Cette semaine est tellement riche d'informations que je vais oublier plein de trucs...
Plus d'IRM, plus de diagnostics, plus de sur diagnostics, plus de sur traitements !
Le secrétaire d'Etat anglais à la santé, Sajid Javid, annonce un plan ambitieux sur 10 ans pour mener la guerre contre le cancer et faire de l'Angleterre le meilleur endroit du monde pour recevoir des soins contre le cancer (sic).
Il prévoit d'implanter des IRM et des scanners dans les centres commerciaux et dans les stades de foot-ball, ce qu'il appelle faire une IRM en se promenant... (voir ICI l'article du Daily Mail)
Michael Baum, voir LA, rappelle sur twitter la fameuse formule de Gilbert Welch (en 2007 dans le New-York Times) que je traduis :
La plus grande menace qui pèse sur la médecine aux Etats-unis est qu'un nombre plus important d'entre nous vont être aspirés dans le système non pas en raison d'une épidémie de maladies mais à cause d'une épidémie de diagnostics qui conduit à une épidémie de traitements.
Sans oublier que le secrétaire d'Etat fait du hyper hype en annonçant que le développement des vaccins à ARNm va permettre le développement de vaccins contre le cancer.
Au même moment, des sociétés privées proposent ceci :
Ce sont des réservoirs de sur diagnostics !
L'Eglise des Présomptions : un raisonnement curieux
Boîte Corsi-Rosenthal |
Pour l'instant, tout va bien. Mais la suite est assez savoureuse. Voici ce qu'écrit Joey (je traduis) :
Est-ce que je fais trop confiance aux mesures d'ingénierie ?
Bien. Faites des études contrôlées pour me prouver le contraire.
45 % des auteurs qui rédigent les recommandations de pratique clinique présentent des liens d'intérêts financiers
Vous devez être lassés par ce genre d'étude.
Vous devez vous dire que tout le monde sait ça.
Vous connaissez les arguments des "liés" : 1) on ne peut pas faire autrement, 2) nous on est des chercheurs, 3) cela ne nous influence pas
Mais rien ne change au niveau des conférences de consensus, des recommandations des sociétés savantes ou des agences gouvernementales.
Cent fois sur le métier...
Un article émanant de la Mayo Clinic (LA) a analysé 37 études rassemblant 14764 auteurs de recommandations de pratiques cliniques : 45 % des auteurs présentaient des liens d'intérêts financiers. Ces liens concernaient des honoraires en général (39 %) et des honoraires de recherche (29 %) en particulier. De 6 à 100 % des auteurs ne déclaraient pas leurs liens et, dans les 10 études qui les exigeaient, 32 % ne les déclaraient pas.
Dépistage du cancer du poumon : les dépistologues à la manoeuvre
Cette semaine est celle de l'offensive prédicatrice et évangélisatrice de l'Eglise de dépistologie.
Avec, en corollaire, l'offensive anti scientifique de l'Eglise des Présomptions.
Le poids économique des scanners n'est pas non plus étranger à cette action médiatique, ce hype.
Le dépistage du cancer du poumon est en première ligne.
Au moment où les pneumologues et les scannerologues, sont en train de recruter dans les EHPAD pour une étude genrée (ça fait chic) sur le cancer du poumon chez les femmes fumeuses et ex fumeuses avec l'aide de l'AP-HP, c'est l'étude CASCADE, LA,
une étude dont le protocole annoncé (ICI) est une sorte de gloubi-boulga A La Française qui fait un marketing-mix entre le dépistage du cancer du poumon par scanner faible dose, l'intelligence artificielle, la population féminine, et, je cite, l'adhésion au dépistage, son impact sur le sevrage tabagique, le retentissement psychologique et les coûts induits...
Ce n'est plus un programme électoral, c'est la promesse du Paradis sur terre !
Mais, et c'est là que l'on se rend compte de la vanité holistique de la dépistologie à tout va, voici ce que l'on lit aussi et c'est renversant :
Ce scanner permettra le dépistage de plusieurs pathologies liées ou favorisées par le tabac : cancer pulmonaire mais aussi maladie coronaire, emphysème ou encore ostéoporose.
J'imagine que l'Eglise de dépistologie a aussi enrôlé des dépistologues cardiologues et des dépistologues rhumatologues.
Ces personnes sont des génies.
Elles se proposent de régler une bonne fois pour toutes le problème des dépistages chez les femmes. Mais elles ne parlent pas du cancer du sein (voir plus loin).
Le raisonnement est renversant : on utilise le scanner faible dose pour dépister le cancer du poumon chez la femme (dans l'étude Nelson il y avait d'ailleurs peu de femmes), sans nul doute pour diminuer la dose d'irradiation, sans prendre en compte le fait que les femmes entre 50 et 69 ans sont invitées également au dépistage organisé du cancer du sein avec une mammographie tous les deux ans ! A ce sujet vous pouvez lire un billet de Cécile Bour (LA) qui donne des informations et sur le dépistage du cancer du poumon et sur le niveau d'irradiation attendu chez les femmes.
Je ne suis pas spécialiste et donc je vais me faire crucifier par les prêtres comme par les laïcs de l'Eglise de Dépistologie, sans compter les philosophes qui hurlent "Une seule vie compte", mais j'ai un peu lu sur le dépistage et je reconnais au premier coup d'oeil où sont les loups.
Cette étude n'est pas faite dans l'intérêt des patientes, elle est faite dans l'intérêt du complexe scannero-industriel.
A aucun moment, la notion de sur diagnostic n'est abordée, notion qui est niée en France par les autorités oncologiques, or c'est le problème central de TOUS les dépistages et le problème crucial des études sur le dépistage du cancer du poumon. Et chez les femmes le sur diagnostic et le sur traitement sont bien connus pour le cancer du sein (nous vous parlerons un jour d'une étude US modélisée qui vient de paraître et qui assume le sur diagnostic à 15 % ! ICI pour l'article et LA pour les premiers commentaires) (1), comme pour l'ostéoporose et comme pour les coronaropathies asymptomatiques. Si vous voulez des informations sur l'étude NELSON : 2)
Son objectif est de démontrer que la lecture des scanners par un radiologue formé au dépistage, aidé d’un logiciel de détection, a des performances similaires à une double lecture experte, en prenant comme référence l’étude NELSON.
Une étude chinoise qui tombe à pic : dépistage du cancer du poumon avec un seul scanner basse intensité
- Quand les résultats d'une étude non contrôlée correspondent à nos préjugés, pas besoin d'études randomisées
- Quand les études d'une étude non contrôlée démentent nos préjugés, il faut faire des études contrôlées
Encore de la dépistologie non maîtrisée : en psychiatrie
Les lésions lombaires décelées par l'imagerie IRM ne sont pas corrélées aux douleurs lombaires présentes et à venir
Mortalité liée au Covid vs sur mortalité
Je n'ai donc pas eu le temps de vous parler :
- D'une analyse de la situation suédoise : LA qui est nuancée et qui, sur l'échelle du ZéroCovid au Circulez y a rien à voir, se situe en plein milieu.
- De l'obésité aux États-Unis d'Amérique : ICI qui mériterait une analyse non nuancée des ZéroObésité
- D'une remarquable étude soulignant encore les biais en termes de survie totale de l'utilisation comme Critère principal en oncologie du PFS (Progression Free Survival) : ICI
- Des liens avec l'industrie des associations de patients canadiennes : LA
- Et enfin, mais j'oublie des trucs, de la scandaleuse déclaration du Président de la République sur la retraite à 65 ans (il faudrait y revenir longuement en parlant de l'espérance de vie à la naissance, de l'espérance de vie en bonne santé et de l'espérance de vie à 40 ans)