs que cette différence a été validée par la reprise des dossiers sur six ans (alors même que les femmes non détectées dans le programme subissaient une mammographie systématique à la fin de la période d'observation). Les femmes des deux groupes ont par ailleurs été appariées et aucune différence n'a été constatée en termes d'âge, de revenus et / ou de statut obstétrical. Il a également été tenu compte du traitement hormonal substitutif dans les deux groupes.

  • Attention à l'offensive des gynécologues qui sont en train, malgré toutes les évidences de la littérature internationale, de vouloir refourguer les hormones estroprogestatives dans le "traitement" de la ménopause.
A SUIVRE

mardi 2 décembre 2008

COMMENT ENTERRER UNE ETUDE CLINIQUE - ALLHAT


L’impact minimum d’une grande étude Clinique.


The ALLHAT Officers and Coordinators for the ALLHAT Collaborative Research Group. Effects of Angiotensin-Converting-Enzyme
Inhibitor and Calcium Channel Blocker Treatment Compared with Diuretic Treatment on Cardiovascular Morbidity and Mortality in
High-Risk Hypertensive Persons: The Antihypertensive and Lipid-Lowering Treatment to Prevent Heart Attack Trial (ALLHAT).
JAMA. December 18, 2002–Vol. 288, No. 23.


Rappel des faits : l’étude ALLHAT a montré (décembre 2002) que les diurétiques utilisés depuis les années cinquante et coûtant quelques centimes par jour marchaient mieux que les médicaments les plus récents coûtant vingt fois plus (amlodipine et doxazosine de chez Pfizer, lisinopril de chez Astra-Zeneca).

Rappelons également que la doxazosine a été retirée précipitamment de l’essai pour cause d’inefficacité ; que l’amlodipine a entraîné 38 % de plus d’insuffisance cardiaque par rapport aux diurétiques ; et que le lisiprinosil a entraîné respectivement 15 et 19 % de plus d’AVC et d’insuffisance cardiaque que le même diurétique.

Six ans après les ventes de diurétiques n’avaient pas progressé dans la proportion attendue (elles concernent 40 % des patients hypertendus aux Etats-Unis) et, bien au contraire, puisque ce sont les nouvelles molécules qui ont le plus progressé.

Les conséquences de cet essai sponsorisé par une agence gouvernementale qui a coûté 130 millions de dollars et dont chacun s’accorde à penser qu’il était solide scientifiquement ont été décevantes tant pour les prescriptions que pour les sommes économisées.

Comment expliquer cela ?

La résistance au changement. Les prescripteurs ont eu du mal à changer leurs habitudes car les diurétiques sont des produits anciens, peu valorisants pour le prescripteur et pour le prescrit. Leur image est mauvaise : ça fait pisser, faut faire des bilans réguliers, il existe des interactions médicamenteuses. Mais cela n’a pas empêché les prescripteurs de se lancer ensuite dans la prescription de nouvelles molécules qui n’avaient pas fait leurs preuves mais qui paraissaient plus « modernes ».


La critique de certaines autorités académiques sur la construction de l’essai et sur les interprétations faites par le gouvernement. En effet, un des objectifs de l’essai était de savoir par quelle classe pharmacologique commencer et la mode était déjà aux pilules deux-en-un. Les principales critiques vinrent pourtant de ceux, payés ou non par l’industrie, qui jugeaient que la conception de l’essai était trop favorable aux diurétiques, que le nombre de diabètes induits était minimisé, que la co-prescrition favorisait également les diurétiques… Mais surtout, certains avaient le sentiment que la démonstration était plus économique et politique que scientifique, le but du gouvernement étant de couper les dépenses.


Le poids de l’industrie pharmaceutique et notamment de Pfizer pour rendre flous les résultats de l’étude

Pfizer

Cela a commencé, avant même la publication, par la défense acharnée de certains experts pour soutenir la doxazosine, retirée de l’essai, dont il était démontré qu’elle entraînait plus d’insuffisance cardiaque que les autres molécules. Des documents destinés aux visiteurs médicaux afin qu’ils puissent délivrer la bonne parole argumentaient sur le fait que la doxazosine était sûre et qu’il s’agissait d’un simple problème de doses. Pourtant Pfizer a dû retirer la molécule en 2000 (mais une fois que les objectifs de vente maximum aient pu être atteints)

Pfizer a payé de nombreux intervenants dans les congrès pour mettre en avant les effets de l’amlodipine dans l’essai et de ne pas parler de ses échecs. Le président du Comité de Coordination de l’essai a même démissionné quand il a appris qu’un des membres avait reçu 200 000 dollars de Pfizer l’année suivant celle de la publication de l’étude afin de délivrer « la bonne parole » dans des Congrès.

Par ailleurs les autres firmes qui n’avaient pas de produit impliqué dans ALLHAT ne souhaitaient pas que la prescription de leurs molécules soient transformées en prescriptions de diurétiques génériqués.


Le temps qui passe : entre le moment où l’étude a été conçue et le moment où elle a été publiée, de nouvelles molécules anti hypertensives sont apparues (et notamment des molécules appartenant à d’autres classes pharmacologiques comme les sartans), et, au contraire, la générication de molécules plus anciennes abaissait d’une part la différence de prix avec les diurétiques et incitait les firmes qui perdaient l’exclusivité de leur princeps à ne plus défendre leurs produits (Astra-Zeneca et Merck pour le lisiprinosil).

L’expérience ALLHAT incite tous les promoteurs d’essais indépendants à être prudents. Elle montre que les plus grands laboratoires mondiaux sont capables de tout pour défendre, non leurs molécules, mais leurs chiffres d’affaires et que la générication, loin de favoriser l’innovation scientifique, entraîne une augmentation des coûts.


http://www.nytimes.com/2008/11/28/business/28govtest.html?_r=2&scp=1&sq=ALLHAT&st=nyt

dimanche 30 novembre 2008

BRONCHITE CHRONIQUE OBSTRUCTIVE ET CORTICOIDES INHALES

Les corticoïdes inhalés ne réduisent pas la mortalité dans la bronchite chronique obstructive stable.

Comme la majorité des traitements médicamenteux dans cette indication, les corticoïdes inhalés sont meilleurs pour contrôler les symptômes et prévenir les exacerbations que pour sauver des vies. La dernière méta-analyse publiée dans le JAMA (JAMA 2008;300:2407-16[Abstract/Full Text]) montre non seulement que la mortalité totale n’est pas diminuée mais que le risque de pneumonie est augmenté.

L’essai : les auteurs ont sélectionné 11 essais évaluant fluticasone, triamcinolone et budesonide utilisés seuls ou en association avec d’autres molécules inhalées, le plus souvent la salmeterol. Les essais ont au moins duré six mois et ont étudié plus de 14000 adultes.

Aucune différence, malgré des analyses de sous-groupe, pour le risque relatif de mort.

En revanche l’utilisation des corticoïdes inhalés s’est accompagnée d’une augmentation significative du nombre de pneumonies (+ 34 %) mais pas du nombre des fractures.

Voici un commentaire des auteurs qui pourrait s’appliquer à de nombreuses autres pathologies : « Parce que ce traitement ne semble pas avoir d’effet sur la mortalité, les médecins doivent peser les autres risques (pneumonie) et les bénéfices (moins d’exacerbations, amélioration de la qualité de vie) quand ils prennent des décisions dans cette pathologie."

A préciser : le risque de pneumonie était d’autant plus important que les patients avaient une fonction pulmonaire altérée, ou que les doses étaient les plus élevées ou que les traitements étaient combinés.

Conclusion : corticoïdes inhalés : oui en pesant le pour et le contre. A la plus faible dose possible, encore mieux.

MEDICALEMENT CORRECT

Le politiquement correct est une notion d’un grand flou dans laquelle tout est dans tout et réciproquement, comme le disait le regretté Pierre Dac.

Tout le monde peut, un jour ou l’autre, être considéré comme politiquement correct, ce qui n’est pas un compliment, cela n'aura échappé à personne, mais un défaut. Comme tout le monde est possiblement le beauf ou le Jacky de quelqu’un.

Nous n’échappons pas, en médecine, à cette notion catégorisante qui renvoie les autres dans les cordes du conformisme et du suivisme.
Car le médicalement correct (MC), comme le politiquement correct n'est pas aussi flou que cela : il y a en effet le MC Quotidien du Médecin, le MC FMC sponsorisée, le MC visite médicale, le MC le-spécialiste-en-sait-plus-que-le-MG, le MC le-MG-est-plus-fort-que-le-spécialiste-d'organe, le MC Revue Prescrire, le MC de ddroite, du centre et de gauche, voire d'extrême-gauche.

Le dernier numéro spécial de La Revue Prescrire (n°298) nous place dans un autre domaine : la bien-pensance généralisée, c'est-à-dire la médecine citoyenne (y aurait-il une médecine noble, ci-devante, camarade ?), médicalement correcte de gauche, l’éthique absolue associée à la transparence dans le même métal.

Et nous avons droit, dans le plus pur style missionnaire, à des phrases dans le genre « C’est ajouter du mal à son mal que de considérer le soigné indigne de recevoir l’information qu’il sollicite… » (p 577) ou « Les soignants ne sont pas des êtres humains à part dotés de la fonction de guide moral. » (p 576) ou « La recherche biomédicale : l’intérêt des personnes d’abord. » (p 569). Mais laissons là ce florilège dont le chapeau est « S’appuyer sur des principes utiles aux patients. »

OK, on l'a compris : il faut être éthique.

Quel est l'aspect de l'EBM / Médecine par les Preuves qui est le plus dédaigné par le corps médical ? LES VALEURS ET LES PREFERENCES DU PATIENT. Bien entendu pas en paroles (tout le monde a la main sur le coeur quand il faut parler de la médecine faite pour les patients) mais en réflexion épistémologique et en travaux cliniques.

Surtout en France, encore plus qu’ailleurs (et ce n'est pas par autoflagellation que je dis cela mais par constat), mais aussi, rassurons-nous, dans la littérature internationale, car les travaux sur ce que veut et désire le patient (quelle vulgarité !), sont la dernière roue du carrosse de l'EBM.
Il y a donc, dans la hiérarchie qualitative et quantitative de l'EBM, d'abord et toujours les études cliniques randomisées, que tout le monde critique mais dont il est impossible de se passer, ce qui permet aux firmes de placer la barre des coûts le plus haut possible (tout en s'en plaignant) afin que le moins possible d'essais indépendants puissent voir le jour, puis, derrière, loin derrière, l'évaluation de l'expertise interne (dont les Agences Gouvernementales se sont emparées à la fois par désoeuvrement et pour faire plaisir aux Payeurs) et enfin LE PAUVRE PATIENT.

Qu'est-ce qui peut remettre le plus en cause l'autorité du médecin praticien ?

L'évaluation de son expertise interne et le non respect des Valeurs et Préférences du Patient.
La Revue Prescrire a choisi le point de vue éthique et politiquement correct. On l'a vu. Mais où sont les solutions scientifiques derrière les bonnes paroles ?

Où peut-on se nourrir pour s’informer du patient, l’informer, connaître les limites de ces méthodes, les juger, les interpréter et, finalement, prendre des décisions avec son accord (valeurs et préférences) à moins de s’en référer au bon sens (tant décrié et à juste titre par Balint) et à son expertise interne fondée sur ses propres valeurs, préférences et agissements ? On en revient, sous le couvert de l’éthique à une philosophie paternaliste agissant pour le compte, citoyen, de l’autorité de celui qui sait. LRP ne cite jamais la Qualité de Vie Liée à la Santé (Health Related Quality of Life), assez rarement les études QALY (Quality Adjusted Life Years) dont on peut discuter à l’infini de leurs valeur dans nos sociétés non anglo-saxonnes, et encore moins les procédures de tradeoff qui sont étrangères à la culture française.

On demande aux lecteurs de La Revue prescrire de développer leur sens critique mais où sont les armes ?
On conseille, certes, aux lecteurs de La revue Prescrire de « développer une pensée critique, c'est-à-dire de savoir effectuer des déductions correctes à partir d’informations factuelles… », à propos du Quotidien du Médecin (mais qui ne s’est pas fait avoir par une location de vacances ?) ou du Généraliste ou d’ Impact Médecin, mais ne devraient-ils pas, ces chers lecteurs, faire de même avec leur revue chérie dont il est dit parfois, sur des forums éminents, « Qu’elle a toujours raison ».

J’espère n’être ni politiquement ni médicalement correct, ce que les réactions que je glane ici et là confirment, mais, après tout, ce qui compte c’est de toujours se tromper pour toujours faire réagir et se faire traiter d’Ayatollah par un lecteur du Quotidien du médecin, par un lecteur de La Revue Prescrire, par un confrère spécialiste ou non ou par un syndicaliste médical, ou par une revue généraliste, ne peut que procurer un plaisir exquis.