Je rencontre boulevard du Roi (Versailles) une vieille connaissance, 77 ans, qui a l'air frais et dispos, floride, le teint bronzé par un séjour récent en Bretagne, tous les Versaillais de souche disposent d'une maison de famille en Bretagne où les cousins peuvent s'échanger leurs chaussettes bleues reprisées à l'oeuf, les loden vert passé effilés aux manches, les robes à smock trop souvent lavées, les souliers vernis, les noeuds dans les cheveux sans oublier les vélos à l'ancienne avec traces de rouille ou les costumes de bain aux couleurs passées. Bref...
Nous parlons de la pluie et du beau temps, ma connaissance est un ex-centralien qui fait du bénévolat pour permettre à de jeunes chômeurs et chômeuses de retrouver un emploi, il est occupé, il est très préoccupé par la santé (je l'apprends sur le trottoir du boulevard du Roi, à l'ombre des frênes centenaires taillés au cordeau) et il m'entreprend sur le sujet des déserts médicaux.
Sujet dangereux mais moins que de lui parler médecine et de réactiver ses angoisses.
Il a un avis très tranché : "On attend trop..." Il continue : "Les médecins n'assument plus les gardes..." Je tente d'intervenir sur les statistiques flatteuses des gardes sur la totalité de la France (95 %) mais il ne m'écoute pas, il sait ce qu'il doit penser, il continue encore : "Imaginez une urgence en pleine nuit à Versailles... Qu'est-ce qu'on pourrait faire ? Je vous le demande... - Appeler le 15 ?" Il me regarde comme si je débarquais du pôle. "Le 15 ? Ça marche à Versailles ? - Oui..."
Il me parle aussi de ces médecins qui refusent la régulation des installations. Je lui rétorque tous les arguments que tout le monde connaît sauf Garot et sa clique opportuniste de politiciens pour lesquels l'accès aux soins se règle par un coup de fil à des copains qui ont vu le copain du copain.
Je continue de discuter avec un Centralien qui ne sait pas compter jusqu'à 15 et j'apprends qu'il se préoccupe de sa santé avec beaucoup de constance... C'est un partisan du dépistage, il n'a jamais raté un PSA, m'affirme-t-il, jamais raté un test fécal de dépistage du cancer du colon. Quant au rôle du cholestérol dans les maladies cardiovasculaires, il n'y croit guère, mais son médecin généraliste, "il est bien", lui fait doser tous les ans... "Il suffit de manger sain" ajoute-t-il et il ajoute qu'il est un client assumé et régulier de Biocoop et des maraîchers de la région. Amen.
Je ferme ma goule. Je ne lui dis pas que je ne connais pas mon taux de cholestérol, que je n'ai jamais eu "droit" à un PSA (sauf une fois où un spécialiste de tout autre chose, il y a de nombreuses années, l'a rajouté sur l'ordonnance), que je n'ai jamais recherché, malgré de nombreuses invitations, de sang dans mes selles...
Tiens, à propos... Il est scandalisé que le ce dépistage s'arrête à 74 ans, "Je connais quelqu'un qui a fait un cancer du colon à 79 ans et il y en avait partout !"
Donc, voilà quelqu'un qui fait partie des CSP ++ et dont la retraite est un scandale pour les plus jeunes qui joue le jeu de la dépistologie et de la prévention (il ne fume pas, il boit très peu, il mange bio) et qui, s'il était interrogé lors d'un sondage comme celui-ci, dirait que l'accès aux soins à Versailles (78000) est "compliqué, loin ou partiel" alors qu'il habite à moins de 10 mn en voiture de l'hôpital Mignot et/ou de la clinique de Parly 2 (classement national du journal Le Point en 2020 : "Stimulateurs cardiaques : 5ème · Chirurgie cardiaque adulte : 9ème · Cardiologie interventionnelle : 15ème") mais qu'il ne sait pas que l'on peut appeler le 15 en cas d'urgence !
Vous n'ignorez pas ce que je pense de ces classements alakhon. Mais...