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dimanche 14 janvier 2024

Bilan médical du lundi 8 janvier au dimanche 14 janvier 2024 : prévention morale quaternaire, l'hospitalo-centrisme, maladie infantile de la Santé publique, allergie à l'iode, Harmonie, loi inverse des soins, DSM-5 corrompu, le petit p, entorse latérale de cheville.

On est désolés. Si on avait su que tu deviendrais une écrivaine, nous aurions été de meilleurs parents. 
Le titre du livre : "Ma vie misérable."


14/2024. Prévention morale quaternaire.

1. 

Un patient me demandait un jour comment faisaient les médecins pour que leur sens moral (au sens des relations interpersonnelles qu'ils entretiennent avec leurs patients) ne se heurte pas pas à leur éthique personnelle (au sens des valeurs générales qu'ils entretiennent avec eux-mêmes et qu'ils clament à toutes et à tous).

La distinction est spécieuse et discutable et personne n'est d'accord sur les définitions comparées de l'éthique er de la morale.

Je lui dis ceci : Imaginons que toutes les consultations soient filmées. Imaginons chaque instant que les enregistrements ne soient pas destinés à un tribunal mais possiblement visionnés par la femme, le mari, les enfants, les parents, les grands-parents, le copain, la copine, et cetera... du soignant ou de la soignante. Les soignant.es se comporteraient-ils différemment ?"

Le malade : Je comprends ce que vous voulez dire mais d'abord ce n'est pas possible, ensuite, nos proches ne sont pas les meilleurs juges de ce que nous faisons ou pas."

Moi : Disons que nos comportements pourraient nous faire honte par rapport à l'image que nous voulons donner de nous-mêmes à nos proches...

Le malade : Vous oubliez aussi la pression des patients...

2. 
Imaginons donc, et je lis partout que X est devenu un cloaque, nazi, raciste, et cetera, que, comme moi et comme d'autres, vous ne reteniez de X que les bonnes vibrations.

Eh bien, quand vous êtes sur le point de prescrire une IRM pour un genou qui n'en a pas besoin, pensez à vos amis de X qui pourraient vous regarder et qui ne cessent de vous dire, amicalement et depuis longtemps, que ce genou n'a pas besoin d'IRM...

Eh bien, quand vous êtes sur le point de prescrire des antibiotiques à un patient qui présente une toux trainante non fébrile qui ressemble comme deux gouttes d'eau à une pathologie virale, pensez à vos amis de X qui pourraient vous regarder et ne cessent de vous dire, amicalement et depuis longtemps, que cette virose chez ce patient jeune en bonne santé n'a besoin ni d'antibiotiques, ni de sirop.

Eh bien, quand vous êtes sur le point de prescrire un antidépresseur et/ou une benzodiazépine à un patient qui n'en a pas besoin, pensez à vos amis de X qui pourraient vous regarder et qui ne cessent de vous dire, amicalement et depuis longtemps, que ce malade n'a besoin ni d'antidépresseur, ni de benzodiazépine...

Eh bien, quand vous êtes sur le point d'écrire un courrier pour un cardiologue dont vous connaissez la tendance à prescrire des examens complémentaires inutiles, coûteux et générateurs d'autres examens complémentaires coûteux, dont la valeur prédictive positive est médiocre, et qui sont générateurs eux-mêmes, on ne sait jamais, de traitements à vie  pensez à vos amis de X qui pourraient vous regarder et qui ne cessent de vous dire, amicalement et depuis longtemps, soit que l'avis cardiologique n'est pas nécessaire, soit qu'il vaudrait mieux l'écrire pour un autre cardiologue.

3.
La prévention morale quaternaire est entretenue par les dialogues, parfois tendus, avec des collègues, professionnels de santé ou autres, assistantes sociales, que l'on a eux sur Twitter puis sur X.

Et je parle pas non plus de la façon dont nous parlons à nos patients, la façon dont nous nous comportons, les mots que nous utilisons et que nous n'utilisons pas, les gestes, les attitudes, les sourires, les grimaces qui en surprendraient plus d'un ou d'une qui nous connaissent dans notre vie privée, amoureuse, amicale ou de voisinage.

Vous allez en faire ce que vous voulez mais la caméra hypothétique placée derrière chacun d'entre nous dans notre cabinet de consultation devrait nous conduire à dresser une liste de personnes que nous connaissons et que nous ne connaissons pas IRL, une liste de personnes qui pourraient visionner les enregistrements et nous reprocher de ne pas avoir fait coïncider notre morale et notre éthique.

Nous avons, chacun d'entre nous, notre garde rapprochée. Des correspondants qui nous conviennent sur les différents plans que sont la recherche d'un diagnostic, les respect des recommandations, la prise en compte du point de vue des patients, la compétence technique, la politesse et/ou la gentillesse, bla-bla-bla.

Eh bien, grâce à X, j'ai rencontré des médecins généralistes futés, humains, pertinents, armés, bourrés de principes, astucieux, pleins de ressources, respectueux des patients et je m'en délecte chaque jour.

J'ai aussi rencontré, dans le même métal,  par ordre alphabétiques, des cardiologues, des dermatologues, des épidémiologistes,  des infirmières, des kinésithérapeutes, des néphrologues, des oncologues, des orthophonistes, des patients, des pneumologues, des physiologistes, des profanes, des réanimateurs, des urgentistes, et tous ceux que j'ai oublié.es, des soignantes et des soignants que j'aurais aimé avoir derrière mon dos au moment de prendre des décisions difficiles, des décisions inutiles, des décisions faciles, et cetera.

Pas vous.


L'hôpital de Grasse se tamponne de l'amorale, de l'éthique, du primum non nocere, de la prévention quaternaire... 


15/2024. L'hospitalo-centrisme est la maladie infantile de la Santé publique et vaut une promesse de 32 milliards 



Gabriel Attal et sa ministre de je ne sais quoi dont la Santé ne connaissent rien à la Santé publique. Ils ne sont pas les seuls. C'est leur seule excuse.

La déliquescence des soins primaires n'est ni une cause ni une conséquence de quoi que ce soit.

C'est de la politique.

Les politiciennes et les politiciens sont nourries par les discours de leurs conseillers experts qui sont tous ou presque des hospitalo-universitaires ou des médecins qui n'ont jamais reçu un malade de leur vie.

Je ne parle pas que des politiques de droite et d'extrême-droite qui pensent que l'argent ou les passe-droits sont le moyen le plus simple de voir un médecin avant tout le monde, je parle aussi des politiques de gauche et d'extrême-gauche qui pensent que les soins primaires sont de la merdre en barre puisqu'il existe un système libéral. 


16/2024. L'allergie à l'iode n'existe pas.

Ce thread explicatif, didactique et ouvert, auquel manque des précisions bibliographiques plus exhaustives, est un bijou.

Voir LA pour le lire, l'ingurgiter et le comprendre. 



17/2024. VRS, Harmonie, Beyfortus (niservimab)




L'étude Harmonie vient de paraître. Il s'agit de l'étude qui montre, selon les experts (j'allais écrire ceci mais il semble que cela serait insultant : les experts payés par l'industrie, les experts payés par leur ignorance, les experts payés par leur fatuité, les experts de l'industrie ignorants et infatués que les agences gouvernementales engagent pour donner des avis), que le niservimab "marche" sur le critère primaire chez les enfants non à risques, non prématurés. 

Voir ICI l'étude publiée dans le "prestigieux" NEJM.

N'oubliez pas que NEJM, je l'ai répété cent fois, ne veut pas dire New England Journal of Medicine mais New England Journal of Marketing.

Or cette étude est dans la hiérarchie des preuves méthodologiques aussi valide qu'un cours de Raoult sur la différence entre la médiane et la moyenne (LA).

L'étude est 

  • Pragmatique (c'est à dire sur un coin de table)
  • Faite dans le monde réel (c'est à dire de façon non contrôlée)
  • Avec comme critère principal l'hospitalisation (un critère classiquement reconnu comme flou (surtout en raison du dernier point : pas d'aveugle)
  • Randomisée
  • Non aveugle.
Fermez le ban.

Poubelle.

Une publication de la Drees (abonnez-vous) qui dit ceci  à propos de la bronchiolite (LA) : 



19/2024. Loi inverse des soins

Ce patient a toute notre sympathie.

Il oublie un point important en écrivant "tous les autres malades du cancer" : les patients de certains pays riches.

Le prix exorbitant de certaines molécules anticancéreuses (mais pas seulement), et je n'oublie pas, mais cela mériterait un chapitre entier, le prix exorbitant de certaines molécules anticancéreuses dont l'efficacité et le rapport bénéfices/risques ne sont pas démontrés, et dont le prix peu varier du simple au triple en fonction des pays, est accepté par le complexe santéo-industriel dominé par les industriels des médicaments et des matériels.






20/2024. Le DSM-5, la Bible de la psychiatrie moderne est corrompue par les conflits d'intérêts.

Un article du British Medical Journal, LA, a analysé les liens/conflits d'intérêts des participants, rédacteurs, et cetera du DSM-5/ Un total de 60 % recevait des "compensations" de l'industrie et cette situation s'est aggravée depuis 10 ans.

Nul doute que nos amis de la psychiatrie heureuse sur X ne feront jamais de commentaires nuancés.

J'en profite pour vous dire combien les commentaires sur X de Florian Naudet (@NaudetFlorian) sur de nombreux sujets sont pertinents. Suivez-le. Vous apprendrez des choses et pas du mainstream académique plan plan.

Notons que le grrrrrrrand professeur Griscelli, ancien directeur de l'INSERM (vous savez, le machin qui a décerné son grand prix au professeur (?) Raoult en 2010) a touche beaucoup, beaucoup d'argent de Servier (90 000 euros par an) et a joué les agents d'influences (Toutes ces choses révélées entre autres par Anne Jouan). (ICI pour le résumé du livre).




21/204. La surestimation des résultats dans les essais randomisés.

Une analyse (ICI) portant sur 23551 essais contrôlés, c'est à dire randomisés, comparatifs, en double-aveugle (le contraire d'Harmonie, voir 17/2024), on se demande d'ailleurs (c'est un commentaire personnel), comment on peut analyser autant d'essais à moins d'être des moines et des nonnes retranchées dans un monastère perché au sommet d'une montagne, montre (elle est parue dans NEJM Evidence, il existe en effet des revues avec des sous-revues, des sous-sous revues, et cetera...) : 

  • l'interprétation naïve des valeurs de P
  • La surestimation de la taille de l'effet (effect size) et sa signification

JPR Williams (1949-2024)
Je l'ai sûrement surestimé car il était un numéro 15 exceptionnel et pourtant un orthopédiste...


22/2024. Un médecin du sport qui déchire...

@NoSuperDoc nous délivre un thread formidable sur l'entorse latérale de cheville, un sujet diablement curant en médecine générale.


Son thread (LA) rend plus intelligent pour ce qu'il nous apprend et plus bête en nous rendant compte de ce que nous ne savions pas !


Roland Topor (1938-1997)


dimanche 20 novembre 2022

Bilan médical du lundi 14 au dimanche 20 novembre 2022 : hospitalo-centrisme, dermatologie, bronchiolite, Movember, Vinay Prasad, les morts du covid, Choisir avec soin, IGR, Revenus libéraux.

Je n'attendais rien et je suis quand même déçu.

1. L'hospitalo-centrisme, la maladie infantile de l'extrême-gauche hospitalière

Une partie de l'extrême-gauche hospitalière représentée notamment par @dessousdelasanté défend un programme révolutionnaire d'une grande simplicité : 
  • Si le service public hospitalier ne fonctionne pas, c'est uniquement par manque d'argent, ce qui signifie que les réformes médico-sociales internes ne sont pas nécessaires. Donnez-nous de l'argent, on fait le reste.
  • La suppression de la médecine générale libérale va régler l'accès et la qualité des soins primaires. Comme les médecins généralistes sont des khonnards par principe et par définition, cette nationalisation des soins primaires va être pilotée de l'hôpital.

Il s'agit d'un mépris de classe intellectuelle.




2. Un site de dermatologie utilisable en consultation.

Des dermatologues qui ont la gentillesse d'apparaître sur twitter et qui sont sommés de répondre à des questions diagnostiques à partir de photographies prises en consultation (et sans doute dans de nombreux cas sans l'accord des patients) conseillent un site de "débrouillage" animé par la Société française de dermatologie avant de poster sur twitter (ou avant de ne pas le faire).


Je l'ai testé : c'est intéressant et sans doute auto formateur.

Signalons toutefois que ce site est sponsorisé par des industriels de la dermatologie. Les liens d'intérêts sont donc déclarés, aux lecteurs d'en tenir compte.



3. Le jeu des 7 erreurs.

Le journal Le Parisien (ICI) sous la plume de Nicolas Berrod indique que la bronchiolite, c'est pas seulement chez les nourrissons (à noter que l'un des professeurs interrogés comme conseils est un dénommé Jean Pic de la Mirandole (1463 - 1494), alias le professeur Mathieu Molimard. 

Passons sur l'inintérêt de cette information en cette période d'épidémie où c'est la répétition incessante des conseils avisés qui doit être martelée aux parents des enfants susceptibles d'en être atteints : prévention, conseils hygiéno-diététiques, recherche des facteurs de risque, contacts avec les soignants) et la photographie publiée en accroche de l'article où l'on voit un kinésithérapeute et un bébé ne manque pas de sel.


Trouvez les 7 erreurs : 


3. Opinions are my owns/Mes avis n'engagent que moi

Quand vous lisez cette mention sur un compte twitter médical, et le fait de l'écrire est une fausse barbe, le mieux et l'honnêteté seraient de citer la firme qui est en cuse, cela signifie que :

  1. La personne travaille et est payée par un  industriel des médicaments ou des matériels de santé
  2. La personne fait semblant de déclarer un lien d'intérêts car une vraie déclaration serait de préciser le nom de la ou des firmes pour que le lecteur juge s'il s'agit ou non d'un conflit d'intérêts (en fonction de l'avis formulé et du sujet qui est traité)
  3. La personne ne dira jamais de mal d'une étude publiée par la firme qu'elle ne nomme pas ou ne signalera jamais un fait de corruption ou de fraude émanant de cette firme
  4. La personne est même susceptible de promouvoir une étude émanant de cette firme ou d'une autre firme pour des raisons tenant à la main qui la paye


4. La santé publique faite par Unicancer et relayée par des CPTS


Quand le mouvement Movember popularise, par l'intermédiaire  de groupes hospitaliers privés à but non lucratif, Unicancer (ICI), des dépistages non recommandés et que des CPTS les relaient, on comprend qu'il y a encore du boulot... et que la santé publique pilotée par le privé, et sous le regard attendri de l'Etat, allant à l'encontre de toutes les recommandations françaises, européennes, de l'univers, c'est pitoyable.


5. Une critique violente contre Vinay Prasad

Vinay Prasad est désormais attaqué de toute part (tout comme John Ioannidis, par exemple) et les offensives contre lui sont multiples. Un de ses "grands" ennemis est un chirurgien, David Gorski, qui lui voue désormais une haine féroce.


 

Cet article en est un exemple violent : LA. Il est écrit par Orac qui justifie son pseudonymat par son manque d'ego !

Hormis Orac, il est reproché à Vinay Prasad de faire ce qu'il a toujours fait : demander des preuves d'efficacité des traitements qui sont prescrits et des mesures-barrières qui sont instaurées, exiger des essais contrôlés, ne pas se contenter d'études épidémiologiques cas-témoins, prendre en compte les événements indésirables des vaccins anti covid (se poser sérieusement la question des myocardites/péricardites chez les adolescents, et cetera...).

Le souci vient de ce que le Sars-CoV-19 est apparu de façon brutale, qu'il fallait faire quelque chose, la première chose, en l'absence de vaccins et de traitements curatifs, étant de se référer aux modèles anciens et donc de proposer des mesures-barrières, d'isolement, de cessation des contacts, de port de matériel de protection, puis de vacciner.

Il s'agissait donc, sans preuves cliniques robustes, d'appliquer le principe de précaution (pour les choses que l'on ignorait) et le principe de prévention (pour celles que l'on connaissait).

Et comme il n'y avait aucune preuve d'efficacité d'aucune mesure, avant les preuves d'efficacité de certains vaccins sur la prévention de la mortalité et des formes graves, et comme le moment (timing) de l'instauration démesures non éprouvées semblait avoir une certaine importance, chaque pays a agi de son côté, selon sa politique, selon ses moyens, selon ses possibilités, selon ses croyances, selon ses certitudes,  et il est possible, pour les tenants du zéroCovid, les ex-tenants du ZéroCovid, les centristes, les partisans de la déclaration de Harrington comme les covidonégationistes, de tirer victoire de résultats partiels dans différents pays.

Orac reproche surtout à Vinay Prasad :
  • De ne pas réaliser lui-même des essais cliniques et de seulement les critiquer (ce qui condamne a priori toute critique littéraire de la part de critiques qui n'ont pas publié de romans, toute critique artistique de la part de critiques qui n'ont ni peint, ni sculpté, ni chanté, ni écrit de la musique, et cetera.)
  • De donner des armes aux adversaires (vieux cliché et vieille rengaine de ceux qui répètent à l'envi "Qu'il vaut mieux avoir tort avec ses amis que raison avec ses ennemis)
  • De se ranger d'emblée dans le camp des covidonégationistes (cette technique est également très connue : prendre les arguments des extrémistes pour les attribuer aux modérés : ne proposer la vaccination ARNm anticovid qu'aux personnes les plus à risque équivalant à être un antivaxx)


6. Comment compter les morts du Covid. 

Ce billet de blog de l'INSEE (LA) est tout à fait passionnant car il explique pourquoi il est difficile de compter les morts attribués au Covid et que les différentes méthodes de comptage, ayant chacune leurs avantages et leurs inconvénients, aboutissent à des résultats très différents.


 
On imagine donc ce qui peut se passer quand on fait des comparaisons internationales...

Compter les morts en excès ?




Voici une comparaison inter pays (et si on rajoute les considérations du point 6. avec celles des condition socio-politico-géographiques de ces différents pays on ne saurait manquer de s'interroger...)

7. Choisir avec soin/Choose wisely

Au Canada, non seulement on se préoccupe des surtraitements mais on surveille également leur évolution dans le temps : LA.

Notons qu'il ne s'agit pas d'un hype à la médecine canadienne dont de nombreuses sources nous ont indiqué qu'elle était très loin d'être parfaite...

Voici donc quels sont les choix de 

  • Pour les soins communautaires :
    • Imagerie diagnostique pour les douleurs du bas du dos
    • Dépistage du cancer du col de l'utérus
    • Antibiotiques délivrés dans la communauté
    • Utilisation chronique des benzodiazépines et d'autres sédatifs hypnotiques chez les personnes âgées
    • Contention physique et antipsychotiques en soins de longue durée
  • Pour les soins d'urgence
    • Radiographies thoraciques pour l'asthme étal bronchiolite en services d'urgence
    • Imagerie diagnostique pour un traumatisme crânien mineur au service d'urgences
  • Soins en milieu hospitalier
    • Arthroscopie du genou chez les adultes de 60 ans et plus
    • Césariennes dans les cas d'accouchements à faible risque
    • Transfusion de globules rouges chez des patients hospitalisés
    • Examens pré-opératoire chez des malades à faible risque
Il semblerait que celante soit pas fait en France. Pour quelles raisons ? Vous avez deux heures.


8. L'IGR en folie.



Rappelons que le directeur de l'Institut Gustave Roussy, Fabrice Barlesi, et en sachant que les années 2020 et 2021 n'ont pas été favorables raison du Covid, a signé 1069 déclarations avec l'industrie et a touché 520 468 euros.


Et dans le détail : 



9. Mes derniers mots sur twitter



10. Mélanomes, diagnostics et surdiagnostics

Une étude US sur l'incidence des mélanomes (voir LA) montre : 


En français "... L'incidence des mélanomes aux US n'est pas liée à l'exposition aux UV mais aux possibilités diagnostiques de mélanome..."

Fermez le banc

11. Sachez choisir avec soin votre spécialité médicale à partir des revenus que vous allez en tirer.




Bonne soirée.

mercredi 8 décembre 2021

Le mépris systémique à l'égard des médecin.e.s généralistes construit par le système de santé.

L'hôpital au chevet méprisant de la médecine générale.


Première partie : le mépris systémique des médecin.e.s généralistes est construit par l'hospitalocentrisme.


Force est de constater qu'il existe un mépris systémique à l'égard des médecins et des médecines généralistes (les MG) construit dans et par l'institution académico-universitaire.


Faut-il le démontrer ?


L'organisation de l'enseignement, du métier, de la pratique se fait depuis l'hôpital, et plus précisément des hôpitaux universitaires.


Ce mépris hospitalo-centré a des origines historiques, médicales, sociales, sociologiques et politiques.

Et une origine évidente : comment des hospitaliers qui n'ont jamais mis un pied en ville pourraient-ils enseigner une pratique extra hospitalière ?


Il existe désormais des départements de médecine générale dans les facultés de médecine qui peinent à obtenir des postes, des titres, des moyens, des locaux.


Le mépris hospitalo-centré a des conséquences sociales, sociologiques et politiques. Mais surtout perturbe la santé publique.


C’est un mépris de dominateurs : des décisions d'en-haut sont prises à l'égard de pratiques d'en-bas.


Où sont les MG dans les processus décisionnaires des politiques de santé publique ?


Où sont les MG dans les institutions académiques ?


Où sont les MG dans les conférences de consensus ?

 


Où sont les MG dans les institutions croupions où les universitaires de l'establishment viennent toucher des royalties ?


Où sont les MG dans les boards de l'industrie pharmaceutique ?


(Non, ce n'est pas une plaisanterie : il serait nécessaire qu'ils soient parfois consultés)


Mais le phénomène n'est pas qu'hospitalo-universitaire : les non-MG libéraux "de ville", les spécialistes d’organes, derrière l'effusion de leurs sentiments ("un métier bien difficile"), expriment la sécheresse de leur coeur et parlent de « bobologie »


Attendez, j'ai oublié un truc : en français #NotAll ou en anglais #PasTous


Une réflexion souvent entendue : "Oui mais, il existe une haine des MG à l'égard des spécialistes d'organes hospitaliers et libéraux qui est insupportable." 

En fait, il n'y a pas de mépris anti spécialistes d'organes : c'est comme le racisme anti blanc dans un mode blanc de domination : c'est un fantasme de dominateurs.


Pour continuer de filer la métaphore.


Oui aux réunions non mixtes entre MG (entre médecin.e.s et médecins spécialistes en médecine générale).


Cela s'appelle des groupes de paroles, cela s'appelle des groupes de pairs.


Mais cela peut être n'importe quoi d'autre.


Cela s'appelle des groupes de survie.


Quand les victimes de discriminations constantes, quand les dominés, quand les sans futurs de la médecine, quand les sans reconnaissance de la médecine, en ont assez d'assister à des formations médicales continues où on ne leur laisse pas la parole, où seuls quelques oncles Tom ont le droit d'intervenir après qu'on a relus leurs écrans, quand le discours dominant est le discours hospitalier et académique dont la pandémie covidienne a montré la grande hétérogénéité intellectuelle, scientifique, morale, politique, il est nécessaire, indispensable que les médecins généralistes s'expriment entre eux sans le regard insistant de ceux qui savent, s'expriment entre eux sans les commentaires méprisants des spécialistes d'organes, en racontant leurs expériences, en racontant leurs relations avec les personnes qui les consultent, en exprimant le point de vue d'une médecine qui ne serait pas hors sol, d'une médecine qui s'exercerait dans le cadre de la société, avec des personnes qui travaillent ou qui ne travaillent pas, des personnes qui viennent "comme ça" avec leurs défauts et leurs qualités, des personnes qui souffrent et que l'on aurait bien du mal à retrouver dans les grands essais cliniques d'où ils sont exclus pour de nombreuses raisons (comorbidités, âge, contre-indications, allergies, et autres), d'une médecine impure, où la majorité des interventions médico-sociales ne sont pas validées (comme d'ailleurs dans de nombreuses spécialités d'organes), d'une médecine où les patients "reviennent" non pas six mois après ou trois mois après mais le lendemain parce qu'il y a un problème, parce que le/la patient/patiente est accompagné/accompagnée de sa femme, de son mari, de son compagnon, de son amant, de ses enfants, légitimes ou non, de sa voisine ou de son voisin, et cetera.


La médecine générale n'a pas toujours raison. Elle se trompe. Elle expérimente.

 

Les MG doivent se parler entre eux sans le regard appuyé de juges qui les méprisent a priori.


Les MG doivent parler entre eux des problèmes médicaux spécifiques de la médecine générale en toute indépendance, en toute sécurité sans craindre d'être jugés, sans craindre d'exprimer la complexité de leurs tâches et l'immensité, parfois, de leur désarroi. Et en toute insécurité sous le regard de leurs pairs.


Dans les cabinets de médecine générale on rencontre la beauté et la misère du monde, brutes de décoffrage et pas seulement en urgence, pas seulement en cas de semi-urgence, de chronicité mais aussi sans raisons. Et dans la durée.


Et ce sont les MG qui ont le plus critiqué le dosage du PSA comme moyen de dépistage du cancer de la prostate (pas les urologues), ce sont les MG qui ont dénoncé l'inanité du fluor ingéré chez les nourrissons (pas les stomatologues, pas les chirurgiens-dentistes), et ce sont les MG (un MG en particulier) qui ont dénoncé l'inefficacité et les dangers des anti Alzheimer (pas les neurologues, pas les gériatres), ce sont les MG qui ont dénoncé les conflits d'intérêts des comités HAS pour les recommandations sur le diabète (pas les éthiciens, pas les diabétologues), ce sont les MG... Sans parler des non-MG qui ont défendu becs et ongles les glitazones et/ou les coxibs contre les MG qui avaient le courage de dé prescrire.


Ce sont aussi les MG qui expérimentent en leurs cabinets, notamment dans l'exercice des relations avec des patients (décision partagée, consultation d'annonce, éducation thérapeutique, entretien motivationnel, et cetera...)... qu'ils revoient.


Les MG ne sont pas la dernière roue du carrosse : ils ne sont même pas dans le carrosse.


Le mépris des MG va jusqu'à les empêcher de parler "MG", de leur nier une parole différente, un ressenti différent, un langage particulier.


Et les MG, ce ne sont pas que des MG exerçant de la "pure" médecine générale, il y a les MG transfuges qui en ont eu assez d'être les "méprisés" de la médecine, ils ont bifurqué, des MG ras-le-bol qui sont partis vers l'Assurance Maladie, les centres de PMI ou les urgences...


La diminution vertigineuse du nombre de médecins généralistes qui s’installent en libéral est une des conséquences de ce mépris. Et est liée également à la prise de conscience de ce mépris. 


Les méprisés en ont assez mais le combat est perdu d'avance.



Deuxième partie : c'est ICI





vendredi 31 août 2012

Santé Publique de gauche : L'hospitalo-centrisme et la prévention.


A la suite de la publication de réflexions sur la Santé Publique émanant du Parti Socialiste, une petite contribution (ICI) et une plus grosse (LA), je constate que le slogan nouveau de la gauche de gouvernement est, pour paraphraser Lénine : L'hospitalo-centrisme et la Prévention.

La gauche  a des convictions. 
Le secteur public doit être favorisé et la prévention développée.
Les propositions socialistes développées par les militants (Remettre de la gauche dans les politiques de Santé) ont été critiquées par Christian Lehman en son blog (LA) et il a centré ses critiques sur la technocratie que cela sous-tend, notamment en matière de prévention.
J'ai lu cette (petite) contribution socialiste avant d'avoir lu celle de Terra Nova. Il est assez amusant de voir, mais il est possible que certains des signataires du premier rapport aient participé au second, que les thèmes sont à peu près identiques, que les mêmes mots sont parfois employés, que les mêmes erreurs sont commises, mais que le texte "militant" est plus près du terrain, plus pratique, qu'il aborde certains problèmes comme la formation des médecins ou certains thèmes comme la politique du médicament  alors que Terra Nova, dans sa tour d'ivoire, ne pouvait y penser. J'avais trouvé ce texte affreux et, en le relisant, à la suite de la production massive de 107 pages de Terra Nova, je me suis rendu compte, au delà des erreurs dénoncées par Christian Lehman, que les auteurs étaient de gentils filles et garçons avec qui il est sans doute possible de discuter.

Le rapport Terra Nova, ce même think tank (groupe de réflexion en français) qui proposait au Parti Socialiste d'abandonner les classes populaires pour prendre le pouvoir, est donc un catalogue de 107 pages intitulé sobrement "Réinventons notre système de santé. Au delà de l'individualisme et des corporatismes". Dans le supermarché de la Santé Publique ils ont fait leurs courses, ils ont entassé des concepts, des faits (plus ou moins vérifiés), compilé des données et n'ont retenu que ce qui pouvait entrer dans leur slogan de départ qui est devenu leur conclusion. Dans ce bazar de la Charité les cases "De Gauche" ont été cochées avec gourmandise tout en n'omettant pas des hardiesses de la Nouvelle gauche, celle qui croit qu'il faut introduire plus de privé dans le secteur public, c'est à dire, en l'occurrence, les méthodes du privé qui n'ont pas marché il y a 20 ans dans le privé et qui ont abouti à la crise financière, pour faire moderne, néo moderne, c'est à dire libéral, néo libéral.
Les Terra Novistes en leur pavé (pavé de bonnes intentions et qui aimerait, au delà des critiques possibles, qu'on dise de lui "Il est de gauche.") nous apprennent aussi, nous les imbéciles et les crétins qu'il existe, je cite, "Des inégalités dans la santé." La belle affaire ! Nous ne le savions pas.
Eh oui, mes amis, il est plus risqué de se couper un doigt quand on est fraiseur que quand on est cadre administratif au Ministère des RGPP et des LOLF réunies (cf. infra) ! Eh oui, chers citoyens, il y a plus d'alcoolisme et de tabagisme dans la classe ouvrière que chez les médecins généralistes. Eh oui, ignorants, le taux d'alphabétisation est plus important chez les enseignants du second degré que chez les techniciens de surface.
Au lieu de nous dire, c'est la société qui génère les inégalités, c'est l'organisation du travail qui rend les inégalités encore plus inégales, c'est l'inorganisation des transports publics qui augmentent le temps de trajet pour aller au travail, on nous dit ce sont les médecins libéraux qui n'arrivent pas à régler ces problèmes (à partir de la page 77) : les médecins libéraux, et plus particulièrement les médecins de famille (la famille, depuis Pétain, n'a pas bonne presse chez les gens de gauche), ne travaillent pas assez, ne font pas assez de gardes, n'assurent pas assez la permanence des soins, ne sont pas assez à l'écoute des populations qui souffrent, prescrivent trop de médicaments, ne collaborent pas assez avec les services hospitaliers, laissent les enfants boire du coca cola, manger dans les fast food, absorber des barres chocolatées, ... Et ainsi, passez muscade, la contre productive société ne peut même pas être modifiée par les consultations trop chères des médecins généralistes libéraux. Ceux-là mêmes qui prônent la coordination entre l'hôpital et la médecine libérale (c'est à dire la mort de cette dernière sous les coups de l'administration énarquienne) sont les mêmes qui ont pondu le plan Variole qui est devenu le plan Grippe, l'exemple le plus parfait de la non coordination, l'exemple le plus accompli de l'autoritarisme technocratique, de l'absence de démocratie, du pouvoir des experts, de la négation de la base laborieuse, des coups d'Etat réglementaires (tamiflu pour tout le monde, AMM pondues sur un coin de table), de la dictature des politiques, et j'en passe.
Les rédacteurs de ces rapports n'ont jamais mis les pieds dans un cabinet de médecine générale en secteur 1, je n'ai même pas dit qu'il n'y avait aucun médecin généraliste dans les penseurs du texte, cela va de soi, la médecine générale étant, pour ces techno-politiques, une spécialité sans contenu, sans pratiques, sans réflexion, sans cursus, la poubelle pour les mal classés de l'ECN (l'examen classant national)... On va bien m'en trouver un qui a participé, un médecin généraliste croupion, un mi-temps qui fait aussi du syndicalisme ou de la politique, je prépare déjà un communiqué rectificatif... Dont acte.
Enfin, le rapport n'a pas oublié de parsemer le texte de mots valises (les technocrates cochent les petites cases en face des mots valises pour s'assurer qu'ils n'ont rien oublié) convenus : les déserts médicaux, le paiement à la performance, les soins coordonnés, la tarification à l'activité, le modèle bismarckien, le panier de soins, l'accès aux soins...

Le secteur public signifie bien entendu l'hôpital public et ses dépendances, c'est à dire l'administration forte de ses prérogatives régaliennes, de son bréviaire néolibéral (La Loi Organique Relative aux Lois de Finance -LOLF- de 2001 et la RGPP de 2007 LA) et de sa culture du progrès ininterrompu vers des lendemains qui chantent (secousses crypto marxistes et relents anti Lumières) et ses médecins salariés qui appliqueraient les Données de la Science en accord avec les canons de la Justice sociale et de l'Humanisme dans un monde extraordinaire où administration, médical, paramédical et personnel en général vivraient dans l'harmonie perpétuelle du Bonheur ininterrompu (défini par l'OMS).
Il a dû échapper à Terra Nova que l'hôpital public était en crise. Puisque rien ne fonctionne, prenons-en le modèle. L'hôpital public ne peut être en crise selon Terra Nova puisque l'adjectif public est à la fois le contenant et le contenu, le signifiant et le signifié de la morale de gauche. Et d'ailleurs, s'il est en crise, il y a des solutions : plus d'argent, plus de personnel, plus de normes, plus de contrôleurs de gestion, plus d'administratifs apprenant la médecine aux médecins, plus de Comités Théodule, plus de réunions de concertation, plus de réunions de pilotage, plus de cases à cocher, plus de QCM à remplir, plus de rapports à envoyer, plus de couches  décisionnelles, de chefs, de sous-chefs, de superviseurs...
Il ne s'agit pas de ma part, bien entendu, de l'esquisse d'un plaidoyer pour l'hôpital privé ou pour la clinique privée, où, me dit-on, de grands groupes ont investi de façon probablement philanthropique et où les appendices sont appendicectomisées, les vésicules vésiculectomisées et autres babioles dans le même métal, sans compter les usines à stents ou les entrepôts dédiés aux fibroscopies de tous les métaux, aux angiographies et autres scanners et IRM effectués à la chaîne...
Penser que le modèle de l'hôpital public est convaincant est pour le moins hardi. C'est plutôt la désorganisation, le manque d'implication, la dé responsabilisation, la normalisation, et, last but not least, les effets indésirables de l'hospitalisation qui sont à considérer. Tant que plus de 30 % des personnes hospitalisées auront attrapé une infection durant leur séjour...
Le secteur public a bien entendu besoin qu'on l'aide pour comprendre la contre-productivité de son organisation. Le secteur public a besoin qu'on redéfinisse ses tâches, a besoin de réfléchir à ses pratiques plutôt qu'à vouloir les étendre ailleurs sous les vocables de collaboration, de réseaux (LA), d'hospitalisation à domicile (ICI), en enrôlant les libéraux dans cette galère, médecins généralistes comme paramédicaux (LA) qui viendraient à la rescousse des premiers en diminuant le coût du travail. Terra Nova n'a pas oublié quelques phrases "sociales" dans la lignée des dispensaires de l'avant ou de l'après guerre en convoquant les médecins de PMI, les médecins scolaires et sans omettre de fustiger les médecins du travail, agents du patronat. 

La prévention est l'autre pilier de cette politique de gauche avec dans le rétroviseur la vision archétypale des dispensaires ouvriers, des idées toutes faites comme Prévenir c'est guérir, Il vaut mieux prévenir que soigner, Dépister c'est gagner du temps. Ce que nous lisons entre les pages 17 et 48 ne laissent pas de nous ennuyer. Tous les poncifs défilent : les trois niveaux de prévention, les maladies environnementales, les dégâts de l'obésité, les bilans de santé, le plan cancer, la coordination, l'intensification du dépistage, le tabagisme, l'alcoolisme... On rêve en lisant qu'il faut rapprocher les PMI de la médecine scolaire, c'est à dire rapprocher le rien quantitatif avec le rien quantitatif de deux institutions à la dérive. Déléguer des tâches de santé publique aux enseignants : sur quels critères ? Sur quelle formation ? L'école n'arrive pas à apprendre à lire et à écrire aux enfants des cités et on va lui demander, en plus, de les former à l'hygiène et à la santé, sans compter l'éducation sexuelle ! La prévention en milieu scolaire, c'est aussi les menus dans les cantines, c'est aussi des toilettes propres dans les établissements d'enseignement, c'est aussi... La prévention, c'est bien, voilà, c'est dit, pourtant on ne trouve rien dans ce rapport sur les résultats des campagnes de prévention, le rapport coût-efficacité et le rapport coût-utilité, rien sur le sur diagnostic, rien sur le sur traitement, rien sur le disease mongering, rien sur la sécurité sanitaire, et cetera. Ce sont les médecins de famille qui pourraient  assurer ces tâches de prévention (et qui les assurent le plus souvent) mais ils vont disparaître. La prévention est une vaste entreprise morale et technocratique et on devrait toujours se rappeler, pardon si je me répète, cela fait partie de mes idées fixes, la fameuse, la trop fameuse, phrase de David Sackett : "La médecine préventive est trois fois arrogante : Premièrement, elle est agressivement affirmative traquant les individus sans symptômes et leur disant ce qu'ils doivent faire pour rester en bonne santé... Deuxièmement elle est présomptueuse, persuadée que les actions qu'elle préconise feront, en moyenne, plus de bien que de mal à ceux qui les acceptent et qui y adhèrent. Finalement, la médecine préventive est autoritaire, attaquant ceux qui questionnent la validité de ses recommandations."

Plus généralement, la seule idée un peu neuve que le PS avait mise en avant et qui aurait permis une réflexion générale sur les soins, l'idée du CARE (voir ICI et LA quelques prémisses et mille excuses pour le post que je n'ai toujours pas écrit sur ce que je considère être une des grandes avancées réflexives dans le domaine de la santé depuis de nombreuses années, mais, c'est promis, je vais m'y coller), elle a été enterrée sous les coups de boutoir des marxistes qui considèrent que le Care est une joyeuse plaisanterie de dame patronnesse, des opposants à toute forme d'idée qu'il existe un patriarcat dévastateur dans l'organisation sociale (les mêmes ou les héritiers de ceux qui pensaient, après la parution du Deuxième Sexe de Simone de Beauvoir, qu'il s'agissait d'une manoeuvre de diversion bourgeoise, la domination des femmes étant une simple conséquence du capitalisme), des machistes ordinaires et des partisans de l'ignorance du travail invisible des femmes et de la non écoute de la voix inattendue des femmes.


Là où nous abordons le sublime, c'est lorsque dans une envolée lyrique dont les Think Tanks doivent avoir le secret, Terra Nova nous propose page 98 des solutions "Pour un Etat sanitaire plus démocratique." Les propositions 27, 28 et 29 sont croquignolesques : Cela commence mal quand je lis la proposition 28 : "Renforcer les compétences des Agences régionales de Santé dans le domaine ambulatoire". Les habitués de ce blog savent comment les ARS conçoivent la démocratie (ICI) et combien son chef a une façon à lui d'exercer la démocratie avec ses personnels (LA). Mais ce n'est pas tout. La proposition 27 me rend rêveur quant aux capacités de l'Etat, vous savez l'Etat de canicule, l'Etat de grippe, l'Etat des Experts, l'Etat de Mediator, de gérer l'ambulatoire. "Transférer l'administration du secteur ambulatoire de l'assurance maladie vers l'Etat, tant à l'échelon national que régional". Sans oublier la proposition 28 "Créer une Agence exécutive de l'organisation des soins au sein du ministère de la santé", ce qui signifie en bon français organisationnel augmenter le nombre de couches entre les gens de terrain, les rameurs généralistes, pour améliorer l'exécution (mais Terra Nova avait déjà créé une autre Agence, Proposition 14).
Les grandes absences de ce rapport qui s'appelle on le rappelle "Réinventons notre système de santé" : l'infiltration de l'appareil d'Etat par Big Pharma, le rôle néfaste des Agences, un système d'épidémiovigilance étique (à défaut d'être éthique), l'absence d'enseignement de la médecine de famille et, plus généralement, une nécessaire réforme des études de médecine, moins de QCM, plus de philosophie...

Enfin, quels sont les modèles proposés ? Les Français ont souvent tendance à appliquer les méthodes des autres lorsqu'elles ne fonctionnent plus (cf. le Paiement à la Performance, le P4P anglais) et Terra Nova de nous citer les HMO américaines, quelle nouveauté, le système anglais (où il n'y a QUE des médecins de famille et où le délai pour se faire opérer une hanche arthrosique à l'hôpital est de l'ordre de plusieurs années) et les modèles néerlandais et suédois (très en vogue, ce dernier) où la médecine de famille est en première ligne et où les ressources sont prioritairement allouées à la médecine de famille (soins primaires).

Nous en tirons plusieurs conclusions : premièrement, les socialistes, quelles que soient les obédiences, considèrent que l'hôpital est la source de tous les biens ; deuxièmement, que la médecine moderne doit être centrée sur de grosses structures, seules capables de gérer les inégalités de la société ; troisièmement que la prévention viendra à bout des maladies. Qu'il est loin le temps où la gauche lisait Ivan Illich... Qu'il est loin le temps où la gauche lira Carol Gilligan et Joan Tronto...


Amen.

J'avais oublié de vous donner des informations sur les "partenaires", oh que le terme est mignon, de Terra Nova, la Fondation Progressiste (sic). Renversant : LA.

(Photographie : David Sackett, né en 1934,  pour lequel vous trouverez quelques informations sur le site de son université - ICI - et trois lignes sur Wikipedia, lui qui est un des plus grands penseurs de la médecine, je pèse mes mots... LA ; lire ICI un de ses textes fondateurs)

PS du 18/09/12 : un rapport de l'Inspection Générale des Finances souligne la gabegie dans les Agences gouvernementales, leur gestion calamiteuse, et le fait qu'elles soient en doublon. ICI


samedi 3 juillet 2010

JUSQU'OU ALLER TROP LOIN OU S'ARRETER EN MEDECINE GENERALE - HISTOIRES DE CONSULTATIONS : TRENTE-TROISIEME EPISODE


Combien de fois ne me suis-je pas posé la question en allant visiter une personne âgée, pas forcément impotente, une personne âgée vivant chez elle, seule ou avec son mari (sa femme), à peu près équilibrée (hypertension, diabète ou coronarite), sur le 'Jusqu'où aller trop loin ?' Non pas que le problème se pose en termes de débrancher ou non les appareils de réanimation ou de commencer ou non une réanimation comme dans un service hospitalier mais plutôt dans le style 'Faut-il s'acharner à obtenir une pression artérielle parfaite, une glycémie dans le même métal ou un taux de mauvais cholestérol (LDL Cholestérol) aux taquets ?'
La question s'est posée l'autre jour quand "mon" patient, 86 ans, a été hospitalisé en urgence après un malaise survenu dans son garage.
J'ai reçu un courrier de l'hôpital tout à fait désagréable dans lequel je n'ai pas reconnu le patient et, surtout (enfin, je parle de mon ego) dans lequel on m'accusait sans détour de n'avoir rien fait pour prévenir cette hospitalisation.
Disons tout de suite que je ne me place pas dans une perspective juridique.
Ce patient est coronarien, hypertendu, dyslipidémique. Il ne fait pas de régime, mais, a priori, c'est son droit. Mais surtout, lui que je vois une fois tous les trois mois, à domicile car 'il ne peut se déplacer' dans mon quartier, mais aussi parce que, pendant des années, il n'avait donc pas encore 86 ans, je lui ai donné de mauvaises habitudes, il ne veut pas faire trop souvent de prise de sang, le cardiologue lui paraît un gêneur. Donc, ce brave homme, charmant au demeurant, et quand je viens chez lui je "consulte" aussi sa femme qui est hypertendue et arthrosique, c'est dire que je fais un C + V, rentable, non ?, sait qu'il faut faire des prises de sang, sait qu'il faut contrôler son rétrécissement aortique et dit qu'il ne veut pas se faire opérer (ce en quoi il a raison a priori). Donc, il fait un malaise, donc, on appelle les pompiers, donc, il va aux urgences, donc, il est hospitalisé. Et la lettre de sortie indique, en substance, que ce malade n'a pas été pris en charge, qu'il fallait faire quelque chose, qu'il a fait une poussée d'insuffisance cardiaque (j'étais au courant), que la fonction rénale n'est pas fameuse, qu'il faut y faire attention, et cetera, et cetera. Mais la conclusion est encore plus savoureuse : le patient refuse tout geste sur son rétrécissement et on me demande de le surveiller (ce que je ne faisais probablement pas !). L'ordonnance de sortie est quasiment identique à la mienne, sauf que l'on a augmenté les doses de diurétiques de l'anse. Normal.
Ce qui m'embête le plus c'est que sa femme m'a rappelé à domicile quinze jours après la sortie de l'hôpital et qu'elle me faisait la tronche. Je crois que ce que j'ai lu sur le compte rendu a dû être dit dix fois plus fort en oral. C'est l'hôpital : ils mettent dix jours à faire un diagnostic complet et voudraient que le généraliste fasse tout sans examen en un quart d'heure. Et avec un patient peu coopératif qui avait surtout envie qu'on le laisse tranquille.
J'ai donc, comme on dit, mis les points sur les i, et les barres sur les t. J'ai rappelé au mari et à sa femme que, malgré mes conseils répétés, le patient ne souhaitait pas trop faire de régime, ne souhaitait pas trop bouger (marcher trente minutes par jour), n'avait pas diminué sa quantité de sel, et cetera, et cetera. "Mais vous auriez dû nous dire que c'était grave..." Je n'ai peut être pas assez insisté, je n'ai peut-être pas assez dramatisé, en fait, je l'ai laissé tranquille. Je lui ai expliqué la situation telle que je la voyais, j'ai entendu ce qu'il désirait et j'ai fait un compromis (qui m'arrangeait peut-être car j'évitais les conflits et qui l'arrangeait peut-être car il pouvait ne rien changer à ses habitues). Mais qui a raison dans l'histoire : est-ce que le régime de l'hôpital aurait pu éviter la poussée d'insuffisance cardiaque ? Est-ce qu'embêter le malade aurait pu lui éviter de se faire hospitaliser ? Peut-être.
Je ne sais pas si je les ai convaincus et d'ailleurs, j'étais de mauvais poil, pour me défendre ?, pour ne pas les entendre récriminer ?, je ne les ai donc pas beaucoup écoutés. En revanche, ils n'avaient pas beaucoup écouté les conseils éclairés de l'hôpital puisque, quand je suis arrivé, le monsieur pas content mangeait ce que sa femme lui avait servi, à savoir un petit salé aux lentilles (promis, juré !).
Me rappelleront-ils ? Je n'en sais rien.