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dimanche 29 avril 2012

Antibiothérapie et Promotion de la Santé : que valent les bonnes intentions ?


La célébrissime campagne "Les antibiotiques, c'est pas automatique" a marqué les esprits des médecins et des patients. Je n'ai pas de chiffres d'impact mais ils doivent être forts dans les deux groupes : c'est une phrase que j'entends souvent en patientèle et de la part de collègues.
Truisme : l'antibiothérapie, comme l'utilisation de toute thérapeutique, doit se faire à bon escient et en cet escient il est nécessaire de choisir la molécule juste.
Parfait.
La bonne conscience indique le chemin : prescrire moins et prescrire mieux.
Nous connaissons tous, les uns et les autres, ce qui nous fait prescrire plus et mal : l'habitude, le manque de temps, la pression des patients, la publicité pharmaceutique, les croyances, la lassitude, l'incompétence... On le voit, il n'est pas difficile de choisir les items qui pourront nous rendre meilleurs.
En médecine comme en d'autres domaines le volontarisme moral ne suffit pas même s'il arrive qu'il produise, rarement, des effets. Il faut savoir en effet d'où l'on part (faire un état des lieux précis), définir ce qu'il est souhaitable d'améliorer, fixer des objectifs, choisir des moyens en tentant de chiffrer les améliorations atteignables et les efforts qu'il faudra consentir pour les obtenir, se donner les moyens d'y parvenir, et pouvoir en constater les effets.
Prescrire moins et prescrire mieux des antibiotiques a au moins deux intérêts : ne pas exposer des individus à la prescription d'un médicament inutile, prescrire le bon antibiotique pour guérir l'affection et préserver l'écologie générale bactérienne en évitant les résistances.
Une équipe anglaise s'est attelée à la tâche de savoir quel pouvait être l'impact d'une campagne volontariste sur la diminution de la prescription d'antibiotiques en médecine générale (ICI).
L'étude menée en médecine générale de façon randomisée auprès de cabinets de médecine générale (68 cabinets, 480 000 patients), intervention multifaceted (sic) sur les MG comprenant séminaires, informations par le net et consultations assistées versus soins "normaux", a montré que sur un an 1) la diminution de la prescription des antibiotiques avait diminué de 4,2 % dans le groupe multifaceted (p = 0,02) ((docteurdu16 : tout ça pour ça !)) ; 2) que cela touchait plus la pénicilline V et les macrolides mais pas les autres antibiotiques ; 3) que les taux d'hospitalisations et le taux de reconsultation dans les sept jours après la consultation initiale n'avaient pas changé... Pas plus que les coûts : quant au coût de l'étude clinique, une moyenne de 3491 euro par cabinet, il a généré une diminution du coût de remboursement de 920 euro par cabinet !
Un éditorial pose, lui, des questions pertinentes sur la signification attendue d'une telle diminution en termes de diminution des résistances, c'est à dire : le jeu en vaut-il la chandelle (LA) ?
Cet éditorial est très provocateur. Il dit d'abord qu'une étude pareille décourage définitivement d'en faire d'autres. Ensuite, il rapporte des chiffres d'autres essais qui sont plus démonstratifs :  In a country-wide programme in Finland, reducing the use of erythromycin by 50% reduced the resistance of group A streptococcal isolates from 17% to 9%.4 Another study found that a decrease of 50 amoxicillin items per 1000 patients per year reduced resistance by 1%.5 Others have found that a 20% reduction in the prescription of ampicillin and amoxicillin resulted in 1% fewer resistant isolates.6 Enfin, il dit que la classique phrase, il faut continuer son traitement antibiotique jusqu'au bout n'est pas scientifiquement fondée. Il vaut mieux même arrêter les antibiotiques, donnés à bonnes doses, dès qu'il n'y a plus de fièvre. Décoiffant ?
Pour certains lever de tels lièvres pourrait être dangereux car il est possible que de tels propos puissent encourager le laisser faire ou le rien faire ce qui, dans le cadre d'une éthique individuelle volontariste, pourrait signifier le renoncement... et se plier à la loi du plus grand nombre.
Dans la même veine, mon éditorialiste favori, Desmond Spence, dénonce ICI une autre vache sacrée : La Promotion de la Santé en disant d'une part qu'elle coûte une fortune et d'autre part qu'elle ne sert à rien. Qu'entend-il par promotion de la santé ? Les campagnes de prévention, par exemple, et, plus particulièrement en ces temps de crise, une campagne gouvernementale qui s'appelle "Chaque contact compte", et qui signifie qu'à chaque contact (médical ou para médical) il faut parler de régime et de tabac car, selon le gouvernement, les brèves interventions "marchent". Le coût ? Une paille : 4,5 milliards d'euro par an. L'efficacité ? Nulle : une étude menée en médecine générale, sensibilisation par les infirmières, a montré une infime diminution du taux de cholestérol (0,1 mmol/L) et de la pression artérielle (3 à 7 mm Hg). Mais aussi, insiste Spence, il faut surtout se méfier des enquêtes où sont rapportées des données auto rapportées : une étude rapportant le nombre de femmes enceintes fumeuses sur la foi d'auto questionnaires s'est trompée de 25 % (prévalence) ! La promotion de la Santé n'a pas abouti à grand chose au Royaume-Uni : le poids a augmenté, l'activité physique a diminué, la restauration rapide progresse, les maladies alcooliques du foie ont augmenté. Seul le tabagisme a diminué mais au prix de mesures drastiques sans commune mesure avec les résultats escomptés et alors qu'un fumeur doit dépenser 3000 livres par an...
Non, la Promotion de la Santé (et nous avions ICI souligné le découragement des médecins généralistes français et LA les effets de vitrine de l'administration sur la prévention) a constitué un écran de fumée (smokescreen) pour masquer l'incapacité des politiques publiques à contrer les intérêts des marchands de nourriture et de boissons pourries (Big Junk Food) et ceux des partisans des inégalités de richesse (sic)...

(Photographie : Georges Bernard-Shaw : 1856 -  1950)