Y a des jours comme cela...
Le contenu de la médecine générale.
J'ai lu récemment un billet d'ASK qui donne du contenu à la consultation de médecine générale et qui informe de façon pertinente sur les problèmes que rencontre un médecin généraliste dans l'exercice de son métier. Et dans le cas d'ASK on voit clairement que la CPAM n'est pas en jeu, que les complémentaires sont aux abonnées absentes, qu'il s'agit d'un problème sociétal où la CPAM, outil aveugle, est présente accessoirement. Je vous laisse le lire : ICI.
Comme je suis un casse-pied, j'aurais pu faire quelques commentaires qui ne sont pas les mêmes que ceux d'ASK, ce qui montre que dans un cas aussi simple que celui-là, la vaccination d'un nourrisson de 4 mois en bonne santé, il y a de quoi écrire un traité de médecine et un traité de sociologie par la même occasion.
Voici un banal relevé des banales questions posées dans le brillant billet de ASK.
Et voici quelques faits bruts sur ce début de matinée de merdre.Comme je suis un casse-pied, j'aurais pu faire quelques commentaires qui ne sont pas les mêmes que ceux d'ASK, ce qui montre que dans un cas aussi simple que celui-là, la vaccination d'un nourrisson de 4 mois en bonne santé, il y a de quoi écrire un traité de médecine et un traité de sociologie par la même occasion.
Voici un banal relevé des banales questions posées dans le brillant billet de ASK.
- Les vaccinations recommandées du quatrième mois : ASK ne nous dit pas desquelles il parle, ce qui nous entraînerait dans un débat sans fin et, pour moi, perdu d'avance, sur l'intérêt de vacciner contre l'hépatite B, puisque presque tout le monde pense le contraire de moi (ne pas vacciner).
- Les antibiotiques : où l'on se rend compte que leur prescription / non prescription se situe très au delà de leur intérêt scientifique (oh, le gros mot) qui est établi pour l'essentiel dans le cas de leur usage lors d'une rhino-pharyngite. On se rend compte que les croyances sont non seulement grand public mais qu'elles sont aussi professionnelles (et, pour remonter à l'historique des antibiotiques, il s'agit d'un effet collatéral de la toute puissance de la médecine et d'un complexe jeu d'allers-retours entre le prescripteur et le prescrit) et que le médecin qui prescrit des antibiotiques au cas où en laissant au patient le choix de les utiliser ou non ne se rend pas compte, alors qu'il pensait faire le malin et donner de l'autonomie aux parents du nourrisson, qu'il se résigne à ne plus avoir aucun rôle médical.
- La vaccination contre la gastro-entérite : ASK aborde le sujet du pouvoir de la publicité grand public et du rôle des médias manipulés dans la progression du cash flow de big pharma avec l'agrément tacite et parfois volontaire de l'appareil d'Etat. Tout comme l'ombre tutélaire de Coca Cola et de McDo comme éléphants dans la pièce quand nous parlons nutrition et régimes avec nos patients.
- Les croyances des médecins (ici d'un médecin du travail) qui donnent leur avis sur tout et surtout dans un domaine qu'ils connaissent à peine. Ce qui pose la question, à mon avis crucial, et paradoxal en ce cas, de l'avis d'expert que l'on peut critiquer en sa spécialité et hors de sa spécialité et celui du médecin généraliste qui, en théorie, devrait tout savoir sur tout puisqu'il lui est possible de recevoir n'importe quel malade, et qui, contraint et forcé par la charge de travail et par sa tendance naturelle à croire ses "maîtres", par lassitude intellectuelle également et faiblesse physique, finit par "suivre" des recommandations, fussent-elles consensuelles, et biaisées.
- La vaccination chez le pharmacien, au delà des polémiques sur les rôles respectifs des professions pharmaceutiques et médicales, indique clairement la limite existant entre l'acte intellectuel prescriptif / non prescriptif et l'acte technique lui-même. Pour provoquer (mais à peine quand on voit les chiffres américains des sur traitements) : les acte intellectuel de décider de dilater, stenter et / ou ponter des coronaires et technique de le bien réaliser ne devraient pas être confiés à la même personne.
- La plagiocéphalie, l'ostéopathe et le couchage sur le côté. Pour faire vite, ce chapitre pose les questions de l'enfant parfait (une tête bien faite), de la division du travail (taylorisation de la médecine), de la contradiction principale (le risque de mort subite) et de la contradiction secondaire (la forme de la tête), de la mode sociétale pour des médecines alternatives (médecine étant un bien grand mot) et du self parental (je décide pour mon enfant ce qu'il y a de mieux en ayant regardé Le magazine de la santé ou après avoir lu Doctissimo).
- Le savoir faire et le savoir ne pas faire, cette dernière attitude étant inquantifiable et donc vouée à l'échec normatif. Le rôle, selon moi (mais je n'ai fait que copier ce que j'ai lu ici ou là), du médecin généraliste étant surtout de résister à faire et de contenir les actes et prescriptions inutiles en gérant l'incertitude et en s'y résignant.
8 heures 30.
Monsieur A, 56 ans, me dit bonjour, me souhaite une bonne année et me tend un dossier de la MdPH, dossier qui a toujours tendance à déclencher chez moi une poussée d'urticaire (et bien que j'aie lu avec attention les bons propos du docteur Milie en son blog). Je le regarde ahuri car j'ai rempli le même dossier en octobre (c'est noté dans son dossier électronique). Il confirme mais, d'après lui (et on sait que les propos des patients...), ce serait "la fille de la MdPH" (il est incapable de remplir un dossier lui-même) qui aurait coché la mauvaise case et le dossier aurait été adresssé pour renouvellement de la carte de stationnement (dont, me précise-t-il, il se moque totalement). Je râle. Parce qu'en outre, Monsieur A est venu pour le "renouvellement" de son ordonnance, "Vite fait". Je prends mon ton docte pendant que le malade se met à pleurer car il ne touche plus depuis novembre ses indemnités adulte handicapé et qu'heureusement que sa femme, qui est elle aussi handicapée, touche également une pension, car sinon, "ils n'auraient plus de sous" et je lui dis qu'aujourd'hui je vais recopier ce putain de dossier (que j'avais fait photocopier et que je dois aller rechercher dans le dossier papier), c'est moi qui parle, et qu'il prendra un rendez-vous pour le prétendu renouvellement d'ordonnance...
Madame B vient avec son petit-fils C.
Parce qu'il tousse.
Elle a rendez-vous pour elle.
"Vous pouvez nous prendre tous les deux ?
- Non. Il faut choisir.
- Examinez-le."
Le gamin (de 9 ans) que je vois épisodiquement car il est rarement malade n'a pas grand chose. Je l'examine calmement et je manifeste mon énervement à l'égard de la maman que j'avais déjà prévenue.
Mais la grand-mère me tend un papier où il est écrit, de la main de la mère, "SVP, dépakine pour l'enfant (et pour son frère plus âgé et également épileptique), un certificat pour l'école et bla bla bla."
La mère, je la connais depuis qu'elle est gamine. Je l'ai engueulée l'autre jour car elle voulait un rendez-vous tout de suite (il n'y avait pas de place ce jour là) et qu'il fallait la dépakine pour ses enfants qui n'en auraient plus le lendemain. "Le pharmacien peut te dépanner - Oui mais non il va donner un générique..." Je lui ai quand même fait une ordonnance entre deux.
Il est 8 heures 58.
La grand-mère me dit : "A moi."
Je dis non.
"J'irai voir ailleurs. - Ok."
Elle passe devant la salle d'attente où attendent les deux rendez-vous suivants. "Ah, ben, vous n'avez que deux personnes..."
9 heures 1
Monsieur et Madame D (qui ont pris deux rendez-vous).
Monsieur D, 72 ans, a été opéré "du cœur" et j'ai des difficultés d'équilibration avec previscan. Je fais une incise : Pourquoi les cardiologues français ne prescrivent-ils pas de la coumadine ? Pourquoi ? Cela ne peut être un intérêt financier avec une boîte de 30 comprimés qui coûte 3,85 euro ! Mystère de chez mystère.
Monsieur A a été opéré dans une clinique privée et tout s'est bien passé.
Il y a juste un truc qui me titille chez cet homme de 69 ans : il me demande une ordonnance pour doser les PSA. On lui a dit, à la clinique, et après qu'il a eu des difficultés à pisser après la levée de sonde, qu'il fallait doser le PSA pour savoir.
Je m'emmerde donc à expliquer l'inexplicable. Est-ce la faute de la CPAM, des Mutuelles, des ARS ou de la khonnerie des cardiologues qui font de l'urologie ou des urologues ?
Je ne prescris pas de PSA.
9 heures 15
Madame D, 71 ans, vient pour un "renouvellement". Quelques douleurs ici ou là (arthrose) et un peu de paracetamol et de tramadol.
Son problème, c'est quand même sa cheville droite.
Elle est allée voir un médecin généraliste mésothérapeute (après que je lui ai dit qu'il était urgent d'attendre et que la kinésithérapie comme on lui avait pratiqué était de la daube et après qu'elle n'eut pas suivi mes "conseils" d'auto kinésithérapie de renforcement de l'articulation) qui lui a fait 9 séances et qui, désormais, lui demande de faire une IRM.
Je garde mon calme. Finalement : je n'en ai rien à cirer. Qu'elle se débrouille. Elle a vu un mésothérapeute à 35 euro la séance, OK. j'en ai assez de lutter contre ces khonneries. Il est possible que le remboursement par les complémentaires favorise le passage chez le mésothérapeute... On est quand même dans un cas de hors parcours de soins. Aurais-je dû dire à la patiente (que je connais depuis des lustres) : "Allez vous faire voir ailleurs ?" Je ne l'ai pas fait.
Au revoir Madame, au revoir Monsieur.
9 heures 32
Madame E, 68 ans, viens de se faire déboucher les carotides gauches dans une clinique privée, centre d'excellence du département, au décours d'un AVC. tout s'est bien passé. J'ai reçu en temps et en heures le compte rendu, le chirurgien m'a même appelé au décours de l'intervention. Elle vient pour que je "renouvelle" l'ordonnace d'un mois qu'elle a eue à la sortie ("montrer au médecin traitant" est manuscrit sur l'ordonnance tapuscrite).
Voici le traitement : pradaxa, exforge, crestor.
Donc, voilà, je suis en face d'une ordonnance qui ne me convient pas. Elle vient d'être, brillamment, opérée par un chirurgien en qui j'ai confiance et la prescription de sortie est WTF.
Que dois-je faire ?
J'ai renoncé pour de multiples raisons et je sais que je ne suis pas à approuver.
Mais je vais appeler le chirurgien. Promis.
Ras le bol.
Heureusement que j'ai pu noyer mon découragement dans une abondance malsaine de travail (36 C et 1 V). J'ai quitté le cabinet à 19 heures 30 sans avoir sauvé (mon associée était encore là).
La partie est perdue, mes amis.
Aux dernières nouvelles la grand-mère qui devait aller voir ailleurs a pris rendez-vous pour la fin de la semaine. Je serai cool.
Au revoir Madame, au revoir Monsieur.
9 heures 32
Madame E, 68 ans, viens de se faire déboucher les carotides gauches dans une clinique privée, centre d'excellence du département, au décours d'un AVC. tout s'est bien passé. J'ai reçu en temps et en heures le compte rendu, le chirurgien m'a même appelé au décours de l'intervention. Elle vient pour que je "renouvelle" l'ordonnace d'un mois qu'elle a eue à la sortie ("montrer au médecin traitant" est manuscrit sur l'ordonnance tapuscrite).
Voici le traitement : pradaxa, exforge, crestor.
Donc, voilà, je suis en face d'une ordonnance qui ne me convient pas. Elle vient d'être, brillamment, opérée par un chirurgien en qui j'ai confiance et la prescription de sortie est WTF.
Que dois-je faire ?
J'ai renoncé pour de multiples raisons et je sais que je ne suis pas à approuver.
Mais je vais appeler le chirurgien. Promis.
Ras le bol.
Heureusement que j'ai pu noyer mon découragement dans une abondance malsaine de travail (36 C et 1 V). J'ai quitté le cabinet à 19 heures 30 sans avoir sauvé (mon associée était encore là).
La partie est perdue, mes amis.
Aux dernières nouvelles la grand-mère qui devait aller voir ailleurs a pris rendez-vous pour la fin de la semaine. Je serai cool.