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dimanche 19 février 2023

Bilan médical du lundi 13 au dimanche 19 février 2023 : Manifestation et grève, immunité naturelle, OMS qui a nié la transmission aérienne, racisme chez les nouveaux-nés aux US, David Gorski, chemsex, duloxetine et d'autres trucs.

A la veille du procès Servier "on" essaie d'intimider Irène Frachon.


65. Pourquoi la manif du 14 février 2023

Image docdu16


Je suis allé au défilé, je n'ai pas défilé, j'ai suivi, j'ai regardé, j'ai pris des photos, salué des amis, des copines, des camarades et je n'étais pas d'accord sur grand chose sinon que mon avis n'a aucun poids puisque je n'ai rien à proposer. Et je ne pouvais pas faire grève puisque je suis retraité...

Le fait que je ne sois pas d'accord avec des slogans ineptes ne surprendra personne. Je me suis déjà expliqué contre les 50 euros, pour les IPA, contre le déconventionnement, pour l'accès direct aux kinés, c'est clair ?

Et je suis bien entendu contre la loi Rist et les délires du nouveau conventionnement CPTS. Je vous conseille pour être au courant de tout cela de vous diriger vers le de @RichardTalbot sur twitter (LA) qui fait le point dur les négociations conventionnelles en cours.

Ce qui me rend triste c'est que l'extrême-gauche et la gauche soient complètement à côté de la plaque : ce n'est pas la médecine générale libérale qui est la cause de tous les maux, ce sont les soins primaires qui ont changé, dans tous les pays du monde et quel que soit le système de rémunération des médecins, une profession qui n'a pas pu et su s'adapter et qui doit subir une réforme technocratique comme seule le génie français est capable de l'inventer : un libéralisme autoritaire de complaisance.

J'ai lu avec attention les motivations du docteur Michaël Rochoy pour faire grève (ICI).

Et ? 

Et rien. Ce sont des mesurettes.

Je ne vais pas me répéter : la caste des mandarins hospitaliers se moque de ce qui n'est pas intramuros. Elle ne se moque pas des médecins spécialistes d'organes ou d'examens complémentaires libéraux car il s'agit d'activités que certains mènent déjà à l'hôpital mais surtout parce qu'ils y voient une porte de sortie.

Le droit à la santé est devenu un slogan qui ne tient pas compte de faits essentiels : 

  1. La majorité des déterminants de santé (80 %) se passent avant toute consultation d'un professionnel de santé
  2. Les promesses de la médecine triomphante ne peuvent être tenues : les citoyens et les citoyennes croient au mythe de la Bonne santé, c'est à dire du silence des organes.
  3. Les prises en charge des patients sont si disparates, ce qui ne signifie pas qu'il ne soit pas nécessaire qu'elles le soient, et si peu fondées sur des preuves que l'accès aux soins est une loterie
  4. On est passé du mythe de la Bonne santé à celui du Bien-être : d'où la profusion des charlatanismes.
  5. La Santé est devenue une industrie comme une autre.
  6. Les médecins ont promis la lune, le mythe de la Bonne santé, le mythe du silence des organes (pardon, je ne cesse de me répéter) en confondant sciemment médecine et santé. Il est triste de voir des personnes consulter un ostéopathe ou un homéopathe mais on ne peut décider pour les personnes, mais il est encore plus triste que le Conseil de l'Ordre des médecins, l'Assurance maladie, les Mutuelles et assurances participent à cette mascarade en remboursant.

Les "bons" médecins généralistes de twitter : une allégorie : LA

Les négociations conventionnelles


66. Covid-19 : Pourquoi un article du Lancet relance l'immunité dite naturelle et ne condamne pas la vaccination. 

L'article : ICI




Une des choses qui m'a toujours chiffonné dans l'affaire du Covid-19 (et je suis pas le seul) est le fait que l'immunité naturelle conférée par une infection virale ait pu être niée formellement par un certain nombre de médecins, infectiologues ou non, virologues ou non, épidémiologistes et autres.

Ce n'était pas logique.

Mais je vous ai assez bassiné ici sur le fait que le bon sens en médecine était ce qui entraînait le plus d'erreurs et de confusion. 

Avertissement : cet article est une méta-analyse analysant des essais épidémiologiques prospectifs et rétrospectifs dont on connaît la moindre valeur par rapport à des essais contrôlés, comparatifs de bonne qualité (vs placebo).  

Qu'apprend-on de cette méta-analyse ? 

  1. L'immunité naturelle peut être protectrice en cas de réinfection et notamment pour les cas graves.
  2. Elle peut être aussi protectrice que deux injections de vaccins ARNm sur trois items : la réinfection, les symptômes, et les maladies graves.
  3. Cette protection diminue dans le temps.
  4. L'immunité hybride (infection +vaccination) pourrait être (on spécule toujours) plus efficace (sur les 3 items précédents ?) que l'immunité dite naturelle. 
Les commentaires ad hoc.

  1. La vaccination ARNm contre le SARS-CoV-19 a fait la preuve de son efficacité (essais contrôlés) en protégeant des formes graves
  2. La vaccination massive dans les pays développés des personnes à risques (en France : personnes âgées de plus de 60 ans, résidents d'EHPAD et D'USLD, immunodéprimés, et cetera) a été initiée.
  3. Il est assez incroyable que les dernières statistiques de la DREES sur l'état de la vaccination selon les tranches d'âge et notamment chez les personnes âgées datent d'octobre 2022 et sont d'un flou artistique impressionnant : LA.
  4. L'immunité dite naturelle joue un rôle non négligeable et a fortiori une immunité hybride bien que dans un pays où l'on ne sait pas dire exactement combien de personnes sont vaccinées il est encore moins possible de connaître le nombre de personnes ayant contracté le covid-19 (ne parlons même pas des asymptomatiques)
  5. Il paraît raisonnable de continuer à vacciner les personnes à risque (bien qu'on en soit arrivé à 4 injections et que l'on ne sait rien de ce qu'il faudra faire les saisons prochaines).
  6. Mais quid des personnes non à risque ? 
  7. Quid des effets indésirables (myocardites/péricardites) dans des groupes à risque identifiés ? Voir la revue de littérature de Florian Zores : LA
Les critiques ad hoc.

  1. Est-il possible en France de savoir combien de personnes à risques ont reçu 4 injections ? La réponse est non.
  2. Est-il possible d'étendre indéfiniment les indications du vaccin à tous les groupes d'âge même non à risques (ce qui ne signifie pas que les morts d'enfants liés ou associés au Covid nous laissent froids, on vous voit venir...), c'est à dire mobiliser des ressources financières et humaines considérables alors que les populations-cibles ne sont pas vaccinées à 100 % ? La réponse est : c'est impossible.
  3. Est-il possible d'étendre la vaccination aux petits enfants de 6 mois à 4 ans sans facteurs de risque alors qu'il n'existe aucune étude clinique contrôlée sur ces tranches d'âge mais des anticorps chez les souris (8 ou 9 selon les sources) ?
  4. Est-il possible d'extrapoler les effets indésirables liés à la maladie et aux vaccins sans essais de qualité (contrôlés) ? 
Conclusions ad hoc : 
  1. Les tenants de l'immunité dite naturelle exultent (on les a assez ostracisés et pris pour des demeurés complotistes) à partir de cette méta-analyse dont tous les défauts méthodologiques sautent aux yeux. Mais iront-ils jusqu'à appuyer les antivaxx ? 
  2. Les partisans de la vaccination universelle parlent peu de cette méta-analyse dont tous les défauts méthodologiques sautent aux yeux.
  3. Il FAUT tenir compte de cette immunité dite naturelle, des conséquences de l'hybridation et encore et encore cibler les populations à risque.
  4. Il faut mener des essais contrôlés, notamment chez les enfants et dans la prévention des manifestations tardives des infections virales respiratoires.

Deux commentaires "opposés" : 

Un fil twitter de Mahmoud Zureik : LA.

Un article et une vidéo de Vinay Prasad : ICI




67. Pourquoi et comment l'OMS a nié la transmission aérienne du covid.

Pour ceux qui pensent que toute parole dite par l'OMS/WHO est d'or, rappelons une de ses erreurs historiques.


Un article très documenté : ICI


Via JeanPhilippedeTonnac
@inthemoodfortw

68. Pourquoi il vaut mieux être un nourrisson blanc, même pauvre, pour survivre aux Etats-Unis.

Un article du NY Times (malheureusement payant) : LA.


Et donc, la mortalité infantile des enfants blancs pauvres est meilleure que celle des enfants noirs et riches.


69. Pourquoi la lutte contre le charlatanisme conduit à la lutte contre la méthodolâtrie EBM

David Gorski (sur twitter : @gorskon et sur son site : ICI) se bat depuis des années contre le charlatanisme en médecine (homéopathie, acupuncture, ostéopathie, et cetera), en anglais quackery, et toutes les études mal fichues et là, il affirme sans sourciller que ceux qui de mandent plus d'essais contrôlés sur les vaccins anti covid et des études contrôlées de bonne qualité sur les masques sont des méthodolâtres de l'EBM.

D'un seul coup d'un seul il rejoint la confrérie des homéopathes...


Via 
Paul Wischmeyer MD


70. Pourquoi vous voulez tout savoir sur le CHEMSEX par @mathiaschaillot

C'est LA et c'est passionnant. Et instructif. 


 

71. Pourquoi la course au vaccin pourrait-elle être délétère


C'est une tribune de Pauline Londeux et Jérôme Martin et c'est ICI.


72. La FDA approuve une molécule absurde pour différer l'apparition du diabète de type 1 : pourquoi ?

Teplizumab-mzwv vaut 193 400 dollars pour 14 jours de traitement. Avec des résultats peu convaincants.

LA

73. Duloxetine chez les enfants et les ados japonais : pourquoi ça ne marche pas.

Une étude contrôlée duloxetine vs placebo dans l'indication dépression majeure n'a pas montré de différence significative en faveur de la molécule active : ICI.

On nous dit que des études cas-témoins rétrospectives sont en cours pour infirmer une étude menée par des médecins ennemis du progrès et des prises en chages qui tombent sous le coup du bon sens.

On rappelle à ceux qui reçoivent la visite médicale ou qui lisent le Quotidien du Médecin que le médicament s'appelle CYMBALTA.

On peut dire que la morphopsychologie c'est de la merdre en barre mais regarder ce cliché  interroge quand même.
Francis Braun et Amine Benyamina.



mardi 1 septembre 2015

Le manifeste des 30 et les conflits d'intérêt : ne pas signer est une question de cohérence. Par le docteur Claudina Michal-Teitelbaum




                                   
A la suite des commentaires que j'avais écrits lors de la publication du billet de Jean-Claude (ICI) voici un texte qui me permet d’expliquer de façon plus précise ma position au sujet du manifeste-pétition des 30 

Je ne prendrai pas de précautions oratoires excessives mais j’espère montrer que ma position n’est pas sous-tendue par un souci de me démarquer ou par une volonté de critiquer tous azimuts mais par un souci de cohérence à la fois éthique et pratique.

Le fond de mon argumentaire tient en une phrase : quand on se pose en moralisateur, la moindre des choses c’est de s’astreindre à respecter les règles qu’on voudrait imposer aux autres.

Cela n’est pas uniquement une critique à valeur « morale » car présenter des médecins assumant leurs nombreux conflits d’intérêts comme des références sur le plan moral aura nécessairement un impact en pratique sur la banalisation des conflits d’intérêts parmi les médecins. Puisque cela implique qu’on pourrait être d’une grande exigence morale, tout à fait lucide sur les médicaments, tout un acceptant un grand nombre de liens financiers avec les laboratoires pharmaceutiques. Ce qui a toutes les chances d’être faux puisque la raison pour laquelle les laboratoires entretiennent ces liens financiers est qu’ils peuvent en mesurer l’impact sur les prescriptions et le chiffre d’affaires, indépendamment de la qualité propre des médicaments.

Etes vous contre la faim dans le monde ?
C’est, à peu près, à cela que revient de s’élever contre le fait que des médecins continuent à entretenir des relations financières ou autres avec le laboratoire Servier. Mais la persistance de ces relations n’est qu’un témoignage particulier d’un phénomène beaucoup plus large et aux conséquences tout aussi délétères et plus étendues, c'est-à-dire la banalisation des relations financières des médecins (des médecins prescripteurs aussi bien que ceux des agences) avec les laboratoires pharmaceutiques générant des conflits d’intérêts de nature à brouiller le jugement des dits médecins.

Les pétitions et manifestes ne sont pas faits pour obtenir des résultats, qu’ils obtiennent très rarement, mais plutôt pour mettre en avant des idées, pour informer ou exercer une influence [1]. Une  des caractéristiques des pétitions est d’être peu impliquante, sauf, évidemment, quand on s’expose personnellement en les signant. Mais le plus souvent, comme le disait Jean-Claude, être parmi les primo-signataires ou promoteurs d’une pétition permet surtout de s’exposer à la lumière des projecteurs.
Puisque les auteurs du manifeste ont choisi d’associer, en tant que signataires vedettes, censés représenter l’esprit même du manifeste, des médecins entretenant couramment des relations avec divers industriels et qui en nient néanmoins l’influence, la question devient : y a-t-il une différence  fondamentale de nature entre Servier, ses méthodes, les conséquences de ces méthodes, et celles d’autres laboratoires avec lesquels certains des signataires vedettes entretiennent des relations assidues et lucratives quoique non déclarées dans ce manifeste ? Ma réponse est : « non », et je vais argumenter.


Tout le monde n’est pas pourri, mais tout le monde est influençable

Ca ne m’est pas agréable de prendre cette position à contre-pied de ce manifeste, d’autant qu’il y a parmi les signataires des personnes dont j’apprécie l’action et que je respecte, tels le sénateur Autain, dont le travail extraordinaire en a fait la bête noire des lobbyistes au Sénat, ou Irène Frachon qui a gardé une ligne de conduite exemplaire et a affiné son analyse au cours du temps.

Je pourrais aussi citer Dominique Dupagne, dont je ne partage pas la vision centrée sur le patient-roi de la médecine, patient à qui on devrait accorder tout ce qu’il demande, y compris des traitements qu’on sait inutiles ou dangereux, mais qui a fait un travail d’alerte et d’information souvent essentiel sur certaines pratiques telles que le dépistage du cancer de la prostate par le PSA, entre autres.

Contrairement à ce qu’on va certainement penser, je n’ai rien non plus contre le professeur Grimaldi qui a une réputation d’intégrité reconnue, mais je le pense sous influence. D’ailleurs, qu’il y a-t-il de plus dangereux pour la santé publique qu’un médecin malhonnête sous influence ? Un médecin honnête sous influence, bien sûr, parce qu’il saura effectuer comme nul autre ces opérations de « blanchiment de médicaments » que certaines grosses compagnies pharmaceutiques attendent des leaders d’opinion et des associations de patients sous influence.

Un livre qui prétend détenir la « vérité » sur les médicaments écrit pas des médecins hospitaliers sous influence

Jean-Claude avait déjà cité les écrits d’Hippocrate et Pindare concernant une interview d’André Grimaldi à la sortie du livre La vérité sur vos médicaments co-écrit par 32 médecins hospitaliers  dont Jean-François Bergmann et Irène Frachon. Ce livre prétend révéler LA vérité scientifique en riposte à ceux qu voudraient relativiser la valeur de la science.

Il reste qu’un jeune blogueur a fait la synthèse des avantages financiers des auteurs de ce livre, telles qu’elles figuraient sur la base des données transparence-santé : sur les 32 médecins co-auteurs du livre,  26 ont reçu des cadeaux de la part de compagnies pharmaceutiques et certains ont multiplié les conventions avec elles entre 2012 et 2014 [2]. Jean-françois Bergmann, par exemple, arrive en deuxième position pour le nombre de conventions signées, avec 54 en plus de 5074 euros de cadeaux (repas, transport, hébergement) que les laboratoires ont déclaré lui avoir versé. Pour André Grimaldi  32 convention ont été signées et 1707 euros ont été versés.

Le collectif « regards citoyens », qui a fait un formidable travail de compilation des informations sur les liens financiers entre médecins et industrie pharmaceutique [3] explique que la publication des données précises sur les conventions ont été  empêchées par une circulaire de Marisol Tourraine, la Ministre de la Santé, attaquée en justice par le Formindep devant le conseil d’Etat, qui leur a donné raison. La publication de la nature et de la valeur des conventions n’a pas été publiée néanmoins. 

Il faut savoir que les laboratoires peuvent aussi classer certains cadeaux dans la rubrique conventions, et ainsi les occulter. Les contrats, quant à eux, classés dans les conventions, peuvent atteindre 10 000 à 40 000 euros. Leur valeur viendrait s’ajouter aux 244 millions de cadeaux donnés aux médecins entre janvier 2012 et juin 2014. Il est probable que la somme totale se compterait alors en milliards et permettrait de boucher en partie ou totalement le fameux « trou de la sécu ». Ou bien apporterait de quoi financer de une recherche publique indépendante.

Cet argent, qui fait partie du budget marketing des laboratoires  est le nôtre, puisque, d’une manière ou d’une autre, collectivement ou individuellement, nous payons les laboratoires. Le secteur pharmaceutique est un secteur « ultra-protégé » comme le dit Bernard Dalbergue, ancien cadre de l’industrie pharmaceutique, dans le livre co-écrit avec Anne Laure-Barret, Omerta dans les labos pharmaceutiques, et il très subventionné. Il est protégé, à la fois en raison de la porosité entre personnalités politiques et dirigeants des laboratoires, parce qu’il s’agit d’un secteur économique stratégique dans la compétition économique, et parce que la santé est un bien essentiel et économiquement en perpétuelle croissance.

On eût donc souhaité que les médecins signataires, se réclamant d’une haute valeur morale, déclarassent les sommes perçues.


Irène Frachon comme fil conducteur

C’est Irène Frachon que je veux prendre comme fil conducteur. En effet, elle tient des propos tout à fait clairs et cohérents, y compris dans le livre co-signé avec A Grimaldi et JF Bergmann.
Dans une interview au journal Le Monde [4], elle prétend ne pas avoir de mérite à avoir su « rester propre » : « J’apparais comme « très propre », mais je ne l’ai pas toujours été. Ma chance est d’avoir été formée, dans les années 1990, à l’hôpital Foch [à Suresnes, Hauts-de-Seine], par la professeure Isabelle Caubarrère. Dans son service, il y avait cette règle absolue : les visiteurs médicaux n’avaient pas le droit d’entrer en contact avec les étudiants ou les médecins. Il n’y avait ni petits-déjeuners ni réunions d’équipe sponsorisées par les labos. C’est elle qui les ­recevait le samedi, sur rendez-vous, point. »

La chef de service  de cet hôpital faisait exactement ce que tous les commerciaux des laboratoires pharmaceutiques détestent : poser un cadre clair où chacun garde sa position professionnelle de chaque côté du bureau, le médecin s’occupe d’évaluer le rapport bénéfice/risque et le commercial reste à sa place de commercial qui essaye de vendre. Il n’y a aucune ambigüité. Cela ne convient, bien sûr, pas du tout aux commerciaux, dont tout le travail consiste à brouiller les frontières, les limites entre relation professionnelle et amicale, en établissant une pseudo-intimité, les limites entre travail du médecin et travail du commercial, les limites entre intégrité professionnelle et corruption.

En tout cas, internes et assistants travaillant dans les services des professeurs Grimaldi et Bergmann n’ont pas eu cette chance. Comme 99% des médecins hospitaliers, ils ont été soumis à la présence « amicale » constante de représentants des laboratoires qui leur ont proposé toutes sortes de services et d’avantages, et qui se sont occupés aussi de leur formation, bien entendu, comme l’expliquait un médecin souhaitant garder l’anonymat en mai 2010 sur le site du Formindep [5].

Il est tellement facile de tomber dans les filets des laboratoires ! C’est aussi ce qu’explique Irène Frachon dans cette interview. Le dispositif « d’hameçonnage » est conçu comme un engrenage qui vous avale dès que vous y mettez le doigt.  Par la valorisation de votre personne (« nous avons besoin de vous »), par l’argent facile et les divers cadeaux et avantages qu’on finit par penser devoir recevoir de plein droit, puisqu’on rend un service. Irène Frachon n’a échappé à cet engrenage que par le regard extérieur de son époux, qui lui a fait prendre conscience de la situation. Et également parce qu’elle n’avait pas été pré-conditionnée à la banalisation des conflits d’intérêts en tant qu’interne.

Dans le livre co-écrit avec A. Grimaldi elle exprime une position très claire et sans ambiguïté : « Les médecins hospitaliers ne devraient pas avoir le droit d’être consultants pour l’industrie pharmaceutique. On peut faire une exception encadrée pour la recherche clinique afin que des patients soient inclus dans des essais cliniques des industriels, mais que des médecins puissent être les VRP, aller dans leur board de consultant pour monnayer ce qui est en réalité du conseil marketing, et répandre ensuite la bonne parole en étant « ventriloques » des laboratoires (pour reprendre l’expression du Dr Bernard Dalbergue …Omerta dans les labos pharmaceutiques…) cela devrait être tout simplement interdit. »

Elle souhaite aussi que les laboratoires ne puissent pas approcher les étudiants en médecine.
Mais Irène Frachon s’est fixée comme objectif prioritaire la défense des victimes du Mediator et elle subordonne à cet objectif toute autre considération.


André Grimaldi, un médecin ambigu et sous influence


André Grimaldi n’est pas d’accord avec Irène Frachon sur le point de la nécessité de mettre fin aux conflits d’intérêts. Tout au plus demande-t-il une « transparence totale » (qu’il ne s’applique d’ailleurs pas à lui-même), et, si possible, la fin des conflits d’intérêts dans les agences de régulation [6]. Lorsqu’il est interrogé là-dessus dans une émission sur France Culture il n’est visiblement pas très à l’aise avec le sujet, et s’empresse d’en changer.

De même, je n’ai pas notion qu’André Grimaldi  se soit élevé contre le financement des associations de patients par l’industrie pharmaceutique. La Fédération des diabétiques français est la plus arrosée de toutes les associations de patients de France avec 491 000 euros reçus des laboratoires pharmaceutiques dont 144 000 de Sanofi en 2013 [6].

Pour lui l’affaire Mediator a été le coup de tonnerre dans le ciel tranquille de sa routine faite de relations avec les laboratoires, comme l’indique la liste des cadeaux et conventions dont il bénéficie sur la « base de données transparence santé ». On y apprend que de début 2012 au premier semestre 2015, il a bénéficié de 36 « cadeaux » ( repas, hébergements, invitations…) par divers laboratoires dont Sanofi, Merck, Lilly, et que, par exemple, le 19 avril 2015, Merck lui a offert un repas pour une somme de 49 euros. Il a aussi signé 51 conventions avec des laboratoires dont nous n’avons pas le détail (pratiquement une vingtaine de plus que celles relevées jusqu’au premier semestre 2014).
Compte tenu des nombreux avantages qu’il reçoit de divers laboratoires, il a grand besoin de se persuader que le cas de Servier reste une exception et que les méthodes de Servier et les dégâts provoqués sont uniques.

Sa vision peut se résumer ainsi. Les laboratoires pharmaceutiques sont source de progrès incessants  et majeurs. Même si ces laboratoires sont des brillants petits polissons et peuvent parfois chercher à élargir les indications de certains médicaments, comme le Lantus, au-delà du raisonnable (utilisé à tort dans le diabète de type 2), générant des coûts supplémentaires, tout cela ne porte pas à conséquence compte-tenu des bénéfices immenses que les laboratoires apportent aux populations. Il faut donc lutter activement contre le scepticisme et le doute qui s’emparent de certains médecins et patients par le biais de la vérité scientifique dont il est détenteur. Tout ce débat est surfait puisque la sécurité des médicaments est en constant progrès et s’est beaucoup améliorée notamment depuis l’introduction des essais randomisés. Il préconise aussi le déremboursement des médicaments inutiles de ville et l’utilisation des économies ainsi réalisées pour financer  les médicaments chers à l’hôpital. Il semble ainsi assimiler le prix élevé des médicaments à leur qualité [7].

Malheureusement toutes ces affirmations sont fausses. Cela a été montré par diverses personnes et de divers points de vue.

En 2005 la revue Prescrire avait analysé 3096 médicaments introduits sur le marché français pendant 24 ans entre 1981 et 2005 : seulement 7 (0,23% ou un sur 529) avaient représenté un progrès majeur, 77 (un sur 40), un progrès substantiel, et environ 70% des médicaments n’apportaient rien voire étaient même dangereux pour certains. La revue constatait également une dégradation constante dans le temps de la qualité des nouveaux médicaments [8]. D’autres, comme Bernard Dalbergue, ont constaté cette même dégradation de l’intérieur : mise en coupe réglée des services « recherche » et « marketing » au bénéfice du service des ventes pour qui tous les coups tordus étaient bons pour dégager des marges. Cela s’est traduit, sur le terrain,  par la conviction que la puissance de la stratégie marketing pouvait faire de n’importe quel  médicament un blockbuster, ce qui a été démontré à plusieurs reprises avec une accélération au cours des dernières années, et par l’établissement du primat du marketing sur la recherche.

Par ailleurs, les essais contrôlés randomisés ne résolvent rien puisque les agences exigent au plus deux essais randomisés positifs pour accorder une autorisation de mise sur le marché à un médicament et que les laboratoires ont pris la liberté de ne pas publier les essais négatifs, tout en considérant que les données des essais leur appartiennent et en refusant de les communiquer aux chercheurs. Il est également très aisé de biaiser un essai. Il existe quantité de méthodes comme de sélectionner des patients jeunes et résistants, changer les critères de jugement en cours de route, faire des essais suffisamment courts pour que le défaut d’efficacité n’apparaisse pas, occulter les effets indésirables etc.

Etrangement,  ou logiquement, André Grimaldi, prend la défense de l’Avandia® ou rosiglitazone, un antidiabétique de GSK qui a été retiré du marché en raison de ses effets indésirables cardiaques en 2010 : « Ce qui est scandaleux, c’est qu’on apprend la publication de cette étude par les banques, puis par médias, pas par les agences ou les associations professionnelles. Ça me rappelle l’affaire de l’Avandia de GSK : en 2006, cet autre médicament pour le diabète, a été torpillé par un article l’accusant d’augmenter les risques d’infarctus. L’affaire vient de se conclure par un non-lieu pour le labo, mais les médias n’ont pas repris l’information et en attendant, le médicament a été mis au tapis au profit de ses concurrents. »  [9] . C’est étonnant comme point de vue pour un médecin.

En réalité GSK a plaidé coupable devant la justice américaine, y compris pour des charges criminelles, c'est-à-dire pour avoir provoqué le décès de patients en occultant ou falsifiant certaines informations [10].  Au total GSK s’est engagé à verser 3 Mds de dollars aux victimes et à la justice en 2012.La récente remise en cause des problèmes de sécurité de ce médicament ne s’oppose pas à ce jugement. La FDA a accepté de revoir le statut de l’Avandia sur la seule base d’une étude menée par le laboratoire, pourtant accusé de falsifications de données, alors que ces résultats s’opposent aux résultats de plusieurs dizaines d’autres études. Il semble que l’étude prise en compte par la FDA soit l’étude RECORD, c'est-à-dire la même étude, financée par le laboratoires, qui avait été reconnue comme de mauvaise qualité et falsifiée [11]. Les conflits d’intérêts sont également omniprésents au sein de la FDA.

John Buse, un professeur de médecine spécialisé dans le diabète (Caroline du Nord), avait fait des études pour le compte du laboratoire Smith Kline sur l’Avandia. En 1999 il avait exposé, lors d’un congrès, son inquiétude au sujet des graves risques cardiaques que faisait courir ce médicament. Il avait alors subi des pressions de la part de sa hiérarchie, sur l’incitation de cadres de GSK, pour se taire.  Steven Nissen, qui avait publié une méta-analyse montrant les risques cardiaques de l’Avandia, reçut la visite de plusieurs cadres de GSK, tentant de faire pression sur lui pour qu’il ne publie pas son étude.
Très récemment, encore, GSK avait « oublié » de signaler des dizaines d’effets indésirables graves et un décès de nourrisson concernant son vaccin contre le rotavirus, le Rotarix°. Occulter des effets indésirables c’est ce que les laboratoires appellent « aveugler » les agences [12]. 
Les méthodes de GSK n’ont, en réalité, rien à envier à celles de Servier.


Jean-François Bergmann a laissé passer le Vioxx et n’a pas vu les effets indésirables du Mediator

Jean-François Bergmann, d’abord, dont l’incompétence et les conflits d’intérêts ont motivé sa « démission » forcée de la vice-présidence de la commission d’AMM en décembre 2012 après dix ans à ce poste.
De fait on peut dire que JF Bergmann a eu beaucoup de chance  d’échapper à une mise en examen. Il est probable qu’il doive cette chance à ses talents de comédien car il a pris garde de faire profil bas et de dire combien il regrettait de n’avoir rien vu (« je m’en veux »).

JF Bergmann et sa compétence
Sa cécité concernant le Mediator a persisté pendant les dix années passées en tant que vice-président de la commission des autorisations de mise sur le marché de l’AFSSAPS, puis ANSM.

Tout en se présentant comme un éminent pharmacologue, ayant formé à lui tout seul la moitié du personnel de l’ANSM, il affirme que la raison principale de son absence de réaction, alors même qu’on lui signalait régulièrement des cas d’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) en lien avec le Médiator  était que « le laboratoire n'a jamais admis la similitude pharmacologique entre l'isoméride et le benfluorex. ».
En tant que responsable et éminent pharmacologue il disposait pourtant de quelques petits indices qui auraient dû lui mettre la puce à l’oreille :

  1. Le benfluorex avait pour suffixe « orex » qui est le suffixe des coupe-faims, même si le laboratoire Servier le présentait comme un antidiabétique afin d’obtenir son AMM
  2. Il était le troisième médicament de la même famille, celle des fenfluramines, à avoir été accusé de provoquer des effets indésirables cardiaques et le deuxième à avoir provoqué un effet indésirable bien spécifique et reconnaissable, difficile à « rater » l’hypertension artérielle pulmonaire ou HTAP. A propos de cet effet indésirable il dit, avec pas mal de cynisme dans l’article : « Je m'en veux de ne pas avoir senti tout ça, en 2007, et appelé à une grande étude prospective. Il fallait du nez : à ce compte, pourquoi ne pas croiser la consommation de Toblerone et les entorses de chevilles ? »
  3. Pourtant, la première fenfluramine à avoir été retirée du marché pour avoir provoqué des HTAP était l’aminorex, un anorexigène, retiré du marché américain en1968. La deuxième était l’Isoméride ou dexfenfluarmine, dont la licence a été retirée en  septembre 1997 par la FDA aux Etats-UNis après qu’une troisième équipe de médecins, celle de la clinique Mayo, eut dénoncé publiquement des cas inquiétants de valvulopathies chez les patients prenant ce médicament.
  4. Le benfluorex, pour sa part, a un métabolite commun avec l’Isoméride, ce qu’un éminent pharmacologue ne pouvait ignorer {13]( Le méta­bo­lite actif prin­ci­pal du ben­fluo­rex, comme des autres fen­flu­ra­mi­nes, est la 3-tri­fluo­ro­mé­thyl amphé­ta­mine ou nor­fen­flu­ra­mine, l’amine de base qui a servi au déve­lop­pe­ment des autres com­po­sés. Le ben­fluo­rex lui-même est, par exem­ple, com­plè­te­ment méta­bo­lisé et n’est pas détec­ta­ble dans le plasma)
  5. En 1996, alors que JF Bergmann siégeait à la commission de la transparence, Lucien Abenhaim et coll publiaient dans le New England journal of medecine un article qui a fait beacuoup de bruit, confirmant la relation entre dérivés de la fenfluramine et HTAP [14]
Ajoutons que l'isoméride était un produit Servier.

JF Bergmann côté conflits d’intérêts : cas personnel et positionnement

Une recherche sur la base de données transparence santé permet de constater que JF Bergmann totalise 70 conventions entre janvier 2012 et le premier semestre 2015.

D’autre part, dans  un autre article on apprend que, tout en ayant des fonctions de régulation des médicaments au sein de cette commission qui avait des pouvoirs quasi discrétionnaires en matière de mise sur le marché de médicaments et de modification de mise sur le marché, JF Bergmann travaillait pour de nombreux laboratoires [15]. Qu’il a aussi fait placer son beau frère, Joseph Emmerich [16], à la tête d’un service très important de l’ANSM, ce qui a permis au dit Joseph, aussi blanc que son beau-frère Jean-François en matière de conflits d’intérêts, d’accéder aussi à la commission des médicaments à usage humain (CHMP) de l’agence européenne du médicament qui donne des avis sur la mise sur le marché des médicaments au niveau européen.

JF Bergmann a trouvé entretemps un emploi qu’on peut penser très bien rémunéré chez Prioritis [17] où son profil d’ancien membre de la commission d’AMM est bien mis en avant, ce qui est normal, puisque cette société a pour clients les compagnies pharmaceutiques, et pour activité le conseil stratégique et la constitution de dossiers pour les médicaments qui vont être évalués par les autorités régulatrices. C'est-à-dire qu’elle contribue à l’ « enfumage » dont JF Bergmann dit avoir été victime pendant qu’il occupait le poste de vice-président de la commission d’AMM.

Sur son positionnement vis-à-vis des conflits d’intérêts.

JF Bergmann assure qu’ils n’ont aucune influence sur les décisions prises dans les commissions. On ne peut pas dire que ce fut le cas pour le Rédux, version américaine de l’Isoméride dont Servier avait cédé la licence pour les Etats Unis à Wyeth. En effet, après un premier refus par une commission de mettre ce médicament sur le marché en 1995, un point de procédure fut invoqué par la hiérarchie de la FDA, au sein de laquelle se trouvait un medecin ayant travaillé pour Wyeth sur un autre anorexigène, Michael Weintraub, pour que se réunisse une deuxième commission recomposée qui donne, cette fois le feu vert. J’ai déjà dit que cette AMM fut retirée en 1997 en raison des effets indésirables du médicament.
JF Bergmann affirme aussi cumuler les conflits d’intérêts et en être fier.
Je pense que, d’un point de vue moral, qui est le cœur de la pétition, on a déjà connu des niveaux d’exigence plus élevés.

En conclusion, pour moi ne pas signer ce Manifeste des 30 est une question de cohérence. Je pense que les laboratoires Servier ne sont pas une exception. Il est probable que le Vioxx ait provoqué autant de morts ou plus en quelques années que le Mediator en 30 ans. Seulement, dans le cas du Mediator, la persévérance d’Irène Frachon, des coups de chance et des coups de force, ont empêché les autorités d’enterrer l’affaire comme elles tentaient de le faire.

Faire du Mediator et de Servier un cas à part et demander à des médecins perclus de conflits d’intérêts qu’ils ne renient pas de faire la morale à leurs confrères, revient à banaliser les conflits d’intérêts dans la communauté médicale. Cela comporte beaucoup plus de risques que d’avantages.


Notes

[8] Innovation en panne et prises de risques (en PDF)
[12] http://docteurdu16.blogspot.fr/2015/03/marisol-touraine-en-chef-du-lobby.html cf commentaire du premier avril « petit topo sur le vaccin contre le Rotavirus.




jeudi 27 août 2015

Le manifeste des 30.


Les pétitions comme les manifestes ont rarement pour but de défendre des victimes mais plus souvent   comme objectif de faire mousser les signataires. Il y a des exceptions que les historiens ne manqueront pas de citer pour montrer qu'ils sont au fait de l'exhibitionnisme hystérique qui est le nec plus ultra ou, plus précisément, le sommet des élégances en cette décennie de téléréalité.

Comme d'habitude en ce blog je vous propose d'abord de lire le fameux Manifeste des 30 : ICI.

Le texte est d'une rare naïveté, le contenu juridique en est pauvre et le prêchi prêcha moralisateur est d'un ridicule achevé. Mais, après tout, les bons sentiments ne faisant pas de la bonne littérature, il n'y a pas de raison pour qu'ils fassent de la bonne médecine ou de la bonne justice. J'ai retenu ceci : boycottons Servier.

Mais je commence par la fin et vous ne pouvez comprendre si vous ne saisissez pas d'emblée que ce texte est d'autant plus extravagant, il aurait pu être signé par le docteur Branchard ou le docteur Martin, braves médecins généralistes d'une province éloignée n'ayant jamais prescrit ne serait-ce une seule fois un comprimé de Mediator, ne recevant pas la visite médicale et dont les seuls congrès auxquels ils auraient participé auraient été celui des pêcheurs à la mouche, pour l'un, et celui des fans de Barbaby, pour l'autre, non, ce Manifeste est d'autant plus "étonnant" que certains des signataires sont des membres éminents de l'intelligentsia médicale, des membres incontournables de la parole divine et mandarinale, celle que l'on entend partout, de RTL à France-Culture en passant par France Inter et Radio Courtoisie, mais surtout de certains "vrais" gens qui ont tenu les rênes du pouvoir médical et touché les bénéfices, qu'ils fussent académiques ou pécuniaires, du lobby santéo-industriel. 

Ce que je vais dire signifie sans doute pour vous que je touche de l'argent de Servier, de Euthérapie ou de Biogaran ou que je me tamponne des victimes du Mediator comme de la moindre narcolepsie sous Pandemrix, mais vous auriez tort de le penser.

Ainsi, et je ne parlerai pas ici des philosophes et des personnalités engagées (sic) qui ont signé, je parlerai des médecins que je connais un peu pour les fréquenter, les lire et... supporter parfois leurs médiocres arguments et leurs contradictions. 

Commençons par le commencement : ce Manifeste, sans doute parce qu'il est pluridisciplinaire, s'extrait d'obligations légales pour les médecins (pour les philosophes et les personnalités engagées je ne connais pas la réglementation), à savoir, puisqu'ils parlent de médecine, de médicament et de firme pharmaceutique, ils se doivent de déclarer leurs liens d'intérêts (article L.4113-13 du Code de la santé publique). Que nenni, ils ne le font pas. Nous le ferons donc pour eux. Et comme ce Manifeste est signé par le président du Formindep dont on connaît la virulence en général et à juste titre à l'égard des liens et conflits d'intérêts (pour la différence ne pas demander aux mandarins), on se pose des questions existentielles sur la division de la conscience et sur cette entreprise de blanchiment.

Continuons en disant qu'il y a sans doutes des gens "bien" qui signent le Manifeste mais que le voisinage nauséabond de certains altère leur naïve bonté.

Le top des tops des signataires est sans doute Jean-François Bergmann. Homme bon que nous avons reconnu brillant dans l'affaire des traitements hyper chers et peu efficaces de l'hépatite C et qui fut, vous pouvez écarquiller les yeux, vice président de la commission de la transparence entre 1996 et 2001 puis président de la commission d'AMM de 2001 à 2011 ! En lisant cet entretien reproduit par le journal L'Express (LA) on reste pantois devant tant d'arrogance, de candeur et de "Je suis responsable mais pas coupable". Quand on regarde l'histoire des agences françaises on est stupéfait de constater que ses membres étaient tous éminents, compétents et non corrompus et, qu'en raison de ces qualités reconnues par tous, ils n'ont cessé de se tromper et de favoriser les industriels en laissant passer des produits douteux. Si vous voulez plus d'informations sur ce lanceur d'alerte qui a mis 16 ans à perdre son poste, à renoncer à ses avantages et a, à force de courage, bravé l'interdiction professionnelle, pour finir par pantoufler dans l'industrie (ICI), le blog Hippocrate et Pindare, en fin de billet, vous informera mieux : LA. On hésite, pour parler de cet homme, entre les termes incompétence et corruption.

Il y a aussi André Grimaldi. Il est diabétologue, il a beaucoup travaillé avec un autre groupe français Sanofi, concurrent de Servier en ce domaine, et, bien entendu, pas de lien d'intérêt déclaré. Lui, c'est un gars de gauche, le mandarin de gauche, donc, qui, sur France-Culture, trouve normal de travailler avec l'industrie, ce qui est loin d'être une tare, mais ne reconnaît pas que cela puisse l'influencer, ça, c'est moins bon. Le commentaire de CMT (ICI) enfonce le mandarin qui défendait Lantus et Avandia... contre les méchants. Quant à ses prises de position à l'égard des statines, elles feraient frémir un membre même le plus attentionné du Formindep. Toujours est-il qu'un mandarin de gauche payé par Sanofi propose le boycott des produits d'un concurrent...

François Chast fait aussi partie de la fine équipe, celle à qui le livre d'Even et Debré a porté ombrage (et, entre parenthèses, le Formindep l'a porté aux nues, ce livre, LA) et qui n'a pas supporté la gloire médiatique de ces deux mandarins chenus et, surtout, le tirages du dit livre... Chast, en bon commentateur d'études qu'il ne connaît qu'en seconde main, a des arguments très forts sur les vaccins, les génériques, et... le mediator (et je vous laisse méditer sur cette phrase, à la fois une accusation forte et une preuve flagrante d'incompétence : "Dès 1976, la direction du médicament au ministère de la Santé avait pointé le fait que c’était une amphétamine."). Il est heureux que Lucien Abenhaim n'ait pas signé ce manifeste. Et pourquoi pas Even ou Debré ? 

Dans le menu fretin il y a aussi l'inénarrable Gérard Bapt. Celui qui s'est autoproclamé lanceur d'alerte universel et qui n'a eu de cesse, quand la vertu l'a poussé à devenir chevalier blanc (à moins que cela ne fût l'inverse), de caviarder sa biographie afin de supprimer sa participation à un cercle de réflexion (non, ce n'est pas le Club de l'Horloge), le cercle Hippocrate, largement financé par les laboratoires pharmaceutiques (dont GSK et Sanofi) (ICI) et de faire aussi oublier ses liens particuliers avec Sanofi (LA).

Je pourrais parler d'Israël Nisand, pape strasbourgeois omnipotent de la gynéco-obstétrique, dont les liens d'intérêt avec les industriels de la pilule contraceptive sont connus (LA), qui n'a jamais signé de manifeste en faveur des victimes des pilules de troisième et quatrième génération pour lesquelles il était très chaud, qui impose la pilule contragestive pour des IVG tardives aux consultantes de son hôpital, et qui a fait des déclarations bruyantes sur la nécessité de la contraception involontaire chez les femmes.

Défendre les victimes du Mediator est une belle cause et le docteur Irène Frachon en a fait sa raison de vivre (je rappelle ici qu'en tout et pour tout elle est citée 12 fois dans Pubmed - LA -, ce qui ne témoigne pas d'une activité de recherche inouïe. ERRATUM : un commentaire signale qu'il y a 35 publications, voir ICI,  dont 7 en premier auteur, ce qui ne change pas grand chose) mais tous les moyens ne sont pas bons.

Défendre les victimes du Mediator, les quelques et trop nombreuses victimes du Mediator, est respectable. Faire croire que les laboratoires Servier, entreprise familiale non cotée en bourse, sont les seuls à utiliser des méthodes détestables dans l'industrie pharmaceutique alors que l'actualité récente est remplie de victimes beaucoup plus nombreuses émanant de grands groupes internationaux, est fallacieux.

Mais on ne m'enlèvera pas de l'idée que le procès Mediator a été mal engagé juridiquement et qu'il fallait, contre les avocats expérimentés de Servier, envoyer du lourd à l'abordage.

Boycotter Servier ? Certes, mais pourquoi pas Pfizer, et MSD, et Glaxo ?

Illustration : Réunion du concile de Trente à l'église Santa Maria Maggiore.