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dimanche 8 janvier 2023

Bilan médical de la semaine du lundi 2 janvier au dimanche 8 janvier 2023 : Alzheimer, EMA, le salaire des libéraux, une chronique mal placée, non recours aux soins, check-up, un essai douteux, le temps non médical



1. FDA et Aduhelm (aducanumab-avwa) : un scandale majeur dans le "traitement" de la maladie d'Alzheimer


La FDA a aidé Biogen, la firme commercialisant Aduhelm, à obtenir son AMM alors que les essais cliniques n'étaient pas convaincants. Au prix pharamineux de 56 000 dollars par an.

En France, on retrouve un entretien dans Ouest France en juin 2021 (ICI) avec le professeur Bruno Dubois, directeur de l'Institut de la mémoire et de la maladie Alzheimer qui a participé aux essais en France.

Le professeur Dubois est plutôt mesuré dans ses propos. Il ne nous avait pas habitués à cela (il est connu de nos services car nous le citions déjà en 2011 pour le remboursement des médicaments dits anti-Alzheimer (LA))

  1. Le professeur Bruno Dubois fait feu de tout... bois dans les media. Il faut dire qu'il défend sa paroisse, étant Président de l'Institut Alzheimer de l'Hôpital de la Pitié Salpétrière, et il fait de l'annonce dans deux voies : une molécule, dont je ne vous dirai pas le nom, a montré, en double-aveugle contre placebo (nous attendons la publication), qu'elle diminuait la diminution de la taille de l'hippocampe qui serait une donnée anatomique chez les patients Alzheimer ; un vaccin aurait été mis au point et il agit, selon les dires Dubois, de façon spectaculaire chez les souris (il ne nous dit pas s'il s'agit de mâles ou de femelles). Voir ICI. Tout baignerait donc bien dans le monde merveilleux de l'Alzheimer s'il n'y avait pas, comme le dit si bien le docteur Trivalle, la revue Prescrire, les syndicats de médecin généraliste et des médecins médiatiques (ICI ENCORE)...


Philippe Charles Jacquet (1957 - )


2. Et ça recommence avec lecanemab !

Le lecanemab vient d'obtenir son AMM états-unienne dans l'indication Alzheimer avec un très faible niveau de preuves.

Le problème vient de ce que l'hypothèse physiopathologique, le dépôt de substance amyloïde dans le cerveau, soit fausse : voir LA

Et voici une mise au point de la Société Française de Pharmacologie et de Thérapeutique : ICI

Cela ne marche pas !


Villa Savoye à Poissy 1927.
Le Corbusier (1887 - 1965) Peut-on séparer l'architecte du fasciste ?


3. L' EMA valide des procédures de soins d'une qualité médiocre avec des conséquences désastreuses.

Un article de Siebert et col paru dans BMC Medicine (LA) ré-analyse des essais approuvés par l'EMA et souligne le manque de transparence et le fait que ces essais ne sont pas reproductibles par des chercheurs indépendants.


Vous pourrez lire avec profit un fil twitter d'un des signataires de l'article Florian Naudet : ICI.

Sidney Poitier, Harry Belafonte et Charlton Heston, lors de la marche pour les droits civiques (Civil Rights March), au Lincoln Memorial, le 28 août 1963. via
@ClassicFilm2


4. On tombe des nues ! La crise covidienne n'aurait pas été bien gérée en 2020...


ICI


Félix Vallotton, Cagnes 1921


5. Un journaliste d'investigation : Julien Pain


Il s'agit d'un journaliste reconnu par tous, me dit-on, parce qu'il a combattu les FakeNews et qu'il s'est attaqué à Raoult et acolytes. Dont acte. 

C'est un fil à charge contre les médecins libéraux qui demandent des augmentations, à mes yeux exorbitantes, de leurs honoraires, en voulant un doublement du prix de la consultation.

Le journaliste fait un thread sur le sujet !

Et dans son chapeau il parle du salaire global des médecins libéraux !

Quel est son degré de pertinence sur une échelle entre 0- et 0 + ?


Virginia Woolf (1882 - 1941)


6. De quoi notre santé est-elle le nom : Philippe Moreau Chevrolet 

Merci de lire l'éditorial de notre conseiller en communication : ICI

Avant ou après avoir vu l'émission C ce soir (LA) qu'il commente (cela dure une heure).

On ne peut pas dire que je sois un fan d'Agnès Buzyn pour laquelle j'avais consacré un billet prophétique en mars 2016 (LA) où j'écrivais : "La nomination du professeur Agnès Buzyn à la tête de la HAS était ce qui pouvait arriver de pire à la Santé publique française.

Rien ne va dans ce billet de PMC. 

PMC a choisi son parti : Lehman, Chiche et Desbiolles vs Buzyn.

Facile : tirer sur une ambulance n'a rien de courageux, mais voyons les arguments. Pour les premiers la santé serait un droit et pour la seconde un objet de commerce. 

A propos des 3 premiers PMC écrit : "Dans un retour à une période où l’hygiène était l’exception et non la règle, à une époque où la santé de l’autre ne nous concernait littéralement pas." Mais où voit-il cela ? Il ne fait pas la différence entre hygiène publique (les progrès depuis le dix-neuvième siècle ont été considérables : tout à l'égout, eau courante, hygiène alimentaire, et cetera et il serait intéressant qu'il lise un peu les grands auteurs comme Thomas McKeown) et hygiène individuelle et il porte un jugement moral sur ceux qui ne se préoccuperaient pas des autres. 

PMC cite les propos d'Agnès Buzyn et les commente : "Elle condamne la “surconsommation”, non pas de médicaments, ce qui pourrait s’entendre s’agissant de produits, mais de soins." Et il ajoute : "Or, soigner ou se soigner ne constituent pas des choix de consommation. On ne peut pas se passer d’une radio, d’un scanner ou d’un traitement comme on se passe de Nutella. Soit l’on soigne un patient, soit un patient se soigne, soit on renonce au soin. 

Cela est faux. Toutes les études montrent qu'il existe non seulement une sur consommation de soins mais surtout une sur consommation de soins inutiles. On peut, contrairement à ce qu'affirme PMC, se passer d'un scanner quand son indication n'est pas justifiée. On peut même se passer d'un traitement quand il n'est pas validé par des essais de qualité. Or, des données états-uniennes, britanniques et australiennes concluent que de 35 à 54 % des pratiques académiques hospitalières (hors homéopathie) de soins ne sont pas validées (LA). On imagine ce que cela doit être en ville ! 

Opposer les médecins entre eux : le "vrai" médecin contre "la" politique. Facile. 

Il faudrait demander à PMC s'il se promène dans la vie courante avec un détecteur de CO2 dans la poche, s'il est masqué FFP2 dans tous les lieux clos qu'il fréquente, c'est à dire, non seulement dans les transports mais dans les bureaux qu'il fréquente et s'il ne va jamais manger au restaurant ou discuter à la machine à café.

Mais, last but not least, après nous avoir fait une leçon de morale sans déclarer ses liens d'intérêts, PMC se lance sur Semmelweis où là, non seulement les gants nous en tombent mais également les bras. Hormis une interprétation personnelle sur Semmelweis avec quelques approximations, il cite Céline (dont on sait qu'il a écrit sur le sujet, oui, mais qu'il a écrit d'autres choses et fait d'autres choses).

On pourrait même citer PMC ainsi : Vu de Sigmaringen : "En renonçant à la santé des autres, nous renonçons à notre civilisation. Petit à petit, sans même nous en rendre compte, nous renonçons à notre rêve. Nous abandonnons notre humanité. Nous renonçons à voir dans la nuit."

Le droit à la santé ne peut se concevoir sans une politique de santé publique qui privilégie, outre le soin raisonné (validé), le revenu, l'emploi, l'éducation et l'alphabétisme, les conditions de vie et la sécurité alimentaire. 

Voir point suivant : 

7. Le non-recours aux prestations sociales : la DREES communique





8. Un maire états-unien impose le masque aux enfants dès la maternelle et ne le porte pas en zone dense à l'intérieur.


9. Les horreurs du check-up.

Vous pouvez lire le fil twitter de @FantineetHippo : LA

Et mon fil de réponse ICI

Les "check-up" proposés par le premier fil est une aberration. On ne peut pas faire de la médecine générale comme cela. Ce n'est bon pour personne. Vous pourrez utilement allez au point 10.

Mon fil explique pourquoi.


Hertha Müller (1953 - )
Prix Nobel de littérature en 2009


10. Un article de Nature (LA) de qualité douteuse est porté au pinacle



Vous voulez quelques éléments de réponse ?

  • Cet essai est un essai épidémiologique cas témoin rétrospectif (niveau de preuve a priori : très faible)
  • Cet essai a été réalisé par des auteurs dont un a reçu des fonds de Pfizer, de MSD et de Vax-Cyte (bien entendu sans relations avec le sujet de l'article ! Dans ces cas-là l'expérience prouve que, caché au milieu des autres auteurs, c'est lui qui a rédigé l'article...)
  • La rédaction de l'article est surprenante : le chapitre Méthodes est mentionné en fin d'article et une partie des résultats renseigne sur les méthodes
  • Le risque de transmission de l'omicron en milieu carcéral est passé de 36 % chez les non vaccinés à 28 % chez les vaccinés !
  • Les analyses post hoc (les sous-groupes de sous-groupes) sont bien entendu plus favorables et l'agrégation des sous-groupes (dont l'immunité naturelle qui devrait faire sauter en l'air les puristes) est assez improbable et montre enfin des résultats mais la rédaction de la phrase de résultats est prodigieusement incompréhensible : "we estimated that any vaccination, prior infection alone and both vaccination and prior infection reduced an index case’s risk of transmitting infection by 22% (6–36%), 23% (3–39%) and 40% (20–55%), respectively. "
  • Il n'y a aucune indication sur les mesures barrières.

En résumé : vanter un essai peu robuste pour vanter la vaccination alimente les antivaxx.


11. Réduire le temps non médical en médecine générale

Une tribune dans l'Express  (ICI) reprend les arguments largement exposés depuis des lustres par Michael Rochoy sur son blog (LA)

Une mise au point très à propos :




mardi 4 octobre 2016

Monsieur le directeur de la CPAM des Yvelines. Privatisation, gaspillage de l'argent public et destruction du parcours de soins.


A l'attention du directeur de la CPAM des Yvelines, Monsieur Patrick Negaret.
(Copie Nicolas Revel, directeur général de la CNAMTS)

Bonjour Monsieur,

Je vais vous raconter ce cas exemplaire. Ce cas exemplaire n'est pas une histoire de chasse. De nombreux médecins généralistes pourront vous raconter la même chose.

En 2013 j'avais déjà parlé de cette patiente aux services de la CPAM des Yvelines.  Je vous rappelle le cas : ICI. (voir ICI et LA pour d'autres informations sur le sujet).

Voici ce qui m'avait été répondu (en substance) (un certain E. Le Boulaire) (voir LA) : 
  1. L'examen se santé périodique fait partie des droits de chaque assuré social...
  2. ... les organismes d'assurance maladie doivent veiller à offrir ces examens en priorité aux personnes les plus démunies et les plus vulnérables au plan de la santé plusieurs fois dans l'intervalle des cinq ans.
  3. Ils contribuent à l'amélioration de l'état de santé des assurés par la combinaison de procédures qui relèvent du dépistage, de l'éducation à la santé et du conseil individualisé.
  4. Le centre IPC, certifié ISO 9001 version 2008...
  5. S'agissant de la réalisation d'examens biologiques dans le cadre du bilan... l'examen est modulé selon le référentiel... le médecin appliquait les référentiels scientifiques...

Madame A, 62 ans, dont je suis le médecin traitant, est convoquée par l'IPC, officine privée, avec des papiers où la CPAM est mentionnée.

Madame A va à ce rendez-vous.

Elle revient me voir avec un compte rendu. "Ils m'ont trouvé des choses."

Je lui demande pourquoi elle est retournée à l'IPC alors que je lui avais dit la première fois que cela ne servait à rien. Elle lève les yeux au ciel : "J'ai eu peur de ne pas aller à la convocation. Et puis : on ne sait jamais."

Voici le compte rendu d'examen.



Ainsi, le docteur T a-t-il signé un compte rendu où une PA anormale a été trouvée sans aucune mention du fait qu'elle est traitée pour cette pathologie. Le docteur T n'a pas trouvé de troubles de régulation glycémique alors que la patiente est traitée pour un diabète de type 2. j'ai déjà dans un billet précédent analysé les termes employés comme "limites", rien ne change donc.

Mais surtout : l'IPC n'est pas foutue de savoir, on appelle cela le suivi des patients, que cette patiente a un passé dans son propre organisme.

J'ai déjà indiqué que d'autres officines (le CIPC, voir LA) faisait du grand n'importe quoi médical et faisait dépenser à la CPAM des sommes astronomiques alors que le simple bon sens clinique...

A qui tout cela sert-il ?

Cette patiente, dont je suis le médecin traitant, est diabétique non id. Elle a une ALD pour diabète de type 2. Elle est donc suivie par moi. Je passe sur les différents examens et sur la fréquence des consultations. La demande d'ALD a été approuvée par le médecin conseil (puisque la demande n'a pas été refusée).

Sans doute vos services lui ont-ils demandé de participer à Sophia, ce machin aussi inutile que coûteux (cf. un article de Dominique Dupagne : ICI).

Je le répète : la prévention au pif, au hasard, sans  signes d'appel, ça ne marche pas. Toutes les études l'ont montré.

L'expérience du NICE anglais ou, plus précisément, du Quality and Outcomes framework (ICI) a montré que les sommes englouties ne servaient à rien en termes de Santé Publique (LA) mais remplissaient les poches de médecins qui, par ailleurs, ne faisaient que du remplissage et négligeaient ce qui était hors du QoF.


Cette prévention, telle que vous la pratiquez ou telle que vous la faites pratiquer en privatisant la CPAM au profit de sociétés profitables, entre dans le cadre de ce qu'avait dénoncé un médecin anglais, Julian Tudor Hart, en 1971 : The Inverse Care Law ou, en français, la Loi Inverse des Soins. Je vous donne la référence (ICI) pour que vous puissiez faire lire cet article à vos services. C'est à dire que les ressources sont plus allouées aux personnes qui n'en ont pas besoin qu'à celles qui devraient en bénéficier.




Mais il n'y a pas que la CPAM qui ne connaît pas cette Loi. 
Les médecins libéraux ou hospitaliers font de même. Savez-vous que dans les hôpitaux des Yvelines et dans des cabinets libéraux des praticiens hospitaliers et des gynécologues pratiquent des frottis du col utérin annuellement (et à des prix non secteur 1) bien que la recommandation soit triennale et alors qu'il est si difficile d'obtenir des rendez-vous chez eux et que ce sont les femmes qui n'ont JAMAIS de frottis qui devraient en bénéficier en premier car, comme par hasard, ce sont elles qui sont les plus à risques ? Savez-vous que dans les hôpitaux des Yvelines des PH suivent mensuellement en consultation privée des nourrissons qui ne posent aucun problème alors qu'il est si difficile d'obtenir des rendez-vous pour des nourrissons fragiles ? Savez-vous que des femmes de 40 ans sont initiées, sans risques particuliers, à la pratique d'une mammographie tous les deux ans, en dehors de toute recommandation et, surtout, en dépit du bon sens le plus commun ? 

Mais je m'arrête là. Tout le monde sait cela.

La prévention au pif, au hasard, cela ne marche pas. Pourquoi dépister des patients, comme ma patiente, qui bénéficie d'une ALD pour diabète de type 2, c'est à dire qui est connue en théorie de vos services médicaux, sans que le médecin traitant ne soit informé. cela s'appelle, dans votre jargon, un non respect du parcours de soins.

Que de temps perdu !
Que d 'argent perdu !
Que de légitimité perdue !


Je voudrais rappeler ici la fameuse, trop fameuse, phrase de David Sackett : La médecine préventive est trois fois arrogante : Premièrement, elle est agressivement affirmative traquant les individus sans symptômes et leur disant ce qu'ils doivent faire pour rester en bonne santé... Deuxièmement elle est présomptueuse, persuadée que les actions qu'elle préconise feront, en moyenne, plus de bien que de mal à ceux qui les acceptent et qui y adhèrent. Finalement, la médecine préventive est autoritaire, attaquant ceux qui questionnent la validité de ses recommandations." Voir ICI.

Sachant que mon courrier, comme celui que j'avais écrit en 2013, ne peut être pertinent puisqu'il ne correspond pas aux objectifs que vous vous fixez, à savoir toujours plus d'examens périodiques de santé, je ne désespère pourtant pas qu'il puisse être lu et pris en compte.

Avec mes meilleurs sentiments.


Docteur Jean-Claude GRANGE

mardi 29 octobre 2013

Les circuits inutiles de l'Assurance Maladie. Histoire de consultations 156.


Madame A, 59 ans, est titulaire de l'AME mais sur le point d'obtenir la CMU (elle en a fait la demande).
Je la connais depuis quatre ans.
Elle habite chez son fils à Mantes.
Elle travaille comme femme de chambre au black sur Paris et elle habite aussi chez son cousin dans le quartier Saint-Lazare.
Elle est traitée par mes soins pour une (petite) hypertension par enalapril 20 mg et sa PA est mesurée (par mes soins) à 130 / 90.
Elle a reçu une convocation de l'Assurance Maladie pour un examen périodique de santé (voir ICI et LA pour ce que j'ai déjà publié à ce sujet ; en gros : c'est inefficace, cela coûte cher, et la CNAM a privatisé).
Elle vient me voir avec le rapport de l'IPC. Elle est inquiète. En vrac : les vaccinations ne sont pas à jour, il existe une hypertension non contrôlée (PA = 180 / 95), l'ECG montre des troubles de la repolarisation qui nécessiteraient une consultation chez le cardiologue et elle présente des troubles de la vision.
J'ai lu le rapport d'un oeil distrait.
La PA est ce jour identique : 130 / 85. Je n'entends pas se souffle. L'ECG me paraît normalissime.
Elle repart.
Je la revois hier.
Elle me rapporte les rapports de l'examen cardiologique et de la consultation faits au Centre Médical Europe (il semblerait qu'il y eût des connexions entre l'IPC et le CME). L'échographie cardiaque est normale de chez normale. La PA a encore été mesurée à 175 / 95. Le deuxième cardiologue a prescrit de l'exforge (5 / 80) pour trois mois.
La PA est à 130 / 80. Comme d'habitude.
J'oubliais : les vaccinations sont à jour.
Autre chose : elle est allée "voir", cela s'appelle les maisons de santé (!), l'ophtalmologue qui avait le cabinet d'à côté dans le CME. Elle a une prescription de lunettes. La patiente : "C'est cher : 360 euros et je dois payer 160 de ma poche. Cela attendra. Je ne peux pas payer. Je vais demander à mon fils."
Au moment de la fin de la consultation la malade me dit, incidemment, que ses jambes ont gonflé.
Bon : on résume : la patiente qui n'avait rien demandé (mais qui avait accepté car les courriers de la CNAM foutent la trouille au vulgum pecus) a été inquiétée pour rien ; elle a eu droit à des examens inutiles ; on lui a changé son traitement anti hypertenseur ; on est passé d'un IEC génériqué (inhibiteur de l'enzyme de conversion) à une association inhibiteur calcique / sartan non génériquée (le ROSP ou P4P conseille et donne de l'argent si l'on prescrit plus d'IEC que de sartan) qui induit un effet indésirable connu (oedèmes des membres inférieurs) et inconnu de la patiente.
Encore un (petit) truc : le cardiologue avait prescrit pour trois mois une boîte de 90 et le pharmacien, pour des raisons que je vous laisse deviner, a prescrit une boîte de 30.
Au delà de toutes les considérations que chacun d'entre vous fera, on est en plein dans le dysfonctionnement du système. 
  1. Les examens périodiques de santé ne servent à rien et la CPAM, non seulement les préconise (c'est un texte de loi auquel elle doit se soumettre) mais l'externalise à des instituts privés.
  2. Les sociétés privées qui pratiquent les examens périodiques de santé sont de mèche avec des centres de santé privés (le rêve des médecins généralistes, me dit-on, où le patient est captif) qui pratiquent des examens qui s'avèrent inutiles et qui prescrivent des traitements qui sont plus chers  (dans une politique opposée à celle de la CNAM, P4P, et exposent à des effets indésirables.
  3. La patiente n'a toujours pas de lunettes.

No comments. 

Illustration : Georges Braque (1882 - 1963). Deux oiseaux sur fond bleu (1963)

jeudi 4 avril 2013

La CNAM, le médecin traitant, le spécialiste, Sophia, le CAPI, le ROSP et le bilan périodique de santé. Histoire de consultation 145.


J'ai fait une erreur.

Je n'aurais jamais dû accepter que Monsieur A, 43 ans, dont je suis le médecin traitant en titre (et pour lequel je touche 40 euro par an, on le verra plus loin, sans presque rien faire), et après que j'avais fait le diagnostic de diabète de type II, allât consulter un diabétologue.
J'avais oublié cette erreur jusqu'au jour où il est venu me revoir pour le diabète.
Monsieur A est gentil, calme, déterminé et de bonne foi.
Donc, il vient consulter sur rendez-vous et, après les civilités d'usage, après que HelloDoc eut daigné ouvrir le dossier de mon patient au bout de longues secondes d'angoisse, il me dit qu'il vient pour trois choses.

Déjà, le patient qui vient pour trois choses, me tape sur les nerfs a priori (ce qui est une réaction d'une grande idiotie, je le concède, mais qui me ramène à la notion de médecin généraliste qui peut -- et qui doit-- dans la même consultation faire le boulot d'un ou de trois, voire quatre, spécialistes non généralistes, voir ICI, pour la modique somme, en secteur 1, de 23 euro) et j'ai beau lui tendre le sourire le moins contraint que je connaisse dans ma panoplie de médecin généraliste empathique et soucieux de sa patientèle, un sourire contraint quand même qui cache un désamour certain, cela me rend dubitatif et légèrement sur mes gardes pour la suite de la consultation.

Les trois choses (et les trois rictus).
Il pose d'abord sur mon bureau le questionnaire Sophia en me disant, je cite, "J'ai accepté d'adhérer à Sophia, le suivi des diabétiques." Premier rictus.
Il pose ensuite l'enveloppe des résultats de son examen périodique de santé "Puisque c'est gratuit..." en me demandant de le regarder. Deuxième rictus.
Enfin, il a raté le rendez-vous avec le diabétologue et il veut que je lui refasse son ordonnance. Troisième rictus.

Tout baigne.
Mais ce n'est pas fini.
Je jette un regard distrait sur le questionnaire Sophia (pour le remplissage duquel mais je ne sais pas trop s'il s'agit d'un seul remplissage ou s'il faudra le faire plusieurs fois au cours d'une même année pour que je  reçoive la modeste somme de 2,5 C) et je vois d'une part que sont demandés des renseignements sur des analyses biologiques que je n'ai pas prescrites (et je ne dispose pas des résultats) et d'autre part que les items à remplir (sur papier glacé) m'ennuient au plus haut point. Mais le patient sophiaté a tout prévu : il a apporté ses prises de sang. Je me rends compte alors qu'il consulte "son" diabétologue une fois tous les six mois (il me le confirme) et que "son" diabétologue ne me fait jamais de courrier ("Ah bon, il ne vous envoie rien ?" Je confirme). Le dossier de "mon" patient indique qu'il n'est pas venu me voir depuis cinq mois (et pour une infection virale ORL qui n'aurait même pas dû faire l'objet d'une consultation et quand je lui ai posé des questions sur le diabète il m'a répondu "mais c'est le diabétologue..."). Donc, le patient me montre les résultats d'une HbA1C à 6 en février 2013, à 5,8 en août 2012 et à 6 en février 2012. Je pense au ROSP (Rémunérations sur Objectifs de Santé Publique*) qui est en train de me filer sous le nez comme un pet sur une toile cirée... Je rappelle ici que les grands experts de la CNAM ont décidé que pour "bien" suivre un patient diabétique de type 2 il fallait doser l'HbA1C (ou hémoglobine glyquée 3 à 4 fois par an), ce qui est du domaine de la pensée facile ou du bon sens bien pensant (même si Prescrire a dit que c'était acceptable...). Quant au LDL, dosé une fois, il est à 1,14.

C'est alors (cf. supra Mais ce n'est pas fini) que je lui demande s'il est d'accord pour que je lui mesure la pression artérielle (j'aurais dû dire : "Daignez-vous, cher patient dont je suis le médecin traitant et qui vous faites suivre à la sauvette par le bon spécialiste du diabète, que je vous prenne la tension ?") et il me dit "J'allais vous le demander" et il ajoute :"Lors de l'examen de santé, ils m'ont trouvé de la tension". Bon. Le patient a 170 / 90, ce qui est trop pour un diabétique de type II (selon les recommandations actuelles). Il ne m'a pas apporté le rapport complet de l'IPC, officine dont je vous ai déjà parlé ICI et LA, seulement les résultats de prises de sang, il a dû considérer que le reste était sans importance -- ce en quoi il aurait eu raison -- ou que son médecin traitant supposé n'était pas digne de les lire -- aurait-il tort ?, -- et je ne peux que le croire quand il m'affirme que la pression artérielle mesurée à cette occasion était à 16. Nous allons aviser...

Il y a donc les examens de l'IPC qu'il m'a apportés incomplets et qui, le médecin traitant n'ayant pas été consulté et l'examen de sang étant standard, ne comportent pas de dosage de l'HbA1C mais je lis une glycémie à jeun à 1,22... et un LDL à 1,23. Je survole le reste.

Puis il y a le renouvellement.

Cette consultation peut vous paraître foutraque mais c'est le lot de ces malades, de bonne foi, qui se baladent à droite et à gauche, c'est peut-être cela la collégialité involontaire, et qui vous déversent sur votre bureau, leur parcours de soins. Je ne vous parle pas des patients de mauvaise foi qui font la même chose en mentant, dissimulant et en tentant de vous prendre en défaut au cas où vous ne raconteriez pas la même chose que les spécialistes...

Je me rends compte, en lisant l'ordonnance du  diabétologue, que, pour une fois, le traitement que j'avais mis en route à l'origine, c'est à dire la metformine, a été conforté, qu'il n'a pas été prescrit autre chose et notamment les produits "innovants". Un miracle. 

Cette consultation appelle plusieurs observations (ne vous méprenez pas sur le côté docte de l'affaire) :
  1. Le médecin traitant que je suis s'est fait déposséder de son malade et a accepté. Mais c'est fini, il a demandé au patient de choisir.
  2. Sophia propose des questionnaires débiles qui n'aident pas le patient mais rendent la CNAM capable de faire des statistiques bidons (voir ICI)
  3. Ce patient parfaitement équilibré n'a pas besoin de trois ou quatre dosages d'HbA1C pour être bien équilibré et le ROSP tombe à côté de la plaque
  4. Les examens périodiques de santé sont une vaste rigolade, coûtent cher et n'apportent rien
  5. Les médecins qui ont touché pour le CAPI que j'avais refusé vont aussi toucher pour le ROSP que j'ai accepté (voir ICI) : c'est comme si, le même jour, on facturait une consultation deux fois
  6. Mais surtout : l'administration française a construit un édifice bancale, un mille-feuilles de décisions, de règlements, d'objectifs qui s'entremêlent et qui n'ont aucune visibilité (me voilà en train d'utiliser les termes du marketing managerial) et qui font le génie de notre fonction publique : "mon" patient diabétique dont je suis le médecin traitant me "rapportera" : le prix d' au moins 4 consultations par an (4 x 23 = 92 euro) (mais je peux faire du "à la revoyure", la rémunération Sophia (2,5 C = 57,5 euro), la rémunération ALD (40 euro), la consultation IPC (23 euro) plus la rémunération ROSP (inconnue), plus, pour les ex médecins CAPI la rémunération CAPI (inconnue).

L'expérience du NICE anglais ou, plus précisément, du Quality and Outcomes framework (ICI) a montré que les sommes englouties ne servaient à rien en termes de Santé Publique (LA) mais remplissaient les poches de médecins qui, par ailleurs, ne faisaient que du remplissage et négligeaient ce qui était hors du QoF.
On comprend que certains syndicats appuient la démarche ROSP puisque c'est la seule façon, le tarif de la consultation étant bloqué, d'augmenter les honoraires des médecins...
Mais c'est quand même du bricolage à la petite semaine...
(crédit photographique : ICI)


* ROSP : je ne veux pas paraphraser Cornelius Castoriadis qui disait, à propos de la défunte URSS : 4 initiales, 4 mots, 4 mensonges, parce que ce n'est pas tout à fait vrai : je vais quand même toucher de l'argent si HelloDoc fonctionne ; mais les dits objectifs de Santé Publique (une expression bien ronflante) sont sans intérêt... pour la santé Publique (voir ICI pour le CAPI, antichambre des ROSP)

jeudi 25 octobre 2012

La prévention selon la CPAM maltraite le patient (et le médecin traitant) et conduit à des examens inutiles.


J'avais déjà écrit un post sur la prévention conçue par la CPAM (ICI), prévention appelée examen périodique de santé, qui délègue à des officines privées le soin de la "pratiquer", des officines qui se moquent complètement de l'organisation du système de soins et notamment de la notion de médecin traitant, des officines qui se moquent complètement des recommandations pour prescrire des examens, font ce qu'elles veulent, quand elles veulent, au moment où elles veulent et publient des commentaires déplorables. J'avais écrit au directeur de la CPAM des Yvelines (ma naïveté me rend perplexe) qui m'avait répondu dans un style administratif d'une grande compétence qu'il ne faisait que suivre la loi et qu'il fallait que je m'adresse au médecin responsable du centre de prévention pour ce qui était de mes remarques médicales (probablement dans le but qu'un simple médecin généraliste, pas encore médecin spécialiste en médecine générale, fasse respecter la Médecine comme on dit respecter la LOI. Combien de divisions, docteurdu 16 ?).
Tout a donc continué comme avant, pourquoi se gêner ?
Il y a, certes, depuis, une publication de la Collaboration Cochrane, qui montre que les bilans de santé ne servent à rien (LA), mais les experts français ne considèrent pas que cette Collaboration puisse dire des choses intéressantes tant pour la vaccination contre la grippe (LA) que pour le dépistage du cancer du sein (ICI) et, en général, voici le mode de pensée français (au moment où on s'interroge sur l'identité nationale) :
Première version : Les Français se lancent à corps perdu dans des innovations innovantes que tout le monde nous envie, s'y perdent, s'y noient, et prennent du retard sur l'innovation innovante mondiale (Minitel puis Internet).
Deuxième version : Les Français se moquent de ce qui se fait ailleurs (c'est quand même nous les meilleurs), finissent par s'y mettre avec retard et avec beaucoup de sérieux sans tenir compte du fait que les expériences étrangères ont échoué (Capi et P4P).

Et là, je reçois un patient d'origine africaine, Monsieur A, 46 ans, parlant difficilement le français, en France depuis quelques années, patient du cabinet depuis son arrivée en France, qui a été convié par une de ces officines, appelé pompeusement Centre d'Investigations Préventives et Cliniques (CIPC, ICI), et j'aimerais tant que l'IGAS s'intéressât à son fonctionnement, à des examens de dépistage et que je revois, inquiet, avec un compte rendu, deux prises de sang, un scanner abdominal et une cholangio - IRM... 
Pendant ce temps là le nouveau Directeur de la CPAM des Yvelines pond des circulaires à la khon pour obliger les patients à consommer du générique et pour atteindre le taux de 85 % qui lui permettra de toucher son P4P de directeur de caisse...
Reprenons les faits depuis le début.
Monsieur A, 46 ans, a été convoqué par le CIPC (C.E.S. conventionné par la Sécurité Sociale, sic) à subir un examen périodique de santé, c'est à dire des examens GRATUITS dans son centre de Mantes-La-Jolie et dans des locaux que j'imagine prêtés gratuitement (enfin, sur des fonds publics) par la ville en question. La gratuité est une notion qui laisse rêveur quand on sait qui paie (les assujettis de la CPAM) et quand on connaît le rendement de l'affaire en termes de santé publique.
Il arrive avec une grosse pochette d'examens que nous allons examiner ensemble :
  1. Il est examiné le 26 mars 2012 et reçoit un courrier daté du 30 avril 2012 signé par le Docteur  D*** qui comprend 5 pages et des résultats d'examens complémentaires.
  2. "Le bilan ci-après ne montre pas, dans son ensemble, d'anomalies remarquables"
  3.  "..." "Nous attirons votre attention sur le fait que les éléments ci-après sont à prendre en compte : - tension artérielle limite (sic) - anomalie du bilan urinaire - globules rouges limites - bilan lipidique limite - bilan hépatique limite "
Reprenons les faits un à un.
  1. "Tension artérielle limite" (la notion de "limite" est assez nouvelle et nul doute qu'il faudrait que nous analysions en détail ce qu'elle signifie. Une recherche sur PubMed a été décevante, nous l'avouons bien volontiers. S'agit-il d'une pression artérielle normale ou anormale ? ). Les chiffres sont les suivants pour la première mesure en position couchée : 146/90 à droite et 141/90 à gauche ; la deuxième mesure effectuée nous dit-on par une infirmière (mais la position n'est pas notée) au bras de référence (à droite) : 142/92, ce qui nous donne, accrochez-vous aux barrières de votre lit médicalisé, des valeurs "moyennes" au bras droit de 144 (146 + 142 / 2) / 91 (90 + 92 / 2) ! Avouons que leurs calculs sont compréhensibles ! Je ne sais pourtant pas d'où ils tirent leurs notions. Les recommandations du NICE anglais ne demandent pas de faire des moyennes mais de prendre la valeur la plus BASSE lors de mesures répétées et notamment quand une infirmière a mesuré la pression artérielle (voir ICI). Monsieur A n'a pas une pression artérielle limite, il n'est tout simplement pas hypertendu.
  2. "Anomalie du bilan urinaire". Le bilan biologique a été réalisé au laboratoire de l'IPC dont le Directeur s'appelle J-M Kirzin (pharmacien biologiste). Les dépistages urinaires sont "qualitatifs", la Bandelette Combur-7 ROCHE indique 2 pour une normalité à 0+, et le commentaire est "Leucocyturie modérée à vérifier"
  3. "Globules rouges limites". Cette expression est également on ne peut plus précise et digne d'un questionnement. Je lis 5,54 GR avec un VGM à 80 et une Hb à 14,5 g / l ????
  4. "Bilan lipidique limite". Je dois être totalement ignare chez cet homme de 46 ans non fumeur : CT = 2,1 g/l ; TG = 1,08 ; HDL = 0,5 ; LDL = 1,38. Sans commentaires. Cela dit, suivent des conseils hygiéno diététiques pour "que l'alimentation devienne plus pauvre en cholestérol et en graisses saturées".  Conseils non personnalisés puisque le patient est musulman...
  5. "Bilan hépatique limite". Nous sommes confrontés à des problèmes d'interprétation majeurs puisque les résultats sont les suivants : ALAT = 55 UI/L (N < 55) ; ASAT = 35 (N < 35) ; GGT = 75 ; "gGT modérément augmentée à surveiller" ; Phosphatase OH = 78.
On voit combien les points sur lesquels le bon docteur D*** a "attiré l'attention" sont majeurs. Mais attendez la suite.

Pendant mes vacances (il a appelé le cabinet et ne voulait consulter ni mon associée ni ma remplaçante) et le patient résidant à Paris chez sa soeur pendant ses vacances, il se rend, alerté par l'attirage d'attention du CIPS, au Centre médical Europe, 44 rue d'Amsterdam, 75009, Paris, où le patient a droit,   le 21 juillet 2012, aux examens suivants demandés par le docteur C*** : VS = 6 ; TP = 100 ; ferritine = 82. 

Le docteur C***, gastro-entérologue de son état, a aussi prescrit le 18 juillet 2012 l'ordonnance suivante : Daflon 500, Hirucrème, titanoréine suppo, aerius, dexeryl et doliprane. 

Le 20 juillet de cette an de grâce 2012 où notre Ministre Marisol Touraine "révolutionne" les honoraires, et toujours selon la prescription du bon docteur C*** consultant au 44, rue d'Amsterdam, Monsieur A, 46 ans, a droit à une échotomographie abdominale réalisée, savez-vous où ? Au 44 rue d'Amsterdam ! L'indication de cet examen : "Augmentation des Gama (sic) GT". L'examen est normal selon le bon docteur M*** : "Foie homogène de taille normale".

Notre bon patient, Monsieur A, 46 ans, revoit avec ses résultats le non moins fameux docteur C***, qui prescrit un bilan biologique qui sera fait le 26 septembre : Gamma GT = 94 ("Aspect sans grande particularité"). Il prescrit une cholangio IRM qui sera réalisée dans la foulée dans un autre centre privé et le docteur S*** conclura : "Examen sans particularité."

Et ainsi revois-je Monsieur A, 46 ans, qui aura "droit" à un dosage de GGT dans trois mois. Comment faire autrement ? A part cela, et à part un peu d'anxiété liée à cette cascade d'examens, il va bien.

Remarques :
  1. Il faudrait aller voir un peu ce qui se passe chez CIPC
  2. Il faudrait voir ce qui se passe dans ces centres médicaux intégrés où je te passe le patient, je te le repasse, je te le renvoie et le tiroir-caisse fonctionne
  3. Tout le monde s'assoit sur le parcours de soins.

dimanche 27 mai 2012

La Prévention vue par la CPAM et le Sur Traitement vu par l'ORL (histoires de consultation 119 et 120)



Belle journée de consultation dans la commune jadis champêtre de Plouc-La-Jolie en ce samedi ensoleillé. Tout le monde parle de l'affaire (deux infirmiers incarcérés pour "excès" d'actes) dont je ne dirai rien car je sais peu de choses qui ne soient sous le coup du secret professionnel et je continue de facturer 23 euro mes remarquables consultations de samedi sans invoquer l'urgence au contraire de mon confrère (et pas ami) qui a fait sonner trompettes, syndicats et media pour justifier son rôle majeur dans le sauvetage urgent des populations en danger (ce qui signifie que les autres médecins généralistes qui travaillent sur zone sont de gros khons bobologues tout juste bons à prescrire des emplâtres sur des jambes de bois et à se laisser intimider par, comme dit le syndicat qui le soutient mordicus, Madame Lacaisse, au mépris de toute décence commune...).

La prévention vue par la CPAM : Histoire de consultation 119. 
Monsieur A, 39 ans, est venu pour la première fois "consulter" au cabinet il y a un mois pour me "choisir" comme médecin traitant. Originaire d'Angola il parle portugais et trois mots de français. Le dialogue est difficile, mes connaissances lusitaniennes se cantonnant à feijoada (ICI) et Mourinho (LA) et surtout, mais avec beaucoup moins d'intérêt pour la conversation dans la langue de Camoëns (ICI), à la lecture en français des romans traduits du portugais de Fernando Pessoa (ICI) ou d'Antonio Lobo Antunes (LA), et de la lecture, toujours en français, des romans écrits en italien par Antonio Tabucchi (ICI), le plus Portugais des Italiens, où en étais-je, oui, le patient, qui n'a même pas l'AME ou la CMU,  revient donc avec une enveloppe que je subodore de loin, cela me colle un cafard terrible, et qu'il va me falloir lire en faisant semblant de m'y intéresser. C'est un examen de santé émanant de la CPAM de Paris ! Je lis d'abord la prose du médecin (que je ne nommerai pas par confraternité, il faut bien vivre, il faut bien, aussi, sauver l'humanité souffrante, et là, pour le coup, pas encore souffrante, enfin c'est notre consoeur, je ne comprends pas pourquoi on dit con frère et pas conne soeur...) qui m'apprend a) qu'il y a un problème de tension ; b) que les vaccinations ne sont pas à jour faute de données et c) que les dents ne sont pas en bon état.
Vous savez ce que je pense de ces consultations de prévention appelées aussi examens périodiques de santé (ICI) et de la façon dont ces examens, pas dans ce cas, je l'avoue, il semble qu'il s'agisse d'un centre "officiel", ont été privatisés à des sociétés privées qui se moquent comme d'une guigne du parcours de soins et des structures locales pérennes (désolé d'utiliser la langue de bois officielle) qui y travaillent depuis des années et qui vont continuer de le faire en raison, d'une part, du manque de médecins et, d'autre part, du fait que les retraites sont d'un niveau ridicule... Enfin, dans ce cas précis, un patient arrivant d'Angola pour des raisons que j'ignore et dont je me moque en tant que médecin (même si des renseignements biographiques pourraient m'éclairer sur de futures pathologies ou d'anciennes négligées jusqu'alors), il est possible, pas d'études bien entendu, la France est le pays du volontarisme, on n'expérimente pas, on impose, on fixe des objectifs, on n'évalue pas et on se gargarise des résultats obtenus, il est donc possible que cela serve à quelque chose...
A propos de ces examens périodiques de santé, nul doute que le nouveau (la nouvelle) ministre, les maintiendra pour des raisons politiques et sociales... Nous verrons...
Donc, ce patient a un problème de tension, apprends-je en lisant le petit mot de notre consoeur. Je parcours donc les nombreuses pages et je constate avec plaisir, hormis le problème des dents, que le patient est, selon les examens qu'il a passés, propre comme un sou neuf, et que sa PA, mesurée par, j'imagine le docteur, puis contrôlée par l'infirmière, est, toujours à 135 / 85 !
Où sont les problèmes de tension ?
Donc, le patient a été inquiété pou rien, et je dois lui dire, dans mon français non hésitant mais adapté à un lusophone qui comprend deux mots de français, que tout le cinéma qu'on lui a fait lors des examens qu'il a passés, c'était du flan absolu. Encore un qui va avoir confiance dans le système de santé que toute la planète nous envie (ce qui est moins évident selon les derniers chiffres publiés par le Haut Conseil de la santé publique (LA), mais je me méfie des comparaisons, surtout quand il s'agit d'experts du HCSP... mais les chiffres sont tenaces... puisque selon Euro Health consumer Index 2012, nous sommes en huitième position européenne : LA).
Le patient n'en sait pas plus sur ses vaccinations, je lui en avais touché un mot lors de la première consultation, et il a eu "droit" à une prescription de DTP (c'est le nom générique), et je lui ai conseillé un dentiste qui ne fait pas de DE importants.

Le sur traitement vu par l'ORL : Histoire de consultation 120.
La charmante Madame A, 49 ans, dépose devant moi deux comptes rendus qu'elle a sortis de son grand sac. A ma droite, celui d'un ORL, à ma gauche celui d'un pneumologue.
Anamnèse : la patiente, hypertendue traitée par un IEC depuis deux ans, est fatiguée. Elle a aussi un nouveau métier depuis environ deux ans, secrétaire administrative, métier qui lui plaît beaucoup mais dont le handicap essentiel est qu'elle doit faire un peu plus de deux heures par jour de transports en commun. Son mari, qui l'accompagne souvent en consultation, l'avait "balancée" : Docteur, elle ronfle la nuit... Je l'ai interrogée selon les règles et il m'a paru qu'il existait de nombreuses pauses...
Donc, fatigue, hypertension, ronflements : explorations.
J'ai écrit une lettre au pneumologue et voici ce qui s'en suivit.
Précision : les ronchopathies, qui sont aussi fréquentes que le vieillissement, les rides et, bientôt,  l'Alzheimer sont devenues la tarte à la crème de la pneumo-oRLogie et, accessoirement, de la cardiologie. Je n'ai pas analysé récemment la littérature (qui m'a paru, dans l'ensemble, fort partiale et fort favorable à la pression positive continue comme on le voit sur des sites grand public : LA) mais il me semble que, selon mon expérience interne, de nombreux diagnostics sont faits, de nombreux appareils de pression positive continue sont posés et que de nombreux patients ne s'en servent pas (et bien que l'on parle d'un taux d'acceptation de 80 à 90 % !) pour de multiples raisons dont le bruit (les ronchopathologues ont beau dire que l'appareil fait moins de bruit que les ronflements, le patient ne s'entend pas ronfler mais a volontiers du mal à s'endormir à cause du bruit) et le côté peu sexy de l'appareillage, sans compter les éventuels effets indésirables... Quant au traitement non médical, nous allons y venir.
Donc, sur ma droite, le courrier de l'ORL qui se conclue, après un exposé négatif sur les facteurs anatomiques, par une ouverture vers le tiroir-caisse : la macroglossie postérieure pourrait faire envisager une chirurgie du voile du palais.
Sur ma gauche : le compte rendu du pneumologue qui conclut que la patiente n'a pas de syndrome obstructif d'apnée du sommeil (SAOS).
La patiente : "Vous pensez à la même chose que moi ? - Oui, j'imagine."
Sur traitement quand tu nous tiens.

Belle journée de samedi. 

dimanche 6 juin 2010

LA PREVENTION, ENCORE ET TOUJOURS POUR AMUSER LA GALERIE : LES EXAMENS PERIODIQUES DE SANTE


Dispensaire à Madagascar (Anjozorobe)

Nous avons déjà beaucoup discouru ici sur l'arrogance de la prévention.

Je voudrais rappeler ici la fameuse, trop fameuse, phrase de David Sackett : " La médecine préventive est trois fois arrogante : Premièrement, elle est agressivement affirmative traquant les individus sans symptômes et leur disant ce qu'ils doivent faire pour rester en bonne santé... Deuxièmement elle est présomptueuse, persuadée que les actions qu'elle préconise feront, en moyenne, plus de bien que de mal à ceux qui les acceptent et qui y adhèrent. Finalement, la médecine préventive est autoritaire, attaquant ceux qui questionnent la validité de ses recommandations." Voir ICI.
Elle devrait apparaître comme économiseur d'écran dans tous les ordinateurs des médecins, des décideurs et des payeurs.

Je le répète : qui pourrait s'opposer à la prévention ?

A Mantes-La-Jolie, dans la zone du Val Fourré, il existe des problèmes sociaux et des problèmes médicaux qui sont liés (je n'en ferai pas un exposé exhaustif) aux conditions sociales, aux faibles revenus des familles, aux conditions de travail des habitants, aux habitudes alimentaires, au choc culturel qui fait passer de l'alimentation traditionnelle au "grec - coca" ou de l'ère pré pasteurienne à l'ère post pasteurienne, et cetera, et cetera. Sans compter un fort taux d'analphabétisme chez les aînés.

C'est dans ce cadre somme toute largement compris par la France tout entière que des Examens Périodiques de Santé sont pratiqués par un organisme privé, l'IPC. Cet organisme dispose de locaux dans le Val Fourré, fait pratiquer des examens sanguins (adressés dans leur centre parisien pour analyse), des ECG, des EFR et autres audiogrammes. Le patient, choisi selon des critères inconnus, reçoit une convocation à domicile qui fait très "officielle" et les patients me demandent s'ils sont obligés d'y aller (quand ils ne veulent pas s'y rendre) et, pour ceux qui s'y sont rendu, me rapportent le "rapport" qui comprend de nombreuses pages de résultats et des commentaires sur l'état de santé avec des "recommandations" destinées au médecin traitant.

J'ai écrit avec un collègue biologiste, un courrier électronique au Directeur général de l'Assurance Maladie des Yvelines, Monsieur E. Le Boulaire dans lequel je m'étonnais des pratiques de cet IPC.

Voici la teneur de ce courrier où j'y signalais un certain nombre d'agissements :

Il paraît anormal que des patients qui ont signé le formulaire médecin traitant soient sollicités sans que le médecin traitant ne soit prévenu a priori.
Il paraît encore plus anormal que les patients suivis pour une Affection de Longue Durée soient également sollicités sans que le médecin doublement traitant n'ait été averti.
Ainsi, des patients diabétiques traités par leur médecin traitant (moi-même) apprennent qu'ils sont diabétiques, ou des patients hypertendus qu'ils sont hypertendus, ou des patients porteurs d'une drépanocytose qu'ils ont des globules rouges anormaux...
Mon expérience m'indique que des patients ayant subi un contrôle lipidique quelques semaines auparavant ont y été soumis de façon systématique. Et il en est de même pour d'autres dosages et examens comme l'ECG dont le rendement prédictif chez un patient asymptomatique paraît peu important.
Il y a plus.
Les rapports comportent des commentaires sur l'état de santé du patient à propos d'une éventuelle hypertension artérielle, des troubles lipidiques ou de troubles de la régulation glycémique qui sont en contradiction avec les avis de la Haute Autorité de Santé.
Ces commentaires inappropriés entraînent une anxiété chez le patient et surtout une incompréhension sur le fait que le médecin traitant ne se serait pas rendu compte auparavant de troubles inexistants...
Mais il y a encore plus. Des examens complémentaires non recommandés par la Haute Autorité de Santé sont inclus dans le package général, comme le dosage du PSA chez des hommes de plus de 50 ans...

Ainsi, ces Examens Périodiques de Santé, me paraissent tout à fait dévoyés de leur objectif initial, à savoir dépister des anomalies de santé dans des populations défavorisées ou ne consultant pas régulièrement un médecin.
Ils conduisent à des examens inutiles, doublonnants ou non recommandés par l'Etat de la Science et leur rentabilité scientifique et économique me paraît douteuse.

La CPAM dispose d'une structure pérenne, la médecine générale, de médecins traitants et elle confie à un organisme privé des missions qu'il ne remplit pas.
J'ai à mon cabinet la liste de toutes les anomalies que j'ai relevées.

Voici ce qui m'a été répondu (en substance) :
  1. L'examen se santé périodique fait partie des droits de chaque assuré social...
  2. ... les organismes d'assurance maladie doivent veiller à offrir ces examens en priorité aux personnes les plus démunies et les plus vulnérables au plan de la santé plusieurs fois dans l'intervalle des cinq ans.
  3. Ils contribuent à l'amélioration de l'état de santé des assurés par la combinaison de procédures qui relèvent du dépistage, de l'éducation à la santé et du conseil individualisé.
  4. Le centre IPC, certifié ISO 9001 version 2008...
  5. S'agissant de la réalisation d'examens biologiques dans le cadre du bilan... l'examen est modulé selon le référentiel... le médecin appliquait les référentiels scientifiques...
Commentaires : les droits du malade (point 1), voilà une belle affaire, démagogie quand tu nous tiens, et ça continue avec le couplet social (point 2), le dépistage (point 3) est déclaré efficace a priori selon les canons de la scientificité arrogante préventive, les règlements administratifs (point 4) sont respectés, et enfin (point 5), plus les mensonges sont gros et plus ils devraient passer.

Je n'appellerai pas le médecin responsable : cela me ferait perdre du temps.

Cette mini affaire rend compte, encore une fois, du mépris avec lequel les médecins généralistes, et les spécialistes sur zone, sont traités par une structure qui ne se réfère qu'à ses référentiels : la vitrine des politiques inefficaces et le mépris de la Science.

Encore et encore.