samedi 24 décembre 2011

Nouvelle convention médicale : pourquoi, contre toute logique, j'accepte la prime à la performance conventionnelle.



Les délais sont courts. Pour rejeter le paiement à la performance (PAP) il faut se déclarer avant le 26 décembre.
Les débats sont passionnés. Il y a en gros, trois types de médecins : les contre, les pour et les j'm'en fous. Pour mettre tout le monde à l'aise, je fais partie du dernier groupe, les j'm'en fous. J'ai commencé par les contre car ce sont ceux qui font le plus de bruits et qui sont les plus véhéments. Vous pouvez vous faire une idée de leurs arguments en consultant le site de Dominique Dupagne (ICI). Vous avez les pour qui, dans l'ensemble, réagissent au contre. Vous pourrez voir leurs arguments, notamment sur le site de Borée où vous lirez avec profit les commentaires (LA et ICI). Mais il est évident qu'il s'agit d'une sélection.


J'accepterai donc la convention telle quelle.

Ayant été dès l'origine opposé au CAPI individuel (voir ICI) non pour des raisons idéologiques (perte de ma liberté) mais pour des raisons politiques (la façon dont les indicateurs ont été choisis de façon unilatérale et sans concertation par Messieurs Van Roekeghem et Allemand) et scientifiques (la validité interne catastrophique de nombre de ces indicateurs que j'ai analysée en détail ICI et bien qu'ils aient légèrement changé dans la nouvelle mouture), je n'ai pas l'impression de me renier, mais j'ai compris que mon opposition ne pouvait être entendue. Dès le début de cette affaire j'avais conseillé aux médecins de prendre, à l'instar de Woody Allen, l'oseille et de se tirer (Take the money and run). Je ne désignerai pas car 1) j'en ai assez de me battre contre des moulins à vent ; 2) je continuerai ma réflexion sur la validité interne et externe des indicateurs ; 3) je "profiterai" du système pour le critiquer de l'intérieur (ce dont les deux lascars sus cités se moquent comme d'une guigne) et je continuerai de m'opposer aux PAPistes qui se font des illusions et sur les indicateurs, et sur la Santé Publique et sur la prétendue forfaitisation.

Historique du PAP dans le monde du management
Le paiement à la performance ou payment for performance (P4P) n'est pas une invention française, on s'en serait douté dans un pays où les agences gouvernementales ne se préoccupent même pas de médico-économie sauf sur un coin de table ou dans une discussion de couloir. Le PAP pour les médecins est une déclinaison libérale ou néo libérale (cela dépend où l'on situe le curseur) de la méritocratie pécuniaire des salariés et des employés dans le cadre de l'entreprise capitaliste (nous ne parlerons donc pas ici des autres régimes qui appartiennent pour la plupart au passé). On appelle cela aussi les primes et, quand on veut faire chic et moins trivial, de l'incentive, c'est à dire la motivation. 
Ce procédé est très connu dans les firmes. Je suis toujours fasciné, les extrêmement rares fois où je pénètre dans un établissement Mc Donald (je suis pour la fermeture de ces établissements pour des raisons de santé publique, LOL), par l'affichage du nom et de la photographie de L'employé du Mois... Prenons un exemple dans l'industrie pharmaceutique : Big Pharma donne (on me dit donnait) des primes aux 10 ou 20 % des visiteurs médicaux qui vendent beaucoup de boîtes d'un médicament (motivation aux résultats) et / ou dont la progression des ventes est de 10 à 20 % par rapport à l'état de départ (motivation à l'effort). C'est une façon pour le patron de récompenser les travailleurs selon les critères qu'il a décrétés mais aussi une façon de valoriser la politique définie par la direction (avec des arguments aussi fallacieux que : si tous les travailleurs avaient travaillé comme les 20 % les meilleurs on vendrait globalement plus de boîtes ; hors, c'est impossible : la courbe des ventes individuelles de chaque vendeur obéit à une loi normale gaussienne) et de culpabiliser les moins vendeurs qui auraient pu faire mieux. Remplacez le mot vendeur par le mot médecin, pour voir.. Cela signifierait que si tous les médecins prescrivaient aussi peu que les 20 % de médecins qui prescrivent peu... Mais la logique manageriale va encore plus loin : elle fait non seulement croire aux vendeurs ou aux salariés que ce sont les 20 % de meilleurs qui tirent l'entreprise vers le haut mais aussi que ces 20 % sont meilleurs en général, par rapport aux autres entreprises. Or c'est faux. Car la vente des produits de la société X ne se détermine pas par la qualité de ses vendeurs mais par rapport à la qualité de la politique générale marketing de la société. Je m'explique : si la société X vend 100 000 boîtes de biduleprazole avec 100 visiteurs médicaux, cela veut dire que chaque VM vend en moyenne 1000 boîtes ; si la société Y vend 10 000 boîtes de trucmucheprazole chaque VM Y vend en moyenne 100 boîtes. Ainsi, le meilleur VM Y qui vendrait   150 boîtes (+ 50 %) vendrait toujours moins de boîtes que le pire VM X vendant 500 boîtes (- 50 %). Vous remplacez politique générale de la société X par politique de Santé Publique de l'Etat et vous comprenez que les gesticulations d'un tel ou d'un tel dans son coin ne peuvent rien changer au fait que la mortalité dans le pays X est significativement inférieure à celle du pays Y.

Les spécialistes du management savent également que les effets de l'incentive dans sa version primes et avantages en nature (voyages, bons d'achat) s'épuisent très rapidement dans le temps, que ce sont toujours les mêmes qui sont primés, les plus malins, ceux qui savent s'adapter au système, ceux qui sont les plus intéressés par l'argent, ceux qui savent profiter et, qu'au bout du compte, cela ne fait pas augmenter les ventes, sauf à court terme, ce qui est bon pour les dirigeants quand il faut décider de leurs propres primes mais pas forcément bon pour la courbe de vie des produits et, ici, les indicateurs de Santé Publique.
Le PAP est de la poudre aux yeux. C'est tout simplement un moyen de diviser les médecins, de valoriser ceux qui sont situés à droite de la courbe de Gauss et de dénigrer ceux qui sont à gauche de cette même courbe, le marais, au centre de la courbe étant finalement le déterminant majeur, déterminé par la politique générale de la Nation, la qualité de l'enseignement de la médecine, les moyens accordés pour la pratiquer de façon adéquate et non déterminé par les comportements sociétaux de la population en termes d'hygiène publique, de responsabilisation des conduites et des pratiques. La politique générale de la Nation, c'est, pour un certain nombre d'indicateurs contenus dans le PAP, par exemple, diminuer la quantité de sel dans les plats cuisinés et / ou dans les boissons sucrées ; interdire la publicité pour les aliments salés et sucrés à destination des enfants aux heures où les enfants regardent la télévision... Mais c'est trop demander à l'Etat qui doit gérer le taux de chômage dans les trusts agro-alimentaires et la rentabilité des Fonds de Pension pour conserver le Triple A.
Le PAP est une politique d'affichage. Et c'est une politique dangereuse. D'une part elle fait croire qu'il est possible d'améliorer la Santé Publique en se conformant à des indicateurs (l'expérience du QOF anglais a montré le contraire), d'autre part elle entraîne une réaction des consommateurs de santé contre les médecins puisqu'ils lisent dans la presse grand public qu'ils faisaient mal leur travail et que, d'autre part, en le faisant bien ou mieux (ce qui devrait être un pré requis moral) ils peuvent toucher (on ne dit pas le pourcentage de ceux qui toucheront le jackpot) jusqu'à 11 000 euro et en période de crise !
Le PAP est une politique dangereuse. Les exemples étrangers ont montré que les performers médicaux regardaient le bout du doigt (les indicateurs) des Payeurs montrant la Santé Publique et pas la Santé Publique elle-même : voir ICI le rapport de L'IGAS de juin 2008 consacré aux expériences étrangères. On peut analyser les conséquences inattendues du PAP comme les a montrées le rapport de l'IGAS consacré au PAP "Rémunération à la performance dans le contexte français" de juillet 2008 (ICI) : exclusion des patients les plus à risques ; fragmentation des soins entre différents acteurs ; aggravation des inégalités ; impact négatif sur la vie des professionnels ; augmentation de la prescription des médicaments (1). Mais surtout le PAP conforte les médecins dans l'idée qu'ils sont les promoteurs de l'amélioration de la Santé Publique, ce qui, on l'a vu, est totalement illusoire quand les politiques de Santé Publique sont contreproductives.
Le PAP à la française a été préparé (bricolé) à la française, c'est à dire que la CNAMTS ne s'est pas donné les moyens (à partir de la page 12 dans le rapport de l'IGAS de juillet 2008 : 10 principes fondamentaux) pour analyser la situation avant, pour se doter d'outils fiables et consensuels pour  autoriser des comparaisons avant / après ; n'a pas fait d'étude de faisabilité ; a omis la phase d'éducation au processus et y compris d'acceptabilité ; et cetera, et cetera (voir le texte extrêmement précis que j'ai cité) et a donc lancé l'affaire à la va-vite.
Sans faire de misérabilisme et rapporter que je travaille depuis plus de 32 ans dans le Val Fourré, je retiendrai également que l'IGAS a souligné qu'il fallait "réduire les inégalités en modulant l'incitation selon la population considérée (critères socio-économiques et géographiques)". Disons qu'au Val Fourré où la population immigrée est très importante -- plus de 50 %-- une très grande majorité des femmes de plus de 50 ans sont analphabètes, ce qui, pour les courriers de relance, cancer du sein, ou pour les incitations à utiliser des médicaments génériques... est particulièrement "motivant"). Par ailleurs, les délais d'attente pour obtenir des rendez-vous, les éventuels dépassements d'honoraires, la diversité de choix des professionnels à impliquer, sont de forts facteurs limitants à l'amélioration des performances. Gageons que ce système de primes incitera les jeunes médecins à s'installer dans les zones où les primes seront faciles à obtenir...

Que reste-t-il du PAP conventionnel après tout ce que je viens de dire ?
Pas grand chose. Et encore n'ai-je pas dit que le P4P à l'américaine, s'il se développait dans certaines HMO, s'arrête pour manque de résultats dans le cas du Kayser Institute.
Et encore n'ai-ja pas parlé des résultats catastrophiques obtenus en république d'Irlande en termes se simple suivi des recommandations (LA).
Et encore n'ai-je pas dit que le QOF anglais venait de retirer des critères qui sont inclus dans notre PAP (ICI) (2).
Et encore n'ai-je pas parlé des critiques acerbes de certains commentateurs comme Des Spence dans le BMJ sur la culture des indicateurs (ICI).
Et dire que je n'ai pas encore parlé du volet financier (mais cela va venir).
Et dire que je n'ai pas encore parlé des indicateurs eux-mêmes et que je ne vais pas en parler car j'en ai assez de me battre contre l'évidence (LA) (3).
Et dire que je n'ai pas encore parlé des données de la CNAMTS qui sont, pour le moins, fantaisistes, et je refuse de passer du temps à tenter de contrôler, pour quelques euros, la concordance des comptes entre mon Payeur et mes fichiers  (4).
Et dire que, contrairement aux désignataires, je n'ai pas parlé de morale ou d'éthique (je laisse aux spécialistes de la question de lire les millions de thèses qui ont été consacrées à ce sujet).

Parlons du volet financier.
Il faut d'abord signaler que l'argument de forfaitisation de l'activité est peu acceptable.
Rappelons que dans le système NICE - QOF le P4P peut rapporter jusqu'à 20 à 30 % des revenus dans des pays où il y a inscription sur une list size qui rapporte déjà de l'argent.
Je ne sais pas ce qui va rapporter le plus : l'atteinte des objectifs (primes aux résultats) ou le pourcentage d'amélioration (primes à l'effort).
Osons dire aussi que plus la patientèle est importante, et notamment pour les indicateurs, et plus il est possible de gagner de l'argent. Ce qui n'est franchement pas un critère de qualité. Je signale ici que 1) j'ai plus de 1200 patients qui m'ont choisi comme médecin traitant ; b) que j'ai exactement 104 patients diabétiques de type II ; c) que le cabinet médical est ouvert toute l'année, non compris le dimanche, que je suis associé avec un médecin quatre/cinquième de temps, qu'il y a une secrétaire à plein temps, qu'il y a une femme de ménage, que je vois, bon an mal an, plus de 7000 patients en une année d'exercice (dont dix semaines de vacances pendant lesquelles je suis remplacé), que je pourrais toucher, d'après mes calculs, entre 5 et 7000 euros par an d'honoraires supplémentaires, soit relativement à mon CA total, y compris les honoraires rétrocédés, entre 2,9 et 4,1 % de mes honoraires. Pourquoi le docdu16 se décarcasserait pour des indicateurs, pour certains inutiles, pour d'autres inopérants, pour d'autres encore, dangereux ?...

Il reste l'incitation informatique. Quatre cent points sur 1300 sont des points liés à l'organisation informatique du cabinet : 400 points faciles à obtenir (soit 400 x 7 = 2800 euro). Personnellement, nous devons avec mon associée, débourser 375 euro en plus (mise à niveau du logiciel Hellodoc) + un abonnement mensuel à Vidal Expert (21 euro pour deux) + la venue d'un technicien sur site pour mettre le réseau en marche (mais on me dit qu'il est possible de le faire par téléphone avec le technicien de la hot line pour 95 euro HT) ; il faut ajouter cela aux frais de fonctionnement liés à Hellodoc et à la télétransmission (réseau RSS). Cela paraît jouable.

Donc, foin d'arguments moraux : je reste dans la convention, je constate les anomalies, je publie contre les indicateurs bidon et je ramasse un peu d'argent.




Notes
(1les domaines qui ont été choisis, par le NICE dans le cadre du QOF, comme les maladies cardiovasculaires, le diabète, la santé mentale et les affections respiratoires sont dominées par les médicaments. Depuis le début du contrat les prescriptions ont globalement augmenté : 40 % de plus dans le diabète (240 millions d'euro en plus) ; + 90 % pour les inhibiteurs de l'angiotensine 2 (+ 68 millions de livres) ; tiotropium : + 100 % (+ 30 M livres) ; ezetimibe (+ 400 %, + 15 M livres). La prescription des statines a doublé bien que l'on sache leur inefficacité en prévention primaire.
(2Et donc, pour l'an prochain, un certain nombre de critères vont être enlevés comme le décrit un article du BMJ car ils paraissent peu discriminants et peu contributifs : mesures de la pression artérielle (insuffisance coronarienne, diabète, AVC ou AIT), prises de sang pour mesurer l'HbA1C (diabète), cholestérolémie totale (diabète) ou créatininémie (diabète, patients traités par lithium), fonction thyroïdienne (patients traités par lithium, hypothyroïdisme).
(3) Sans oublier les Prescrirolâtres qui on trouvé des arguments positifs dans l'analyse que Prescrire a faite du CAPI ancienne formule et dont je vous résume, au 5 décembre, les avis : Prescrire a considéré que 7 items sur 16 étaient cohérents sans restriction (cotation 1) (43,8 %) ; 3 items acceptables mais incomplets (cotation 2) (18,7 %), soit 10 items sur 16 (62,5%) utiles ; à l'inverse 2 items étaient considérés comme hors sujet sur le thème choisi (cotation 3) et 4 items incohérents (cotation 4), soit au total 37,5 %.
(4) Voici quelques exemples choisis dans mes propres chiffres qui montrent des variations pour le moins surprenantes et qui ne peuvent, à mon sens, être expliquées par un changement de mes pratiques (ou alors inconscient, ce qui serait une confirmation / infirmation des arguments de DD et ses amis) : Part de vos patients diabétiques  ayant eu 3 ou 4 dosages de l'HbA1C dans l'année : juin 2010 = 55 % et juin 2011 = 27,9 % ;  Part de vos patients diabétiques ayant eu une consultation d'ophtalmologie ou un examen au FO dans les deux dernières années : juin 2009 = 42,9 % ; juin 2010 = 30,5 % ; juin 2011 = 41,3 %...
(

samedi 17 décembre 2011

Un spectacle de khon intégral. Histoire de consultation 110.

J'ai attendu un peu pour raconter cette histoire (deux jours). La colère n'est jamais bonne conseillère. Ne croyez pas ou, si, croyez-le, que je veuille me donner le beau rôle et que je fasse de l'anti spécialisme (non d'organe puisqu'il s'agit d'un anesthésiste) primaire (voir ICI ou LA), mais cette histoire est vraie, vérifiée, authentifiée.
Donc, Madame A vient consulter pour une banale rhinite. Je ne l'ai pas vue depuis un an car elle a déménagé à plus de trente minutes du cabinet et, dit-elle, n'a pas été malade. Elle me parle d'elle et, incidemment, de son mari, 42 ans. C'est l'histoire du mari qui m'a rendu bizarre.
Elle me dit que son mari a été opéré d'un kyste du testicule. Je ne dis rien bien que je sois le médecin traitant et que je n'aie rien su. Disons que, d'une part, ils ne m'ont rien dit et, d'autre part, je n'ai eu aucun courrier/ Mais il s'agit probablement d'une histoire d'ego.
Pour cette part triviale de l'affaire que je vais expédier rapidement : le patient s'est découvert une boule au testicule et il a paniqué (il n'y a pas de jeu de mot) ; au lieu de téléphoner à "son" médecin traitant, il en a parlé à un copain qui connaît un urologue (que je connais également) et il a eu droit à un accès direct.
La femme de Monsieur A continue : mon mari s'est rendu à la consultation d'anesthésie (il avait été convenu avec l'urologue que le kyste devait être enlevé) et l'anesthésiste, entre deux mots, lui a dit que c'était un cancer. Le mari lui a fait répéter et l'autre a confirmé. En sortant il a appelé sa femme qui a été aussi abasourdie que lui alors que l'urologue n'avait parlé de rien, que l'échographiste n'en avait pas plus dit (pas plus que le compte rendu d'échographie) et que l'urologue, après avoir revu le patient avec l'échographie avait été pour le moins rassurant.
J'ai laissé passer ma surprise. Je l'ai dit assez souvent ici, il faut toujours faire attention à ce que disent les patients, au sens propre et au sens figuré. Attention, car ils peuvent avoir interprété les propos d'un confrère (comme ils peuvent interpréter à tort nos propos) et s'être trompés ; attention, car les propos des patients, tout comme leurs plaintes, ont souvent plus de substrat que nos préjugés ; mais pas toujours.
"Nous avons passé une semaine difficile jusqu'à l'intervention. - Vous n'avez pas appelé l'urologue ? - Non, j'ai appelé, précise Madame A, l'anesthésiste en lui demandant de quel droit il avait pu dire à mon mari qu'il avait un cancer alors qu'il n'en avait aucune preuve." D'après la femme du patient, toujours, l'anesthésiste s'est excusé, a affirmé qu'il n'avait pas voulu dire cela et ajouté qu'il voyait tellement de cancers en ce moment... Mais ils ont passé une très mauvaise semaine.
Tout s'est bien terminé puisque le kyste était kystique bénin (je n'ai toujours pas le compte rendu histologique).
J'ai demandé le nom de l'anesthésiste (que je ne connaissais pas) et j'ai tenté, contre toute logique, de l'appeler pendant la consultation, mais il n'était pas là avant lundi.
J'ai redemandé à Madame A ce qu'avait dit l'urologue. Pas grand chose, m'a-t-elle répondu, qu'il allait voir.
J'ai quand même essayé de ne pas ajouter de l'huile sur le feu et la femme du patient m'a dit qu'elle avait failli aller coller une gifle au dit anesthésiste et je lui ai répondu que ce n'était pas bien mais que cela méritait même plus : un grand coup de poing dans la figure. Elle m'a regardé, surprise et m'a dit : J'ai dû empêcher mon mari d'aller le faire.
Est-ce qu'il y a autre chose à dire ? Ou à faire ?
Cet anesthésiste continuera de sévir malgré mon futur coup de fil dont il se moquera comme d'une guigne.
Peut-être vaut-il mieux que je lui écrive en lui donnant le lien avec le blog ?
C'est peut-être moi qui aurai droit à des poursuites devant le Conseil de l'Ordre. Je m'en moque. Mais ce qui compte : est-ce que cela changera quelque chose à l'attitude de ce gougniafier ? Non. 
Spectacle de Khon à l'université Thammasat de Bangkok (2009)
Le chirurgien ne fera rien.
Je n'ai pas de chances avec les kystes et les urologues : voir ICI. Ma responsabilité est moins engagée : je n'ai pas adressé le patient. Mais si, maintenant, quand on adresse un patient à un  chirurgien non choisi en DCI il faut aussi s'assurer de la qualité de l'anesthésiste, on est mal partis !

lundi 12 décembre 2011

Une femme qui n'est pas contente que son mari ait acheté une caméra numérique. Histoire de consultation 109.

Madame A, 27 ans, est enceinte de six mois. La grossesse se passe bien. Les indicateurs sont au beau fixe. Son mari, autant que je peux en juger en consultation, est un homme charmant qui est content que sa femme soit enceinte. 
Aujourd'hui, il y a quelque chose qui ne va pas. A son air, je m'attends au pire dans le style, mon mari est parti. Rien que cela !
Elle s'assoit en face moi, ses yeux sont rouges, elle a dû pleurer.
"Qu'est-ce qui se passe ? - C'est trop difficile à dire. - Allez, dites-moi plutôt pourquoi vous êtes venue me voir..." Elle baisse les yeux. Derrière sa tristesse je vois passer un maigre sourire. Qu'est-ce que j'imagine ?
"Mon mari a acheté une caméra numérique. - Comment ?" Cette fois, elle sourit vraiment. "Si vous m'expliquiez..."
Elle me regarde de façon déterminée, les deux bras reposant sur les accoudoirs du fauteuil.
"Il veut filmer l'accouchement." Je résiste à l'envie de lui dire : "Et alors ?" mais je comprends à temps que la phrase serait inappropriée. "En quoi cela vous dérange ?" Elle réfléchit à ce qu'elle va me dire. "Je ne veux pas. - Et Pourquoi ? - Vous savez, dans tous les films, dans touts les feuilletons, dans tous les reportages, on voit des hommes qui prennent des photos ou qui font des films pendant l'accouchement, on voit des femmes qui souffrent, qui crient, qui pleurent et tout le monde trouve ça bien. Eh bien moi, jusqu'à ce que mon mari achète la caméra, je trouvais ça bien. Et plus maintenant. - Pour quelle raison ? - Parce que je ne veux pas qu'il me voie dans une telle situation, nue, moche, grosse, poussant des cris, comme un animal, comme une malade, non, je préfèrerais être bien coiffée, maquillée, belle et pas dans cet état. - Pourquoi ne lui en parlez-vous pas ? - Parce qu'il a eu l'air tellement heureux avec sa caméra, comme un enfant avec un lego, parce qu'il voulait me faire plaisir. - C'est vrai que cela part d'une bonne intention. - Et vous, qu'est-ce que vous en pensez, docteur ?"
Voilà une banale situation de médecine générale, une banale situation de médecine, de rapports entre un médecin et un patient, mais, en d'autres circonstances, le problème est identique, sauf que dans le cas particulier, il ne s'agit pas de la discussion entre deux amis ou entre un mari avec sa femme ou entre une mère avec son enfant (encore que...), il s'agit d'une consultation, une consultation avec ses codes, une consultation où le médecin a un rôle à jouer qui n'est pas forcément de dire ce qu'il pense...
"Je n'en sais rien. Je crois que nombre de femmes sont contentes que leur mari assiste à l'accouchement pour qu'il se rende compte de ce qu'est le travail. Cela doit donc être une bonne idée si elles en éprouvent le besoin. Mais d'autres préfèrent garder cela pour elles. Par pudeur. Elles ont aussi raison. Mais la mode, actuellement, c'est la participation de l'homme pour qu'il se sente impliqué. Je crois que cela constitue un progrès par rapport aux hommes fumant des cigarettes dans le couloir. Ou buvant des coups avec leurs copains. Mais pour ce qui est de la caméra, je n'en sais rien. Tout le monde filme tout, pourquoi ne pas filmer un accouchement ? - C'est vrai que tout le monde filme tout. Il aurait pu le faire avec son téléphone portable. Ne rien me dire avant. Mais est-ce qu'il voudrait que nous soyons filmés quand nous faisons l'amour ? - Il faudrait le lui demander. Mais, à mon avis, ce n'est pas pareil. - Pas pareil, c'est vite dit. Cela fait partie de l'intimité. - Vous ne faites pas l'amour entourée de médecins et d'infirmières. - Non. Mais l'accouchement, c'est aussi à moi. C'est mon corps, en quelque sorte. - C'est votre enfant. - Oui, c'est vrai, c'est notre enfant. Je crois que je dois en parler avec lui. - Très bonne idée."

vendredi 9 décembre 2011

Méningites : lire le Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire, c'est lire Big Vaccine


Dernière livraison du BEH (Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire) (ICI) : deux articles ont retenu mon attention : Les infections invasives à méningocoques en 2010 (LA) et Déterminants associés à la non vaccination A(H1N1) 2009 chez les femmes enceintes de l'étude Coflupreg(ICI).
Le BEH est l'organe de publication de l'InVS, institut dont j'ai largement parlé sur ce blog, mais je n'ai pas assez insisté sur sa collusion avec le pouvoir, son manque de collaborateurs de talents et sa pratique de la corruption.
1) Les infections invasives à méningocoques en 2010 (voir L'Etat de l'Art ICI par CMT) : Dans un article, le plus important, c'est la Discussion. Sa qualité rend compte des connaissances des auteurs sur le sujet, de leur indépendance d'esprit et de leurs capacités à l'autocritique. Mais commençons par les résultats.
L’incidence globale des IIM est en diminution depuis 2008. En 2010, 522 cas ont été déclarés dont 510 en France métropolitaine conduisant à un taux d’incidence corrigé pour la sous‐notification de 0,89 pour 100 000 habitants. Les groupes d’âges les plus touchés sont les moins de 1 an, les 1‐4 ans et les 15‐19 ans. La baisse d’incidence entre 2009 et 2010 a été significative pour les IIM liées au sérogroupe C. Le sérogroupe B reste prédominant en France (74% des cas). L’incidence des IIM W135 est restée stable. Le sérogroupe Y a augmenté mais ne dépas‐ sait pas 5% des cas. La létalité des IIM en 2010 était de 10% (53 décès). La proportion des cas déclarés avec un purpura fulminans était de 26% (130 cas), la létalité étant de 23% pour ces cas contre 6% pour les autres (p<0,001). En 2010, 55% des souches invasives circulantes appartenaient à trois complexes clonaux (ST‐41/44, ST‐32 et ST‐11).

Nous y apprenons donc des choses intéressantes sur le fait que le B est le plus fréquent (on le savait déjà). C'est tout.
Mais la Conclusion est plus éclairante :
Les IIM restent en France majoritairement liées aux méningocoques de sérogroupe B ; la baisse de l’incidence des IIM C a débuté depuis 2003 et devrait se poursuivre du fait de l’introduction du vaccin conjugué méningoccique C dans le calendrier vaccinal en 2010.

Ils sont quand même légèrement gonflés !
Allons donc voir la Discussion : comme elle est un peu longue, je me permettrais de vous la résumer. On y apprend : a) qu'il est difficile de conclure sur l'incidence en raison des variations inter saisonnières et de la circulation (éventuelle) de nouvelles souches ; b) que la baisse d'incidence concerne autant la B que la C ; c) que la baisse d'incidence de la C a précédé la vaccination et qu'elle concerne, après la vaccination, des tranches d'âge non concernées par la vaccination ; d) que le taux de couverture vaccinal n'est pas connu pour les années analysées (pas connu par le BEH mais, semble-t-il, par les industriels avec, grosso modo, pas grand chose qui puisse expliquer les variations observées, notamment dans les groupes d'âge non impliqués dans la campagne) ; e) que l'incidence des Y augmente. On y apprend aussi la forte létalité des formes avec purpura fulminans. On le voit, la discussion est plutôt bien écrite (de façon "orientée") mais n'insiste pas assez sur les incertitudes de l'épidémiologie, sur l'émergence de nouvelles souches et fait peu de comparaisons avec les autres pays, sauf la Suède pour les Y. Ainsi, le contenu de la discussion n'est-il pas en rapport avec la Conclusion très pro vaccin.
Commentaires personnels : il y a eu donc 53 décès dus aux méningites à méningocoques en 2010 France. Dans 26 % des cas d'IIM (Infection invasive à méningocoque) (n = 130) il y avait un purpura fulminans dont la létalité a été de 23 % contre 6 % quand il était absent.  Premières recommandations : devant tout syndrome fébrile évoquant un syndrome méningé il faut déshabiller l'enfant (ou l'adulte) à la recherche de lésions cutanées pouvant faire évoquer un purpura fulminans ; tout cabinet médical (et a fortiori ceux qui préconisent la vaccination contre la méningite C) doit disposer de ceftriaxone / rocéphine prête à l'emploi (i.e. dont la date de péremption n'est pas dépassée) (LA).
Cet article est un plaidoyer pour la vaccination. Il obéit à plusieurs objectifs : a) banaliser les méningites ; b) rendre les familles demandeuses ; c) rendre les médecins coupables.
Mais surtout, cet article souligne combien, en France, il n'existe pas de frontière entre la science vaccinologique (c'est un néologisme), la recherche vaccinologique et Big Vaccine. Car Big Vaccine a un statut particulier : ses produits sont chers, ses profits sont pharaoniques (plus de 95 % de marge brute), la concurrence est inexistante (Big Vaccine se partage le monde, s'accorde sur les tarifs, arrose les mêmes experts, il n'existe pas de génériques - ce qui ne me dérange pas- mais, plus encore, il n'y a jamais de baisses autoritaires de prix de la part des Etats), il existe une Autorité centrale (l'OMS) qui dit la vaccinologie, il existe des bons sentiments (la Santé Publique), il existe une idéologie humaniste sous-jacente (la prévention) et les visiteurs médicaux sont soit des scientifiques de renom, soit des hommes politiques...
En France, la politique des vaccins est menée par le CTV (Comité technique des Vaccinations) dont le Président à vie est un agent payé entre autres par Glaxo et la revue scientifique d'excellence, outre ce bon BEH, est Infovac, qui est une feuille de choux sponsorisée à 100 % par Big Vaccine, dont les rédacteurs sont des Bruno Lina (ICI), et il semble que ce CTV soit protégé par tout le monde, depuis la DGS jusqu'à la Revue Prescrire qui reproduit fidèlement ses communiqués sans beaucoup de recul.
Circulez, y a rien à voir.
Je suis allé à une réunion la semaine dernière, réunion organisée par l'APSVF (l'Association des professionnels de Santé du Val Fourré dont je suis membre du bureau), où nous avions invité des médecins de la PMI des Yvelines. J'ai appris ce soir là (entre autres choses qui sont hors sujet) qu'Infovac est la référence pour les politiques de vaccination des PMI.
Y a du boulot pour remonter le courant.
2) Déterminants associés à la non vaccination A(H1N1) 2009 chez les femmes enceintes de l'étude Coflupreg. Cette étude descriptive est emblématique de l'épidémiologie à la française : description, description, rien de plus. Regardons la Conclusion : 
Dans cette cohorte, la couverture vaccinale antigrippale A(H1N1) était faible, particulièrement chez les femmes enceintes d’origine étrangère non‑européenne et chez celles appartenant aux catégories socioprofessionnelles moins favorisées.
Afin d’améliorer leur efficacité, les futures campagnes de vaccination pourraient être adaptées à ces populations.
Comme quoi, Big Vaccine joue sur la corde sensible : vacciner dans les pays riches contre l'hépatite B pour en faire "profiter" les pays pauvres, on y croit beaucoup, et là, plaindre ces populations défavorisées de femmes enceintes pauvres et immigrées (Big Vaccine adopte le CARE), pour mieux les toucher. La médecine à deux vitesses existe : dans le cas du vaccin anti A/H1N1, il semble qu'il vaille mieux être pauvre et immigrée.

Retenons ceci : le BEH ne joue pas le jeu de la transparence, le BEH ne joue pas le jeu de la compétence, le BEH est un organe de Big Vaccine (la branche la plus rentable de Big Pharma).

(Pravda : 16 mars 1917)

dimanche 4 décembre 2011

Dépistage du cancer du poumon par scanner : un nouveau marché pour la santé des médecins!


Une révolution est en marche !

Que se passe-t-il ?
J'ai trouvé un article bien fait dans Medscape (ICI), revue sponsorisée d'accès gratuit après enregistrement : 

Screening for Lung Cancer Based on 'Strongest Evidence'

dont voici, entre autres, la phrase forte :
The brand-new guidelines from the National Comprehensive Cancer Network (NCCN), the first to be published by a national advisory group, strongly recommend the use of low-dose computed tomography (LDCT) screening for select individuals at high risk for the disease. For the target group of heavy smokers 55 to 74 years of age, regular annual LDCT scans are recommended
Pour ceux qui n'en croiraient pas leurs yeux, cela signifie que des Etats-Uniens recommandent fortement, c'est même une recommandation de grade 1 (ce qui est rare, le NCCN ne donnant pour la mammographie et la colonoscopie qu'une recommandation de grade 2A), de faire pratiquer annuellement un scanner faible dose dans le groupe à risque des gros fumeurs (30 paquets-années) âgés de 55 à 74 ans même s'ils ont arrêté de fumer depuis 15 ans.
Cette recommandation est liée à un essai randomisé (National Lung Screening Trial) qui a été arrêté en cours de route (voir l'article LA et des commentaires ICI) après 8 ans et qui incluait 53000 patients. Le groupe scannerisé avait un examen tous les ans pendant trois ans puis en "reprenait" pour 5 ans. L'essai arrêté montrait, selon ses auteurs, une réduction relative de la mortalité dans le groupe "dépisté" de 20 % avec une diminution de la mortalité toutes causes de 7 % alors que la mortalité par cancer du poumon représentait 25 % de l'ensemble. 
Ce qui a conduit à des déclarations fracassantes de la part des expérimentateurs et de certains commentateurs dans le genre : This is "a seminal moment" for the lung cancer community, the Lung Cancer Alliance declared in a press release. It also quoted James Mulshine, MD, from the Rush University Medical Center in Chicago, Illinois, as saying: "With this positive trial result, we have the opportunity to realize the greatest single reduction of cancer mortality in the history of the war on cancer."
Ils n'ont pas froid aux yeux ! 

Mais cette recommandation est encore théorique.  Nombre de problèmes ne sont pas encore réglés. Et pas des moindres.
D'abord, il faut savoir que des essais précédents n'avaient pas été aussi concluants. Ensuite, d'autres essais ont montré que le sur diagnostic lié à la réalisation d'un scanner comme moyen de dépistage du cancer du poumon oscillait selon les cas entre 25 et 70 % Enfin, et surtout, avant de se lancer dans le dépistage organisé il est nécessaire de savoir à quel âge il faut commencer, à partir de quelle consommation de tabac, au bout de combien de scanners il faut s'arrêter de dépister, quels sont les dangers des radiations, quid de l'observance pour les résultats, quid de la normalisation des examens, quid de la dangerosité des biopsies, quid du coût-efficience, quid des retombées économiques, et cetera.
Nul doute que les courbes bien connues d'incidence et de mortalité du cancer du poumon (ICI figure 1 page 45) vont changer avant même que le dépistage organisé ne soit mis en place : l'incidence va augmenter considérablement, la mortalité va stagner et les experts en concluront au fait que prendre à temps le cancer sauve des vies quelle que soit la non amélioration des thérapeutiques. Et le sur diagnostic pourra être envoyé à la trappe.
Car de telles annonces vont, avant même que des conséquences puissent en être tirées, avant même que l'esquisse de programmes de dépistage généralisé ne soient mis en place, engendrer un surcroît de dépistages individuels et de dépenses (rappelons qu'un scanner pulmonaire est facturé aux Etats-Unis entre 300 et 350 dollars, ce qui n'est pas le cas en France mais ce qui va entraîner des dépassements d'honoraires...) tant et si bien que les études qui suivront seront très difficiles à mener, groupe sans dépistage versus groupe avec dépistage, tant il y aura contamination des groupes théoriquement non dépistés.
Il s'agit désormais d'une course de vitesse pour imposer ce dépistage.
Les lobbies seront en première ligne : radiologues (voire scannerologues), pneumologues, oncologues, radiothérapeutes, chimiothérapeutes, fabricants de scanners, fabricants d'appareils de radiothérapie, fabricants de médicaments, fabricants de rêves. 
Ces lobbies de la prévention (et je ne confonds pas prévention et dépistage bien que les définitions de l'OMS soient suffisamment floues pour "enfumer" tout le monde) n'auront pas de mal à convaincre les politiques, les associations, voire Big Tobacco (on rappelle ici qu'une des premières grandes études testant le scanner comme moyen de dépistage du cancer du poumon était sponsorisée entre autres par les industriels du tabac : International Early Lung Cancer Action Project (I-ELCAP) reported in October 2006 in the New England Journal of Medicine (2006;355:1763-1771), de mettre le paquet.

Si j'ai un conseil à vous donner : investissez dans les fabricants de scanners, investissez dans les SEL de radiologie, dans les cliniques de radiothérapie, et cetera.

J'imagine que les lobbies sont en train de préparer le terrain en France. Je leur propose le plan d'action suivant : 
  1. Arroser les key opinions leaders (KOL) américains à l'origine de l'essai
  2. Faire rencontrer les KOL américains et européens avec les futurs key opinions leaders français choisis par Big Pharma parmi les experts les plus compétents et les plus compliants de la pneumologie française, de la radiologie, de l'oncologie, de la radiothérapie, de la thoracologie...
  3. Animer un groupe d'étude réunissant tous les acteurs du secteur
  4. Informer les parlementaires sur le manque de scanners en France
  5. Réunir dans des dîners en ville des membres de la DGS, de l'INCa, du HCSP, afin de préparer l'opinion
  6. Prévenir les ARS que le nouveau monde allait arriver : faire de l'annonce, de l'annonce, de l'annonce.
  7. Convaincre des journalistes influents d'inviter le professeur Khayat au Téléphone Sonne sur France Inter ou le professeur Even au Monde de la Santé ; des papiers dans Le Figaro ou dans Le Monde seraient les bienvenus. Bien entendu des "nègres" écriraient des dossiers de presse prêts à l'emploi ; les journalistes médicaux de la presse sponsorisée "écriraient" également des papiers
  8. Mettre sur le coup l'INVS qui produirait des données ad hoc justifiant de la future politique
  9. Fabriquer une lettre Infopoumon sur le modèle d'Infovac pour "guider" les futurs dépisteurs
  10. Commencer des essais cliniques en arrosant les meilleurs services de l'hexagone avec des promesses de publication en anglais dans les meilleures revues internationales ou en français dans des feuilles de choux impressionnant le Rotary ou le Lion's Club
  11. Préparer des diaporamas power point pour les différents médecins qui interviendront au palais des Congrès de Paris ou à celui de Romorantin...
  12. Editer des plaquettes d'information à destination des médecins généralistes, piliers du système de santé
  13. Faire entrer le nombre de patients fumeurs ou ex fumeurs ayant un médecin traitant dans les objectifs de la Nouvelle Convention capéifiée
  14. Surveiller la vente des quatre-quatre aux alentours des cliniques de radiothérapie ou des cabinets de scanneropulmonodépistage.  

Le veau d'or (Nicolas Poussin en illustration) du dépistage est en marche.
Une nouvelle sous-spécialité va être identifiée (elle existe déjà mais à faible échelle) : la nodulologie pulmonaire. Et cela va générer du chiffre !
 S'agit-il d'une prophétie ou d'une réalité déjà en marche ?

NB : Je vous propose de lire le commentaire de CMT à la suite de cet article. Il montre combien la réalité dépasse la fiction. Le texte, rapporté par CMT, est particulièrement éclairant (ICI) et illustre le point 2 de "mon" plan d'action. Merci également de citer le travail de Bernard Junod qui, décidément, est un empêcheur de penser en rond.


jeudi 1 décembre 2011

Turquie, hépatite B, bronchiolite : brèves de cabinet. Histoires de consultation 106, 107 et 108


106 - Epidémie de consultations d'hommes turcs au cabinet. Le gouvernement Erdogan est sur le point de faire voter une nouvelle loi concernant le service militaire. Jusqu'à présent les Turcs (de sexe masculin) devaient faire leur service militaire avant 38 ans s'ils souhaitaient entrer et sortir de Turquie à leur gré. Cela signifiait pour un travailleur turc émigré travaillant en France et qui était parti de Turquie avant d'avoir accompli le service militaire de payer 5000 euro et de faire un "stage" de trois semaines dans une caserne de l'ancien empire ottoman, stage qu'il devait faire pendant des congés payés ou en dehors. Cette nouvelle loi, quand elle sera promulguée, supprime l'obligation des 21 jours mais les 5000 euro deviennent 10000. Le remplissage du formulaire est d'une grande simplicité (et d'une grande inutilité). J'ajoute qu'un de mes patients, il y a trois ans, cancer du testicule, irradié, réopéré pour ganglions restants, a dû se battre pour être exempté : traduction en turc des CRO, des compte rendus de scanner, IRM, certificats à gogo (et à traduire aussi en turc par des traducteurs agréés) de la part des divers intervenants...

107 - Epidémie de vaccination contre l'hépatite B. Mademoiselle A, 34 ans, cadre hospitalier, que je connais depuis le plus jeune âge mais qui se faisait suivre en PMI pour les vaccins, vient me voir parce qu'elle a décidé d'arrêter la pilule et d'être enceinte. Nous faisons un peu le tour de la question et je consulte son carnet de santé que je n'avais pas vu depuis l'âge de 14 ans. Les vaccinations obligatoires sont franchement à jour. Elle n'est pas vaccinée contre la rubéole (???). Et je remarque ceci : elle a eu 7 injections de vaccin contre l'hépatite B ! Et au moins une fois (la dernière) on retrouve le nom du médecin du travail de l'hôpital comme injecteur. Ce charmant médecin a appliqué les directives sur l'hépatite B (il devait y avoir des points de CAPI !) et a négligé la rubéole (pas de points de CAPI). Et "on" lui a conseillé de se faire vacciner contre la coqueluche (points de CAPI ?). Sept injections versus hépatite B !
(Je rajoute ce lien car je l'avais oublié : c'était probablement le même médecin du travail du même hôpital : ICI, c'est désespérant)

108 - Bronchiolite : inflation thérapeutique. Les parents de la petite A, 7 mois, m'amènent leur enfant qu'ils avaient montrée il y a trois jours au docteur B (que je connais) en l'absence du pédiaaaaaatre, et qui "continue" à tousser. "Je vous avoue", dit le père, "que je suis crevé, je me lève à trois heures du matin" et "il faut faire quelque chose car les traitements du docteur B n'ont rien fait - Qu'est-ce que le docteur B vous a dit ? - Que c'était un début de bronchiolite. ". Bon. J'interroge la famille (la maman ne parle pas français, donc j'ai un filtre entre le père et la mère), pas de sifflements nocturnes, pas un poil de décalage thermique, j'examine l'enfant, elle a le nez qui coule (jetage postérieur pour faire chic), les tympans sont propres et nets, le pharynx est rouge, l'auscultation pulmonaire retrouve l'esquisse de l'esquisse de ronchus (les gens chics disent ronchi, pas moi) et pas un poil de freination expiratoire (mais il est seize heures et le wheezing en français est nocturne parfois, tout comme les sibilances). Je suis bien embêté : les parents sont inquiets et le traitement ne "marche pas". Quel traitement, au fait ? Accrochez-vous aux meubles : amoxicilline (50 mg / kg), célestène (trois milligrammes / kg), pivalone intra nasal, et nifluril en suppositoire. Il ne me reste plus qu'à compenser verbalement mon effarement non verbal à la lecture de cette ordonnance. Sans compter la prescription de kinésithérapie respiratoire que les patients n'ont pas suivie car, ayant déjà un enfant qui avait fait des "bronchiolites" à répétition, ils trouvaient que leur fille n'en aurait pas tiré bénéfice... Est-ce le traitement qui a rendu cette petite fille peu symptomatique, auquel cas : publions ? (Pour la bronchiolite, voir IC.

(Le Jugement dernier - Jérôme Bosch - 1482)