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lundi 25 octobre 2021

La France va mal (suite et pas fin)



Je vous avais parlé de la position peu enviable de la France concernant la consommation de tabac, d'alcool, de cannabis, de benzodiazépines et cetera : voir LA.

La grève des sages-femmes rappelle la (triste) situation de la gynécologie obstétrique en France en termes de résultats sur des données dures de santé publique. 

Sans oublier que le suivi des femmes s'est désormais complètement médicalisé et spécialisé.

Ce n'est pas de l'hospitalocentrisme, c'est du gynécologue-obstétricienno-centrisme

Avec, en France, des résultats très mitigés.

On rappelle qu'aux Pays-Bas, petit pays de 17,4 millions d'habitants connu pour son appartenance au tiers-monde, une femme sur six accouche à la maison (en France : 99 % à l'hôpital). Avec un taux de mortalité infantile de 3,46 pour 1000 naissances (contre 3,8 pour la France) et un taux de mortalité maternelle de 4 pour 100 000 naissances vivantes.

Quelques données sur les sages-femmes (ICI) : 

141 SF pour 100 000 femmes en âge de procréer.



Nbre de gynbos en activité : 5489 en 2020 (LA) : 



Comparaisons internationales


Quelques données supplémentaires sur les SF libérales avec des comparaisons avec d'autres pays : 

Répartition public/privé (LA) (Lena Blanchard) de 2016


Intéressons-nous à quelques indicateurs de santé publique.

La mortalité infantile

La France est à la dix-neuvième place sur les 27 pays de l'Union européenne pour la mortalité infantile (voir ICI) : 3,8 décès pour 1000 naissances (moyenne : 3,4). 

Evolution de la place de la France entre 1999 et 2009 : 


PS du 01/03/2022 : Augmentation significative de la mortalité infantile en France selon l'INSERM : LA et surtout ICI.

La mortalité maternelle en couche

La France est à la vingtième place sur les 27 pays de l'Union européenne pour la mortalité en couches (voir LA) : 4 pour 100 000 naissances. Mais pour index lundi à la seizième (LA)


Ces chiffres sont à prendre avec des pincettes vu le faible nombre de cas.

Le nombre de naissances prématurées 

La France est dixième !


Encore : 

La France est "bien placée" dans le pire pour le tabagisme pendant la grossesse et pour le nombre de mort subites du nourrisson.



Le nombre d'IVG

232 000 IVG en France en 2019, soit le taux le plus élevé depuis 30 ans. Voir LA

La France est au quatrième rang en Europe pour le nombre d'IVG (ratio pour 1000 femmes en âge de procréer) , et au troisième si on enlève la Russie... (voir LA)



Nous ne parlerons pas : 

Du problème de la contraception très pilulo-centrée.

Du nombre insuffisant de femmes qui pratiquent régulièrement le frottis du col utérin tous les 3 ans et les pratiques non recommandables des professionnels de santé dans ce domaine, c'est à dire le nombre de femmes qui pratiquent trop régulièrement les frottis du col utérin.

Du manque d'information des femmes sur le dépistage organisé du cancer du sein

Du nombre de mammographies sauvages (hors recommandations)

Du sur diagnostic et le sur traitement des 1) lésions du col utérin, 2) des lésions mammaires et du cancer in situ.

J'en oublie ? 

La France a médicalisé la procréation, je n'ai pas dit sur médicalisé, depuis la préconception jusqu'au post partum long (en oubliant les points cruciaux), avec des résultats lamentables...


jeudi 20 février 2020

Cela va bien péter un jour.

Hôpital de Wuhan avant les malfaçons - AFP


Histoires avec paroles mais avec ou sans commentaires (lundi et mercredi derniers).


Une patiente de trente-deux ans, secrétaire administrative, a pris rendez-vous. Elle a réussi à en obtenir un en 48 heures grâce à un désistement de dernière minute. Le délai habituel, hors urgence, est d'environ une semaine.
" J'ai fait la grippe."
Elle me raconte son histoire qui ressemble autant à une grippe que moi à un dromadaire.
Madame A a donc "fait" un petit rhume. Et quand elle entre dans mon bureau, elle est "guérie".
"Pourquoi avoir maintenu votre rendez-vous ?
- Pour vérifier que je suis bien guérie.
- Hein ?"
Voici ce que je lui ai dit : "Madame A, quand on a eu un rhume on ne prend pas rendez-vous chez un médecin débordé, le fait que vous ayez guéri toute seule montre que les Kleenex sont le meilleur remède avec le paracétamol... et vous auriez pu gentiment annuler le rendez-vous, cela aurait certainement fait plaisir à un patient..."


Madame B, 93 ans, est tombée chez elle il y a quelques jours. Elle a été conduite aux urgences par les pompiers. Fracture du col du fémur. Hospitalisée. Sa fille m'appelle pour me dire qu'on lui a trouvé un cancer du poumon. Pourquoi lui a-t-on fait un scanner ? Cette patiente était insuffisante respiratoire (BPCO tabagique), hypertendue traitée, diabétique non id. Et vous savez quoi : on veut la traiter pour son cancer du poumon.


Le petit C, 27 jours, est allongé en body sur le lit d'examen. C'est l'examen du premier mois.
Interrogatoire (pas du petit, de la maman). Examen, mensurations, pesée... 
Rien à signaler.
Ah si : avant-hier une sage-femme est passée au domicile des parents pour peser l'enfant qui est né prématuré. Le poids est inscrit dans le carnet de santé. Rien d'autre.
Cette famille est une famille sans problèmes. Je les connais depuis environ 12 ans.
Dans une famille sans problèmes (sociaux) au coeur du Val Fourré où les problèmes sociaux pullulent, une sage-femme de la territoriale se déplace à domicile pour peser un enfant... qui a rendez-vous le surlendemain chez le médecin de famille.

Monsieur D, quarante-sept ans, accident de travail, rupture du sus-épineux droit chez un droitier, électricien de son état, opéré sous arthroscopie veut reprendre le travail parce qu'il s'ennuie chez lui. Comme il travaille dans la fonction publique et qu'il est en congé de longue maladie, il faut certes l'avis du médecin du travail (qui est d'accord), mais il faut passer devant un expert médecin de la fonction publique et demander l'avis de la commission départementale qui se réunit une fois par mois (la prochaine commission est déjà pleine de dossiers). Prolongation d'arrêt d'au moins un mois. Pour rien. Cela ne coûte rien à la CPAM puisqu'il s'agit d'un accident de travail géré par une assurance privée.


Visite à domicile chez Madame E, 87 ans, que j'ai fait hospitaliser pour une énième poussée d'insuffisance cardiaque que je n'arrivais pas à juguler (je remercie particulièrement FZ pour tout ce que j'ai appris sur la prise en charge de l'IC). Elle est sortie de l'hôpital il y a trois semaines où elle est restée 8 jours. Pas de courrier dans ma boîte. Pas de courrier donné à la patiente. Une ordonnance a été faite pour un mois. Cette ordonnance est strictement identique à celle que j'effectuais avant l'hospitalisation. Peu importe : la malade va mieux. Ce qui est ahurissant c'est l'absence de courrier. Je ne demandais pas un courrier de 20 pages... Et : autre chose : elle a trois nouveaux RV à l'hôpital et pas de prescription de bons de transport.


Monsieur F, 28 ans, appel téléphonique transmis par la plate-forme (désormais associée à Doctolib), veut, exige, un rendez-vous aujourd'hui, "Je crois que j'ai une gastro." Je lui explique ce qu'il doit faire sur le plan hygièno-diététique, la symptomatologie est légère, qu'il n'a pas besoin de prendre de médicaments, il me précise qu'il n'a pas besoin d'arrêt de travail, il prendra des RTT... J'ai évité un patient de plus.

Leitmotiv : "Pourquoi prenez-vous votre retraite ? Vous êtes encore jeune. Qu'est-ce que nous allons devenir ?" Puis, après explications : "Vous l'avez bien méritée..." Tout flatteur vit aux dépens...


J'explique pour la énième fois à plusieurs patient.e.s que, non, je n'aurai pas de successeur, que, oui, c'est à cause de mon bailleur qui refuse de changer l'intitulé du bail pour ne pas avoir à construire un double plan incliné devant le cabinet, que, oui, j'ai fini par obtenir la dérogation de la mairie pour l'accès aux handicapés après deux ans de procédure, que non, je ne peux pas conseiller de nouveau médecin car j'ai 1554 patients de plus de 16 ans dont je suis le médecin traitant et que mon seul souci sera de trouver un nouveau médecin traitant aux patientes que je vais voir à domicile, patientes âgées, polypathologiques, comme Madame E, parce que certains médecins ne font plus de visites à domiciles ou refusent d'en faire au Val Fourré... Mais, tout baigne, une maison de santé est en cours de construction à Mantes-La-Jolie. Hors Val Fourré. En centre-ville. Il faudra désormais prendre le bus pour aller chez le médecin. Ou sa voiture. Loi Inverse des Soins. Je rappelle également qu'en 1979 il y avait 4 centres de PMI intra muros au Val Fourré : aujourd'hui : 0.

Ad libitum.


mardi 30 avril 2019

Vaccination généralisée contre le papillomavirus humain : il est urgent d'attendre.


***

Des décisions de Santé publique engageant des millions de citoyens en bonne santé et ici des millions d'enfants et de jeunes gens filles et garçons en bonne santé pourraient se prendre sans que la preuve d'efficacité du critère principal (la diminution du nombre de cancers du col de l'utérus) ne soit démontrée et sans que le rapport bénéfices-risques du vaccin ne soit avérée.

Pour ce faire le complexe médico-industriel pilonne l'opinion. 

"L'appel des 50" que vous trouverez ICI participe à ce pilonnage marketing qui utilise tous les rouages de l'Etat et de la société civile pour avancer.

Rien n'est oublié.

Nous sommes au milieu d'un processus qui manie tous les concepts de l'idéologie moderne du tout médical : la médecine est capable, nous disent ses thuriféraires, de tout régler, de tout résoudre, de promettre un monde irréel sans douleurs physiques, sans cancer, sans souffrances morales, un monde où la prise de médicaments (sous forme de comprimés/gélules ou d'injections vaccinales ou non) résoudrait les problèmes sociaux, économiques, culturels et politiques.

Et pendant que les 50 "appellent", des instances gouvernementales expérimentent sur des populations entières. L'expérience (ICI) qui devrait être engagée en octobre 2019 dans un département d'outre-mer -- la Guyane-- sur les bases de déclarations d'intention qui font frémir tant le protocole est bancal, tant les pré-requis scientifiques sont minces, tant les objectifs à trois ans sont minables, je cite Clara de Bort, directrice de l'ARS de Guyane: "Nous espérons en tirer des enseignements pour lever les freins à la vaccination" (voir LA), tant les moyens mis en oeuvre sont ceux de la pression sur les familles avec vaccination en milieu scolaire. Or, le problème de la Guyane est celui de la pauvreté, du déficit d'informations en santé publique, de la faiblesse du tissu socio-médical, du taux élevé de grossesses précoces, et cetera.

Nous avons ici un exemple grandeur nature de l'autoritarisme administrativo-gouvernemental de l'Etat français en matière de santé publique : manque de données scientifiques, décisions prises à la va-vite, prises en otage de populations captives, utilisation des écoles (l'expérience malheureuse de la vaccination contre l'hépatite B n'a pas suffi), mise en avant de l'autorité expertale, déficit d'informations, participation forcée... et corruption (la lecture des sommes versées aux 50 est effarante).

Tout ceci, cet appel, ces expérimentations, ne sont que de la poudre aux yeux : les décisions de généralisation, voire de l'obligation de la vaccination anti papillomavirus étendue aux garçons, sont dans les tuyaux de la politique d'Agnès Buzyn qui se moque de la démocratie tout comme de la décision partagée.

***
C'est pourquoi nous proposons un certain nombre d'éléments afin que chacun puisse se faire une idée des enjeux et des faits. Il s'agit d'une démarche scientifique et d'une réflexion sociétale, pas d'un texte anti vaccin.

Voici la liste des signataires.

Jean-Baptiste Blanc, Rémy Boussageon, Philippe De Chazournes, Sylvie
Erpeldinger, Sylvain Fèvre, Marie Flori, Marc Gourmelon, Jean-Claude Grange,
Christian Lehmann, Claudina Michal-Teitelbaum, Joël Pélerin, Armel Sevestre,
Bertrand Stalnikiewicz, Amine Umlil, Martin Winckler

Bien entendu, cela va sans dire, et cela va mieux en le disant, conformément à l'article L. 1451-1 du code de la santé publique, les signataires ont déclaré ne pas recevoir la visite médicale et n'avoir aucun lien d'intérêts en ce qui concerne les vaccins anti HPV ou avec toute entreprise du domaine de la santé.






  Bonne lecture, bonne réflexion, bons commentaires.

Un article paru dans la presse grand public et qui traite du sujet. Paris-Match.




dimanche 10 juin 2018

La médecine m'inquiète : microf(r)ictions (92)


L'affaire du Nutriscore refusé par la représentation nationale est emblématique du peu de cas que l'on fait de la santé publique non médicale en France et du peu de cas que les médecins font de ce qui n'est pas strictement médical en santé publique ou, plus précisément, de leur ignorance corporatiste.
La santé publique est bafouée.
Les industriels de la bouffe savent qu'ils vendent de la merdre et, donc, ne veulent pas que l'innocent Nutriscore soit apposé sur leurs produits.
Bien pire : les chaînes de télévision sont montées au créneau en arguant que la baisse de la publicité sur ces produits serait catastrophique pour l'équilibre des comptes.
Quant aux concepteurs de programmes pour enfants ils ont aussi affirmé que la suppression de la publicité pour la nourriture de merdre mettrait en péril leurs activités.
Un courrier de Braillon, Julia et Hercberg dans le BMJ (ICI), concernant l'obésité des enfants, résume bien ce qui se passe en France. La dernière phrase : "French MPs appear more sensitive to the health of media groups than of their citizens. Pity..." Les députés français apparaissent plus sensibles à la santé des groupes de médias qu'à celle de leurs citoyens.

Aurait-on entendu protester notre ministre Agnès Buzyn ? Ou des sociétés savantes médicales ? Ou des syndicats médicaux ?

On attend.

dimanche 29 avril 2018

La mortalité infantile à Mantes-La-Jolie.


Petit retour sur les fondamentaux de la santé publique à l'occasion de la parution du rapport Borloo sur les quartiers prioritaires et les politiques de la ville. Quel rapport, me direz-vous ? Parce que ce rapport, s'il dresse 19 programmes d'amélioration, ne parle de la santé que du bout des lèvres. Je ne l'ai pas lu encore car, à l'heure où j'écris ces lignes, il n'est pas en ligne. Je dispose de commentaires journalistiques mais sans lien. L'article le plus documenté et sourcé est celui que j'ai lu dans le journal Le Monde : ICI.

Je cite : "SANTÉ 
Pour assurer le droit à la santé, il propose la création de 200 maisons de santé supplémentaires, comme le développement des consultations de télémédecine. "
C'est un peu court, jeune homme.

Il est admis par les épidémiologistes que les indicateurs comme la mortalité infantile, la mortalité en couche, l'espérance de vie à la naissance et l'espérance de vie à 20 ans sont des critères solides pour différencier les pays qui ont connu la transition épidémiologique (voir la figure ci-dessous pour la transition épidémiologique en France).



Je vais vous parler d'un seul point : la mortalité infantile dans les quartiers prioritaires comme symbole des difficultés rencontrées et pour laquelle on dispose de chiffres plus fiables et de facteurs de risques plus identifiés.



Nous ne discuterons pas ici de la courbe et de ce qui revient à la médecine et à la non médecine (les services sociaux, les conduites individuelles, l'environnement de la santé publique).

La mortalité infantile (rapport entre le nombre d'enfants morts avant un an sur le nombre de naissance d'enfants vivants) en France métropolitaine est de 3,3 pour 1000 naissances (j'ai consulté diverses sources qui citent des chiffres différents, allant de 3 à 3,6 selon les années, selon que l'on intègre ou non les territoires d'Outre-mer mais sans Mayotte).

Quelle est la mortalité infantile à Mantes-La-Jolie (les mauvaises langues diront que ces mauvais résultats sont liés au fait que j'y travaille, que je suis abonné à la Revue Prescrire et que je ne dis pas amen à toutes les recommandations farfelues émanant des agences gouvernementales...) ?

Elle est de 3,2 dans les Yvelines et j'ai eu connaissance d'un chiffre plus élevé dans le Mantois (source introuvable).

Les chiffres de la Seine Saint Denis sont de 4,8 selon l'INSEE (voir le rapport de l'INSERM sur l'analyse des causes : ICI). Pour mémoire, les chiffres de Mayotte sont de 16.

J'ajoute pour ceux qui considèrent, encore, que la santé publique à la française est la meilleure du monde que la France est classée trente-huitième dans le monde sans Mayotte (ICI). Ce qui n'est pas fameux. Dans d'autres classements elle est en vingtième position, ce qui est un peu mieux : ICI.

Exerçant depuis 38 ans dans un "quartier", je ne vous parlerai que de mon expérience interne.

Quelles sont les solutions pour que les chiffres de Mantes-La-Jolie régressent à la moyenne ?

Les politiques de la ville ont proposé de nombreux facteurs explicatifs (largement analysés par les sociologues, philosophes, psychiatres et ethno-psychiatres de toutes obédiences) pour apporter des solutions : 1) l'explication culturaliste : les comportements humains, ici la grossesse et l'accouchement, seraient plus conditionnés par les cultures d'origine que par les conditionnements sociaux ; 2) l'explication socio-économique post marxiste : la pauvreté et l'exploitation capitaliste de certains sous-groupes populationnels expliqueraient les différences observées dans la société française sur les indices épidémiologiques ; 3) l'explication ethno-raciale qui constaterait à la fois  l'effet ghetto des "quartiers" et qui en tirerait des conséquences (assignation des personnes à des rôles sociétaux).

De nombreux pièges sont à éviter, me semble-t-il. Il est illusoire de croire (et la santé n'est pas le seul domaine) que l'on pourra résoudre tout de Mantes-La-Jolie, quels que soient l'argent investi et les ressources humaines mobilisées. Il existe un système social et il y aura toujours une population pauvre et marginalisée. Les discriminations, on l'a vu, sont multiples.

Je vais vous donner un exemple concret : la PMI de Mantes-La-Jolie a déménagé pour des raisons que j'ai oubliées alors que les femmes et leurs enfants pouvaient s'y rendre à pied et ils et elles doivent désormais prendre le bus pour aller en centre ville. Ce n'est pas une bonne mesure de santé publique.

Un deuxième exemple : il est pratiquement impossible pour un médecin homme de réaliser des suivis de grossesse en libéral au Val Fourré.

J'ouvre la réflexion. Il faudrait également prendre en compte l'espérance de vie à la naissance, l'espérance de vie à 20, 30 ou 40 ans ainsi que la morbidité (troubles de la gluco-régulation, hypertension artérielle, infarctus du myocarde...). Les difficultés scolaires dans les quartiers sont aussi liées aux 3 points que nous avons indiqués plus hauts et sont intriquées avec les difficultés médico-sociales.

Je pourrais également parler de mondialisation et de migration.

A Mantes-La-Jolie ou plutôt au Val Fourré les migrants de la première, de la deuxième, de la troisième génération sont volontiers d'origine marocaine, algérienne, sénégalaise, turque, malienne, mauritanienne, et cetera. Citer toutes les origines ethno-culturelles et les langues maternelles des parents/grands-parents/arrière grands-parents atteindrait la centaine.

Je vais vous donner les chiffres de mortalité infantile dans ces différents pays (voir LA pour tous les pays).
Algérie : 17
Mali : 80
Maroc : 27
Mauritanie : 65
Sénégal : 45
Tunisie : 14
Turquie : 12

Impressionnant, non ?

(Image : le groupe de rap Expression Direkt qui fut emblématique du Val Fourré et qui me marqua personnellement)

lundi 16 avril 2018

La médecine générale a été placée en soins palliatifs à domicile mais personne n'a encore dit la vérité au malade.



Je rappelle cette phrase de Jean-Pierre Dupuy (In : Petite métaphysique des tsunamis, Paris, Seuil, 2005) : Le prophète de malheur n'est pas entendu parce que sa parole, même si elle apporte un savoir ou une information, n'entre pas dans le système des croyances de ceux à qui elle s'adresse.

Nous le disons depuis des années et, désormais, il n'y a plus de doute : la médecine générale est en train de mourir et la maladie qui l'emporte n'a pas de traitement connu.

Quand nous écoutions Xavier Tarpin en 2008 (et il parlait depuis longtemps dans le désert), le visionnage récent de cette video ICI fait désormais froid dans le dos, nous nous disions que cette catastrophe démographique annoncée pourrait quand même ne pas se produire et maintenant que la catastrophe est là nous comprenons combien il était impossible de faire quelque chose.

La médecine générale est désormais entrée en douce en soins palliatifs à domicile.

Il y a pourtant des gens qui pensent qu'elle n'est presque pas malade.
D'autres pensent au contraire que son avenir est derrière elle  et qu'elle disparaîtra parce qu'elle n'a pas su s'adapter.
Certains pensent qu'elle souffre d'une maladie chronique pour la quelle un traitement miracle (-izimab) va lui permettre de sortir de son lit et de reprendre son travail.
Certains pensent que sa place est plutôt en réanimation où l'on pourra la maintenir indéfiniment sous machine pendant des années malgré la défaillance polyviscérale mais en laissant un espoir à la famille : le coma artificiel est l'avenir de la médecine générale.
D'autres sont persuadés qu'elle ne pourra jamais disparaître.

La médecine générale est entrée dans la phase des "soins palliatifs" il ne reste donc plus qu'à gérer la douleur et à assurer la fin de vie.
Personne n'ose non plus pousser la seringue pour achever le malade mais beaucoup commettent des erreurs médicales qui pourraient accélérer le décès.
Les opportunistes pensent qu'ils vont pouvoir obtenir un morceau de l'héritage.

Le vrai problème est celui-ci : ni le malade (les médecins généralistes), ni la famille (les patients), n'ont été mis au courant.

Quelque chose a raté lors de la Consultation d'annonce.

Mais y a-t-il même eu une Consultation d'annonce ?

Les "médecins de la médecine générale" sont à son chevet depuis plus de 20 ans.

Ces "médecins" sont un corps disparate et tirent à hue et à dia. Ce ne sont pas des médecins, ce sont des nettoyeurs.

Nous ne disons pas cela à la légère. Nous n'entrerons pas dans des considérations idéologiques et/ou politiques, il suffit de regarder les chiffres. Il suffit de considérer quel argent a été injecté dans les soins de ville. Une misère.

Ces médecins nettoyeurs mentent : ils se mentent à eux-mêmes, ils mentent à leurs électeurs, ils mentent à la nation, ils mentent aux malades auxquels ils ont appliqué des traitements non éprouvés, voire pire, des traitements obsolètes et dangereux.

Qui sont-ils, ces "médecins" qui font semblant de croire encore à la médecine curative, qui n'ont rien compris à la chronicité et à l'imminence de la mort, qui pensent que les méthodes cosmétiques peuvent remplacer les soins de support ?

Il y a d'abord les non médecins : les politiciens, les sociologues, les démographes, les philosophes, les énarques, les polytechniciens, les ministres de la santé, les marchands de médicaments, les marchands de prothèses médicales, les marchands de mutuelles, les marchands en général (logiciels, objets connectés, ...), les dirigeants de l'assurance maladie, les directeurs d'hôpital... J'appelle cela le complexe santéo-industriel par référence au complexe militaro-industriel. Il y a bien entendu les chefs, les complices, les exécutants et les collaborateurs.

Mais il y a aussi les simples médecins non généralistes et les médecins généralistes eux-mêmes.

Les médecins non généralistes se sont toujours servis de la médecine générale comme d'une soupape de sûreté et l'ont utilisée comme bouc-émissaire.

Soupape de sûreté sociale.

Les médecins généralistes sont en première ligne pour entendre les plaintes des patients, leurs souffrances, leurs demandes, leurs résignations, leurs envies de faire grève de la société. Il sont là aussi pour remettre les travailleurs au travail, un travail, enfin, un salariat, qui serait neutre, c'est à dire que les textes de la sécurité sociale ne font pas de différences entre un cadre dirigeant et un maçon (peut-il reprendre n'importe quel travail ?), même si, l'indécence a des limites, les durées d'arrêt de travail proposées par l'Assurance maladie pour des lombalgies sont différentes selon que le travail est pénible ou non... Il y a donc la loi et il y a les flics contrôleurs (dont des médecins) qui contrôlent que le contrôle social est bien fait. (Je reviendrai sur ce sujet dans un billet mais j'ai lu des propos "pleins de bon sens" d'un médecin conseil sur twitter qui s'indignait que des médecins généralistes puissent prescrire des arrêts de travail à des patients souffrant à cause d'une mauvaise organisation du travail dans l'entreprise due à des patrons indélicats ; il disait : "Ce n'est pas à l'Assurance maladie de payer !" Mais, cher confrère, je n'en ai rien à cirer des causes sociales de la souffrance de mon patient, j'ai un malade qui souffre et qui s'adresse à moi pour que je le soulage, je l'arrête donc puisqu'un retour au travail signifierait une aggravation de son état. Faudrait-il que j'attende que les patrons deviennent parfaits ou que l'inspection du travail sévisse ou que les médecins du travail interviennent ?

La médecine générale comme bouc-émissaire.

Toutes les réformes des études médicales ont oublié que des médecins pouvaient ne pas être des spécialistes hospitaliers et/ou libéraux. (L'apparition des départements de médecine générale dans les facultés de médecine a été une ouverture notable mais il s'agissait d'un protocole de troisième ligne, un protocole compassionnel pour ne pas baisser les bras).

La médecine générale, au delà des mots (Kundera : avalanche de sentiments et sécheresse du coeur) paternalistes (le plus beau métier du monde) et condescendants (je n'aimerais pas faire le métier qu'ils font), est la basse-fosse de la médecine, c'est l'endroit où l'on ramasse les poubelles de la santé publique (1), où l'on nettoie les chiottes de la société, où l'on n'a droit qu'à des reproches et à des critiques.

La Ministre de la santé veut réorganiser la médecine libérale en ne l'ayant jamais pratiquée et surtout comprise. Si les hôpitaux sont en déficit, c'est à cause des médecins généralistes, si les urgences sont engorgées, c'est toujours à cause d'eux. Les universitaires ayant raté l'organisation hospitalière veulent réformer ce qu'ils ne pratiquent pas.

Au delà d'un banal ostracisme à l'égard de la médecine générale, il existe un racisme fort à l'égard des médecins généralistes. Ce sont les sous-doués de la médecine, ce sont ceux qui ont échoué aux concours, ce sont ceux qui ne se sont pas bien classés à l'Examen classant national (désolé, il y a des exceptions mais ces exceptions, non seulement confirment la règle mais enfoncent encore plus ceux qui ont choisi ce métier. Il existe aussi une forme de racisme subtil : non seulement les médecins généralistes sont une race inférieure dans le groupe des médecins mais, en plus, tout le monde leur assigne des rôles. Les personnes qui ne l'ont jamais exercée savent ce qui est bon pour elle : "Y a bon banania" pour la médecine générale.

Assignation des rôles.

Et plus on leur assigne des rôles, prévenir, dépister, surtout les rares maladies, lutter contre les aberrations de la santé publique, le tout sucre sur les écrans, le tout sucre dans les boutiques, le tout gras dans les restaurants de junk food, et plus leur nombre diminue. Nous sommes en plein dans la fable des rameurs de Dominique Dupagne : plus on a besoin de personnel et moins on a de gens opérationnels. Plus le nombre des travailleurs effectifs est faible et plus on leur demande de choses à faire et plus on les accusera de ne pas les avoir faites.

Et nous en revenons au racisme social : les nouveaux médecins généralistes sont des feignants, ils refusent de travailler dur, ils refusent de travailler longtemps, ils refusent de prendre des gardes. Et à la misogynie pure : si la médecine ne fonctionne pas c'est parce que la profession s'est féminisée : non seulement les jeunes femmes sont des feignantes mais elles voudraient aussi s'occuper de leur famille !

On leur créée des maisons de santé pluridisciplinaire et ils ne veulent pas y aller. Quels ingrats. Et nous qui leur payons leurs études.

Toute nouvelle mesure ira désormais à l'encontre du confort de vie de la médecine générale en soins palliatifs.

C'était ma conclusion définitive.



Notes.
(1) Pour ceux qui ne connaissent pas la différence entre santé publique et médecine il n'y a plus qu'à tirer l'échelle...


jeudi 4 janvier 2018

Bonne année 2018 et bilan 2017.



Voici ce que l'on aurait pu retenir de l'année 2017 :

  1. Il n'est plus possible de nier l'effarant sur diagnostic du cancer du sein et ses conséquences désastreuses, le sur traitement des femmes (chirurgie, radiothérapie, chimiothérapie), et le chiffre de 50 % rapporté par une récente étude néerlandaise (voir LA), pour abasourdissant qu'il soit, confirme ce qu'a toujours affirmé (à partir de données solides) Peter Goetzsche de la Nordic Cochrane (LA, par exemple). Il est urgent de reconsidérer le dépistage organisé du cancer du sein chez les femmes de 50 à 74 ans. Comme site spécialisé le site Cancer Rose est une référence en français, voir ICI.
  2. Agnès Buzyn est définitivement la représentante de ce que j'appelle le complexe santeo-industriel et la propagatrice de ce que Marc Girard nomme, à la suite encore de Peter Goetzsche (Gøetzche Peter. 2013, Deadly Medicines and Organised Crime: How Big Pharma has Corrupted Healthcare. Radcliffe.), la criminalité médico-pharmaceutique. Toutes les actions de la ministre sont en outre marquées par le sceau du mandarinat arrogant et sans réplique et de l'entre soi parigo-parisien de l'AP-HP et du septième arrondissement réunis. Elle défend l'hôpital contre les soins premiers, elle soutient l'industrie pharmaceutique avec une indécence inouïe (allant jusqu'à refuser le déremboursement de médicaments inefficaces et dangereux comme les pseudo anti Alzheimer), elle est au centre de la calamiteuse décision de la onze-vaccination obligatoire des nourrissons en utilisant des arguments fallacieux et en travestissant une conférence dite citoyenne, elle nie les effets indésirables du dépistage organisé du cancer du sein (voir le point 1.), elle nomme des copains et des coquins aux postes de responsabilité, elle valorise les liens et conflits d'intérêts. Ce qu'elle entreprend est pire que ce que nous avions anticipé (ICI). Mais nous aurons l'occasion d'y revenir.
  3. La dérive de l'oncologie, telle que ses pratiques sont organisées à partir des autorisations de mise sur le marché de produits anti cancéreux aux Etats-Unis d'Amérique, prend une tournure mafieuse : des produits qui n'améliorent pas l'espérance de vie (ou de 3 mois en moyenne) sont commercialisés à des prix étourdissants sur des critères de substitution dont le plus fameux est le Progression Free Survival à la base d'essais cliniques de non infériorité ou d'essais pratiqués dans des pays en développement avec un bras placebo indigne ; des produits autorisés sans essais contrôlés, des produits autorisés sur la base de bio marqueurs et non sur l'histologie... Ainsi des oncologues peuvent-ils prescrire des médicaments inefficaces en promettant de l'espoir (on peut se demander si les oncologues sont encore des soignants) et en entraînant des souffrances atroces et des effets indésirables indignes, sans demander l'avis des patients. (Progression Free Survival : c'est une nouvelle notion, mais surtout un nouveau critère d'essai clinique, qui signifie que le patient a survécu et que la tumeur n'a pas progressé -- la progression étant définie par une augmentation de 20 % de la taille de la tumeur mesurée au scanner : il y a PFS si le patient est vivant avec une augmentation de 19 % ou une réduction de 16 % ! Le problème vient de ce que le PFS ne prédit pas une augmentation globale de survie.)
  4. L'affaire Levothyrox est une métaphore fantastique sur l'état de délabrement des esprits de ceux qui pratiquent le système de santé français : les experts pharmacologues qui n'ont jamais vu un malade, les experts cliniciens qui n'ont jamais écouté un malade, les agences gouvernementales qui savent a priori ce qu'est un malade et comment il ne va pas réagir (ou réagir), les cliniciens qui prennent ce qu'ils ne comprennent pas pour de la khonnerie émanant d'un malade a priori "chiant" ou dérangé, les TSHologues qui cultivent la politique des critères de substitution (si la TSH est bonne, la patiente n'a qu'à fermer sa goule, c'est qui le chef ?) comme les psychiatres qui jugeraient de l'état d'un.e patient.e sur un simple taux de sérotonine, les journalistes qui chassent le scoop, les associations de patient.e.s qui se tirent dans les pattes et qui n'ont donc pas, par la grâce empoisonnée d'être malade, la vérité révélée, les politiques qui n'écoutent que le bruissement des sondages, les pharmacie.nnes qui donnent des leçons de médecine derrière leurs comptoirs protégés pour ne pas lever le secret médical, les docteur.e.s qui n'arrivaient rien compris à la bio-équivalence ou qui, après avoir compris ou fait semblant de comprendre, ne comprennent toujours pas que c'est une notion bidon, les autres médecin.e.s qui parlent de marge thérapeutique étroite alors qu'il s'agit sans doute d'une maladie à fluctuation évolutive large ou, mieux, d'une maladie pour laquelle la zone de corrélation clinico-hormonale normale est très imprécise (et qui ne s'en étaient pas formalisés avant), les commentateur.e.s qui ne se sont pas rendu compte qu'il y avait à la fois un sur diagnostic, un sur traitement, et une réponse différente au traitement selon que les patient.e.s n'en avaient pas besoin, souffraient d'un cancer de la thyroïde opéré, irradié ou non, d'un Basedow après traitement éradicateur ou d'une thyroïdectomie (ou d'une hémithyroïdectomie) pratique pour des raisons bizarres ou imprévues ou inconnues, mais surtout :  il y avait des praticien.nes qui ignoraient ce qu'était l'effet nocebo ou un nocebo (ce n'est pas pareil) et qui en profitent désormais pour acculer les patient.e.s dans les cordes à cause de ce phénomène universel tout comme les patient.e.s expert.e.s refusent qu'on en parle pour ne pas se faire traiter de crétin.e.s parce que certain.e.s malades pourraient être accusé.e.s d'y avoir succombé et que cela ruinerait leurs théories sur les excipients cliniquement actifs ou sur le dogme de la corrélation TSHémie/humeur... Enfin, l'affaire Levothyrox, mais il faudrait développer, espérons que nous aurons l'année 2018 pour développer, enfonce le clou de la catastrophique aventure des génériques pour les patients, les pharmaciens et les médecins (l'écriture inclusive vient d'en prendre un coup).
  5. La santé publique est entrée définitivement dans le monde de la grande distribution. On ne pourra plus revenir en arrière. Les lobbys industriels et politiques verrouillent la question. Ils placent leurs pions aux postes clés de l'Etat et surtout dans les agences gouvernementales (avec la bonne vieille pratique du pantouflage : ICI). Ils arrosent. Ils organisent les hôpitaux (et les cliniques) comme des entreprises, imposant un manageriat industriel, une culture du rendement, une politique des indices, à base de flux tendu, de reporting, de sous-effectifs, de salaires de misère pour les "apprentis" (i.e. les internes), d'utilisation de travailleurs étrangers pour boucher les trous (et y compris les médecins)... Ils organisent l'industrialisation des cliniques appelées désormais hôpitaux privés et contrôlées par de grands groupes financiers. Ils favorisent la multiplication des examens complémentaires qui conduisent au sur diagnostic, au sur traitement, à l'incidentalome, en implantant des scanners, des IRM, des pet-scans... Ils organisent les conférences de consensus à l'origine de recommandations (guide-lines) toujours autant prescriptrices et dévoreuses de ressources. Ils financent les associations de patients pour pouvoir disposer d'un levier sentimental sur les pouvoirs publics. Ils détruisent consciencieusement la médecine libérale et la médecine générale en particulier, ce qui aura d'incalculables conséquences sur la santé publique... Le regroupement des médecins dans des maisons de santé situées en périphérie rappelle tant ce qu'est devenu le commerce mondialisé...  Les lobbys favorisent les mutuelles qui, initialement solidaires deviennent assurancielles, et cela va entraîner la faillite complète du système et/ou l'impossibilité pour certains types de populations de se faire pratiquer des examens inutiles et coûteux. Je m'arrête là pour ne pas lasser l'auditoire.
  6. L'arrogance de la médecine, celle qui pouvait prétendre contre toute raison (et notamment contre les travaux des épidémiologistes non à la botte des autorités académiques), que nous vivions dans les pays "développés" un âge d'or de la santé publique grâce aux progrès de la médecine, en prend un coup : l'espérance de vie à la naissance est en train de stagner, voire de reculer (aux Etats-Unis d'Amérique depuis deux ans consécutifs : " “And the key driver of that is the increase in drug overdose mortality.”") dans certains sous-groupes populationnels ; quant à l'espérance de vie en bonne santé, son déclin est amorcé dans tous les pays développés. Cette arrogance de la médecine est un phénomène bien connu des marketeurs, cela s'appelle la sur promesse. Et cette sur promesse va conduire au point suivant : puisque les médecins ne peuvent ou ne veulent assumer les désirs de la société (immortalité, indolence, scanners à répétition) les non médecins, les gestionnaires, les apprentis sorciers, les citoyens vont dire aux médecins ce qu'il doivent faire, "j'ai envie de", et, à la fois se tourner vers des techniques ou des traitements non éprouvés ou insuffisamment évalués, tester la médecine non officielle, et cetera. Pour assouvir ses désirs.
  7. Une médecine sans médecins. Le rêve grandiose du complexe santeo-industriel est de pouvoir à terme se passer des médecins en tant que décisionnaires. Les financiers auront toujours besoin de médecins conseillers des princes et des industriels pour donner des idées, pour borner les discours, pour fournir des éléments de langage, pour endormir les consommateurs, pour publier des articles allant dans le sens des politiques pré définies par les accumulateurs de profits. Nous ne nions pas que les médecins aient creusé leur tombe tout seuls et qu'ils continuent de se tirer des balles dans le pied en embrassant l'intelligence artificielle, les robots opérateurs, la onze-vaccination obligatoire, la gestion des maisons médicales de soins par les mairies, les préfets ou l'ARS  ou la télé médecine, nous n'ignorons pas que la gestion des hôpitaux et des cliniques par les médecins n'était pas irréprochable (mais c'était la médecine alapapa) mais nous sommes certains que la gestion de ces mêmes hôpitaux et cliniques par les gestionnaires (qui, auparavant, travaillaient dans les yaourts ou dans l'industrie automobile) est calamiteuse.
  8. L'inintérêt de certaines pratiques médicales et de standards de soin largement pratiqués (non démonstration de leur efficacité voire démonstration de leur nuisance) a été montrée par Cifu et Prasad (Ending medical reversal, 2005, pp 83-87)  dans 46 % des cas à partir  d'essais cliniques contrôlés publiés. Et quand le faisceau de preuves est suffisant pour les invalider, rien ne change : voir point 1.) mais aussi : LA. Il est grand temps a) de ne pas généraliser des pratiques sans qu'elles aient été démontrées IRL ; b) de remettre en cause  celles qui ont fait la preuve de leur inefficacité et/ou de leurs nuisances.
  9. Les associations de patients sont une autre face du consumérisme de la santé publique. Donner la parole publique aux patients est indispensable quand on sait avec quel mépris condescendant on les a laissés pendant des décennies. On ne les informait pas par ignorance et on a continué à ne pas les informer par arrogance. Mais il s'avère, au delà des polémiques sur les associations de patients et leur financement, au delà des controverses sur la parole médiatisée des patients (cf. point 4) et leur utilisation compassionnelle ou non, qu'il n'est pas possible de ne pas écouter et comprendre. Les soignants devraient réfléchir à cette situation : quand ils deviennent malades, quand ils souffrent d'une maladie qu'ils connaissent pour l'avoir traitée chez des patients, leur regard change, ils se rendent compte de faits, de détails, de sensations qu'ils ne pouvaient qu'ignorer, et ils regardent les patients avec un autre regard. Et ils changent leur pratique sauf si leur pratique est uniquement fondée sur des intérêts pécuniaires.
  10. Le pouvoir inégalé de l'Eglise de Dépistologie. Cette Eglise a un pouvoir considérable de nuisance dans la société. Son credo bienveillant, s'attaquer à la maladie avant qu'elle n'apparaisse (et il arrive que l'Eglise de Dépistologie ne soit pas d'accord avec l'Eglise de Préventologie) s'accompagne de pratiques non bienfaisantes, voire franchement malfaisantes. Rappelons notre athéisme dépistologique militant : un test de dépistage en cancérologie doit atteindre 3 objectifs : 1) il doit détecter des cancers précocément ; 2) il doit diminuer la mortalité liée au cancer qu'il recherche ; 3) il doit améliorer la survie globale c'est à dire diminuer la mortalité quelle qu'en soit la cause. Sinon... il faut l'abandonner. Je rappelle qu'à ce jour aucun test de dépistage de cancer n'a atteint les 3 objectifs.

 Gardons courage.

Bonne année 2018.


jeudi 31 août 2017

Comment instrumentaliser la communication. A propos de la rougeole.

Crédit Paris-Match

Ce blog a suffisamment évoqué la question vaccinale, et notamment grâce aux articles de CMT, pour que le lecteur éclairé, le lecteur moyen ou le lecteur pressé, ne pensent pas que je puisse être considéré comme un anti vax. Ma pratique est d'ailleurs là pour le démontrer : je vaccine. Mais, pardon pour cette incise, je réfléchis aussi.

Dernière minute : on apprend dans un entretien (voir LA) qu'Agnès Buzyn (voir ICI) impose la vaccination obligatoire pour 11 vaccins au premier janvier 2018. 

Les vaccinolâtres s'inscrivent bien malgré eux dans un double contexte : celui du scientisme (il arrivera bien un jour, prétendent-ils, où le corps humain sera si connu que l'on pourra le soigner comme on soigne une machine défectueuse) et celui de l'idéologie de la médecine en tant que seul facteur de progrès de l'humanité.

Les vaccinolâtres ignorent, ou feignent d'ignorer (car tous les vaccinolâtres ne sont pas des ignorants, il y en a même qui sont de mauvaise foi), que la santé publique (et son amélioration), ne dépendent pas seulement de la médecine stricto sensu. La médecine, notamment depuis la fin de la deuxième guerre mondiale (et avant tout dans les pays développés), a permis de formidables avancées en termes de mortalité infantile et d'espérance de vie à la naissance, (malheureusement l'espérance de vie en bonne santé est en stagnation et l'espérance de vie globale est en régression dans certains sous-groupes populationnels) mais ces avancées n'ont été possibles qu'en raison du développement de l'hygiène publique, des services sociaux et des efforts individuels des citoyens.

Les vaccinolâtres professionnels ont diffusé largement (et les vaccinolâtres amateurs se sont engoufrés dans la brèche pour en rajouter) une figure qui semble, pour ce qui est de la rougeole, mettre fin à toute forme de procès. Il s'agit du nombre de cas rapportés. Pas de décès.


Il existe par ailleurs des chiffres sur les autres maladies : ICI.
Pour disposer de données solides sur la rougeole, vous pouvez lire CMT ICI ou LA, par exemple.

Réfléchissons à plusieurs choses : 
  1. Ce sont des chiffres américains. Rappelons ici que les Etats-unis d'Amérique on des chiffres de mortalité infantile et d'espérance de vie catastrophiques par rapport à ceux des autres pays développés pour un coût colossal et des inégalités criantes.
  2. La courbe commence en 1945. 
  3. L'introduction de la vaccination se situe en 1963 et les chiffres baissent vraiment très peu de temps après.
  4. Cette figure ne tient compte ni des progrés de l'hygiène, ni des progrès de la médecine, ni des programmes sociaux, ni des effets indésirables.

Voici une courbe (les sources sont les mêmes) qui parle de mortalité de la rougeole, toujours aux Etats-Unis d'Amérique).



Cette perspective historique me semble éclairante. D'une part, elle relativise le rôle de la vaccination sur la mortalité de la rougeole, d'autre part, elle souligne l'importance des mesures non médicales sur la mortalité due à la rougeole.

Ainsi, si l'on voulait conclure sur la rougeole dans les pays développés, on pourrait dire que la vaccination contre la rougeole a fini le boulot des progrès de la santé publique en général. Sans plus.

Rappelons qu'en France, selon les chiffres officiels (et compte non tenu des complications non mortelles) la rougeole a été responsable de dix décès en dix ans. Et pas seulement d'enfants. Il est à remarquer, mais on me dira que c'est hors sujet, que 112 enfants de moins de 15 ans sont morts en France dans un accident de la voie publique (LA)...

Dans les pays non développés (on ne sait plus quel est le terme politiquement correct) le tout à l'égout semble au moins aussi important que la vaccination.

Je terminerai par des données que j'ai déjà fournies dans un billet ancien comparant les incidences aux Etats-Unis d'Amérique de 2 maladies, l'une liée à une maladie où un vaccin existe (l'hépatite B) et l'autre liée à une maladie où il n'y a pas de vaccin (hépatite C).



Conclusion : la santé publique est une matière complexe.
Je vous conseille d'écouter Madame Big Pharma Buzyn dans l'entretien que je vous ai cité plus haut. Elle reprend des arguments éculés et faux. C'est d'une tristesse infinie.

dimanche 18 juin 2017

Madame Agnès Buzyn et les vaccins : deux poids, deux mesures. De qui se moque-t-elle ?

Balthus (1908-2001). Jeune fille à la chemise blanche. 1955


Dans une déclaration au journal Le Parisien (ICI) Madame Agnès Buzyn trouve inacceptable que la rougeole ait tué 10 enfants depuis 2008 en France.

Qui peut penser que cela serait acceptable ? A part la société philanthropique des morbillivirus, association de défense des minorités et au nom de l'intersectionnalité.

Elle ajoute même "On a le même problème avec la méningite. Il n'est pas supportable qu'un ado de 15 ans puisse en mourir parce qu'il n'est pas vacciné" en ne disant pas que le vaccin en question ne protège pas contre toutes les méningites dont meurent majoritairement les adolescents.

Bon. Et elle en profite pour parler d'un problème de Santé publique qui justifie selon elle l'obligation vaccinale. Ne polémiquons pas sur le fait qu'il est peu certain que la vaccination obligatoire permette qu'aucun enfant ne meure de la rougeole.

Pardonnons lui de ne pas être une spécialiste en vaccinologie et qu'elle soit influencée par des experts qui, selon elle, ne peuvent être bons que s'ils sont payés par l'industrie pharmaceutique. 

Mais Madame Agnès Buzyn, hémato-oncologue, voir ICI ma notice biographique prémonitoire, dont voici un court résumé biographique (source wikipedia) "À partir de 2008, elle occupe des postes importants au sein d'institutions publiques liées à la santé et au nucléaire : présidente du conseil d'administration de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (2008-2013), membre du Comité de l'énergie atomique du Commissariat à l'énergie atomique (2009-2015), membre du conseil d'administration (2009), vice-présidente (2010) puis présidente de l'Institut national du cancer (depuis 2011), présidente du collège de la Haute Autorité de santé (depuis 2016)." qui montre combien la médecine académique s'attribue dans un mouvement endogame centripète les meilleurs postes (on rappelle que son mari est directeur de l'INSERM) ne s'est jamais occupé ou n'a jamais considéré dans des déclarations publiques que des milliers d'amputations de seins de femmes étaient injustifiées.

Vous pourrez consulter sur ce blog comme sur celui de JB Blanc, de Sylvain Fèvre, de Marc Girard, ou du Formindep par exemple, tous les billets que nous avons consacrés à ce sujet montrant combien le sur diagnostic et le sur traitement des cancers du sein ou prétendus tels est un vrai problème de Santé publique.

Madame Agnès Buzyn ne dit mot.

Pourtant, elle a initié la concertation citoyenne (ce mot est horriblement sans sens commun) sur la cancer du sein dont les conclusions ont été défigurées et contestées. Voir l'article de JP Rivière : LA

Un article récent, danois, mené sur 30 ans, est particulièrement préoccupant : il montre que chez les femmes éligibles au dépistage organisé le sur diagnostic est de 24,8 % (une sur quatre !, hein, pas 8 femmes depuis 2008 !) et chez les femmes plus jeunes de 48,3 % Vous avez lu ? Voir LA.

Il ne s'agit pas d'une entreprise de diversion. 

Si je parle du sein ce n'est pas pour ne pas parler de la rougeole.

Pour la rougeole et le reste, je rappelle la série de billets de CMT : LA.

Si je parle de cela c'est pour dire que notre Ministre ne place pas les priorités au bon endroit.

Mais elle est aidée en cela par tous les bons apôtres de la vaccinolatrie qui font une grande économie de leur cerveau en répétant partout les argumentaires (alias les éléments de langage) colportés par l'industrie vaccinale et ses obligés corrompus.

Répondre à ces corrompus a déjà été fait par CMT.

Mais aucune de ces personnes ne sait lire.

Voici un florilège.


Le Conseil de l'Ordre des médecins, celui qui vient d'adouber le professeur Aubier malgré ses liens d'intérêts avec la firme Total, a lui publié un webzine (ICI) dont le niveau suppose que sa cible marketing est un élève du cours moyen première année.

Nous avons aussi Les Décodeurs qui se sont fait la spécialité d'écrire plus de sottises qu'il n'est permis et dont la compétence est celle du professeur Joyeux (LA).

Article dans Atlantico où un ultra libéral, Claude Le Pen, est favorable à l'obligation. ICI Quant à Stéphane Gayet, il dit une bêtise par phrase, on voit sa bio LA.

Enfin, un complotiste de l'anti complotisme, un certain Acermendax (Thomas C Durand), a publié une vidéo sur le net et vous pourrez en lire le texte (ICI) qui est arrogante, paternaliste, méprisante, mensongère et mal informée. Il est terrible que pour épondre à cette maman qui pose des questions pas si idiotes que cela mais qui  affirme des choses délirantes il faille que l'auteur mente. Nous hésitons entre la bêtise, la malhonnêteté ou la simple incompétence. Cela me rappelle tellement ce texte de Marc Girard : ICI. Je rajoute ceci : lire les commentaires de CMT qui montrent que le anti hoax fait partie d'une association de scientifiques pro OGM !

L'objectif prioritaire de Santé publique de Madame Buzyn est celui-ci : 10 enfants sont morts de la rougeole depuis 2008 !

En 2008, le CépiDc de l'Inserm a recensé 3 095 morts d'enfants de moins d'un an en France, soit un taux de mortalité de 374,9 pour 100 0005. 50,3 % de ces morts étaient dues à des affections dont l'origine est la période périnatale, ce qui représente 1 557 enfants. 20,7 %, soit 640, étaient dues à des malformations congénitales. 14,6 %, soit 452, étaient dues à une mort subite du nourrisson ou à une cause inconnue.

PS du 21 juin 2017.
J'étais passé à côté d'un texte savoureux, une Tribune du journal Le Monde auquel je continue à être  abonné pour des raisons que j'ai fini par ignorer, signée par quelques pontes vaccinolâtres dont l'insurpassable Professeur Fisher et le non moins respectable Robert Cohen, pour défendre l'obligation vaccinale (ICI) mais mon ami Marc Girard ne l'avait pas laissée passer, la Tribune : ses commentaires valent leur pesant de cacahuètes : LA.
Sans oublier Dominique Dupagne : LA.
Bonnes lectures.


mardi 25 avril 2017

Santé publique : fermons McDo et consorts.


En cette période de campagne électorale la Santé publique n'a été abordée que sous l'angle des coûts et sur celui du manque d'accès à la médecine (les fameux déserts), je propose comme mesure phare de mon programme électoral imaginaire  la fermeture progressive des McDos et apparentés.

Oh.

Les McDos sont l'exemple parfait de la malbouffe planétaire, celle qui commence avec les animaux maltraités, celle qui continue avec la nourriture industrielle reconstituée à partir de rien, celle qui prône Gros is beautiful, celle qui ne vante pas la qualité de la nourriture mais la baisse continuelle du rapport prix/calorie, celle qui offre le combo le moins cher du marché, graisse, sucre et sel, mais surtout, McDo, c'est l'essence même du néo libéralisme amoral, sans valeurs éthiques, axiologiquement neutre comme dirait l'autre, qui justifie tout au nom de la liberté de choix des consommateurs, on parle des budgets publicitaires comme idéologiquement neutres ?, au nom des désirs du consommateur citoyen, puisque cela fournit des emplois, puisque cela augmente le PIB, puisque cela favorise le vivre ensemble (?), et cetera.
J'entends déjà le crétin qui argue "Oui, mais y a des salades" : un îlot de fraîcheur dans un océan de merdre. Enfin, les salades McDo, c'est de la salade ?

Ah.

Les McDos sont l'exemple parfait du capitalisme hors sol, du marketing planétaire, des bas salaires, du mi-temps contraint, des étudiants qui doivent payer leurs études (et qui ne les finissent jamais, terminant avec une chemise d'équipier ou de superviseur gorgée de gras, de cholesterol et de coca-cola), des systèmes de management alakhon (l'équipier du mois), du travail sept jours sur sept et à pas d'heures le soir, de la financiarisation, de l'optimisation fiscale, et cetera. L'entreprise McDo fait grosso modo 25 milliards de CA et 4,5 M de bénéfices en France et soustrait au fisc français entre 390 et 714 millions d'euro (voir ICI). Les employés de McDo ne mangent plus de McDo, c'est dire.

Zut.

Parlons de santé publique.
McDo, comme aurait pu le dire le regretté Jean-Pierre Coffe, c'est de la merde !

C'est de la calorie, c'est de la graisse, c'est de l'odeur, c'est de la nourriture industrielle, sans valeur nutritive, la viande n'est pas de la viande, le poisson (?), c'est un nid à obésité, un nid à surpoids, un nid à cholestérol, un nid de sucre, un nid à chirurgie bariatrique. Et, selon le théorème de PAG (il se reconnaîtra) les gros mangent aussi dans ces établissements.

"Ouais, mais c'est sympa d'y aller manger avec les enfants" : les menus enfants avec les cadeaux à deux balles en plastique mortifère, avec les pubs Disney en sus et la bouffe dégueu mais qui leur fait plaisir... Voilà une éducation à la nutrition qu'elle est bonne !


Super Size Me !

La particularité de l'obésité, qui n'est pas une maladie mais un état, sauf dans de rares cas médicaux, est qu'elle se voit.

Bon, d'excellents confrères ont écrit récemment des billets de blogs sur l'obésité mais de bons esprits vont arguer qu'il n'y a pas de rapport entre la consommation chez McDo et le sur poids. Je vais même peut-être avoir un procès. Il y a aussi des congrès de médecine générale qui sont sponsorisés par la firme philanthropique.

"Obésité et rein" a commencé Perruche en Automne (ICI), puis Hippocrate et Pindare a (ont) répondu LA et il y a eu des dialogues inter blogs dont celui-ci : LA.

On y trouve les mêmes débats idéologiques que pour le reste des problèmes sociétaux.

Grosso modo, la tendance respectable est de dire que les citoyens en sur poids ne doivent pas être stigmatisés, parce qu'ils n'y sont pour rien.

(Conflit d'intérêts : IMC perso = 23,5)

Bon, il n'y a donc plus qu'à tirer l'échelle.

Il ne reste plus qu'à prescrire des médicaments en suivant les conseils de l'inamovible commentateur santé de France Télévision : ICI.

Les blogueurs disent tous (et les commentateurs itou), et dans un unanimisme touchant, que, vous me suivez, comme il n'est pas possible de faire maigrir les gens, au long cours, il faut aborder le sujet (c'est le côté ambigu moral et faux cul : on ne pourra pas m'accuser d'avoir évité la question mais on ne pourra pas m'accuser de faire de la grossophobie) et ne pas stigmatiser, comprendre, accompagner, et cetera (l'expression la plus belle : envisager les raisons cachées).

Dominique Dupagne avait souligné que l'Education nationale avait été livrée aux betteraviers : LA. Il nous avait mis sur la piste.

La tendance générale de l'addictologie moderne c'est "Comme les choses nous échappent, feignons de les avoir organisées" et il en est ainsi de l'addiction à la nourriture, à l'alcool, au cannabis ou au tabac. Pour le reste : pareil (cocaïne, et cetera). Est-ce qu'un McDo peut être considéré comme une salle de consommation à moindre risque de nourriture addictive ?

Vu la vague libertarienne aux US, relayée par l'extrême gauche ultra libérale en France et par les ultra libéraux économiques, il y aura bientôt des McCan et on viendra y fumer le "pot" en famille en parlant du progressisme et des méchants réactionnaires défenseurs de la culture hétéro-patriarcale-blanche.

Un certain nombre de confrères construisent même des théories physiopathologiques pour dire que l'obésité ne rend pas malade, que le gras n'y est pour rien, que le sucre itou, que la quantité de nourriture ingérée non plus, et qu'il faut changer de "paradigme". Ils "déconstruisent" la grossophobie causale.

Mouais.

Là, il faut que je m'accroche aux branches du raisonnement.
Les citoyens raisonnables selon la théorie libérale qui en fait des individus pensants isolés, ne choisissent ni de ne pas être en sur poids, ni d'être en sous poids. C'est comme ça. Ils ne se déterminent qu'en fonction de leurs intérêts.
Les citoyens éclairés par la théorie des Lumières clament la liberté individuelle : ils ont le droit de faire ce qu'ils veulent, de se mettre en danger, à condition qu'ils ne mettent pas les autres en danger.

Mouahahaha.

Après tout, en bons héritiers pour les premiers d'Adam Smith et surtout de John Rawls, s'il y a des adultes consentants pour manger gras et calorique pour pas cher (là, on peut faire une incise sur les prix qui ont tendance à augmenter), c'est leur libre choix de citoyens avertis (en anglais les publicités se disent advertisements)... D'ailleurs, ce sont des pauvres, des bronzés et je ne sais qui d'autre qui en sont les consommateurs (les plus) attitrés : tant pis pour eux. Mais il y a aussi les grands-parents qui veulent faire djeunes et qui ne souhaitent surtout pas exercer une quelconque autorité (le mot devrait être rayé du vocabulaire par les fassiniens et les post foucaldiens) sur leurs petits-enfants (i.e. les instruire à consommer ce qui est "bon" et ce qui est sain) et qui, entre deux séances de smartphone et/ou de tablette, les font manger de la merde pour le fun.

Les autres héritiers, ceux de la révolution française et de mai 68, au nom de la liberté individuelle, du droit des intersectionnés, poussent des cris : il ne faut pas interdire, il est interdit d'interdire, c'est une source de plaisir, mais surtout : il ne faut pas stigmatiser les minorités (mais nous sommes en train de rendre le surpoids majoritaire). 

Faisons un tour par l'anthropologie et... le déconstructionnisme.
Les McDos sont l'exemple parfait du déconstructionnisme néolibéral.  

Il y a un certain nombre de personnes (de gauche, pensent-elles) qui affirment que le capitalisme néo libéral mondialisé est conservateur, qu'il se situe du côté de la réaction morale confessionnelle (églises, mosquées, temples, synagogues), du conservatisme sociétal, du sabre, du militarisme, de la guerre des civilisations. Quelle erreur ! Le capitalisme néo libéral se nourrit de profit, d'accumulation de profits et se moque de la morale, fût-elle hétéro-patriarcale-blanche : aux US ce sont les Afro-américains qui consomment le plus de junk food. Le capitalisme se moque donc, sauf si cela lui permet de gagner de l'argent, des pro vies ou des anti mariages gays, il est pour la circulation des idées, des capitaux, des personnes, pour le mouvement perpétuel qui permettra aux riches d'être toujours plus riches et à la planète d'être dévastée.

McDo est au centre du déconstructionnisme néo libéral de droite et de gauche ou moralement neutre (le libertarianisme).

Car le succès de McDo tient aussi à sa puissance disruptive comme disent les cuistres partisans de la civilisation facebookable et/ou iphono/googleisée, le parti des GAFA.

La disruption McDo tient à ceci :
1) on a le droit de manger avec les doigts (et les sociologues déconstructurants sautent sur la table gluante du fast-food en hurlant : "A bas les valeurs bourgeoises coercitives" (manger à table avec sa famille réunie, mettre la table, faire à manger, ranger les couverts dans le lave-vaisselle) ;
2) on a le droit de manger à toute heure (les mêmes sociologues, ceux qui vous parlent à longueur de livres du vivre ensemble, louent cette liberté fondamentale du "Je mange quand j'ai faim" et retrouvent dans un élan parfait les pédiatres nutritiologues qui préconisent pour le nouveau-né et le nourrisson de donner à manger à la demande) ;
3) on a le droit de rendre moralement convenable une pratique détestable pour la santé publique.

Oups

Il est temps de déconstruire le déconstructionnisme.

Pourquoi les gens vont chez McDo ?
En raison du conditionnement publicitaire (il faudra revenir sur les "maquereaux" de la publicité, ces hommes et ces femmes idéologiquement neutres qui seraient capables de tuer père et mère pour avoir le budget McDo ou Coca-Cola et pour pouvoir convaincre les pauvres et les déshérités de manger et de boire de la merde), de la propagande institutionnelle (la junk food, c'est bon pour l'économie, pour l'emploi, pour la croissance, il y a même des économistes fous qui ont considéré le prix du Big Mac  comme, je cite, un indice fruste de parité du pouvoir d'achat, voir ICI), du consumérisme, du ça, de la crédulité des masses et du pouvoir sans limites du capitalisme financiarisé.

La déconstruction du déconstructionnisme passe par la remise en cause du système mondialisé qui nous gouverne.

Stop.

Tu vas trop loin : le système capitaliste est notre horizon indispensable, incontournable, indéboulonnable, c'est la nature.

Mais surtout : la fermeture des McDos va entraîner des émeutes, les sevrés de Big Mac et autres wopper, vont faire la queue aux urgences, vont agresser des vieilles dames pour leur voler leur porte-monnaie, il va y avoir des grèves... Et big pharma va inventer le McDofène qui va permettre aux McDomanes de pouvoir continuer à consommer des Big Mac dans des limites raisonnables fixées par l'OMS.

Pour finir, voici une phrase de Fredric Jameson : "Il est plus facile de penser la fin du monde que la fin du capitalisme."