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dimanche 26 janvier 2014

Une invitation à déjeuner.


Mon ami le docteur B me demande l'autre matin si je veux venir les rejoindre déjeuner avec les docteurs C, D et E. Sympa, mais il ajoute que c'est un labo qui invite. Il sait que je ne le fais plus depuis un moment. Je lui dis que ça me fait hièche. Il me dit que je n'aurai qu'à payer ma part.
Je réfléchis.
J'ai envie de déjeuner avec D que je n'ai pas vue depuis longtemps. Quant aux autres, ce sont de très bons copains.
Le labo qui invite, c'est un petit labo, enfin, il ne fait pas partie des majors. Comment se fait-il qu'il ait encore un budget pour inviter des médecins à déjeuner ?
Ma position est claire : je ne réponds plus à ce genre d'invitations.
J'ai entendu dire que certains collègues acceptaient effectivement ces invitations et payaient leur part.
Ouais. Je n'y crois pas beaucoup. Non pas que les collègues mentent mais je me vois, manger, me dépêcher, à midi il y a toujours quelqu'un qui arrive en retard et un autre qui doit partir plus tôt, je serai pressé de retourner à ma consultation, le premier rendez-vous est à 13 H 30, je devrai me lever à quinze, demander au restaurateur combien je lui dois pour ce que j'ai mangé et le quart de la bouteille de vin que j'aurai bu en commun, un compte d'apothicaire.
Eh bien, c'est non.
Je rappelle B qui me dit "T'es con, tu fais bien des histoires, tu crois que je vais me laisser influencer par la nana et que je vais prescrire ses produits parce que j'aurai été invité ? C'est mal me connaître." Moi : "Oui, il y a un risque"

Je ne voudrais pas me faire passer pour un père la pudeur, pour un donneur de leçons ou pour un pur esprit.
J'ai longtemps reçu la visite médicale, pendant beaucoup plus longtemps que la période durant laquelle je lui ai refusé mon cabinet.

D'abord sans aucune réticence. Je ne voyais pas où était le mal. Jeune médecin incomplètement formé, à Cochin il y avait bien, à l'époque, des cours de pharmacologie clinique mais des cours de thérapeutique, que nenni, j'arrivais dans le monde réel où les acromégalies étaient rares (j'avais été l'externe de consultation privée du professeur Laroche où défilaient des acromégales, des cushings, des addison,...), les lupus très fréquents (j'avais été externe dans le service de rhumatologie du professeur Amor, remarquable clinicien où les staffs étaient consacrés à de rares maladies pour lesquelles, à l'époque, les traitements étaient soit peu efficaces, soit peu établis soit expérimentaux...), et cetera. En gros, mais ce n'est pas le sujet de ce billet, quand je suis sorti de la Faculté, en 1979, j'était prêt à tout et, en réalité, prêt à rien. J'étais donc ravi que des jeunes femmes et des hommes moins jeunes (à moins que cela ne soit l'inverse) m'apprennent les phlébotoniques, les anti hypertenseurs (c'était le début des produits "modernes", l'arrivée du captopril), les anti vertigineux, les vincamines, les dérivés de l'ergot de seigle, le tanakan, les "pommades", et cetera.
Puis en commençant à me poser des questions. Je ne savais pas à l'origine ce qu'était un essai contrôlé et, pour des raisons que j'expliquerai plus tard, je m'y suis mis. Et, du coup, les aides visuelles colorées me paraissaient moins colorées et plus sombres, et je regardais plus le décolleté ou les jambes des visiteuses que je ne me passionnais pour les produits, quoique, quoique, dans cette période j'étais encore animé par la frénésie  de la prescription, un syndrome = un médicament, une plainte = un médicament, une demande de patient = un médicament, ayant encore besoin de consolider ma clientèle à un moment où la concurrence entre médecins faisait rage. Si je commençais à réaliser que la visite médicale, les repas de labo (et je dois dire que j'étais assez content de me faire nourrir gratuitement dans des restaurants réputés où je ne serais jamais allé, non par manque de moyens, mais peut-être par manque d'esprit de découverte, et parfois avec ma femme...), les réunions de Formation Médicale Continue sponsorisées, les visites elles-mêmes, les prospectus, les recommandations bidons, les conférences de consensus autoproclamées, les études d'implantation pou faire prescrire des boîtes et grassement rémunérées, les études promotionnelles dont les dossiers patients étaient remplis en direct par la visiteuse et / ou le visiteur (on me dit que les dossiers de patients dans le cadre du ROSP sont remplis en direct par la DAM de la CNAM qui ressemble de plus en plus à une VM), c'était quand même trop, je ne réalisais pas combien cela m'influait.
Puis j'ai franchi le pas. Je me suis bien entendu demandé comment j'allais faire sans les post-it, les blocs, les spéculums, les otoscopes, les abaisse langues, les invitations à des week-ends de golf (je n'y joue pas), les dîners-ébats, les certificats pré imprimés, les tensiomètres, les couteaux suisses, ...
Ce n'est qu'ensuite que j'ai réalisé et que j'ai théorisé sur le influences néfastes de ces contacts ponctuels. Les malins et les affranchis me diront que j'ai mis le temps et que j'avais la tête bien dure pour ne pas avoir réalisé plus tôt. Ils auront raison.

J'ai donc refusé de déjeuner et j'ai ainsi échappé à la tentation. J'ai aussi échappé à mes certitudes dans le style "A moi on ne me la fait pas. Je suis un roc." Tu parles.

Autre chose encore : je ne me suis rendu compte que bien longtemps après que j'ai refusé tout repas sponsorisé que ces repas étaient profondément impudiques. Nous mangeons entre confrères, payés par l'industrie, avec un visiteur ou une visiteuse qui fera ensuite un rapport de réunion, et nous parlons accessoirement de médecine, de confrères, sous le regard et avec les oreilles de big pharma qui n'en perdra pas une miette, nous médisons, c'est le sport confraternel et nous disons du bien de nous en passant, nous qui avons la clairvoyance. Le secret médical, la confraternité, ils se sont évaporés. 

Ce billet est une ébauche et ne prétend pas à l'exhaustivité.
J'ai déjà écrit sur les liens et conflits d'intérêts (ICI par exemple) et Marc Girard a écrit un billet éclairant (LA). 
Je parlais donc du quotidien et non des grands principes. 

(Eugène Delacroix (1798 - 1863) - Faust et Méphistophélès 1826 - 1827)

jeudi 28 novembre 2013

Europe 1, Gardasil, JF Lemoine, Sauveur Boukris : une émission truquée, corrompue et incompétente.


J'ai écouté LA une émission sur Europe 1, de la maison Lagardère, celle qui finance le site Doctissimo. Vous pouvez l'écouter ICI. C'est un modèle de ce qu'il ne faut pas faire quand on est journaliste et un modèle de ce qu'il faut faire quand on est lobbyiste.

Le sujet était d'importance car il s'agissait de savoir, à propos du Gardasil, s'il fallait avoir peur des vaccins. Les invités d'Europe Soir étaient le docteur Jean-François Lemoine, le docteur Sauveur Boukris et Madame Corinne Lepage, que je cite en dernier pour ne pas la mélanger aux deux propagandistes.

Nicolas Poincaré, le journaliste généraliste, n'en a pas placé une, tétanisé qu'il était par Jean-François Lemoine, le docteur Europe 1, chef de rubrique et ne connaissant manifestement pas le sujet.

J'ai donc redécouvert pendant cette émission le docteur Jean-François Lemoine, visiteur médical de Sanofi-Aventis, dont les liens et conflits d'intérêt sont tellement importants qu'il est difficilement compréhensible qu'il puisse s'exprimer avec autant d'incompétence, cela mériterait une rupture de contrat de la part de ses employeurs : il pourrait non seulement être bon mais aussi faire semblant de ne pas être l'employé de big pharma. Dans une chronique matinale récente sur Europe 1, interrogé par Thomas Sotto (qui s'est fait rouler dans la farine), il avait innocenté le Gardasil en disant qu'il avait vacciné sa fille (preuve scientifique) et en omettant de signaler ses liens d'intérêt avec le laboratoire commercialisant Gardasil (non respect de la loi). Pour des informations sur le personnage : voir ICI ou LA.

J'ai entendu Corinne Lepage se faire massacrer par les deux médecins présents à part sur les sujets qu'elle connaissait bien et on a senti qu'elle avait compris avoir été invitée comme faire valoir.

En revanche, j'ai découvert le docteur Sauveur Boukris, médecin généraliste à Paris, qui écrit des livres que j'avoue n'avoir jamais lus, et dont j'ai pu constater, mais vous verrez sur pièces, qu'il s'agit d'un incompétent total (la validité intrinsèque de ses propos ne dépasse pas le niveau du Cours préparatoire car, objectivement, il ne sait pas lire).

Quelques exemples de ce qu'il a dit :

  1. SB affirme que le vaccin anti grippal est utile et efficace, "il n'y a pas de discussion" (je pourrais citer ce blog, des références, Cochrane, mais comment lutter avec un illettré ?, pour dire combien la communauté scientifique internationale se pose des questions sur l'efficacité du vaccin et propose quand même la vaccination parce que big pharma le vaut bien).
  2. SB ne connaît pas la différence entre principe de précaution et principe de prévention (et c'est là où Corine Lepage lui a cloué le bec) mais ce n'est pas une nouveauté dans le milieu médical français. 
  3. SB conseille le Gardasil à tout le monde et surtout aux femmes qui ont des antécédents de cancer du col dans leur famille… Là, nous sommes dans le sublime et dans une nouvelle AMB (Autorisation de Mise sur le Boukris)
  4. SB prétend que le vaccin contre l'hépatite est obligatoire, tout comme ceux de la coqueluche et de la méningite ! JF Lemoine ne dit rien, personne ne dit rien. Mais où exerce-t-il, ce docteur ? Connaît-il les textes, sait-il même quelque chose ? Il confond recommandation et obligation.
  5. SB assène que les vaccins sont plus contrôlés que tous les autres médicaments pour des raisons d'ubiquité (on en trouve partout) alors que ce sont les produits dont les AMM sont les plus brèves, pour lesquels le nombre de patients testés est le plus faible et qui sont réalisés le plus souvent dans l'urgence avec une pharmacovigilance réduite à sa plus simple expression (en durée alors que les données sur le pandemrix, voir ICI, indiquent que les manifestations cliniques de narcolepsie ont été très tardives ; à ce propos le grrrrrand journaliste JF Lemoine dit sans sourciller qu'avec le pandemrix, on sait, d'un air blagueur, sans dire un seul mot des victimes). Vous trouverez sur ce blog de nombreuses références et notamment sur le fait que pendant la pseudo pandémie les AMM se faisaient au cours des conférences de presse de la Ministre dont j'ai 50 raisons de ne pas citer le nom.
  6. SB ne connaît rien à l'histoire de la médecine quand il prétend que personne n'a mis de bâtons dans les roues de Louis Pasteur pour l'expérimentation du vaccin contre la rage. Il faudrait dire à SB que parce que Louis Pasteur n'était pas médecin il a été honni par les médecins, qu'il n'a été élu qu'à une voix près à l'Académie de Médecine et que l'on se moquait de lui quand il demandait aux chirurgiens de porter des gants pour opérer…
  7. SB affirme que la Fondation de Bill et Melinda Gates fait vacciner, c'est dire, une association caritative ne pourrait quand même pas tuer les gens et faire du profit… SB devrait lire ce qui est écrit sur le GAVI et, notamment par CMT, et sur le fait que son association désorganise les structures déjà présentes des pays en voie de développement et fait aussi beaucoup d'argent avec l'agro-alimentaire : ICI. Un article américain récent démonte les liens existant entre associations caritatives type GAVI et les grands trusts : LA.
  8. SB dit enfin que nous disposons des meilleurs virologues français et il cite un chercheur décédé et le professeur Montagnier. Ce dernier, comme on le sait, était un énorme clinicien qui soignait le pape Jean-Paul 2 avec du jus de fruits.
J'ai oublié de dire que le mot frottis n'a pas été prononcé, cela devait faire partie des éléments de langage à éviter dans cette émission. 

Quand y aura-t-il de vrais débats contradicoires ?
Quand cessera-t-on de donner dans la presse des postes de responsabilité à des journalistes sous influences et qui ne respectent pas la loi ? 
Quand invitera-t-on des médecins généralistes qui connaissent leur sujet ? 

Permettez-moi de vous proposer de relire le billet de CMT (docteur Claudina Michal-Teitelbaum) très complet sur le sujet : ICI, et de le signaler à Jean-François Lemoine et à SB pour qu'il puisse le mettre à l'index. Comme d'ailleurs le dossier de Med'Océan : ICI. Sur le site de Dominique Dupagne, un article mi chèvre mi chou mais volontiers opposé (à moins que je ne me trompe) à la vaccination par Gardasil : LA. Les commentaires sont passionnants et notamment ceux de CMT et notamment le premier, qui me paraît décisif, celui du 26 novembre à 00 : 02, que je reproduis in extenso (1)


Je viens de lire CECI sur le blog de JY Nau, les propos d'un médecin qui me paraissent grosso modo très avisés. Je rappelle aussi des éléments intéressants et libéraux sur le blog de Winckler : LA.


On me signale une offensive puissante de big pharma au niveau des Conseils Généraux pour que les PMI appliquent les recommandations du HCSP, organisme public sous la coupe des lobbys. J'y reviendrai.

(1) On peut aborder le problème sous plusieurs angles, mais, fondamentalement, l’idée qu’il serait licite de faire courir un risque, le moindre risque, à des jeunes filles de 11-13 ans en parfaite santé, pour obtenir un bénéfice on ne peut plus hypothétique et qui ne se manifesterait, s’il se produit un jour, qu’au-delà de l’âge de 40 ans, me paraît absolument contraire à la déontologie médicale et au serment d’Hippocrate.
Un angle pertinent pour traiter le problème me paraît être celui-ci. Il faut se poser la question de savoir si la décision de généraliser ce vaccin à toutes les jeunes filles correspondait à une stratégie cohérente de santé publique pour lutter contre le cancer du col. 
La réponse est indéniablement NON. D’un pont de vue de santé publique, la décision de généralisation de ce vaccin est totalement irrationnelle. Et il découle directement de ce raisonnement une évaluation de l’intérêt individuel de cette vaccination


Pourquoi ? 
D’une part, parce que les cas de cancer du col et les décès qui y sont liés, sont en diminution constante et rapide depuis plusieurs décennies en France d’après les données de l’INVS. Ainsi, la mortalité cumulée (risque total cumulé pour une femme de mourir par cancer du col pendant toute sa vie) a été divisée par six en 40 ans passant de 3,6 % pour les femmes nées en 1910 à 0,6% pour les femmes nées en 1950. Plus de 95% des décès surviennent après 40 ans. Actuellement, la mortalité estimée est de 800 cas (dernières estimations) pour 220 000 décès féminins par an en France alors qu’elle était de 1215 en 2000, soit UNE DIMINUTION, EN DEHORS DE TOUTE VACCINATION, DE 30% EN UNE DIZAINE D’ANNEES.


Pourquoi cette diminution ? Moindre promiscuité due à une plus grande conscience du risque de maladies sexuellement transmissibles graves comme le SIDA, utilisation plus fréquente du préservatif... et sans doute aussi le dépistage du cancer du col par frottis. 
Le dépistage par frottis est efficace pour diminuer la mortalité liée à ce cancer, des études l’ont démontré. Mais, en France, le dépistage est seulement recommandé et laissé à l’initiative des femmes, ce qui en diminue l’efficacité, un certain nombre de femmes se faisant dépister trop fréquemment, on parle alors de surdépistage, tandis que celles qui en auraient le plus besoin ne font pas de dépistage. 
Le remède serait simple : instaurer un dépistage organisé, comme cela a été fait pour le cancer du sein alors que le niveau de preuves d’efficacité était pourtant bien moindre pour ce cancer. 
Un dépistage organisé est un dépistage où l’on invite périodiquement les femmes à se faire dépister. Dans le cas du cancer du col on a défini une fréquence idéale qui serait de faire le dépistage tous les trois ans. Les études faites en population dans les pays scandinaves ont montré un parfait parallélisme entre le taux de participation au dépistage organisé et la diminution de la mortalité par cancer du col. Cela ne coûterait pas plus cher qu’actuellement, seulement le coût de l’organisation, car le nombre de frottis serait le même, à peu près, qu’actuellement, où une partie de l’ensemble des femmes pratiquent le dépistage trop souvent.


Voilà les données du problème en termes de santé publique.
Or, quelles sont les conclusions du groupe de travail qui avait été chargé d’examiner la question de l’intérêt, économique entre autres, de la vaccination par le vaccin contre le papillomavirus ? 
Le groupe de travail s’est fondé sur une modélisation de type mathématique et il a conclu qu’ON POUVAIT ESPERER UN BENEFICE SUPPLEMENTAIRE SUR LE NOMBRE DE CAS DE CANCER DU COL DE 16% (c’est-à-dire une diminution supplémentaire de 16% des cas de cancer, on ne parle pas de mortalité) DUVACCIN PAR RAPPORT AU DEPISTAGE ORGANISE. MAIS QUE CE BENEFICE SUPPEMENTAIRE N’APPARAITRAIT QUE DANS 70 ANS. De plus, ce maigre bénéfice ne pourrait être observé que si trois conditions irréalistes se réalisaient : 
1- il faudrait que le vaccin maintienne le maximum d’efficacité qui lui est attribué, de 70%, pendant 70 ans 
2- que le taux de vaccination des jeunes filles soit au minimum de 80% pendant 70 ans 
3- que le vaccin ne nécessite aucun rappel 
Si une seule de ces conditions n’était pas remplie, on ne pourrait espérer aucun bénéfice supplémentaire de la vaccination par le vaccin contre le papillomavirus par rapport au dépistage organisé, malgré son coût exorbitant et les risques qu’il fait courir à des jeunes filles en bonne santé. 
Ergo. 
Je ne peux pas développer toute l’argumentation ici, mais je renvoie à l’article que j’avais écrit chez docteur du 16.


(Illustration issue de l'article cité plus haut et que je vous invite à ouvrir car les liens sont absolument fabuleux entre les associations caritatives et les pricipaux trusts : Private philanthropy and conflicts of interest in global health)

jeudi 24 mai 2012

Infovac, organe de référence de la vaccinologie : une plaisanterie !


Lors d'une réunion que nous avions organisée pour rencontrer les médecins de PMI j'avais entendu cette phrase étonnante de la part d'une des médecins de la PMI présente et après que j'eus objecté deux ou trois trucs sur la politique vaccinale : "De toute façon, notre référence, c'est  Infovac."

Je savais déjà deux ou trois choses sur Infovac puisque je suis abonné à son bulletin mensuel d'information (LA). 
J'ai enquêté.
Je me suis rendu sur le site : ICI dont le slogan est Ligne directe d'information et de consultation sur les vaccins ! 
Quand je me rends sur un site je commence par chercher qui le finance. 
Je note en passant qu'InfoVac adhère aux principes de la charte HONcode (ce qui n'est ni une preuve d'indépendance ni une preuve de compétence : je vous propose de lire ce qu'en dit Dominique Dupagne : ICI et LA). 

Je clique sur Qui sommes-nous ? et j'apprends, non sans avoir bravé quelques fautes d'orthographe, que a)  "En aucune manière, InfoVac ne se substitue pas (sic) aux autorités de santé" ; b) "Infovac n'émet  aucune recommandation collective" ; c) "... relève parfois des incohérences dans les recommandations actuelles et en réfère aux autorités officielles." ; d) "InfoVac-France, c'est un réseau d'experts qui se sont donnés (sic) pour mission de répondre rapidement aux questions que se posent les médecins."; e) InfoVac est officiellement soutenu par la Société Française de Pédiatrie (SFP) et par l'Association Française de Pédiatrie Ambulatoire (AFPA) ; sur la page d'Accueil il y a également comme structures partenaires le Groupe de Pathologie Infectieuse Pédiatrique (GPIP dont le lien ne fonctionne pas sur le site) et l'Association Clinique et Thérapeutique du Val de Marne (ACTIV dont le lien ne fonctionne pas sur le site) ; f) "les experts d'InfoVac-France sont indépendants des firmes pharmaceutiques" ; g) "Robert Cohen et Claire-Anne Siegrist coordonnent les experts" ; h) "les comptes d'InfoVac sont gérés et contrôlés par l'administration d'ACTIV" (une recherche sur le net ne m'apprend rien sur ACTIV sinon des diaporamas et des articles mais pas de noms d'administrateurs). On peut lire aussi sur la page d'accueil une phrase étonnante : "Les informations répertoriées sur ce site ont été sélectionnées pour leur objectivité et leur valeur médicale et scientifique. Elles s'appuient essentiellement sur les recommandations officielles de vaccinations en France et à défaut sur des études scientifiques et/ou des articles publiés."


La liste des experts (ICI) permet de consulter la DPLI (Déclaration Personnelle de Lien d'Intérêt) de chacun comme la loi l'exige. 
Allez y faire un tour et vous saurez quels sont effectivement les liens d'intérêt de ces experts. Tous les laboratoires de vaccinologie sont cités, ou presque.
Il y a des experts plus aliénés que d'autres comme une certaine Weil-Olivier qui déclara sous serment lors de la Commission d'enquête sur la grippe A menée au Sénat (ICI) que lors de la grippe un enfant sur cinq faisait une forme en grave ou en mourait (repris sur le site Atoute : LA)... Cette dame déclare se faire payer ses frais de déplacement (elle est au RSA) et de conseils par GSK, Novartis, Medimmune, Baxter , Pfizer, Roche, SP-MSD. Comme un de ses confrères, Bruno Lina (ICI), elle doit penser que multiplier les sources de financement rend les liens inopérants et, surtout, empêche de dire n'importe quoi.
Quant à Emmanuel Grimprel, Pfizer est sa principale source de financement pour sa formation personnelle et pour acheter ses allumettes, il ne dit pas qu'il est membre du Comité Technique des Vaccinations (CTV). Ainsi ce confrère peut-il souscrire sans rire à "Les experts d'InfoVac sont indépendants des firmes pharmaceutiques" et à "InfoVac relève parfois des incohérences dans les recommandations actuelles et en réfère aux autorités officielles" : Emmanuel Grimprel travaille sur des essais cliniques Prévenar financés par Pfizer, siège au CTV qui décide de la politique de vaccination contre le pneumocoque, émet des recommandations avec le CTV et écrit, peut-être, dans Infovac que les recommandations du CTV sont erronées (parce qu'il était sans doute minoritaire lors de la prise de décision du CTV...). On y croit beaucoup.
Par une sorte de tautologie que personne ne remarque (ou que tout le monde remarque et que tout le monde tait) les mêmes experts payés par l'industrie pharmaceutique (Big Vaccin) siègent dans les institutions officielles (comme le CTV ou le Haut Conseil de la Santé Publique) et sont les visiteurs médicaux les plus fidèles de la politique gouvernementale (et de son bras armé, la Direction Générale de la Santé) qui, comme par hasard, est la même que celle développée par les argumentaires de l'industrie. Fonctionnaires d'Etat, leur devoir est de défendre la politique de Santé Publique, agents du service public, ils sont aussi soumis au devoir de réserve, comme les médecins de PMI, et passez muscade : pas de discussion.
Big Vaccin n'a donc pas besoin d'éditer une revue de promotion de ses produits puisque cette revue existe déjà, Infovac, et qu'elle est perçue par les centres de PMI et, je l'imagine, par nombre de médecins généralistes, ne parlons pas des pédiatres, à part un ou deux ils ne discutent jamais, comme un organe officiel et indépendant, il suffit donc à Big Vaccin de financer en sous-main, à coups de voyages, de chambres d'hôtel et d'études cliniques, les personnes qui écrivent dans Infovac. Bravo.
Et où est le débat ?
Il faut partir d'un constat : toute personne qui conteste la politique officielle vaccinale est, soit, cochez les cases, plusieurs choix possibles, un ignorant de l'histoire des sciences, un anti vaccinaliste primaire, un ennemi du progrès, un dangereux illuminé, un réactionnaire, un terroriste écolo, un ennemi du bien public, un partisan des Ténèbres.
Circulez, y a rien à voir.
En revanche, et là, pour le coup, c'est un mystère, quiconque croit sans réserve que les nouveaux antidiabétiques devraient être testés, que les statines ont des inconvénients, que les traitements de la BPCO ne sont pas très efficaces ou que l'on prescrit trop de médicaments aux personnes âgées, sont à ranger dans le camp des bons, des résistants à Big Pharma...
Deux poids, deux mesures.
Le lobby vaccinal français comprend donc toute une série d'institutions qui s'auto règlent et se renvoient la balle : le Ministère (qui fait souvent passer les intérêts économiques avant les intérêts généraux comme dans la sinistre affaire mediator), la Direction Générale de la Santé (qui joua un rôle si important pendant la "pandémie" grippale), Le Haut Conseil de Santé Publique (dont les buts sont très clairs : ... une instance d'expertise qui contribue à la définition des objectifs pluriannuels desanté publique et évalue la réalisation des objectifs nationaux de santé et qui est donc juge et partie et dont je peux vous faire apprécier la prose technocratique à propos de l'évaluation à mi-parcours du plan cancer 2009-2013 : Selon le HCSP, les orientations du Plan précédent sont consolidées, mais les dimensions structurantes des inégalités sociales et territoriales de cancer, du rôle du médecin traitant et des systèmes d’information sont insuffisamment déclinées.), le Comité Technique des vaccinations (dont la composition, outre les experts, de nombreux responsables d'administration aux ordres, permet tous les votes politiques), l'Agence de Nationale de Sécurité du médicament et des produits de Santé (ANSM) dont la Commission Nationale de Pharmacovigilance (que le monde entier nous envie et qui n'a rien vu passer depuis le mediator, le vioox, ou l'acomplia mais surtout qui ne voit strictement rien à propos des vaccins, le pandemrix ayant évité la France), l'InVS (dont les publications dans le BEH ne servent qu'à conforter la politique de Santé Publique décidée plus haut et dont chacun peut se louer de leur qualité  car écrites par des auteurs reconnus internationalement)... J'ai bien entendu "oublié" dans cette énumération institutionnelle le côté privé de l'affaire, à savoir les laboratoires de vaccinologie dont Sanofi-Pasteur-Mérieux qui ont leurs entrées et leurs sorties dans toutes les sphères politico-gouvernementales.
Où en étais-je ?

La lecture d'InfoVac est édifiante car leurs professions de foi sont démenties par les faits. Disent-ils, et pourquoi donc dire des choses aussi sottes, qu'ils n'émettent aucune recommandation collective, et ils ne cessent de le faire (ce qui n'est pas blâmable, une piqûre de rappel du calendrier vaccinal n'est pas forcément une mauvaise chose) ; disent-ils qu'ils sont indépendants de tout, de l'industrie, des autorités, de leur hiérarchie (sic), et il est difficile de les croire : pourquoi diraient-ils des choses différentes selon qu'ils sont sponsorisés, experts officiels ou chefs de service ? ; disent-ils que leurs informations sont validées et ils ne parlent que des informations validées par eux...
Nous demandons des débats contradictoires, nous demandons qu'il soit possible de parler à partir de données scientifiques mais il semble que cela soit impossible puisque les agents du service public sont soumis au devoir de réserve, c'est à dire qu'une fois que les décisions ont été prises dans le cénacle fermé des institutions autogérées, plus rien ne doit transparaître, on ne doit voir qu'une tête. Comme on disait jadis : ne pas donner d'armes à l'ennemi ou : ne pas désespérer Billancourt. Si vous voulez connaître un autre son de cloche, si vous voulez connaître le fiasco du Prevenar, si vous voulez vous informer sur les nécessaires incertitudes et débats scientifiques, ne comptez ni sur InfoVac, ni sur l'InVS, ni sur la DGS, lisez ailleurs (un peu de publicité pour CMT qui a remarquablement informé sur le contexte des stratégies vaccinales dans le cas de la rougeole, de la grippe, de la méningite C ou du papillomavirus, notamment)
Prendre les médecins et le grand public pour des crétins est une vieille façon de faire qui, je l'espère, va se dissoudre un jour ou l'autre et permettra à tous et à chacun, de se faire son idée, voire d'accepter une politique de Santé Publique que l'on n'approuve qu'à moitié mais qui nous paraît être une hypothèse pratique raisonnable. Sommes-nous à ce point des profanes à QI infamant pour que l'on ne nous délivre que des informations aseptisées, triées, digérées, exploitables par notre maigre cerveau ?
Chaque fois que je vois Robert Cohen s'exprimer à la télévision dans les émissions grand public, je ne peux que me lamenter en voyant fonctionner dans le vide un tel esprit. Mais il tente de ne rien comprendre puisqu'il s'est insurgé contre le fait que les recommandations sur les antibiotiques en ORL avaient été invalidées pour des raisons de conflits d'intérêt alors qu'elles n'étaient pas favorables aux laboratoires, selon lui (ICI).

Comment voulez-vous que les médecins de PMI puissent ne pas appliquer les directives et ne pensent pas qu'InfoVac soit l'organe central de la vérité vaccinologique ? Il faut être courageux, ne pas avoir peur de perdre son poste, être curieux, ne pas se contenter des publications officielles... Mais il n'en est pas moins vrai que certains tentent de faire bouger le cocotier. Courage !

InfoVac est la référence française en matière de vaccinologie selon le gouvernement de la République. Ce qui montre l'état du débat en Santé Publique dans notre beau pays.








vendredi 11 novembre 2011

Cancer du sein : le lobby politico-administrativo-industriel en marche !


Je ne vais pas revenir au fond, c'est à dire les arguments scientifiques alimentant la controverse sur l'évaluation des résultats du dépistage du cancer du sein, vous pouvez consulter "mon" dossier (très incomplet) ICI, je vais vous parler de la (lourde) machine qui a été mise en place pour contrer les "déviants", c'est à dire Bernard Junod pour les épidémiologistes, Marc Girard pour les pharmacovigilants ou Rachel Campergue pour les "profanes".
Les trente-troisièmes journées de la Société Française de Sénologie et de Pathologie mammaire se tiennent les 9, 10 et 11 novembre à Marseille, voir ICI, journées consacrées (et annoncées à grands coups de trompe) aux problèmes du sur diagnostic et du sur traitement, c'est le thème de ce Congrès. Vous pouvez vous extasier devant le programme (LA) et remarquer le nom des sponsors (page 5) ainsi que vous pouvez voir qu'il s'agit de journées à la gloire exclusive de Brigitte Séradour, dont vous pourrez constater sur Pub Med (ICI) l'étendue de ses publications internationales, puisqu'elle a droit à un forum le 9 novembre dans la matinée, à un poster à la pause, et à un forum l'après-midi. Bien entendu, il n'était pas question d'inviter les dissidents ou les refuzniks (permettez moi cette incursion dans le monde politique en espérant que vous ne penserez pas que j'atteins le point Godwin), il fallait rester dans "l'entre soi", celui des instances gouvernementales (avec la DGS en fer de lance), celui du Syndicat Officiel de la Prévention et du dépistage (auxquels appartiennent, dans le désordre, les oncologues, les gynécologues, les radiologues, les radiothérapeutes, les fabricants de mammographes, les fabricants de chimiothérapie, les fabricants de radiothérapie, et j'en passe...), celui de la CNAM (Brigitte Séradour a publié des articles avec Hubert Allemand, le Directeur médical, on se demande bien pourquoi le dépistage du cancer du sein est un item du CAPI...), celui des Agences Gouvernementales comme l'INVS, le joujou de la DGS et de Big Pharma, et j'en passe encore...
Et voilà que je tombe sur un article du Quotidien du Médecin, je reçois la news letter en push, revue dépendante s'il en est, LA. Un article extrêmement démonstratif et signé qui arrive, en quelques lignes, à aborder le problème du dépistage, à citer un "outlaw", Bernard Junod, une "déviante", Rachel Campergue, et à rassurer de façon convaincante sur le fait qu'il ne s'agit pas d'une épidémie de cancers du sein. La journaliste cite l'épidémiologiste Agnès Rogel, de l'INVS et de l'IRSN (Institut de Radioprotection et de Sureté Nucléaire), voir la présentation de la chercheuse ICI, qui affirme que le nombre de diagnostics du cancer du sein n'a pas évolué entre 2004 et 2008, qu'il est même en légère baisse, et, pour couronner le tout et de façon à rassurer tout le monde Ces données issues de la base nationale du dépistage organisé « concordent avec les données observées par l’assurance-maladie » Autant comparer des données biaisées avec des données faussées... La journaliste rapporte les propos de Brigitte Séradour qui "répond" aux objections (rapportées) de Bernard Junod (qui n'a pu défendre ses positions) affirmant que le surdiagnostic concernerait 5 à 10 % des cancers diagnostiqués de cette façon : « aucune évaluation nationale précise du surdiagnostic n’a encore été publiée ». On rappelle quand même que Brigitte Séradour était coordinatrice du suivi national du dépistage entre 2007 et 2010 : elle avait d'autres trucs à faire que de s'occuper du sur diagnostic qui est une donnée connue depuis des siècles... On croit rêver... Il est vrai qu'une de ses publications datant de 2004 (avant qu'elle ne devienne coordinatrice nationale, il fallait qu'elle donne des gages qu'elle ne ruerait pas dans les brancards, cela n'a pas l'air d'être son genre) et publiée dans la Revue du Praticien, revue de formation pour doctorants et docteurs, dont vous pouvez lire le résumé en anglais, ne s'intéressait qu'aux faux négatifs, pas aux faux positifs...


[Breast cancer: generalised screening in France from now on].

[Article in French]

Source

Groupe technique national auprès de la Direction générale de la santé, Association Arcades, hôpital de la Timone, rue Saint-Pierre, 13385 Marseille 5. arcades.marseille@wanadoo.fr

Erratum in

  • Rev Prat. 2004 May 31;54(10):1104.

Abstract

With the first randomised screening trials for breast cancer having proved in the 1980s the efficacity of screening, a more ambitious programme has been put in place in France from 1989 to 2001. Based on existing radiological structures, it consists of one image per breast, 2 readings, every 3 years. The management is departmental. It is rapidly completed by quality assurance programmes of the radiology companies. The evaluation of the screening programme has been undertaken by the VS since 1998 and uses the European indicators of efficacity. The results, heterogenous at the beginning, later improved: from 1990 to 1998, the percentage of small size invasive cancers or those equal to 10 mm increased from 30% to 35%, and the second reading has permitted, according to the departments, the detection of 10% to 25% of supplementary cancers. In 1999, the screening was modified: 2 images per breast, 2 readings [corrected] The protocol published in 2001 involves a clinical examination by a radiologist, 2 (or 3) images per breast, 2 readings if the examination is normal [corrected] The second reading is centralised and made by a specialised radiologist [corrected] The place for ultrasound and numerical mammography hasn't yet been defined. Since the beginning of 2004, the generalisation of the screening programme has been effective in France.
PMID:
15274453
[PubMed - indexed for MEDLINE]

Cela dit, notre journaliste naïve, finit par écrire que le taux de faux positifs est passé de 10 à 7 % entre 2004 et 2008 : Madame Séradour ne connaissait-elle pas ces chiffres ?
Je suis aussi allé sur google voir ce que la toile disait sur la dame en question : c'est une radiologue, elle a écrit de nombreux livres et, last but not least, elle a été membre de la DGS, tiens, tiens, et un de ses livres sort le 24 novembre 2011, livre dont le titre est exactement celui du Congrès marseillais... Ce ne sont plus des renvois d'ascenseurs...

Nous nous rendons compte une fois de plus que chaque fois que nous nous intéressons à un sujet, nous ne pouvons que ne pas être d'accord avec la façon de procéder des experts et qu'une enquête superficielle, même un journaliste pourrait la faire, nous renvoie à la collusion des organismes gouvernementaux entre eux, pour des raisons qui ne sont que trop évidentes et qui nous glacent d'effroi. Hier soir j'entendais Xavier Bertrand, faisant le fanfaron dans une émission télévisée, dire que l'on préparait une liste d'experts indépendants estampillés par le gouvernement pour oeuvrer à l'AFFSAPS : LOL.

Mais en réalité, le pourquoi du comment de ce post, outre le fait que le lobby politico-administrativo-industriel s'auto reproduit, pratique l'inceste et étale au grand jour et ses liens et ses conflits d'intérêt, c'est le commentaire (le seul) que j'ai trouvé à propos de l'article du Quotidien du Médecin (le mien devant être en train d'être modéré), et il était "gratiné". Le voici : « Pourquoi laisse-t-on une kiné parler d'un tel problème médical ? . Et, c'est noté : Profession : Médecin. Ce médecin a dû tomber de l'arbre il y a peu de temps. Il a dû passer son diplôme de médecine à Oulan-Bator (Mongolie). Il doit penser qu'une femme ne doit pas sortir de sa cuisine et le kiné de sa salle de soins...
C'était notre rubrique : nous ne sommes pas encore arrivés au fond de la piscine.

mardi 16 août 2011

Louis-Adrien Delarue dénonce les compromissions systémiques des Agences Gouvernementales et fait l'honneur de la médecine générale.


La thèse de Louis-Adrien Delarue (LAD) est un coup de tonnerre dans le monde bien en place du système de santé français.
Commencez par la lire : ICI.
Ou alors, pour vous donner envie de la lire, car une thèse de médecine, c'est peut-être dans votre souvenir aussi excitant qu'une FMC organisée par un laboratoire pour promouvoir la prescription d'un produit inutile dans une indication inutile, ou cela vous rappelle la vôtre, de thèse, aussi épatante qu'un article de Gérard Kouchner dans le Quotidien du Médecin et qui, en plus, vous a demandé un effort considérable et une honte bue pour la façon dont vous l'avez rédigée...
La thèse de LAD est d'abord une thèse courageuse.
Courageuse, car le fait de choisir un tel sujet aurait dû susciter des réticences à l'Université de Poitiers où elle a été acceptée dans son principe et soutenue.
Courageuse, car la façon de traiter le sujet a été pour le moins "directe" et non conventionnelle : LAD a mis les pieds dans le plat.
Courageuse, car l'auteur n'hésite pas à dire ce que beaucoup pensent tout bas sans le formuler de façon aussi convaincante.

Si la thèse n'était que courageuse elle passerait pourtant à côté de sa qualité primordiale. Car la caractéristique essentielle de la thèse de LAD est qu'elle est compétente. La compétence est une donnée fondamentale de la médecine. La compétence, c'est une attitude, quelque chose qui ne se décrète pas, c'est une vision portée par les autres, c'est une façon de se comporter, techniquement et relationnellement. Mais je m'arrête là : je n'ai jamais vu LAD, je ne connais que sa prose par mails interposés. C'est une impression de ma part.

La thèse de LAD est donc compétente car elle apporte des informations décisives.
Que ce soit un thésard qui en remette aux grands patrons, aux grands fonctionnaires (on dit "hauts fonctionnaires", pardon), à ceux qui écrivent des rapports pour le gouvernement, ou pour la CNAM, ou pour l'AFFSAPS, ou pour l'IGAS : chapeau !
Car LAD ne dénonce pas seulement, il expose des faits, donne des exemples, fournit des preuves. Et ces données évidentes, de nombreuses personnes les ont exposées ici ou là, sous le masque de l'anti capitalisme ou des bonnes intentions, mais la thèse de LAD n'expose que des faits déjà connus de beaucoup et qu'ils rassemblent.

La thèse de LAD est aussi une percée phénoménale contre l'académisme universitaire.
L'académisme universitaire qui se retranche derrière la méritocratie de ses diplômes mais pas la véritable méritocratie, celle qui se mérite à chaque instant.
L'académisme universitaire qui défend ses privilèges moraux et financiers et qui a cessé de s'interroger (mais vous me direz qu'il y a des exceptions, certes, il y a des exceptions, et heureusement, et fort nombreuses) sur ses pratiques.
Elle montre également et paradoxalement l'ouverture des universitaires de Poitiers qui ont accepté qu'elle soit écrite et soutenue bien qu'ils ne soient pas d'accord, a priori, ni avec ses tenants ni avec ses aboutissants ou qu'ils n'en comprennent pas les enjeux réels.

Cette thèse est donc une brèche.
Si j'en parle ici, c'est pour la populariser.
J'aimerais que tous les bloggers médicaux et non médicaux puissent la diffuser, l'expliquer, l'amplifier et la rendre indispensable à toute réflexion future sur la Santé Publique en France.

A mon sens, la thèse de LAD montre surtout que la vérité sur la médecine ne peut plus venir de l'Université toute seule comme le croient encore le pouvoir politique et ses experts inamovibles.
Elle montre que les universitaires, pas tous, bien entendu, on va me citer x ou y, z ou w, ont perdu le sens commun. Ils ont oublié dans quel monde ils vivaient. Ils ne perçoivent la Santé publique que comme un monde institutionnalisé s'arrêtant à la porte de leur institution, un monde partagé entre institution et media où les valeurs et préférences des citoyens sont à entendre par démagogie mais pas à écouter pour prise en compte sinon pour application. Ce n'est pas une déconnexion des élites mais une déconnexion des institutionnels vis à vis de ce qui vit en dehors de l'institution. Le phénomène est connu, décrit, répertorié, dénoncé mais il explose dans cette thèse.
La thèse montre que la vérité sur la médecine doit venir aussi et surtout des médecins généralistes et, ici, le fait qu'il s'agisse d'un doctorant en médecine générale, au milieu du gué, en quelque sorte, à cheval entre l'hôpital dont il est chassé et la médecine générale à laquelle il n'a pas été formé, est symptomatique également de notre propre sclérose et de notre incapacité à nous sortir de nos querelles intestines de médecins généralistes qui, au sein de leur position d'infériorité académique, ont cherché à se faire des positions de "bons" médecins généralistes, de donneurs d'alerte ou de whistle blowers (dénonciateurs du système)...

LAD a donc osé.
LAD a donc écrit et bien.
LAD est l'avenir de la médecine générale, une médecine générale qui publie, une médecine générale qui ne fait pas que récriminer, une médecine générale qui ne fait pas que dénoncer, une médecine générale qui affirme son identité et ses pratiques.

Je ne me fais pourtant pas dire ce que je ne veux pas dire : loin de moi l'idée d'idéaliser les pratiques de la médecine générale (voire ses agissements), loin de moi l'idée d'idéaliser les médecins généralistes qui ont cependant l'excuse de ne pas avoir été formés par leurs "maîtres" à la profession qu'ils allaient exercer (mais tout le monde le sait et tout continue comme avant et ne cesse même de s'amplifier), loin de moi de penser que les compromissions des médecins généralistes et de la médecine générale sont moins condamnables que celles des universitaires et des spécialistes libéraux...
Mais que les médecins généralistes qui réfléchissent, qui lisent, qui publient, qui tentent de respecter les équilibres fondamentaux de leur profession (dans le cadre, par exemple, de la Médecine par les Preuves), osent.
Osez dire, tel LAD, que les Agences Gouvernementales ne font pas leur boulot.
Osez dire, tel untel et untel, que les recommandations concernant la vaccination contre la grippe chez les personnes âgées ne sont pas fondées scientifiquement, que l'utilisation du tamiflu hors AMM est une vaste rigolade, que le dosage du PSA pour dépister le cancer de la prostate est plus néfaste que bénéfique, que l'utilisation des statines en prévention primaire est d'une inutilité criante, que les traitements dits préventifs de l'ostéoporose sont peu fondés et risqués, que la baisse à tout prix de l'HbA1C chez le diabétique est néfaste, que l'aspirine chez le diabétique n'est pas d'une évidence absolue...
La liste serait encore longue.
N'attendons pas de l'Université, celle qui ne nous a pas formés, qu'elle se remette en question et qu'elle chasse d'elle-même les marchands du Temple, prenons-nous en mains mais ne cédons pas à l'ivresse de notre nouveau pouvoir, continuons de mener nos combats contre nous-mêmes, aussi.
Lisez donc la thèse de Louis-Adrien Delarue.
Elle s'intitule :
Les Recommandations pour la Pratique Clinique élaborées par les autorités sanitaires françaises sont-elles sous influence industrielle ? A propos de trois classes thérapeutiques.
Les trois classes thérapeutiques sont les anti alzheimer, les antidiabétiques dont surtout les glitazones, les AINS dont surtout les coxibs. Elles ont conduit à 4 recommandations "gouvernementales".

Je voudrais souligner trois points fondamentaux qui paraissent majeurs dans cette thèse :

Aucune des quatre Recommandations pour la Pratique Clinique choisies pour cette thèse n’est conforme aux données acquises de la science.


Bon nombre des experts sont en situation de conflits d’intérêts majeurs et les autorités sanitaires dont ils dépendent, ne respectent ni les règles de transparence, ni les règles d’indépendance qu’elles s’étaient fixées ou que la loi leur impose.


Il est légitime de penser que ces guides de pratique clinique sont directement biaisés par l’industrie pharmaceutique.


Bonne lecture.

(PS : je me réserve la possibilité, privée, de faire quelques commentaires critiques sur cette thèse)

(François Marie Arouet, dit Voltaire. Crédit photographique : Wikipedia)

lundi 18 avril 2011

RETOUR DE VACANCES


Agra (Inde) : L'entrée du Taj Mahal - avril 2011 - (photographie docteurdu16)

A mon retour de ces vacances pratiquement sans internet (en Inde je me suis assez peu branché sur les wifi locaux) et après une première journée de travail où je me suis dit que les vacances étaient un médicament sans AMM, non remboursé par l'Assurance Maladie et avec un effet placebo notable (pour l'effet nocebo, je n'ai encore rien constaté), j'ai lu les nombreux mèls qui se sont déposés en couches dans ma boîte à lettre et j'ai eu le sentiment de l'infini : je n'étais pas là, mon nom n'apparaissait pas et les mêmes continuaient de discuter et les commentaires que j'aurais pu faire et qui, dans le feu de l'action, m'auraient paru urgents, devenaient, à force de ne pas les avoir écrits, déjà obsolètes. Ainsi le monde continue-t-il de tourner quand on n'ouvre pas (ou peu) son ordinateur.

J'ai réfléchi aux commentaires de mon anonyme favorite (CMT) et je me suis dit qu'il faudrait quand même que je réponde à Elena Copyright Pasca. Mais pas sur Pharmacritique, site valeureux mais qui ressemble de plus en plus à un autel au pied duquel viennent s'agenouiller les croyants et les adorateurs de la philosophe de Francfort, car il ne m'est pas possible de penser que mon message, selon qu'il plaira ou non à sa gouroute, sa Mère puisque je reviens d'Inde, sera ou non publié : j'y verrais une sorte d'instrumentalisation de ma pensée. Je répondrai donc, mais avec lenteur.

J'ai lu en diagonale les deux derniers numéros du British Medical Journal que je n'avais pas encore regardés et je me suis encore rendu compte que c'était la meilleure revue de médecine que je connaissais, celle du moins que je lisais avec le plus de plaisir, bien que le New England ne soit pas loin en qualité, mais un peu plus loin de mes préoccupations (légitimes) de médecin généraliste.
J'ai appris, entre autres, dans ces deux numéros que Big Pharma avait voulu censurer des articles à paraître dans Gastroenterology concernant Januvia et Byetta indiquant des risques de pancréatites et de cancers : ICI.
J'ai appris que les décès après chirurgie pour cancer du colon étaient, chez les Britishs, plus élevés que prévus, soit 5,8 % dans les 30 jours post op : ICI.
J'ai lu que le traitement de la bronchiolite était toujours aussi décevant : des données indiquent pourtant que l'adrénaline inhalée pouvait être intéressante chez les patients à domicile mais que chez les enfants hospitalisés, rien n'était concluant : ICI.
J'ai lu, à partir d'entretiens avec des médecins et des infirmières en oncologie, que les chimiothérapies terminales étaient, bien que considérées comme inutiles, proposées pour ne pas abandonner : ICI.

Je me suis dit que le blog de Borée était un vrai blog de médecin généraliste et que le niveau allait décourager son auteur.

J'ai encore réfléchi à la transparence à propos de commentaires, encore une fois sur Pharmacritique, mais aussi en reprenant des articles du site Formindep et je me suis dit qu'il fallait que j'écrive l'Article sur la question avec comme titre idiot : "Idéologie de la transparence et transparence de l'idéologie". J'ai remarqué sur le site du Formindep (et c'est repris sur Atoute) que le livre de Marc Rodwinn "Conflicts of Interest and the Future of Medicine" est vanté par un texte sorti d'Amazon, ce qui est quand même un conflit d'intérêt majeur quand on connaît les liens d'intérêt de cette firme avec la censure et son rôle majeur dans la disparition des petits libraires en France (c'est mon côté plus formindepien que moi, tu meurs).

Je n'ai pas eu le temps de commenter l'article de Sandblom sur le suivi pendant 20 ans de patients dépistés ou non pour le cancer de la prostate, article qui indique que cela ne sert à rien (ce qui va dans le sens de ce que j'ai toujours pensé). Je ne l'ai pas fait car je n'avais pas tout compris. Je vous propose de lire l'article en accès libre (ICI) et les commentaires, dont ceux du Formindep (ce qui m'a fait doucement rigoler car il s'agit d'un commentaire signé par 5 auteurs dont certains sont manifestement incapables de l'avoir écrit -- cela s'appelle comment quand c'est Big Pharma qui le fait ?), les autres commentaires sont très critiques et inspirés par le lobby urologique mais ne laissent pas d'être dérangeants.

Je n'ai pas encore eu le temps, non plus de commenter un article de Martin Winckler / Marc Zaffran sur son projet d'Ecole des Soignants (ICI), tellement décevant, tellement intellectuellement parigoparisien malgré l'éloignement canadien, tellement peu au courant de Carol Gilligan et de Joan Trento.

Du pain sur la planche.

dimanche 5 décembre 2010

EXPERT MONGERING OU LA FABRICATION DES EXPERTS


Les experts (Miami)

Introduction.
La crise de l'expertise révélée par la dernière "pandémie" grippale n'est toujours pas réglée. Les experts grippaux qui avaient fait des prévisions farfelues sur la gravité, le nombre de morts, l'utilisation des anti viraux ou la nécessité de la vaccination, sont toujours en place. Aucun n'a perdu son poste. Ils oeuvrent toujours dans les différents lieux de pouvoir et d'argent qui décident en France et à l'étranger de la politique vaccinale.
Cette immunité expertale n'est pas nouvelle et continue de faire des ravages car elle pervertit le système démocratique et le système dit méritocratique. L'inamovibilité des experts pose un problème majeur et, en France particulièrement, car elle est le stigmate du mépris des gens en place pour la nouveauté et la vérité. La cooptation des élites et l'impossibilité de la méritocratie absolue (qui signifierait qu'à chaque instant il faudrait comparer les mérites des experts) rendent compte de la paralysie de l'intelligence.
Il fut un temps où il n'y avait pas d'experts mais des "savants" dont l'autorité, à tort ou à raison, n'était pas discutée et dont les avis s'exprimaient dans des livres et des publications.
Désormais les "experts" sont exhibés dans les media et se congratulent en public ou font mine de s'écharper sous le contrôle bienveillant des Autorités qui n'hésitent pas à organiser des émissions télévisées pour faire passer leur message au nom de l'intérêt général ou de la morale publique. Si bien que le public au sens large navigue entre deux extrêmes, la déférence aveugle et la défiance généralisée.
Il existe une telle perversion du raisonnement que, par exemple, les sites spécialisés dans la dénonciation des rumeurs (ici), plutôt que de dénoncer le "complot" grippal préfèrent stigmatiser le "complot" anti vaccinal. Sous prétexte que les rumeurs anti vaccinales seraient plus graves que les rumeurs anti grippales.
Un autre aspect de la crise expertale provient des soupçons de collusion financière entre l'industrie et les dits experts. C'est ce qu'on appelle les liens d'intérêts. Là aussi le jugement navigue entre deux extrêmes : les uns prétendent qu'il est normal que les experts, en raison de leurs compétences, participent à des programmes de recherche fondamentale ou clinique en collaboration avec l'industrie qui supplée les organismes publics qui manquent de fonds et d'autres voudraient que les experts cherchent dans leur tour d'ivoire et coupent tout lien avec le pouvoir politique et économique (les fabricants).
Il est ainsi difficile d'entendre les experts qui mangent à tous les râteliers (et qui s'en vantent) et de ne pas dénoncer leur naïveté qui leur fait oublier que qui paie commande. Il est impensable de penser qu'en travaillant avec Big Pharma le matin on puisse penser autrement le soir quand on travaille dans son laboratoire ou dans son service.
Il est tout aussi difficile de prôner, à l'instar du Formindep (ici), une indépendance absolue des experts vis à vis de Big Pharma condamnant ces experts à des recherches publiques qui sont elles-aussi pleines de liens d'intérêts financiers (salariat) et académiques (promotion), quand il ne s'agit pas de liens idéologiques (syndicaux).
Nous dirons aussi un mot de l'idéologie de la transparence qui semble être très à la mode. La nécessité de déclarer ses liens d'intérêts telle que cela est défini par la Loi chaque fois qu'un expert "conseille" médiatiquement n'est pas appliquée actuellement. Nous ne nions pas qu'il faille être informé des liens mais nous ne pouvons pas penser que ces liens décrédibilisent a priori les propos de celui qui les a déclarés. Car, comme nous l'avons déjà dit ailleurs dans ce blog, les liens les plus pervers sont les liens cachés non financiers (idéologiques, académiques, amoureux, amicaux) liés, si j'ose dire, à des intérêts pervers comme l'ego, la paranoïa ou la haute estime de soi. Cette recherche absolue des liens (quelles sont les limites ?) conduit au totalitarisme car, et c'est peut-être malheureux, le secret est une donnée primaire anthropologique de l'humanité. On ne doit pas soupçonner la femme de César, certes, mais sa maîtresse ? Et qui connaît ou connaîtra la maîtresse de César : les détectives privés payés par les avocats ou les Commissaires politiques ?... La transparence "totale" est une idiotie, les êtres humains sont liés dès leur naissance : lire ou relire Lucien Malson (Les Enfants Sauvages in 10/18).
Pour terminer, je voudrais signaler un des écueils majeurs de l'expertise, c'est à dire l'hyper spécialisation. Il existe, mais nous le reverrons, des niches expertales qui permettent à un expert, à partir d'une publication de jeunesse, de rester le spécialiste de ce sujet pendant toute sa vie académique. Or l'hyper spécialisation conduit à l'hyper ignorance : on s'en aperçoit quand le spécialiste mondial du genou droit se met à parler du genou gauche par projection, extrapolation ou approximations, ce qui rend son propos peu convaincant...

La fabrication des experts ou expert mongering (cette idée m'a été suggérée par des conversations avec Marc Girard).
Tout cela est bien beau, me direz-vous, mais quid de l'expert ? S'il est expert, Madame Michu, c'est qu'il a des compétences... et des talents.
Les experts bio médicaux sortent tous du milieu universitaire et académique.
Ces experts ont donc été nommés, comme on dit, sur leurs Titres et Travaux.
Prenons deux ou trois exemples d'experts qui parlent à la télé et à la radio.
Exemple numéro 1 : le professeur P1 a suivi la filière classique de l'université française, il est Professeur des universités et chef de service dans un CHU. Il est membre de la Société Française de Pédiatrie, membre de la Société Internationale de Pédiatrie, expert auprès de l'OMS, membre de la HAS (Haute Autorité de Santé), membre du HCSP (Haut Conseil de la Santé Publique) et expert auprès des Tribunaux. Sans compter son élection à l'Académie de Médecine. Quand, entre ses apparitions à C dans l'air ou ses participations au Téléphone sonne, peut-il examiner des malades ? Et qui oserait lui demander, avant de parler au journal de TF1, et selon l'Article L.4113-13 du Code de la Santé Publique, quels sont ses liens d'intérêt ?
Exemple numéro 2 : Madame P2 est chef de service à l'AFSSAPS, elle a publié une thèse intitulée La Recherche biomédicale, un enjeu économique pour la France, elle a d'abord travaillé à la DGS (Direction Générale de la Santé) puis elle a été Maître de Conférences à Sciences Po Paris avant d'intégrer l'agence gouvernementale. Sa thèse a été largement facilitée par Big Pharma et, ayant acquis une expertise expertale grâce à Big Pharma, elle est allée se "blanchir" dans l'Administration où, sans nul doute, elle a oublié ce qu'elle devait à Big Pharma.
Exemple numéro 3 : le professeur P3 est chercheur dans un organisme semi public, ses fonds de recherche dépendent à plus de 50 % du privé et ses recherches débouchent parfois sur la mise au point de médicaments. On l'interroge à la télévision sur sa spécialité et nul doute que lorsqu'il mange chez lui, il coupe sa viande avec un couteau indépendant de l'industrie et met la viande à sa bouche avec une fourchette d'Etat.
Exemple numéro 4 : le professeur P4 et comment il est devenu expert. Une visiteuse médicale hospitalière l'a remarqué quand il était jeune Chef de Clinique Assistant à l'Assistance Publique de Paris pour ses qualités d'orateur et sa façon d'animer des réunions (et de parler des nouveaux produits). Le laboratoire a donc commencé par le rémunérer pour ses interventions, le promener en France à droite et à gauche, lui demander d'écrire des articles pour des revues de pacotille, l'intégrer dans des programmes d'essais cliniques (sous l'autorité de son patron) puis l'aider à publier (ghost writers) pour des revues de bonne qualité nationale, lui permettre de se rendre dans des congrès nationaux et surtout internationaux tous frais payés, d'abord comme touriste puis comme intervenant (le laboratoire fabriquant les textes, les diapositives, la traduction en anglais... puis en fournissant l'ordinateur, la présentation Power Point quand l'ère de l'informatique est arrivée...). Les articles en français puis en anglais signés en premier (avec le nom de son patron en dernière position) et publiés, grâce à la force de frappe du Laboratoire dans de bonnes puis de très bonnes revues internationales (ce qui ne pouvait manquer de flatter le patron tout juste capable de prononcer trois mots dans la langue de Pfizer), sont devenus la substance de ses Titres et Travaux qui le conduiront à l'agrégation... Bien entendu le futur professeur P4 est devenu incontournable pour les sociétés savantes de sa spécialité, il a également compris qu'il ne devait pas seulement travailler pour le laboratoire L1 et accepter d'autres participations pour ne pas passer aux yeux de ses collègues et de ses supérieurs qui voteront un jour pour sa nomination à l'agrégation, pour l'expert exclusif du laboratoire L1, il est ainsi devenu indispensable pour les think tanks des autres laboratoires (L2, L3 et L4) et intégrés dans d'autres essais cliniques... Tant et si bien que le futur professeur P4 a acquis non seulement une stature nationale mais aussi internationale et que, son niveau en anglais augmentant, il s'est vu confier des participations à des Comités Scientifiques Internationaux, il a animé des débats Pro / Cons, et cetera. Une fois nommé professeur, il s'es imposé dans les Agences Gouvernementales, dans les Société Savantes internationales, et on a commencé à le voir un peu partout dans les médias... Il s'est imposé, on l'a imposé, comme expert et ses nombreux jetons de présence, loin de le disqualifier, l'ont rendu, bien au contraire, encore plus raisonnable et écoutable.
Exemple numéro 5 : Madame P dirige la pharmacovigilance à l'AFSSAPS. A ce titre elle publie des articles collectifs à partir des données recueillies par les Centres régionaux de Pharmacovigilance et à partir des essais initiés par l'Agence dans le cadre du suivi des molécules post commercialisation, soit dans le cadre des Agences gouvernementales. On peut retrouver ses publications dans Pub Med. Ce qui est intéressant c'est que sa compétence, elle l'a acquise APRES sa nomination, Pub Med ne montre en effet rien de très probant avant cette nomination... Il est probable que ce sont ses fonctions gouvernementales et non sa compétence expertale antérieure qui lui ont permis, ENSUITE, de publier dans de bonnes revues.

Conclusion (provisoire) :
La fabrication des experts ne se fait pas seulement à coups d'accointances politiques (la nomination des professeurs agrégés et des chefs de service obéit aussi à une logique de bloc UMP / PS), d'argent de Big Pharma qui finance tout depuis le portable Mac jusqu'à un dîner chez Gallagher à New-York City, de postes gouvernementaux à vie (je passe de l'administration A à l'administration B ou j'obtiens un droit de sortie pour gagner plus d'argent chez Big Pharma avant de faire un retour remarqué dans une Agence Internationale, OMS, UNESCO ou ONU) ou de petits services rendus entre copains, elle se fait aussi en fonction de la belle gueule ou du bon bagout (un bon client) pour les émissions médiatiques. Ce qui fait que tel expert autoproclamé ou élu par les médias qui ne pourrait pas faire un exposé devant ses pairs tant il serait moqué et critiqué, se permet de faire le malin à TF1 ou sur France 5 en toute impunité.



Cette fabrication des experts peut aboutir à des résultats scientifiques corrects mais rien n'est moins sûr. Des solutions ? Une meilleure divulgation des liens d'intérêt n'est pas suffisante mais elle est un début car elle permettrait déjà de calmer l'arrogance des experts. Etablir une distance statutaire à l'égard des organismes publics dirigés directement par le pouvoir politique ne serait pas inutile. Organiser de vrais débats contradictoires, pouvoir obtenir un droit de suite, et cetera...

La discussion est ouverte.

PS du 25 février 2013 : magnifique article sur les cadeaux aux étudiants en médecine US : le curriculum caché. ICI


jeudi 22 avril 2010

LE DOCTEUR BORIS HANSEL FAIT DE LA PUB


Ce brave garçon, chef de clinique en endocrinologie à l'Hôpital de la Pitié-Salpétrière, fait de la pub sur France 2 dans l'émission Télé Matin dont il est possible de dire que les "journalistes" scientifiques ne connaissent rien à la réglementation sur la déclaration des liens d'intérêt.
Ce brave docteur est interrogé par une certaine Christelle Ballestero qui a fait son sujet sur le périmètre abdominal, notion contestée et contestable. Cette journaliste a elle-aussi des conflits d'intérêt : ici avec le cranberry.
Il s'agit de promouvoir une campagne de mesure du tour de tailles des patients hommes et femmes dans les pharmacies ! Le syndrome métabolique est de retour ! Après l'échec d'un médicament dont le critère intermédiaire d'efficacité était la diminution du tour de taille, que nous prépare Big Pharma ? A moins que le docteur Hansel ne soit là que pour vendre son livre. Toujours est-il qu'on voit un brave pharmacien qui mesure la taille d'un homme et d'une femme habillés et qui leur donnent des conseils hygiéno-diététiques pour prévenir les problèmes cardiovasculaires.
La maman de Boris Hansel doit être fière que son fils passe à la télé.
Le Conseil de l'Ordre des médecins ne devrait pas être fier.
Car le bon docteur Boris Hansel, endocrinologue dans le public, n'a pas parlé de ses conflits d'intérêt.
Vendre son livre qu'il promeut sur un site "scientifique".
Faire de la surenchère sur un site connu pour sa dépendance éditoriale et financière à Big Pharma. Voici le titre : Le syndrome métabolique : Désamorcer maintenant une véritable bombe à retardement. Selon une bonne vieille tactique de la stratégie de Knock : dramatiser, faire peur... Voir ici sur ce blog.
Faire plaisir à ses sponsors : comme Danone.

Quand des reportages aussi nuls cesseront-ils de passer sur la télévision publique ?
Quand le décret sur la déclaration des liens d'intérêt sera-t-il respecté (Art. L4113-13 du Code de la santé publique) ?

jeudi 18 février 2010

FRANCOIS BRICAIRE EST PAUVRE : ORGANISONS RAPIDEMENT UN BRICAIROTHON !


En écoutant les propos de François Bricaire sur France-Info (il répondait aux questions d'un journaliste dans une émission sur le bilan de la grippe A/H1N1v à laquelle participait Marc Girard) j'ai eu la larme à l'oeil. La recherche française dont, sans nul doute, le professeur Bricaire est l'un des plus éminents fleurons (les gens qui le connaissent riront, ceux qui ne le connaissent pas n'y verront aucun humour), ne peut voyager. François Bricaire, le fameux fils de son père, l'éminent Henri Bricaire, endocrinologue qui nous apprit deux ou trois choses à Cochin dans les années soisxante-dix (et je ne peux résister à la vieille plaisanterie sur la famille Debré : le père était un aigle -- le fameux Robert Debré "inventeur" de la pédiatrie française--, le fils un faucon -- l'éminent Michel Debré, un des pères de la Cinquième République-- et le petit-fils un vrai c..., chef du service d'urologie de l'hôpital Cochin où fut opéré Mitterrand mais pas par lui), a besoin, pour rencontrer les éminents chercheurs internationaux en infectiologie de se faire payer ses voyages à l'étranger par Big Pharma. Il est vrai que ses faibles émoluements de chef de service ne lui permettent pas de prendre un billet de deuxième classe et un hôtel deux étoiles lors du prochain congrès de l'ICAAC (International Conference on Antimicrobial Agents and Chemotherapy) qui est la référence mondiale et qui se tiendra à Boston en septembre prochain. Il préfèrera la classe Affaires et le Grand Hyatt ainsi que tous les faux frais (repas et excursions) !
Il est donc temps d'organiser un Bricairothon afin que notre grand chercheur national, expert de toute l'infectiologie française, expert des vaccins et de tout le reste, puisse assister, sans l'aide de Big Pharma à ce Congrès où ses confrères du monde entier attendent ses communications avec un enthousiasme qui, espèrons-le, sera communicatif.
Il est temps de l'affranchir des influences néfastes de Big Pharma et qu'il puisse rencontrer ses amis internationaux qui ne manqueront pas de le fêter lorsqu'il arrivera dans sa suite...
A moins qu'il ne décide, comme le grand expert indépendant Bruno Lina qui a donné sa méthode, infaillible pour être indépendant et devenir insensible aux conflits d'intérêts, dans la même émission de France-Info, à savoir accepter toutes les sollicitations, prendre l'argent d'où qu'il vienne et, ainsi, en ayant mangé à tous les rateliers, et des rateliers concurrents, précise-t-il, ne plus se rappeler d'où venait l'argent et agir en toute sérénité. Nous croyons rêver.
Quand nous aurons les données chiffrées du coût prévisible du déplacement du professeur Bricaire à Boston, rien n'est encore précisé sur le site de l'ICAAC, nous ne manquerons pas d'organiser une levée de fonds afin que notre chercheur national et expert dans le même métal puisse désormais parler en toute franchise dans les nombreuses émissions où il est invité.
Sauvons le soldat Bricaire !

jeudi 21 mai 2009

CONFLITS D'INTERETS : TENTATIVE DE DEFINITION

Le monde anglosaxon est plus en avance que nous dans la chasse aux conflits d'intérêts. Nous en avons souvent rendu compte ici.

Cette avance est liée essentiellement à une prise de conscience qui fait souvent défaut en France (pour les autres pays je laisserai les commentateurs ad hoc faire leurs commentaires) pour des raisons qui tiennent autant à la méfiance devant l'argent (ce qui peut paraître contradictoire mais ce qui s'explique par ceci : on touche l'argent mais on n'en parle pas) qu'à la méritocratie académique qui rend les experts intouchables.

Ce manque de réalisme vis à vis des influences possibles de différents facteurs extrinsèques sur les jugements que l'on peut porter sur toute chose ne se limite pas, bien entendu, au domaine de la médecine, mais touche tous les secteurs de la société.

Restons dans la médecine.

Un commentaire en ligne de Robert Steinbrook dans le New England Journal of Medicine du 21 mai 2009 à propos du dernier rapport (29 avril 2009) de l'Institute of Medicine (IOM) permet de mieux comprendre l'état d'avancement des esprits étatsuniens en ce domaine.

Je vous propose de lire les deux articles mais j'ai surtout retenu la définition que donne l'IOM de ce qu'est un conflit d'intérêts.

"Un concours de circonstances qui crée le risque qu'un jugement professionnel ou des actions relatifs à un intérêt primaire soient injustement influencés par un intérêt se condaire.

"Les intérêts primaires sont : promouvoir et protéger l'intégrité de la recherche, le bien-être des patients et la qualité de la formation médicale.

"Les intérêts secondaires peuvent inclure non seulement un gain financier mais aussi le désir d'avancement professionnel, la reconnaissance d'une réussite personnelle et des faveurs pour des amis et de la famille ou des étudiants et des collègues.

"L'IOM ajoute que les intérêts financiers sont souvent mis en avant notamment auprès de l'opinion publique mais qu'ils ne sont nécessairement pas plus graves que les autres intérêts secondaires ; ils sont en revanche plus objectivables, plus opposables, plus quantifiables et plus réglementés en pratique de façon équitable"


Voilà de beaux sujets de réflexion et nous reviendrons sur les conséquences que cela peut avoir pour chacun d'entre nous. Je me place encore une fois au niveau de la morale individuelle ne me sentant pas le droit ou le devoir de me substituer à la conscience des autres.

PS (du 2 octobre 2012) : Bel article canadien sur le sujet : ICI